J-02-108
saisie conservatoire – signature du procès-verbal de saisie par le débiteur – procès-verbal régulier en la forme – présence tardive du débiteur sur les lieux de la saisie – circonstance indifférente.
Articles 32 et 106 du code ivoirien de procédure civile – méconnaissance de ceS texteS – annulation de la saisie conservatoiré.
La signature du procès-verbal de saisie conservatoire par le débiteur rend ce document régulier, même si sa présence sur les lieux de la saisie a été tardive, alors qu'il a pu assister aux opérations de saisie et que son épouse y assistait depuis le début des opérations.
Bien que s'agissant d'une saisie conservatoire, si le montant du litige excède le taux fixé par l'article 106 du code ivoirien de procédure civile, il y a lieu de respecter les prescriptions de ce texte, notamment la communication du dossier au ministère public et la présence du Président du Tribunal sur le siège.
(Cour d'Appel d'Abidjan, arrêt n° 129 du 26 janvier 2001, Ndiaye Bocar c/ Karim Amidou).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d'Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Vendredi 26 Janvier 2001
Affaire :N'DIAYE BOCAR
(Me AMANY KOUAME)
contre
KARIM AMIDOU
(Mes KONATE – BAZIE et KOYO).
Arrêt Civil Contradictoire 1ère Chambre Civile
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi Vingt six Janvier Deux Mil Un, à laquelle siégeaient :
Monsieur KHOUADIANI KOUADIO KOUAKOU Bertin, Premier Président, Président
Mme ZEBEYOUX Aimée et Mr COULIBALY Hamed, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître SOILIO TOURE, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
N'DIAYE BOCAR, de nationalité Sénégalaise, Ingénieur de Télécommunications, Directeur général de la SOLARCOM, demeurant à Cocody les 2 Plateaux – 01 B.P. 7077 Abidjan 01;
APPELANT
Représenté et concluant par Maître AMANY KOUAME, Avocat à la Cour, son Conseil;
D'UNE PART
ET :
KARIM AMIDOU, de nationalité ivoirienne, Directeur de Société demeurant à Cocody – Cité des Arts – 07 B.P. 309 Abidjan 07;
INTIME
Représenté et concluant par la SCPA KONATE – MOISE BAZIE - KOYO, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : Le Tribunal de première instance d'Abidjan, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 07 mars 2000, un jugement civil n° 110/CIV/5 B enregistré à Abidjan le 16 juin 2000 (reçu : 18.000 francs [dix-huit mille francs]), aux qualités duquel il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du 23 mars 2000 de Maître TOURE MAMADOU, Huissier de justice à Abidjan, le sieur N'DIAYE BOCAR a déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné KARIM AMIDOU à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du vendredi 12 mai 2000 pour entendre annuler ou infirmer ledit jugement;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le numéro 433 de l'an 2000;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 29 décembre 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 19 janvier 2001, délibéré qui a été prorogé jusqu'au 26 janvier 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 26 janvier 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
PROCEDURE, FAITS, PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant acte en date du 23 mars 2000 de Maître TOURE MAMADOU, Huissier de justice à Abidjan, Monsieur N'DIAYE BOCAR a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 110/2000 rendue le 07 mars 2000 par le Tribunal de première instance d'Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Déclare recevables N'DIAYE BOCAR et KARIM AMIDOU tant en leur demande principale que reconventionnelle;
Les y dit cependant mal fondés;
Les en déboute; ordonne la continuation des poursuites;
Condamne N'DIAYE BOCAR aux dépens »;
Il résulte des écritures, des productions des parties et énonciations de l'ordonnance entreprise, que par ordonnance n° 5033 du 16 novembre 1999, le Tribunal de première instance d'Abidjan a autorisé KARIM AMIDOU à saisir conservatoirement les biens meubles corporels de N'DIAYE BOCAR. Sur la base de cette ordonnance, Maître YVES ESSO, Huissier instrumentaire, a dressé plusieurs actes afin de parvenir à la vente fixée au 27 mars 2000;
N'DIAYE BOCAR a élevé une procédure d'incident de saisie, notamment une procédure en annulation du procès-verbal de saisie, pour violation des dispositions des articles 65 alinéa 3, 64 alinéa 1, et 64-9ème du Traité OHADA;
