J-02-05
VOIES DE RECOUVREMENT ET D'EXECUTION – APPLICATION DE L’AUPSRVE DANS LE TEMPS – PROCEDURE D'INJONCTION DE PAYER – FAITS ET PROCEDURES ANTERIEURS AU 10 JUILLET 1998 – INAPPLICATION DES ACTES UNIFORMES SUR LES VOIES D'EXECUTION.
En l'état d'une clause d'attribution de compétence au Tribunal de commerce de Paris, prétendument violée par la Cour d'Appel de N'Djaména qui s'est reconnue compétente au mépris de l'article 3, alinéa 2 de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances et de la représentation du demandeur, société commerciale, par une personne qui n'a pas la qualité d'agent de ladite société, au mépris de l'article 32 du Code de procédure civile tchadien auquel renvoie l'article 4 de l'Acte uniforme précité, il y a lieu pour la CCJA de se déclarer incompétente, les faits et la procédure étant antérieurs au 10 juillet 1998, date d'application de l'Acte uniforme concerné.
Article 3 AUPSRVE
Article 4 AUPSRVE
(CCJA, arrêt n° 1 / 2001 du 11 octobre 2001, ETB c/ CFCF, Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 13.- Le Juris Ohada, n° 1/2002, janvier-mars 2002, p. 8. – Penant n° 841, p. 536). Voir note Sylvain SOUOP Ohadata D-02-05
ORGANISATION POUR L'HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE
Audience Publique du jeudi 11 octobre 2001
Pourvoi n° 001198 /PC du 23 novembre 1998 .
Affaire : Etablissements Thiam Baboye « ETB »
Contre
Compagnie Française Commerciale et Financière « CFCF ».
ARRÊT N° 001/2001 du 11 octobre 2001
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A.) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 11 octobre 2001 où étaient présents :
Messieurs
Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OIIVEIRA, Second Vice-président
João Aurigemrna CRUZ PINTO, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge-rapporteur
et Maître Pascal Édouard NGANGA,Greffier en Chef;
Sur le pourvoi formé par Maître Magloire BAHDJE, Avocat à la Cour à N'Djaména (République du TCHAD). agissant au nom et pour le compte des Etablissements Thiam Baboye dits « ETB » demeurant à N'Djaména, rue 3251 concession 22, 3ème arrondissement, boîte postale 319, en cassation de l'Arrêt n° 45198 rendu le 02 novembre 1998 au profit de la Compagnie Française Commerciale et Financière dite « CFCF », demeurant en FRANCE, 99 rue de Mirabeau, 94853 Evry sur Seine et ayant comme conseil Maître Abdou N'Doubalo Lamian, Avocat à la Cour à N'Djaména, défenderesse à la cassation, ledit arrêt ayant en substance condamné les « ETB » sur leur appel, à payer à la « CFCF » 50.355.800 francs CFA à titre de créance principale et 5,000.000 de francs CFA à titre de dommages et intérêts dans un contentieux relatif au règlement d'une commande de farine de froment passée courant 1992 par les « ETB » à la défenderesse au pourvoi;
Le requérant invoque à l'appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu'ils figurent â la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le auge Boubacar DICK0;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires ers Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Sur les trois moyens réunis :
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt déféré d'avoir violé les dispositions de l'Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, notaient en ses articles 3 alinéa 2 et 4 alinéa 1, en ce que d'une part l'article 3 alinéa 2 ayant donné la possibilité aux parties de déroger aux règles de compétence au moyen d'une élection de domicile prévue au contrat, il s' en suit selon le requérant, que sa commande de farine de froment aux Grand Moulins de Paris ont fait l'objet d'une facture en date du 19 juin 1992 mentionnant qu' « en cas de contestation le Tribunal de commerce de Paris sera seul compétent, de convention expresse, même en cas de demande incidente ou en garantie », seul le Tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître d'un litige relatif à cette vente; qu'en conséquence, en se déclarant à tort compétente, la Cour d'Appel de N'Djaména a violé la disposition sus-mentionnée; que d'autre part, l'article 4 aléa 1 de l'Acte Uniforme précité ayant énoncé que « la requête doit être déposée ou adressée par le demandeur ou son mandataire autorisé par la loi de chaque Etat-partie à le représenter en justice, au greffe de la juridiction compétente », dès lors, selon le requérant, la Cour d'Appel de N'Djaména, en affirmant que le Sieur TCHORI avait qualité pour représenter la CFCF devant les juridictions tchadiennes, a violé et la disposition susvisée et la loi nationale, le Code de Procédure Civile tchadien ayant limitativement déterminé en son article 32, par rapport la représentation des parties, que « les Sociétés de toute nature » ne pouvaient être représentées que « par un de leurs agents »;
