J-02-03
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETES ANONYMES – ARTICLE 449 AUSCGIE – APPLICATION AUX BANQUES ET AUX ETABLISSEMENTS FINANCIERS (OUI).
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETES ANONYMES – POSSIBILITE DE CREER UN POSTE DE VICE-PRESIDENT A L'OCCASION DE L'HARMONISATION DES STATUTS DES BANQUES ET ETABLISSEMENTS FINANCIERS (NON).
Les dispositions de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE étant d'ordre public, elles s'appliquent à toutes les sociétés commerciales, y compris aux banques et aux établissements financiers entrant dans cette définition juridique. Par suite, l'article 449 de cet Acte, relatif à la réglementation des cautions, avals, garanties et garanties à première demande, s'applique aux banques et aux établissements financiers.
Les dispositions de l'Acte uniforme étant d'ordre public et ne prévoyant pas la possibilité de créer un poste de vice-président pour l'administration d'une société anonyme, la création d'un tel poste pour les banques et établissements financiers constitués sous cette forme est impossible, fût-ce à l'occasion d'une harmonisation des statuts en application de l'article 909 AUSCGIE.
Article 909 AUSCGIE
(Avis de la CCJA n° 2/2000/EP du 26 avril 2000, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 73).
ORGANISATION POUR L'HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET ARBITRAGE (CCJA)
Demande d'avis n°02/2000
République du Sénégal
AVIS N°02/2000/EP
Séance du 26 avril 2000
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, réunie en formation plénière à son siège le 26 avril 2000.
Vu le Traité de Port?Louis du 17 octobre 1993 relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, notamment en ses articles 10 et 14; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), notamment en ses articles 9, 53, 54, 55 et 58; Vu la requête d'Avis consultatif de la République du Sénégal en date du 06 décembre 1999 enregistrée au greffe de la Cour le 06 décembre 1999 et ainsi libellée
« J'ai l'honneur de vous saisir sur le fondement des dispositions des articles 14 alinéas 1 et 2 du Traité du 17 octobre 1993 et 53 du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, en vue d'obtenir votre avis consultatif sur les questions suivantes
Première question
Portée de l'article 449 de l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE ?
L'article 449 dudit Acte Uniforme dispose
« Les cautions, avals, garanties et garanties à première demande souscrits par la société pour des engagements pris par des tiers, font l'objet d'une autorisation préalable du Conseil d'administration. »
Vu la requête d'Avis consultatif de la République du Sénégal en date du 06 décembre 1999 enregistrée au greffe de la Cour le 06 décembre 1999 et ainsi libellée
Les cautions, avals, garanties et garanties à première demande souscrits par la société pour des engagements pris par des tiers, font (objet d'une autorisation préalable du Conseil d'administration.
Le Conseil d'administration peut,dans la limite montant total qu'il fixe, autoriser le président directeur général ou le directeur général, selon le cas, à donner des cautions, avals, garanties ou garanties à première demande.
Cette autorisation peut également fixer, par engagement, un montant au delà duquel la caution, l'aval, la garantie ou la garantie à première demande de la société ne peut être donnée. Lorsqu'un engagement dépasse l'un ou l'autre des montants ainsi fixés, l'autorisation du Conseil d'administration est requise dans chaque cas... »
Ces dispositions de (article 449 de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés et du GIE, s’appliquent-elles aux banques et établissements financiers ?
En tous cas, il convient de rappeler que, tenant compte de la spécificité des opérations de ces établissements, l'ancienne législation sur les sociétés, excluait expressément ces organismes du champ des sociétés devant recourir à une autorisation préalable de leur Conseil d'Administration pour la garantie des engagements pris par des tiers.
C'est pourquoi votre Avis consultatif est sollicité sur la portée de l'article 449 ci-dessus.
Seconde question
L'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique, ne prévoit pas expressément l'institution du poste de vice-président dans les organes dirigeants des sociétés anonymes, notamment des banques et établissements financiers.
Est-il possible, dans le cadre de la mise en harmonie des statuts des sociétés anonymes avec les dispositions dudit acte uniforme, d'instituer un poste de vice-président dans les organes dirigeants des banques et établissements financiers ? »
Vu les observations de la République du Tchad du 10 février 2000 enregistrées au greffe de la Cour le 23 février 2000.
Sur le rapport du juge João Aurigemma CRUZ PINTO.
Émet l'Avis ci-après
Sur la première question
Les dispositions de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Économique étant d'ordre public et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit l'objet, l'article 449 dudit Acte Uniforme s'applique aux Banques et aux Etablissements financiers entrant dans cette détermination juridique. Les seules dérogations admises sont celles prévues par l'Acte Uniforme lui-même qui renvoie à cet égard aux dispositions législatives nationales auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier.
Sur la seconde question
L'article 909 de l'Acte Uniforme concerné ayant édicté que « la mise en harmonie a pour objet d' abroger, de modifier et remplacer, le cas échéant, les dispositions statutaires contraires aux dispositions impératives du présent Acte Uniforme et de leur apporter les compléments que le présent Acte Uniforme rend obligatoire », il s'ensuit qu' il ne peut être possible, sans dénaturer et violer l'objet de cette mise en harmonie ainsi juridiquement et restrictivement circonscrit, d'instituer dans ce cadre spécifique, un poste de vice-président dans les organes dirigeants des sociétés commerciales visées par la demande.
Le présent Avis a été émis par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA en sa séance du 26 avril 2000 à laquelle étaient présents
MM. Seydou BA (Président);
Jacques MBOSSO (Premier Vice-président);
Joao Aurigemma CRUZ PINTO;
Doumssinrinmbaye BAHDJE;
Maïnassara MAIDAGI;
Boubacar DICKO (Juges).
Assistés de M. Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Le présent Avis a été signé par :
Le Greffier en chef, Pascal Edouard NGANGA et le Président, Seydou BA.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
La réponse négative de la CCJA à la question de savoir si l'article 449 de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales, réglementant de façon stricte les cautions, avals, garanties et garanties à première demande souscrits par une société anonyme en faveur des tiers ne peut être qu'approuvée. En effet, les dispositions de cet Acte uniforme sont d'ordre public (article 2) et ne subissent des dérogations que si l'Acte lui-même le permet expressément.
I. Or, ce n'est pas le cas de l'article 449 qui n'écarte pas de son domaine d'applications les banques et établissements financiers. Il est probable que, pour des raisons d'opportunité, une telle dérogation soit souhaitable dans le domaine bancaire; rien n'interdit au législateur qui a créé la loi-cadre bancaire (le législateur UEMOA ou CEMAC, en l'occurrence) de prévoir une telle exception par modification, en ce sens, du texte de cette loi. Rien ne l'en empêche, comme le suggère et l'y invite l'article 916 de l'Acte uniforme, en vertu duquel cet Acte "n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier."
II. Le refus de considérer comme possible la création d'un poste de vice-président, en revanche, ne peut être approuvé qu'avec réserve. Il nous paraît essentiel, en effet, de distinguer deux plans : les rapports de la société avec les tiers et ceux internes à la société, à savoir, d'une part, entre les organes et les associés et, d'autre part, entre les organes eux-mêmes de la société anonyme. Dans les rapports avec les tiers, la société de peut opposer l'existence d'un tel poste pour échapper à ses obligations ou les atténuer, le caractère législatif et institutionnel de l'organisation de la SA devant prévaloir à cet égard. En revanche, sur le plan interne, si une meilleure organisation commande ou recommande la création d'un tel poste à travers les dispositions statutaires, le caractère essentiellement contractuel de celles-ci ne s'y oppose pas, selon nous.