J-02-112
saisie conservatoire – créance fondée sur la tva non recouvrée – bien-fondé de la saisie conservatoire (oui) – article 228 cgi ivoirien.
demande de condamnation à paiement contre le saisi – demande de validation de la saisie conservatoire et de sa transformation en saisie exécutoire – demandes formées pour la première fois en appel – demandes irrecevables.
Une saisie conservatoire pratiquée par un prestataire de services pour garantir le non-paiement de la TVA par son client est fondée. C'est en vain que l'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest invoque le bénéfice de l'article 228 du Code général des impôts exonérant de la T.V.A. les associations, cet Institut n'ayant pas la nature de tels groupements dès lors que ses ressources émanent de recettes obtenues en exécution de contrats et de prestations de services exécutés par lui.
Le saisissant ne peut demander, en appel, pour la première fois, la condamnation à paiement du débiteur saisi, la validation de la saisie conservatoire et sa transformation en saisie exécution (saisie vente désormais).
Article 54 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, 5ème Chambre B, arrêt n° 146 du 30 janvier 2001, Etablissements GENTIL c/ IIAO).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Mardi 30 Janvier 2001
Affaire : etablissements gentil
(Mes ahoussou-konan et associés)
contre
i.i.a.o.
(Mes obeng – koffi fian).
Arrêt Civil Contradictoire 5ème Chambre B
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi trente janvier deux mil un, à laquelle siégeaient :
Monsieur SEKA ADON Jean-Baptiste, Président de Chambre, Président
Mr DIALLO Mahammadou et Mme KONAN Laurence, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître DON Gabriel, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
Les Etablissements GENTIL, entreprise individuelle de Mr ABLE KANGA Alain, commerçant de nationalité ivoirienne, domicilié à Abidjan Treichville;
APPELANTS
Représentés et concluant par Maîtres AHOUSSOU - KONAN et Associés, Avocats à la Cour, leurs Conseils;
D'UNE PART
ET :
L'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest, sis à Grand-Bassam, pris en la personne de son représentant budgétaire Monsieur KOUASSI YAO Georges, Ivoirien, domicilié en cette qualité au siège dudit Institut;
INTIME
Représenté et concluant par Maître OBENG KOFFI FIAN et Associés, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
Le Président de la section de Tribunal de Grand-Bassam, statuant en la cause, en matière de référé, a rendu le 27 juin 2000, une ordonnance n° 183 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter, et dont le dispositif est, ci-dessous, résumé;
Par exploit en date du 29 août 2000 de Maître KONAN KOFFI Emmanuel, Huissier de justice à Abidjan, les Etablissements GENTIL ont déclaré interjeter appel de l'ordonnance sus-énoncée et ont, par le même exploit, assigné l'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest dit I.I.A.O. à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du vendredi 08 septembre 2000, pour entendre annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le numéro 965 de l'an 2000;
Par arrêt avant dire droit n° 961 du 08 septembre 2000, la Cour d'Appel de céans a déclaré recevable l'appel des Etablissements GENTIL et elle a renvoyé la cause et les parties à l'audience publique du 10 octobre 2000 pour examen au fond;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 16 janvier 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 30 janvier 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 30 janvier 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Suivant exploit du 29 août 2000, les Etablissements GENTIL, entreprise individuelle de M. ABLE KANGA Alain, ont relevé appel de l'ordonnance n° 183 rendue le 27 juin 2000 par la juridiction présidentielle de Grand-Bassam qui, en la cause, a ainsi statué :
– "Recevons l'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest dit IIAO en son action;
– L'y disons bien fondée;
– Rétractons l'ordonnance n° 22/2000 du 05 mai 2000;
– Ordonnons la mainlevée de la saisie pratiquée »;
L'appelant, dans son acte d'appel, a rappelé qu'il a réalisé pour le compte de l'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest dit IIAO, des travaux de revêtement de sol et de peinture d'un coût hors taxe de 12.353.291 F;
Il explique que l'IIAO, faisant croire qu'il bénéficiait d'une exonération de TVA, avait sollicité et obtenu une facture hors taxe;
Cependant, ajoute-t-il, la preuve de l'exonération de TVA n'arrivant pas, il a été contraint de réclamer le paiement de la somme de 2.470.058 F représentant la TVA, mais en vain;
Poursuivant, l'appelant indique que pour la sauvegarde de sa créance, il a obtenu de la juridiction présidentielle de Grand-Bassam, l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles de l'IIAO et ce, par ordonnance n° 22 du 05 mai 2000;
Il estime que c'est à tort que le Premier juge a rétracté cette ordonnance au motif que le recouvrement de la TVA était du ressort exclusif de l'Etat ivoirien;
Les Etablissements GENTIL font plaider que, bien au contraire, la TVA est par excellence la taxe que l'Etat recouvre en utilisant les personnes privées physiques ou morales, à charge pour celles-ci de la lui reverser;
Ils ajoutent que leur action est d'autant plus légitime qu'eux-mêmes ont dû acquitter la TVA auprès de leurs fournisseurs;
Ils estiment en conséquence que c'est à bon droit qu'ils ont saisi à titre conservatoire les biens meubles de l'IIAO;
Ils sollicitent que la Cour condamne l'IIAO à leur payer la somme de 2.470.058 F représentant le montant de la TVA;
L'Institut Industriel de l'Afrique de l'Ouest dit IIAO, intimé, conclut pour sa part, à l'irrecevabilité de l'appel interjeté plus de 21 jours après la signification de l'ordonnance;
Subsidiairement au fond, il fait valoir qu'étant une association à but non lucratif, il n'est pas assujetti à la TVA au sens de l'article 228 du Code général des impôts;
Il précise qu'il n'est pas tenu de faire la preuve de son exonération, les dispositions de l'article 228 suscité étant de portée générale;
En tout état de cause, l'IIAO ajoute que les travaux ont été facturés au prix total de 12.353.891 F sans aucune précision, et que cette facture a été payée depuis le 17 juin 1999;
Il estime que les Etablissements GENTIL ont non seulement émis une facture irrégulière, mais en plus, ils ne peuvent réclamer le paiement d'une taxe dont l'exigibilité était échue au 17 juin 1999;
Enfin, l'intimé soutient que la TVA ne peut représenter une créance pour les Etablissements GENTIL, qui n'ont ni intérêt ni qualité pour agir en recouvrement de cette taxe;
Il conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée.
