J-02-106
recouvrement de créance – INJONCTION DE PAYER – requête – contenu – personne morale – forme – absence d'indication – recevabilité (non).
Est irrecevable, comme contraire aux dispositions de l'article 4 de l'Acte uniforme portant recouvrement de créance, la requête qui n'indique pas la forme de la personne morale poursuivante.
Article 4 AUPSRVE
(Cour d’appel de Bouaké, arrêt n° 27 du 7 février 2001, ASCB c/ Pharmacie N’GATTAKRO, Le Juris Ohada, n° 2/2002, avril mai juin 2002, p. 50, note anonyme).
Cour d'Appel de BOUAKE
Arrêt N° 27 du 07 février 2001.
la cour,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs mémoires;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EN LA FORME
Considérant que par exploit en date du 23/06/2000 de Me JUSTINE AYEPO, Huissier de justice à Bouaké, l'ASCB a relevé appel du jugement civil contradictoire n° 1241/00 du 26/05/2000 rendu par le Tribunal de première instance de Bouaké, lequel jugement a :
– déclaré l'ASCB recevable mais mal fondée en son opposition;
– dit n'y avoir lieu à exécution provisoire;
– condamné l'ASCB aux dépens.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Considérant que le jugement objet du présent appel a été rendu le 26/05/2000; qu'il n'apparaît pas au dossier qu'il ait été signifié; que l'ASCB en a relevé appel le 23/06/2000; que ledit appel est survenu dans les délai et forme prévus par la loi;
Qu'il convient de le déclarer recevable.
AU FOND
Considérant que suivant ordonnance n° 296/99 du 03/02/1999 rendue par le Président du Tribunal de Bouaké, l'ASCB a été condamnée à payer à la Pharmacie N'GATTAKRO, qui est une personne morale, n'a pas été signifiée le 22/03/1999;
Considérant qu'au soutien de son action, l'ASCB explique que la forme de la Pharmacie N'GATTAKRO, qui est une personne morale, n'a pas été indiquée dans la requête aux fins d'injonction de payer; qu'en outre, le fondement de la créance n'a pas été précisé; que la requête est donc irrecevable pour violation de l'article 3 de l'Acte uniforme du Traité OHADA (sic); ajoute que les conditions fixées par l'article 2 du traité susvisé (sic) pour l'introduction de la procédure d'injonction de payer ne sont pas réunies en l'espèce, compte tenu de ce que la requête présentée par la Pharmacie N'GATTAKRO ne précise pas que la créance dont le recouvrement est poursuivi a une cause contractuelle ou résulte d'un engagement pris par elle;
Que l'ASCB ajoute que les pièces produites par la pharmacie, notamment les états récapitulatifs des arriérés datés du 14/08/1998 et 01/12/1998 qu'elle a établis de façon unilatérale, ne peuvent justifier la créance de 5.947.407 Francs qu'elle réclame; que l'analyse des susdites pièces laisse apparaître que le montant des factures est soldé;
Considérant que M. propriétaire de la Pharmacie N'GATTAKRO, expose pour sa part que son officine a été retenue pour la fourniture de médicaments aux joueurs et encadreurs de l'ASCB, sur la base d'un accord verbal conclu avec F., Président de l'ASCB de 1991 à 1995; que le numéro affecté à l'ASCB dans les livres de la pharmacie est 416/115;
Que les souches des carnets de consommation de médicaments par les joueurs et encadreurs sont encore en sa possession;
Qu'un principe de préfinancement a été décidé par le comité directeur du club et consiste pour les membres dudit comité, à mettre des fonds à la disposition du club, afin de régler des problèmes urgents;
Qu'en conformité avec cette décision, la pharmacie a opéré des préfinancements sur sa caisse en faveur de l'ASCB;
Que le montant de ces préfinancements ajouté aux impayés de médicaments, font la somme totale de 5.947.407 F, montant de la condamnation contenue dans l'ordonnance querellée;
Que cette créance est parfaitement justifiée;
Considérant que par jugement du 26/05/2000 le Premier juge a rejeté la demande de l'ASCB tendant à l'irrecevabilité de la requête aux fins d'injonction de payer, au motif qu'aucune disposition légale ne permet d'affirmer que la Pharmacie N'GATTAKRO est une personne morale;
Que le Premier juge a débouté l'ASCB de son opposition et restitué à l'ordonnance querellée son plein et entier effet, au motif que l'ASCB, qui prétend avoir payé intégralement la créance de la Pharmacie N'GATTAKRO, ne rapporte pas la moindre preuve de ses affirmations;
