J-02-101
injonction de payer – ORDONNANCE – opposition – délai – inobservation – irrecevabilité.
Le débiteur ayant 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance d’injonction pour faire opposition, le non-respect de ce délai emporte irrecevabilité de l'opposition.
(Tribunal de première instance de Gagnoa, jugement n° 3 du 14 janvier 2000, SIF c/ M., Le Juris-Ohada, n° 2/2002, avril mai juin 2002, p. 40, observations anonymes)
Tribunal de Première Instance de Gagnoa,
Jugement N° 03 du 14 janvier 2000.
Le tribunal,
Ouï les parties en leurs conclusions;
Vu les pièces du dossier;
Attendu que par exploit en date du 17 novembre 1999 de Maître DAKAUD TEA André, Huissier de Justice à Gagnoa, la Scierie Industrielle du Fromager dite SIF, ayant pour représentant légal Monsieur L., a saisi le Tribunal civil de céans aux fins de la rétractation de l'ordonnance d'injonction de payer n° 269 rendue le 27 octobre 1999 par la juridiction présidentielle de ce siège;
Attendu que la SIF expose au soutien de son action, que la requête par laquelle M. a saisi la juridiction présidentielle est irrecevable et mal fondée;
Que cette requête est irrecevable parce qu'elle ne contient pas l'indication détaillée de la créance alléguée; et qu'elle ne précise pas le fondement de ladite créance, conformément à l'article 4 de l'Acte uniforme portant recouvrement simplifié des créances et voies d'exécution;
Que, par ailleurs, l'exploit de signification de l'ordonnance attaquée est nul, car il n'indique pas la juridiction compétente pour connaître de l'opposition contre l'ordonnance de condamnation querellée, conformément aux prescriptions de l'article 8 de l'Acte uniforme sus-cité;
Qu'enfin, la requête aux fins d'injonction de payer de M., en vertu de laquelle l'ordonnance attaquée a été rendue, est mal fondée; qu'en effet, le quantum de la dette alléguée par le défendeur pour obtenir l'ordonnance querellée n'est pas exact;
Attendu que M. résiste aux prétentions de la S.I.F.;
Qu'il fait valoir que la S.I.F. ne devrait pas contester le quantum de sa créance; qu'en effet, par une sommation de payer en date du 25 août 1999 à elle servie, la Scierie Industrielle du Fromager n'a pas contesté sa dette envers lui, qui est de 4.378.840 francs; que sa requête aux fins d'injonction de payer ne souffre d'aucune irrégularité de nature à entraîner son irrecevabilité; qu'en effet, non seulement elle a été introduite conformément aux articles 4 et 8, mais également et surtout, conformément à l'article 9 de l'Acte uniforme suscité;
Attendu que Monsieur M. sollicite de façon reconventionnelle la condamnation de la S.I.F. à lui payer la somme de 2.000.000 francss à titre de dommages-intérêts pour le préjudice à la fois matériel et moral que lui cause l'action dilatoire de la S.I.F. qu'est la demande en rétractation d'espèce;
DES MOTIFS DE L'ACTION PRINCIPALE DE LA S.I.F.
Attendu que c'est le 28 octobre 1999 que l'ordonnance de condamnation attaquée a été signifiée à la S.I.F. par M.;
Attendu que c'est le 17 novembre 1999 que la Scierie Industrielle du Fromager dite S.I.F. a demandé la rétractation de l'ordonnance de condamnation en question;
Attendu qu'il résulte de l'article 16 de l'Acte uniforme portant recouvrement simplifié des créances et voies d'exécution, que le débiteur a 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance de condamnation pour faire opposition;
Attendu que le non-respect de ce délai emporte l'irrecevabilité de l'opposition;
Attendu que cette prescription de l'article 16 suscité de l'Acte uniforme est d'ordre public;
Qu'il résulte de tout ce qui précède que l'action de la Scierie Industrielle du Fromager dite S.I.F. est irrecevable;
Les dépens
Attendu que la Scierie Industrielle du Fromager dite S.I.F. succombe;
Qu'il échet de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Déclare irrecevable l'action de la Scierie Industrielle du Fromager dite S.I.F.;
Président : Mme YAO Jeanne BODJI.
Observations anonymes
La décision d'irrecevabilité (de l’opposition) prononcée par le Tribunal de première instance de Gagnoa confirme l'idée selon laquelle les Actes Uniformes sont méconnus dans les Etats parties (cf. Supra, p. 2). Sinon, comment peut-on expliquer que l'opposition contre une ordonnance de condamnation, signifiée le 28 octobre 1999, puisse être formée le 17 novembre 1999, soit plus de 20 jours après, alors que l'Acte uniforme donne 15 jours au débiteur ?
Il n'est donc pas surprenant de voir l'action (l’opposition) déclarée irrecevable.
Observations complémentaires de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
Qu’il nous soit permis d’ajouter quelques mots à cette note.
Le renvoi à la page 2 de la Revue Juris Ohada où la direction de la CNDJ, sur la base des statistiques en sa possession, émet l’opinion que les chiffres des décisions de rejet des pourvois en cassation rendues par la CCJA indiquent la connaissance ou non des Actes uniformes nous paraît excessif. Les décisions de rejet des pourvois (pour incompétence ou irrecevabilité) montre qu’il y a une mauvaise application par le requérant au pourvoi des règles de cette procédure et non une méconnaissance des Actes uniformes eux-mêmes par les juges ou les parties.
L’ordonnance rendue par le juge sur requête est une décision d’injonction de payer et non de condamnation. L’ordonnance ne devient une décision de condamnation que si, sur opposition, l’ordonnance est confirmée par le tribunal. En l’absence d’opposition, l’ordonnance d’injonction est revêtue de la formule exécutoire.