Par jugement n° 110 du 07 mars 2000, le Tribunal d'Abidjan a déclaré N'DIAYE BOCAR mal fondé en son action; estimant que le premier Juge s'est mépris sur les dispositions susvisées et celles des articles 32 alinéa 3 et 106 du code de procédure civile, en ne communiquant pas le dossier de la procédure au Ministère Public, N'DIAYE BOCAR a saisi la Cour du présent appel afin de voir infirmer ou annuler la décision entreprise;
Au soutien de son appel, N'DIAYE BOCAR indique que le procès-verbal de saisie dressé par Maître YVES ESSO ayant été dressé en présence de dame BOCAR, seule personne présente sur les lieux, celle-ci aurait dû y apposer sa signature, comme le prescrit l'article 64-9ème du Traité OHADA. Cette omission de la signature entachant ledit texte, c'est à tort, estime-t-il, que son action a été déclarée mal fondée. Aussi, demande-t-il à la Cour d'infirmer la décision entreprise sur ce point;
Il fait valoir également que la saisie portant sur une créance d'une valeur de 140.000.000, le dossier de la procédure aurait dû faire l'objet de communication au Ministère Public; faute d'avoir obéi aux prescriptions de l'article 106 du code de procédure civile, estime-t-il, la décision critiquée encourt l'annulation;
Pour sa défense, KARIM AMIDOU indique que s'il est exact que les opérations de saisie ont débuté en l'absence de l'appelant, cependant, la vérité commande de reconnaître que celui-ci, arrivé plus tard sur les lieux, y a assisté et visé le procès-verbal, après avoir fait toutes les déclarations voulues par la loi, de sorte que l'argument tendant à voir déclarer nul le procès-verbal en raison de l'absence de signature de son épouse n'est pas pertinent et ne peut constituer de violation des dispositions de l'article 64-9ème du Traité OHADA sur les voies d'exécution;
Relativement à la procédure en violation des dispositions de l'article 106 du code de procédure civile, l'intimé estime que sa demande ne portait nullement sur un montant de 140.000.000 F, mais bien sur la nullité d'un procès-verbal de saisie; dès lors, soutient-il, cet autre argument de N'DIAYE BOCAR ne saurait emporter la conviction de la Cour, encore que le texte susvisé prévoit la procédure à suivre en cas de non communication de la procédure, qui n'est point celle retenue par l'appelant. Aussi, demande-t-il à la Cour de déclarer N'DIAYE BOCAR mal fondé en son appel;
KARIM AMIDOU fait valoir qu'ayant demandé en vain devant le Tribunal la condamnation de N'DIAYE BOCAR au paiement à son profit de la somme de 20.000.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, il relève appel incident pour réitérer la même demande, l'appelant usant suffisamment du dilatoire, afin de voir réformer la décision critiquée sur ce point;
DES MOTIFS
KARIM AMIDOU, régulièrement intimé, ayant été représenté par son Conseil, il y a lieu de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
L'appel de N'DIAYE BOCAR ayant été relevé selon les forme et délai de la loi, il échet de le déclarer recevable;
AU FOND
Il importe de relever que s'il est exact que l'espèce traite d'un incident de saisie, il n'est pas moins vrai que cette saisie procède d'une instance dont l'intérêt pécuniaire est de 140.000.000 F, de sorte que le Président du Tribunal aurait dû siéger à l'exclusion du Vice-Président. Tel n'ayant pas été le cas, il sied de déclarer nul le jugement intervenu et de renvoyer les parties à nouveau, devant le Tribunal;
DES DEPENS
KARIM AMIDOU succombant, il échet de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare N'DIAYE BOCAR recevable en son appel dirigé contre le jugement n° 110 rendu le 07 mars 2000 par le Tribunal de première instance d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Annule le jugement entrepris;
– Renvoie la cause et les parties devant le premier Juge;
– Condamne KARIM AMIDOU aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan (5ème Chambre civile C), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu'approuver cet arrêt lorsqu'il déclare régulier l'acte de saisie signé par le débiteur, même si celui-ci a assisté tardivement aux opérations de saisie, dès lors qu'il avait pu manifester toutes les réserves possibles.
En ce qui concerne le second point, voir nos observations sous OHADA J-02-25.
Regrettons, toutefois, que cette décision évoque le Traité OHADA au lieu de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution (AUVE).