Considérant que l'ASCB a relevé appel de cette décision; qu'au soutien de son appel, elle déclare que le Premier juge a fait une mauvaise application de la loi en restituant à l'ordonnance querellée son plein et entier effet; que l'ASCB reprend ses écritures de première instance et conclut à l'infirmation du jugement déféré;
Considérant que la Pharmacie N'GATTAKRO n'a pas conclu en appel;
SUR CE
Considérant que la requête aux fins d'injonction de payer du 02/02/1999 a été initiée par la Pharmacie N'GATTAKRO prise en la personne de son représentant légal M.;
Considérant que pour avoir un représentant légal et agir par son organe, il faut avoir la personnalité juridique;
Qu'en l'espèce, le Premier juge, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'ASCB et tirée de la violation de l'article 4 de l'Acte uniforme du Traité OHADA (sic) portant organisation des procédures de recouvrement simplifiées et des voies d'exécution en ce que la forme sociale de la Pharmacie N'GATTAKRO n'a pas été précisée dans la requête aux fins d'injonction de payer, relève que rien n'indique que la Pharmacie N'GATTAKRO est une personne morale;
Considérant cependant que le Premier juge, en faisant une telle assertion, ne dit pas la qualité en laquelle la Pharmacie N'GATTAKRO agit par le truchement d'un représentant légal;
Considérant que, s'il est vrai que la Pharmacie N'GATTAKRO n'est pas une personne morale, elle ne peut alors ester en justice par l'entremise de qui que ce soit; que si, au contraire, elle est une personne morale, force est de constater que sa forme n'a pas été indiquée dans la requête aux fins d'injonction de payer qui, de ce fait, ne satisfait pas aux dispositions de l'article 4 de l'Acte uniforme susvisé;
Que dès lors, quelle que soit l'hypothèse qu'on retienne, la requête aux fins d'injonction de payer est irrecevable;
Que c'est donc à tort que le premier juge a déclaré recevable ladite requête et décidé que l'ordonnance d'injonction de payer rendue à la suite de cette requête sortira son plein et entier effet; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable la susdite requête.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare l'ASCB recevable et bien fondée en son appel relevé du jugement n° 1241/2000 du 26/05/2000 rendu par le Tribunal de première instance de Bouaké;
– Infirme le jugement entrepris en ce que le Premier juge a déclaré recevable la requête aux fins d'injonction de payer présentée par la Pharmacie N'GATTAKRO;
Statuant à nouveau :
– Déclare irrecevable la requête aux fins d'injonction de payer présentée par la Pharmacie N'GATTAKRO.
Président : M. N'GNAORE Kouadio.
Note anonyme
L'arrêt publié ci-dessus déclare encore irrecevable une requête d'injonction de payer qui n'a pas satisfait cette fois-ci, les conditions de l'article 4 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
En l'espèce, la question se posait de savoir si la pharmacie qui a initié la requête aux fins d'injonction de payer est une personne morale. De la réponse dépendra le sort de la requête.
En effet, si c'est une personne morale, la requête doit non seulement contenir certaines mentions, sous peine d'irrecevabilité (forme, dénomination et siège social), mais en outre, elle doit être déposée ou adressée par le demandeur, ou par son mandataire autorisé à le représenter en justice, au Greffe de la juridiction compétente.
En l'espèce, il résulte de l'ordonnance de condamnation que la pharmacie est représentée par M. Est-ce le représentant d'une personne morale, au sens de l'article 4 ou est-ce le représentant au sens de propriétaire de l'officine ?
La seconde approche ne paraît pas plausible, car le Premier juge aurait décelé la faille; la représentation n'avait pas sa raison d'être.
La première approche semble correspondre à la réalité. Le représentant légal est le mandataire de la personne morale. Et si cette qualité a été acceptée par le Premier juge, il ne peut s'agir que d'une personne morale. Dès lors, la requête doit contenir les mentions exigées par l'article 4. A défaut, la sanction prévue, à savoir l'irrecevabilité de la requête, doit être prononcée.
NB Encore une fois, on ne peut que déplorer la confusion de terminologie entre le Traité Ohada et les Actes uniformes.