J-02-113
société commerciale – sarl – expertise de gestion – demande d'expertise par un associé détenant moins de vingt pour cent du capital – demande irrecevable – article
159 AUSCGIE.
En application de l'article
159 AUSCGIE un associé ou plusieurs associés ne peuvent demander une expertise de gestion que s'ils détiennent, seul ou en se groupant, un cinquième (soit 20 %) du capital social. Un associé ne détenant que 8 % du capital social ne peut former une telle demande.
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, 5ème Chambre A, arrêt n° 10 du 02 janvier 2001, Polyclinique Avicennes c/ Bassit Assad).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Mardi 02 Janvier 2001
Affaire : polyclinique avicennes
(Me niangadou aliou)
contre
bassit assad
(SCPA KANGA CLAYE).
Arrêt Civil Contradictoire 5ème Chambre A
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi deux janvier deux mil un, à laquelle siégeaient :
Monsieur AGNINI Youssouf, Président de Chambre, Président
Mr DEMBELE Tahirou et Mr KOUAME Augustin, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître IRIE Alain, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
La Polyclinique AVICENNES sise à Abidjan Marcory – Bd Achalme – 01 BP 4061 Abidjan 01, représentée par son gérant FAKHRY KHALED, Médecin, de nationalité ivoirienne, demeurant au siège social;
APPELANTE
Représentée et concluant par Maître NIANGADOU ALIOU, Avocat à la Cour, son Conseil;
D'UNE PART
ET :
Mr BASSIT ASSAD, Médecin, demeurant à Abidjan Zone 4 – 01 BP 2761 Abidjan 01;
INTIME
Représenté et concluant par Maîtres KANGA-CLAYE EBY, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
La juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan Plateau, statuant en la cause, en matière de référé, a rendu le 02 mars 1993, une ordonnance n° 853 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du mercredi 12 janvier 2000 de Maître AYIE-KIPRE G. Thérèse, Huissier de justice à Abidjan, la Polyclinique AVICENNES a déclaré interjeter appel de l'ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné Mr BASSIT ASSAD à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du mardi 25 janvier 2000, pour entendre annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le numéro 78 de l'an 2000;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 12 décembre 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 02 janvier 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 02 janvier 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
des faits, procédure et prétentions des parties
Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2000, la Polyclinique AVICENNES, agissant par Monsieur FAKHRY KHALED son gérant, et ayant pour Conseil Maître NIANGADOU ALIOU, Avocat à la Cour d'Appel d'Abidjan, a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 856/99 rendue le 02 mars 1999 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau, ordonnance dont le dispositif est ainsi conçu :
– Déclarons Monsieur BASSIT ASSAD recevable et bien fondé en son action;
– Ordonnons une expertise des comptes de la société POLYCLINIQUE AVICENNES depuis les trois derniers exercices, à l'effet d'en restituer la réalité et de déterminer les droits des associés sur les résultats desdits exercices;
– Désignons Monsieur MADY MADY, Expert comptable de son état, pour accomplir cette mission;
– Disons que le demandeur supportera les frais d'expertise;
La Polyclinique AVICENNES conclut à l'infirmation de l'ordonnance au motif que l'article 159 du traité OHADA invoqué par BASSIT ASSAD pour solliciter l'expertise, n'autorise cette mesure qu'aux associés représentant 20 % du capital social. Or, en l'espèce, BASSIT ASSAD ne détient que 152 parts des 1.900 parts sociales, soit 8 % du capital;
Il n'a donc ni la qualité ni la capacité de solliciter et d'obtenir une telle mesure; c'est donc à tort que l'ordonnance critiquée a été rendue;
En réplique, BASSIT ASSAD soutient que non seulement l'article 4 des statuts de la Polyclinique prévoit que les associés non gérants peuvent interroger, une fois par trimestre, le gérant sur sa gérance dans le cadre de l'exercice de leurs droits de contrôle, mais également l'article 14 du traité OHADA (sic) portant droit des sociétés donne la même possibilité aux associés non gérants et qu'il est prévu qu'en cas de difficulté, l'associé a le droit d'organiser l'exercice de ce droit comme il l'entend; qu'il y a donc juridiquement la possibilité de demander la désignation d'un expert devant restituer la réalité des comptes de la SARL Polyclinique AVICENNES;
Il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance querellée.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel de la SARL POLYCLINIQUE AVICENNES est intervenu le 12 janvier 2000, soit sept jours après la signification de l'ordonnance;
Cet appel a donc été relevé dans le délai de huit jours prévu par l'article 228 du Code de procédure civile;
Il doit, en conséquence, être déclaré recevable.
AU FOND
La Polyclinique AVICENNES sollicite l'infirmation au motif que BASSIT ASSAD, qui détient moins du cinquième du capital social, n'a ni capacité ni qualité pour demander une expertise comptable;
Il ressort de l'article 159 du traité OHADA relatif au droit uniforme des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, que seul l'associé détenteur d'un cinquième du capital social a la possibilité de demander une expertise des comptes, de la gestion de la société. Aucun autre texte n'accorde ce droit à un associé;
En conséquence, la demande d'expertise de BASSIT ASSAD, qui n'a que 152 parts sur 1.900 parts, soit 8% du capital, doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité. Par suite, l'ordonnance querellée mérite infirmation;
BASSIT ASSAD ayant succombé à l'instance, il doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare l'appel de la Polyclinique AVICENNES recevable et bien fondé;
– Infirme l'ordonnance querellée;
– Déclare la demande d'expertise de BASSIT ASSAD irrecevable;
– Condamne BASSIT ASSAD aux dépens.
En foi de quoi le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel d'Abidjan (5ème Chambre civile A), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
L'application stricte de l'article
159 AUSCGIE ne permettait pas d'envisager une autre solution que celle adoptée par la Cour d'Appel.
Quant à l'article 14 de l'AUSCGIE (la Cour parle de « Traité Ohada »), nous n'y trouvons aucune référence à l'expertise de gestion.
En revanche, on peur regretter que la Cour d'Appel ne se soit pas penchée sur l'article 4 des statuts qu'invoquait l'intimé pour justifier sa demande d'expertise. En effet, si les dispositions de l'AUSCGIE sont d'ordre public (article 2), reste à s'interroger sur la portée de ce caractère : interdit-il toute clause statutaire contraire en restreignant le bénéfice ou admet-il des clauses plus favorables, comme le laisse supposer l'intimé. Il est vraiment dommage que cet argument n'ait pas été discuté au fond.
Enfin, regrettons que l'arrêt parle de traité Ohada là où il s'agit d'Acte uniforme.