J-02-114
ordonnance d'injonction de délivrer ou restituer –opposition formée dans les quinze jours de la signification – opposition recevable – assignation à comparaître dans les trente jours de l'opposition – erreur matérielle dans la fixation de la date d'ajournement – rectification de la date d'ajournement dans le délai fixé par la loi POUR FORMER L’OPPOSITION – opposition recevable.
crédit-bail – non paiement des loyers – véhicules au nom du débiteur (crédit preneur) – mal fondé de la décision de restitution.
Une ordonnance de restitution de véhicules étant signifiée le 23 mars 2000, l'opposition formée le 14 avril 2000 est faite dans le délai de quinze jours imparti par l'AUPSRVE, en tenant compte du caractère franc des délais prévus par ce texte.
En assignant son adversaire à comparaître le 31 avril 2000, puis, s'apercevant de son erreur matérielle (le mois d'avril ne comptant que 30 jours), ajournant la cause à l'audience du 08 mai 2000, l'opposant a respecté le délai de 30 jours fixé par l'Acte uniforme pour l'assignation à comparaître.
L'obligation de délivrance de véhicules envers le crédit bailleur ne peut se justifier que si celui-ci en est propriétaire ou l'est devenu. Si tel n'est pas le cas, l'ordonnance de délivrer n'est pas fondée.
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, 1ère Chambre, arrêt n° 158 du 02 février 2001, Dramera Mamadou c/ Société Sogefibail).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Vendredi 02 Février 2001
Affaire : dramera mamadou
(Me toure marame)
contre
société sogefibail
(Mes dogue-abbe yao associés).
Arrêt Civil Contradictoire 1ère Chambre
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi deux février deux mil un, à laquelle siégeaient :
Monsieur KHOUADIANI KOUADIO KOUAKOU Bertin, Premier Président, Président
Mme ZEBEYOUX Aimée et Mr COULIBALY Ahmed Souleymane, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître TIA Rigobert, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
Monsieur DRAMERA MAMADOU, né vers 1952 à Bamako, Commerçant, de nationalité malienne, demeurant à Abidjan, gérant de la société HIFI ORBITE, 02 BP 38 Abidjan 02, Bd Nangui Abrogoua, face à l'ancien cinéma Lux;
APPELANT
Représenté et concluant par Maître TOURE MARAME, Avocat à la Cour, son Conseil;
D'UNE PART
ET :
La SOCIETE GENERALE DE FINANCEMENT pour le CREDIT BAIL dite SOGEFIBAL, S.A., dont le siège social est à Abidjan – 26, Avenue Delafosse – 01 BP 1355 Abidjan 01, prise en la personne de son représentant légal, monsieur Pierre Gabriel Siby, directeur général, administrateur de société demeurant au siège de ladite société;
INTIME
Représenté et concluant par Maîtres DOGUE, ABBE YAO et Associés, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 31 juillet 2000, un jugement N° 684/2000 enregistré à Abidjan le 06 décembre 2000 reçu 18.000 F, aux qualités duquel il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du vendredi 18 août 2000 de Maître KONAN KOFFI Emmanuel, Huissier de justice près la Cour d'Appel d'Abidjan, a déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné la Société Générale de Financement pour Crédit-Bail dite SOGEFIBAIL à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du vendredi 13 octobre 2000, pour entendre annuler ou infirmer ledit jugement;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le n° 994 de l'an 2000;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 19 janvier 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
Le Ministère Public, à qui le dossier a été communiqué, a déclaré se rapporter à la décision de la Cour à venir.
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 02 février 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 02 février 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
exposé du litige
Courant l'année 1997, DRAMERA MAMADOU sollicitait de la SOGEFIBAIL, un concours financier pour l'accomplissement de son activité commerciale.