Attendu, par ailleurs, que Le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué une omission de statuer et un défaut de base légale en ce que d'une part, en cause d'appel, le requérant ayant soulevé "in limine litis " la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité de la CFCF, la Cour d'Appel de N'Djaména sans y répondre, n'a argumenté que sur le défaut de qualité du Sieur Abderamane Hissein TCHORI et alors même, selon le requérant, que toutes les pièces versées au dossier relatives à la vente de farine de froment conclue entre les Établissements Thiam Baboye et les Grands Moulins de Paris ne font aucune référence à la CFCF qui n'était ni signataire audit contrat de vente ni fournisseur des « ETB » et n'a aucun lien de droit avec eux; que d'autre part, pour rejeter la demande en dommages-intérêts du requérant, la Cour s'est bornée à entériner la décision du Tribunal sans en vérifier les éléments et sans pouvoir préciser la raison pour laquelle elle a retenu la somme de 50.355.800 francs CFA réclamée par la CFCF et son représentant à titre de créance;
Mais attendu que l'article 14 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique édicte que la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) assure dans les Etats-Parties l'interprétation, et l'application commune des Actes Uniformes et, saisie par voie de recours en cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des États Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales, ainsi que dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptible d'appel rendues par toute juridiction des États Parties dans les mêmes contentieux;
Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de la procédure que l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, entré en vigueur, le 10 juillet 1998, n'avait pas intégré l'ordre juridique interne de la république du TCHAD au moment où les Juges du fond étaient saisis du contentieux et qu'il ne pouvait de ce fait être applicable; que dans ce contexte spécifique, aucun grief ni moyen relatif à l'application de l'Acte Uniforme invoqué n'avait pu être formulé et présenté devant les juges de fond parle requérant; que dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA en matière contentieuse, telles que précisées à l'article 14 susvisé, n'étant pas réunies, il échet de se déclarer incompétent et renvoyer en conséquence le requérant à mieux se pourvoir;
PAR CES MOTIFS
Se déclare incompétente;
Renvoie le requérant à mieux se pourvoir;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé;
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
La décision d'incompétence rendue par la CCJA est tout à fait justifiée. La seule ressource du requérant est de saisir la Cour suprême du Tchad, s'il est encore dans les délais pour le faire, la question étant de savoir si la saisine de la CCJA, même à tort, suspend le délai de pourvoi en cassation devant cette haute juridiction nationale. On se demande pourquoi la CCJA n'a pas renvoyé cette affaire à la Cour suprême tchadienne, comme elle l'a fait dans l'arrêt n° 3 / 2001 du 11 octobre 2001.
Reste une autre question : quid si la CCJA s'était reconnue compétente dans l'hypothèse où l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances avait été reconnu applicable? Dans ce cas, le pourvoi aurait été déclaré recevable en la forme, mais au fond? Sur le premier moyen du pourvoi (violation de l'article 3, alinéa 2), la CCJA aurait dû rechercher s'il y avait eu violation de la clause d'attribution de compétence territoriale au Tribunal de commerce de Paris et, notamment, si l'exception d'incompétence de la juridiction tchadienne avait été soulevée in limine litis ou non (dans cette dernière hypothèse, le fait de ne pas soulever cette exception aurait être interprété comme une renonciation à s'en prévaloir).
En outre, l'article 4, alinéa 1er de l'Acte uniforme précité renvoie à la loi nationale de chaque Etat partie le soin de définir le mandataire autorisé à représenter le requérant à une procédure d'injonction de payer, donc, en l'espèce, à l'article 32 du code tchadien de procédure civile. Dans ce cas, qui est compétent pour juger s'il y a violation de cette loi nationale : la CCJA ou la Cour suprême tchadienne? Nous serions tentés d'opter pour la seconde.