J-02-107
saisie conservatoire – mainlevée par le juge des référés – nécessité de démontrer que les conditions prévues par l'article 54 auPSRve ne sont pas remplies.
saisie conservatoire – enlèvement de véhicules automobiles – défaut d'audition préalable des parties – violation de l'article 103 alinéa 3 auPSRve.
astreinte – nécessité d'une décision exécutoire – violation de l'article 324 du code de procédure civile – article 336 AUPSRVE.
La décision du juge des référés d'ordonner mainlevée d'une saisie conservatoire doit être fondée sur la démonstration que les conditions exigées par l'article 54 AUPSRVE ne sont pas réunies.
En ordonnant la saisie conservatoire et l'enlèvement des véhicules automobiles du débiteur, sans entendre les parties ou sans que celles-ci aient été dûment appelées, le juge a violé l'article 103 alinéa 3 AUPSRVE.
L'article 336 AUPSRVE n'abroge que les dispositions relatives aux matières traitées par cet Acte uniforme, ce qui n'est pas le cas des astreintes. Celles-ci étant régies par l'article 324 du code ivoirien de procédure civile, ce texte n'étant pas abrogé doit recevoir application en ce qu'il exige que le juge ne peut prononcer d'astreinte que pour l'exécution d'une décision exécutoire.
Article 54 AUPSRVE
Article 103 AUPSRVE
Article 336 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt de référé n° 444 du 24 avril 2001, Collins Ukpe Turhobo c/ Société Ash International.
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d'Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Mardi 24 Avril 2001
Affaire : N'DIAYE BOCAR
(Me AMANY KOUAME)
contre
KARIM AMIDOU
(Mes KONATE – BAZIE et KOYO).
Arrêt Civil Contradictoire 5ème Chambre A
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi Vingt quatre Avril Deux Mil Un, à laquelle siégeaient :
Monsieur SIOBLO DOUAI Jules, Président de Chambre, Président
Mr COULIBALY Hamed Souleymane, Conseiller, et Mr YAO KOUAME Augustin, Conseiller-Rapporteur, Membres,
Avec l'assistance de Maître DON Gabriel, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
COLLINS UKPE TURHOBO, de nationalité nigériane, Gérant de la station TEXACO de Williamsville, près du pont piéton, demeurant à Abidjan, quartier Williamsville;
APPELANT
Non comparant ni personne pour lui;
D'UNE PART
ET :
La Société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL, S.A. sise à Abidjan – Williamsville, Autoroute d'Abobo, cedex II, C. 94 Abidjan 08, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur ROGER PAGE, de nationalité française, demeurant au siège sus-indiqué;
INTIMEE
Représentée et concluant par Maître JULES AVLESSI, Avocat à la Cour, son Conseil;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves de fait et de droit.
FAITS :
La juridiction présidentielle du Tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, statuant en la cause, en matière de référé et en premier ressort, a rendu le 18 janvier 2001, une ordonnance n° 219 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du 08 février 2001 de Maître CREPPY OLIVIER, Huissier de justice à Abidjan, le sieur COLLINS UKPE TURHOBO a déclaré interjeter appel de l'ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné la Société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du mardi 20 février 2001, pour entendre annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le numéro 127 de l'an 2001;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 10 avril 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 24 avril 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 24 avril 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur COLLINS UPKE TURHOBO, propriétaire d'une station service, approvisionnait régulièrement les véhicules de la société ASH INTERNATIONAL en carburant. La dette ainsi contractée par celle-ci, d'un montant de 28.000.000 F, a fait l'objet de l'ordonnance d'injonction de payer n° 7046 du 27 novembre 2000, régulièrement frappée d'opposition le 15 décembre 2000;
Monsieur COLLINS a sollicité et obtenu l'autorisation de pratiquer saisie conservatoire sur les biens meubles de la Société ASH INTERNATIONAL pour avoir paiement de sa créance. L'ordonnance sur requête n° 5070, rendue à cet effet le 08/12/2000, comportait également autorisation du créancier à enlever tous les véhicules terrestres à moteur de la débitrice, en vue de les immobiliser chez un séquestre judiciaire;
La Société ASH INTERNATIONAL estimant cette dernière mesure irrégulière, a saisi le juge des référés pour voir rétracter l'ordonnance sur requête du 08/12/2000. La juridiction des référés a fait droit à sa demande par ordonnance n° 219 du 18 janvier 2001, dont le dispositif est ainsi agencé :
« Recevons la Société ASH INTERNATIONAL en sa demande;
L'y disons bien fondée;
Ordonnons la rétractation de l'ordonnance n° 5070/2000 du 08/12/2000;
Ordonnons la restitution à la société ASH INTERNATIONAL, des véhicules enlevés par COLLINS UKPE TORHOBO sous astreinte comminatoire de 1.000.000 F par jour de retard, à compter du prononcé de la présente décision;
Condamnons le défendeur aux dépens »;
Par acte d'huissier du 08 février 2001, Monsieur COLLINS UKPE TURHOBO a interjeté appel de cette ordonnance;
Au soutien de son recours, il présente deux arguments :