Afin de garantir le remboursement de sa créance, la SOGEFIBAIL exigeait de son débiteur des gages sur des véhicules lui appartenant;
A cet effet, et pour matérialiser ladite opération, la SOGEFIBAIL et DRAMERA Mamadou concluaient différents contrats de crédit-bail portant sur lesdits véhicules;
Pour des loyers qu'elle estimait impayés, la SOGEFIBAIL obtenait de la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau, une ordonnance de restitution des véhicules susvisés;
DRAMERA formait alors opposition à ladite ordonnance;
Cependant, le Tribunal saisi déclarait irrecevable ledit recours;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, DRAMERA Mamadou, par acte d'huissier en date du 18 août 2000, relevait appel du jugement civil n° 684 en date du 31 juillet 2000, susvisé, à l'effet de voir la Cour d'Appel de ce siège :
– L'infirmer;
– Déclarer recevable l'acte d'opposition qu'il avait entrepris devant les premiers juges à l'ordonnance de restituer n° 503/2000;
– Dire et juger que la SOGEFIBAIL n'était pas créancière envers lui, d'une telle obligation;
– En conséquence, rétracter ladite ordonnance;
Au soutien de son acte d'appel, DRAMERA Mamadou reprochait aux premiers juges d'avoir fait une mauvaise interprétation des articles 10 et 11 de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances;
Alors qu'il ne lui avait été signifié l'ordonnance de restituer n° 503/2000 que le 23 mars 2000, il avait initié son acte d'opposition à ladite ordonnance le 07 avril 2000, soit moins de 15 jours après;
Ainsi, pour l'appelant, les dispositions de l'article 10 précité avaient par lui, été respectées;
Seulement, poursuivait-il, une erreur matérielle qui s'était glissée dans son exploit d'opposition, avait indiqué que l'audience d'ajournement était pour le 31 avril 2000 alors que le mois d'avril expirait le 30;
De la sorte, les premiers juges avaient conclu que l'article 11 alinéa 2 de ladite loi avait été violé en ce qu'il s'était écoulé plus de 30 jours entre la date d'opposition, en l'occurrence le 07 avril 2000, et celle de l'ajournement;
Néanmoins, et afin de régulariser ladite erreur matérielle, DRAMERA Mamadou expliquait qu'il avait auparavant fait servir un avenir d'audience le 02 avril 2000, qui fixait la nouvelle date d'audience pour le 08 mai, étant donné que le 1er mai était un jour férié;
Ce faisant, l'appelant estimait avoir satisfait aux dites prescriptions légales;
Par ailleurs, toujours en la forme, DRAMERA Mamadou notait que la requête aux fins de restitution de la SOGEFIBAIL eût dû être déclarée irrecevable, dans la mesure où ladite société, qui n'était titulaire que d'un contrat de crédit-bail, n'avait aucun droit à une restitution des véhicules litigieux, comme pouvaient l'attester les cartes grises qu'il produisait;
Subsidiairement, au fond, l'appelant concluait à une reddition de compte entre les parties au litige, étant donné que la SOGEFIBAIL, qui se prétendait créancière de la somme de 206.405.836 F, n'avait produit aucun document attestant qu'il était redevable d'arriérés de loyers;
A l'opposé, il faisait pour sa part état de plusieurs règlements qu'il avait effectués, tel qu'il résultait des extraits de ses relevés bancaires, produits également au dossier;
En réponse, la SOGEFIBAIL concluait quant à elle, à la confirmation de la décision querellée;
En effet, selon elle, les articles 10 et 11 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créances avaient bel et bien été violés par l'appelant;
Pour cela, elle faisait remarquer qu'au regard de tous les actes de procédure accomplis par DRAMERA Mamadou afin de faire examiner son opposition devant les premiers juges, il apparaissait qu'entre le 07 avril 2000, date de ladite voie de recours, et le 08 mai 2000, date d'ajournement en définitive, il s'était écoulé plus de 30 jours;
Dès lors, arguait-elle, ce fut à bon droit, que le Premier juge lui avait fait une application de la déchéance attachée à la violation des dispositions légales susvisées;
Par ailleurs, relativement au droit qu'elle avait de solliciter la restitution des véhicules litigieux, la SOGEFIBAIL observait que DRAMERA Mamadou, au vu du contenu du contrat de crédit-bail qui les liait, n'était qu'un locataire desdits véhicules;
Ainsi donc, selon elle, l'action en restitution qu'elle avait entreprise était tout à fait conforme aux prescriptions de l'article 19 de l'Acte uniforme en cause;
Enfin, sur la reddition de compte sollicitée par l'appelant, l'intimée rappelait les termes de l'article 1315 du code civil suivant lesquels il appartenait à DRAMERA Mamadou de rapporter la preuve de sa libération;
C'est pourquoi, elle concluait au rejet de ce chef de demande;
En réplique, DRAMERA Mamadou entendait préciser que le montant total du crédit viré par la SOGEFIBAIL sur son compte, au titre des contrats de crédit-bail en cause, s'élevait à la somme de 419.958.000 F;
Pour le remboursement de sa dette, le loyer mensuel à payer était de 14.173.640 F;
Or, selon lui, un examen approfondi de ses relevés bancaires laissait apparaître qu'il avait, au total, acquitté la somme de 420.096.070 F;
Dès lors, il y avait manifestement un trop perçu de 908.987 F, en sorte qu'à ce jour, il n'était plus débiteur, mais plutôt créancier de la SOGEFIBAIL;
Le Ministère Public, pour sa part, s'en rapportait.