DES MOTIFS
sur la recevabilité de l'appel
L'IIAO soutient que l'appel relevé par les Etablissements GENTIL l'a été hors délai;
Cependant, il ne produit pas l'acte de signification de l'ordonnance pour le prouver; il y a lieu en conséquence de déclarer recevable cet appel;
sur le FOND
L'article 54 de l'Acte uniforme du Traité OHADA portant recouvrement simplifié et voies d'exécution énonce que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement;
En l'espèce, il résulte des statuts de l'IIAO, notamment en son article 15, que cet organisme a des ressources émanant de recettes obtenues en exécution de contrats et de prestations de services exécutés par lui;
Dès lors, il est manifeste que les dispositions de l'article 228 du Code général des impôts ne peuvent s'appliquer à une association se livrant à des activités lucratives;
Il en résulte que les Etablissements GENTIL sont bien fondés à réclamer la TVA qui, par définition, est une taxe collectée par les personnes privées et reversée à l'Etat;
La créance paraissant ainsi fondée en son principe, c'est à tort que le Premier juge a rétracté l'ordonnance n° 22/2000 du 05 mai 2000;
Il convient d'infirmer la décision attaquée et de restituer à l'ordonnance n° 22/2000 son plein et entier effet.
Sur la demande en paiement et en validation
Les Etablissements GENTIL ont sollicité la condamnation de l'IIAO à leur payer 2.470.658 F, la validation de la saisie conservatoire et sa transformation en titre exécutoire; il y a lieu de déclarer irrecevables ces demandes formulées pour la première fois en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l'appel relevé par les Etablissements GENTIL.
AU FOND
– Les y dit bien fondés;
– Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau;
– Dit que la créance paraît fondée en son principe;
– Restitue à l'ordonnance n° 22/2000 du 02 mai 2000, son plein et entier effet;
– Déclare irrecevable la demande de condamnation et de validation de saisie conservatoire, celle-ci étant nouvelle;
– Condamne l'IIAO aux dépens.
En foi de quoi le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan (5ème Chambre civile B), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
Un créancier de TVA contre un de ses clients demande et obtient, le 5 mai 2000, une ordonnance (n° 22) de saisie conservatoire sur des biens meubles corporels de son débiteur. Celui-ci obtient, quelque temps après, rétractation de cette première ordonnance par une ordonnance n° 183 du 27 juin 2000.
Le créancier fait appel de l’ordonnance de rétractation tout en demandant condamnation de son débiteur à lui payer les sommes dues et la validation de la saisie conservatoire.
La cour d’appel déclare que la créance paraît fondée, restitue à l’ordonnance de saisie conservatoire n° 22 du 5 mai 2000 son plein et entier effet mais refuse de prononcer la condamnation du débiteur et de valider la saisie conservatoire.
C’est à juste titre que la Cour d’appel rejette la demande de condamnation; elle n’était pas saisie de cette question ou, plutôt la justice n’en était saisie que pour la première si bien que l’effet dévolutif de l’appel ne lui permettait pas de statuer sur cette question.
Quant à la validation de la saisie conservatoire, elle n’avait aucune utilité, car de deux choses, l’une :
– ou bien le créancier obtient une saisie conservatoire et, sauf mainlevée, celle-ci rend les biens jusqu’à obtention d’un titre exécutoire;
– ou bien il obtient un titre exécutoire et il passe aussitôt à la phase de saisie vente sans qu’il soit nécessaire de demander la validation.
Une dernière question se pose tout de même : comment l’appel contre l’ordonnance de rétractation a-t-il été possible alors que l’acte uniforme sur les voies d’exécution ne prévoit absolument pas cette voie de recours ?