J-02-111
venté de marchandises entre commerçants – application de l'acte uniforme sur le droit commercial général – article 1er audcg – transport des marchandises vendues – transfert des risques à l'acheteur – article 268 audcg.
En vertu de l'article 1er AUDCG, une vente intervenue entre commerçants est soumise à cet Acte uniforme.
En application de l'article 268 AUDCG, lorsque le contrat de vente implique un transport de marchandises, les risques sont transférés à l'acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur.
Article 1 AUDCG
Article 268 AUDCG
(Tribunal de première instance d'Abidjan, jugement n° 327 CIV 7 du 25 avril 2001, SITBAI c/ CFCD-CI).
Tribunal de première instance d'Abidjan
Côte d'Ivoire
Audience Publique Ordinaire du Mercredi 25 Avril 2001
Affaire : sitbai (Me kaba junior)
contre
cfCD-ci (Me flan).
Jugement Civil Commercial Administratif Contradictoire
La Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en matière civile et commerciale, administrative, en son audience publique ordinaire du mercredi vingt-cinq avril deux mil, tenue au Palais de Justice de ladite ville, à laquelle siégeaient :
– Monsieur KOMOIN François, Juge de ce siège, Président
– MM. BANDARA PORQUET et KPLI Désiré, Juges de ce siège, Assesseurs,
Avec l'assistance de Maître GOUANOU NOTO, Greffier,
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
La Société Ivoirienne de Transformation de Bois et d'Agro-Industrie dite SITBAI, société anonyme sise Rue Thomas Edison, à côté de Honda, Abidjan Zone 4 – 01 BP 8385 Abidjan 01;
Demanderesses, comparaissant et concluant par Maître KABA Junior, Avocat à la Cour;
D'UNE PART
ET :
La Compagnie Foncière et Commerciale de Distribution – Côte d'Ivoire dite CFCD-CI, société anonyme au capital de 390 millions FCFA, sise 123, Bld de Marseille – Zone 3, 01 B.P. 956 Abidjan 01;
Défenderesse, comparaissant et concluant par Maître FLAN, Avocat à la Cour;
D'AUTRE PART
le tribunal
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit d'huissier du 26 septembre 2000, la Société Ivoirienne de Transformation de Bois et d'Agro-Industrie dite SITBAI a assigné la Compagnie Foncière et Commerciale de Distribution – Côte d'Ivoire dite CFCD-CI à comparaître le 04 octobre 2000 devant le Tribunal de ce siège en résolution de vente;
La SITBAI expose qu'elle a commandé auprès de la CFCD-CI un transformateur technique de 160 KVA 33 KUB2. A l'installation de ce transformateur après livraison, celui-ci s'est révélé défectueux;
De commun accord, ce matériel fut confié pour réparation à la société ABB; cinq heures après sa réinstallation, ledit transformateur explosa; l'expertise diligentée par la société ABB conclut que la détérioration de l'appareil était due à un vice propre de celui-ci; elle sollicite en conséquence la résolution de la vente et le remboursement de l'ensemble des frais, et d’être dispensé du paiement du prix de la marchandise en cause;
La CFCD-CI s'oppose à ces allégations;
Elle explique que la détérioration alléguée n'est pas un vice propre à l'appareil, mais est consécutive à la chute de celui-ci au cours du transport effectué par les soins de la SITBAI. Reconventionnellement, elle sollicite la condamnation de la SITBAI à lui payer la somme de 500.000 F pour procédure abusive et vexatoire.
SUR CE
La défenderesse ayant conclu, il convient de statuer par décision contradictoire.
EN LA FORME
L'action initiée par la SITBAI étant régulière en la forme, elle est donc recevable.
AU FOND
Attendu que la vente litigieuse des marchandises est intervenue entre deux commerçants; qu'en application de l'article 1er de l'Acte uniforme OHADA sur le Droit Commercial Général, il s'agit d'une vente commerciale régie par les dispositions dudit Acte uniforme;
Attendu qu'aux termes de l'article 268 de cet Acte uniforme, "lorsque le contrat de vente implique un transport de marchandises, les risques sont transférés à l'acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur »;
Attendu qu'en l'espèce, le contrat de vente du transporteur impliquait le transport de celui-ci à ADZOPE; qu'en application du texte précité, dès la remise de la marchandise au transporteur, les risques ont été transférés à la SITBAI; qu'il est constant que la détérioration subie par la marchandise n'est pas due à un vice propre à celle-ci, mais bien plutôt à une chute survenue au cours du transport; que l'allégation de la SITBAI selon laquelle cette chute était du fait de la société CFCD-CI est inopérante dans la mesure où elle ne produit à l'appui de celle-ci aucun élément susceptible de l'étayer; qu'au regard de ce qui précède, il y a lieu de débouter la SITBAI de sa demande;
Attendu qu'en ce qui concerne la demande reconventionnelle formée par la société CFCD-CI, pour procédure abusive et vexatoire, celle-ci n'apporte pas la preuve de préjudice qu'elle prétend avoir subi; qu'il convient de la débouter de cette demande;
Attendu que la société SITBAI succombe; qu'elle doit supporter les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort;
– Reçoit la SITBAI en son action;
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
– Reçoit la CFCD-CI en sa demande reconventionnelle;
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
– Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort, les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- Sur l'application de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
A vrai dire, l'article 1er AUDCG trace le domaine d'application matérielle de ses dispositions ("à tout commerçant, personne physique ou morale…), c'est l'article 289 qui détermine son application dans le temps, c'est-à-dire la date du 1er janvier 1998. L'AUDCG n'était applicable à cette espèce que si la vente avait été conclue avant cette date; encore eût-il fallu que le tribunal précisât ce fait dans sa motivation.
2.- Sur le transfert des risques à l'acheteur.
Faisons observer, tout d'abord, que ce n'est pas l'article 268 mais 286 AUDCG qui règle la question du transfert des risques à la charge de l'acheteur, en cas de transport de la marchandise. Une relecture attentive de la décision aurait permis de corriger cette regrettable erreur.
Précisons, en outre, que le principe du transfert des risques est rattaché à celui du transfert de propriété et signifie que la destruction ou les dégâts subis par la chose sont à la charge du propriétaire sauf, bien entendu, le fait d'un tiers (vendeur, transporteur, transitaire, penitus extranei …) ou le cas d’une clause contraire qui retarderait le transfert de propriété jusqu’à la livraison, par exemple.
Or, en l'espèce, concernant l'explosion du transformateur après installation, deux thèses s'affrontaient :
– la thèse du vice propre à cet appareil, selon une expertise diligentée par la société ABB, qui avait procédé à la réparation;
– la thèse de la chute de l'appareil au cours du transport, comme le prétendait le vendeur.
Le Tribunal opte pour la thèse de la chute, sans dire sur quels éléments de fait il s'appuyait pour retenir la preuve de l'existence d'une chute et le lien de causalité entre cette chute et l'explosion de l'appareil et pourquoi il rejetait les conclusions de l'expertise.