SUR CE
La SOGEFIBAIL ayant régulièrement été intimée, il y a lieu de rendre une décision contradictoire.
EN LA FORME
sur la recevabilité de l'appel interjeté par dramera mamadou
DRAMERA Mamadou a relevé appel, par acte d'huissier, d'une décision qui ne lui a pas été signifiée;
Ledit appel est donc recevable, pour avoir été initié dans les forme et délai légaux;
AU FOND
Sur la recevabilité de l'acte d'opposition de dramera mamadou devant les premiers juges
Au regard des pièces produites au dossier, il apparaissait que l'ordonnance n° 503/2000 en date du 24 janvier 2000, ayant ordonné la restitution des véhicules objets du litige, a été signifiée le 23 mars de la même année à DRAMERA Mamadou;
Le 14 avril 2000, DRAMERA Mamadou formulait son acte d'opposition et ajournait la cause à l'audience du lundi 31 avril 2000, puis à celle du 08 mai 2000, par un avenir d'audience;
Il résulte de la combinaison des articles 10 et 11 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de certaines créances, que l'acte d'opposition doit être formé dans le délai de 15 jours suivant la signification, et prévoir un ajournement à une date qui ne saurait excéder 30 jours, à compter de ladite voie de recours;
Au vu de ce qui précède, et en tenant compte du caractère franc des délais prévus par ledit Acte uniforme, il y a lieu de constater que DRAMERA Mamadou, en formant son opposition à la date sus-indiquée, a agi dans ledit délai de 15 jours;
En outre, suivant le droit commun des règles applicables en matière de voies de recours, la juridiction n'est saisie que par l'Acte introductif d'instance, en l'occurrence en ce qui concerne la présente cause, l'acte d'opposition;
Ainsi, quand bien même il est clair que dans le calendrier, le mois d'avril expire le 30, et non le 31, il n'en demeure pas moins que la date indiquée par DRAMERA Mamadou dans son recours, est incluse dans le délai de 30 jours exigé par ledit Acte uniforme;
En tout état de cause, l'avenir d'audience, bien que ne saisissant pas une juridiction a, en l'espèce, indiqué une date d'évocation du litige, notamment le 08 avril 2000, qui n'excède pas le délai susvisé, en tenant toujours compte du caractère franc du délai des voies de recours;
Au total, il convient de dire que tant en ce qui concerne le délai d'exercice de son opposition, que celui d'ajournement, DRAMERA Mamadou ne s'est pas mis en marge des prescriptions légales susvisées;
Dès lors, en statuant en sens contraire et en déclarant DRAMERA Mamadou irrecevable en son opposition, les premiers juges ont procédé à une mauvaise appréciation des éléments de la cause;
Aussi, il y a lieu d'infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau, il convient de déclarer DRAMERA Mamadou recevable en son opposition formée contre l'ordonnance présidentielle n° 503/2000, prescrivant la restitution des véhicules objets du présent litige.