D'une part, il relève la violation de l'article 54 de l'Acte uniforme portant procédure de recouvrement simplifié des créances et des voies d'exécution; il explique que la saisie conservatoire pratiquée est une mesure de précaution contre l'insolvabilité de la société ASH INTERNATIONAL. Il indique que cette saisie a été effectuée conformément à l'article 54 précité et que la mainlevée ordonnée par le Premier juge viole ce texte et justifie l'infirmation sollicitée;
D'autre part, Monsieur COLLINS estime qu'en faisant courir l'astreinte à compter de l'ordonnance qui la prononce, le juge des référés a violé l'article 324 du code de procédure civile, qui prescrit qu'une décision n'est exécutoire qu'à compter de sa date de signification. En conséquence, il sollicite l'infirmation de l'ordonnance n° 219 du 18 janvier 2001;
En réplique, la société ASH explique que ses véhicules saisis ont fait l'objet d'enlèvement en violation des dispositions de l'article 103 alinéas 2 et 3 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, qui soumet cette opération à une autorisation préalable de la juridiction compétente, et ce, après convocation et audition des parties;
Elle relève qu'en l'espèce, cette procédure n'a pas été observée et que le Premier juge a rendu une bonne justice en rétractant l'ordonnance sur requête n° 5070/2000 du 08 décembre 2000. Par conséquent, elle plaide pour la confirmation de la décision querellée;
De même, elle soutient que l'article 324 du code de procédure civile cité par Monsieur COLLINS à l'appui de son appel est abrogé depuis l'entrée en vigueur du Traité OHADA;
En outre, elle rappelle que l'astreinte comminatoire a pour objet de vaincre la résistance d'une partie au procès, et qu'au jour de l'audience où l'ordonnance querellée a été prise, Monsieur COLLINS y était régulièrement représenté. Il en déduit que l'astreinte comminatoire prononcée par le juge des référés est justifiée et que la décision contestée doit recevoir confirmation;
MOTIFS DE L'ARRET
EN LA FORME
Aucune pièce du dossier de la procédure n'atteste de la signification de l'ordonnance n° 219 du 18 janvier 2001. En conséquence, l'appel interjeté le 08 février 2001 et ajourné au 20 février 2001 est recevable pour être conforme aux conditions de forme et de délai prescrits par l'article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
SUR LA VIOLATION DE L'ARTICLE 54 DE L'ACTE UNIFORME OHADA PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D'EXECUTION
L'ordonnance sur requête n° 5070 du 08 décembre 2000 comportant autorisation à pratiquer saisie conservatoire sur les biens meubles de la société ash international a été prise conformément à l'article 54 susvisé; dès lors, pour la rétracter valablement, le juge des référés aurait dû démontrer que les conditions prévues par ce texte ne sont pas remplies. Or, il n'en a pas été ainsi; le juge des référés a donc violé les dispositions de l'article 54 précité;
Toutefois, cette atteinte à la loi ne saurait emporter l'infirmation recherchée par Monsieur COLLINS UKPE. En effet, pour rétracter l'ordonnance sur requête portant autorisation de saisie conservatoire, le Premier juge s'est fondé sur le non-respect des prescriptions de l'article 103 alinéa 3 de l'Acte uniforme sus-indiqué, qui soumet l'immobilisation des véhicules à moteur à l'audition préalable des parties ou celles-ci dûment appelées. En l'espèce, ces dispositions ont été méconnues par le Magistrat qui a rendu l'ordonnance sur requête contestée. Sur ce point, c'est à bon droit que le juge des référés a rétracté ladite ordonnance;
Il en découle que sa décision est partiellement fondée et doit être réformée;
SUR LA VIOLATION DE L'ARTICLE 324 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
L'article 336 de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution dispose :
« Le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats parties »;
En matière de voies d'exécution, cet Acte ne réglemente que les saisies. Il ne concerne nullement les règles générales sur l'exécution forcée, régies par les articles 324 à 350 du code de procédure civile ivoirien. Ainsi, c'est à tort que l'intimée, la société ASH INTERNATIONAL DISPOSAL, prétend que ledit acte a abrogé l'article 324 précité;
Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'appelant, Monsieur COLLINS UKPE TURHOBO, soutient que ce texte a été violé;
En l'espèce, l'astreinte comminatoire n'ayant pas été prononcée en vertu d'un titre exécutoire, il y a lieu de réformer également l'ordonnance du juge des référés qui la fait courir du jour de cette décision;
DES DEPENS
Monsieur COLLINS UKPE succombe en certaines de ses prétentions; il convient de mettre les dépens de l'instance à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit COLLINS UKPE TURHOBO en son appel;
– Le déclare partiellement fondé;
– Réforme l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance sur requête n° 5070 du 08/12/2000 en toutes ses dispositions et fixé le point de départ de l'astreinte prononcée à compter de sa date;
Statuant à nouveau :
– Infirme les dispositions de l'ordonnance sur requête relatives à l'enlèvement et à l'immobilisation des véhicules saisis;
– En conséquence, ordonne la restitution desdits véhicules à la société ASH INTERNATIONAL;
– Dit que l'astreinte prononcée par le juge des référés commencera à courir à compter de la signification de l'ordonnance entreprise;
– Met les dépens de l'instance à la charge de Monsieur COLLINS UKPE.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan (5ème Chambre civile A), a été signé par le Président et le Greffier.