Sur le bien-fondé de la décision de restitution
Aux termes de l'article 19 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de certaines créances, le créancier d'une obligation de délivrance d'un bien meuble corporel peut solliciter ladite mesure devant le Président de la juridiction compétente;
En matière mobilière, l'obligation de délivrance est liée à la propriété du bien, qui, pour les véhicules, se prouve par l'inscription du nom du propriétaire sur la carte grise;
Il résulte des cartes grises produites au dossier, que les véhicules dont la restitution est sollicitée par la SOGEFIBAIL, ont été établies au nom de DRAMERA Mamadou;
Ainsi, en dépit des contrats de crédit-bail conclu entre la SOGEFIBAIL et DRAMERA Mamadou et qui, au reste, l'ont été en marge de la réalité de l'opération menée par les parties, il y a lieu de dire et juger que la SOGEFIBAIL n'est pas propriétaire des véhicules litigieux;
A ce titre, ladite société n'est donc pas fondée à en réclamer la restitution;
En statuant en sens contraire, l'ordonnance n° 503/2000 rendue le 24 janvier 2000 mérite d'être rétractée;
La société SOGEFIBAIL ayant succombé, il lui faut supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare DRAMERA Mamadou recevable en son appel régulièrement relevé du jugement civil n° 684 en date du 31 juillet 2000, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau.
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme ledit jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
– Reçoit DRAMERA Mamadou en son opposition;
– Rétracte l'ordonnance n° 503/2000 ayant ordonné la restitution des véhicules à la SOGEFIBAIL;
– Met les dépens à la charge de la SOGEFIBAIL.
Ainsi fait jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Cet arrêt déroute le lecteur, même averti, et inquiète quant à l'impéritie des plaideurs.
Un contrat de crédit-bail liait les parties. En raison, probablement, de l'interruption des paiements, le crédit bailleur entreprit une procédure de restitution des véhicules donnés à crédit-bail, sans doute en empruntant la procédure d'injonction de délivrer, bien que l’allusion aux articles 10 et 11 visés par les parties étonne. Seule, la référence à l'article 19 AUVE, in fine de l'arrêt, permet de situer avec certitude la procédure dans celle de l'injonction de délivrer ou restituer. Or, ce texte permet à celui qui se prétend créancier d'une obligation de délivrance ou de restitution d'un bien meuble corporel déterminé, de demander au président du tribunal de première instance d'ordonner cette délivrance ou cette restitution. Ce que le crédit bailleur devait faire, c'était montrer qu'il venait chercher un titre de délivrance et s'employer à démontrer que le contrat de crédit-bail devait être résilié et les véhicules lui revenir. Maladresse du crédit bailleur qui ne s'est pas bien défendu ? Indigence du contrat de crédit-bail sur ce point particulier ? On ne saurait le dire, mais on ne saurait reprocher à la Cour d'avoir rendu sa décision telle qu'elle l'a fait, en partant du constat que le titre de propriété désignait bien le crédit preneur comme propriétaire et que rien ne paraissait devoir remettre en cause son titre.
On doit également approuver la Cour d'Appel d'avoir validé l'assignation à comparaître au 08 mai 2000 au lieu du 31 avril comme précédemment indiqué par l’opposant, dès lors que, dans le délai de 30 jours qui lui était imparti par l'Acte uniforme cette erreur matérielle avait été corrigée; cette erreur n’avait pas nui à son adversaire et, de plus, la formalité de l'assignation avait été renouvelée correctement.
Par contre, on n'est pas convaincu par la validation du délai de 15 jours. En effet, en comptant du 23 mars 2000 au 14 avril 2000 (dates retenues par la Cour d'Appel dans la motivation de sa décision; s’agit-il d’une erreur matérielle qui s’est glissée dans sa décision ?), on dénombre 22 jours sans que l'on puisse expliquer pourquoi la différence de 7 jours ne pénalise pas l'opposant, même si, comme le dispose l'article 335 AUVE, les délais prévus dans cet Acte sont francs.
N.B. : voir Ohadata J-02-115