J-02-115
ordonnance d'injonction de délivrer ou DE restituer – jugement rendu sur opposition à l'ordonnance – appel interjeté plus de 30 jours après le jugement – délai franc – appel recevable.
défaut de preuve de la créance de délivrance ou de restitution – infirmation du jugement ayant confirmé l'ordonnance d'injonction de délivrer ou DE restituer.
Le crédit bailleur qui ne parvient pas à faire la preuve de sa créance de délivrance ou de restitution ne peut obtenir en sa faveur un titre de délivrer ou de restituer les véhicules qu'il prétend objet du gage crédit-bail.
Un appel formé le 1er septembre contre un jugement rendu le 31 juillet confirmant une ordonnance de délivrer ou de restituer est fait dans le délai de 30 jours imparti par l'article 15 AUVE, le délai étant franc.
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, 1ère Chambre, arrêt n° 310 du 16 mars 2001, Hassana Dramera c/ Sogefibail).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Vendredi 16 Mars 2001
Affaire : Hassana Dramera
(Mes bourgoin & kouassi)
contre
sogefibail
(Mes dogue-abbe yao).
Arrêt Civil Contradictoire 1ère Chambre
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi seize mars deux mil un, à laquelle siégeaient :
Monsieur SEKA ADON Jean-Baptiste, Premier Président,
Mme ZEBEYOUX Aimée et Mr COULIBALY Ahmed Souleymane, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître TIA Rigobert, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause :
ENTRE :
Monsieur HASSANA DRAMERA, né en 1958 à Bendougou au Mali, de nationalité malienne, Commerçant, demeurant à Abidjan Cocody Riviera Attoban, lot n° 250, 19 BP 524 Abidjan 19;
APPELANT
Représenté et concluant par Maîtres BOURGOIN et KOUASSI, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'UNE PART
ET :
La SOCIETE GENERALE DE FINANCEMENT pour le CREDIT BAIL dite SOGEFIBAIL, Société Anonyme dont le siège social est à Abidjan Plateau – 26, Avenue Delafosse – 01 BP 1355 Abidjan 01;
INTIMEE
Représentée et concluant par Maîtres DOGUE et ABBE YAO, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 31 juillet 2000, un jugement n° 658/CIV/2B2, aux qualités duquel il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du vendredi 1er septembre 2000 de Maître DEGO GBAGBEU, principal Clerc assermenté substituant Maître OUNGBE SREU Emile, Huissier de justice à Abidjan, a déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné la SOGEFIBAIL à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du vendredi 20 octobre 2000, pour entendre annuler ou infirmer ledit jugement;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le n° 1091 de l'an 2000;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 23 février 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
Le Ministère Public, à qui le dossier a été communiqué, a conclu se rapporter à la décision à venir.
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du vendredi 09 mars 2001, délibéré qui a été prorogé jusqu'au 16 mars 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 16 mars 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
exposé du litige
La Société Générale de Financement par Crédit-Bail dite SOGEFIBAIL et HASSANA DRAMERA concluaient, courant le mois de mars 1999, des contrats de crédit-bail portant sur 17 véhicules;
Lesdits contrats étaient par la suite résiliés à l'initiative de la SOGEFIBAIL;
Un litige naissait alors entre les parties, quant à la restitution des véhicules en cause;
Par une requête en date du 22 décembre 1999, la SOGEFIBAIL sollicitait et obtenait de la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau, une ordonnance aux fins de restitution par HASSANA DRAMERA, des 17 véhicules susvisés;
HASSANA DRAMERA formait alors opposition, et le Tribunal saisi, par un jugement rendu le 31 juillet 2000, le déboutait de ses chefs de demande et restituait à l'ordonnance querellée, son plein et entier effet;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, HASSANA DRAMERA, par acte d'huissier en date du 1er septembre 2000, relevait appel du jugement civil n° 658/CIV/B2 en date du 31 juillet 1999 susvisé, à l'effet de voir la Cour d'Appel de céans :
– L'infirmer.
Statuant à nouveau :
– Dire et juger que la SOGEFIBAIL ne rapportait nullement la preuve qu'elle était propriétaire des véhicules dont elle sollicitait la restitution;
– En conséquence, rétracter l'ordonnance aux fins de restitution n° 504/2000 en date du 26 janvier 2000.
Au soutien de son acte d'appel, HASSANA DRAMERA expliquait qu'en quête de fonds pour améliorer sa trésorerie, il avait pris l'attache de la SOGEFIBAIL, qui lui avait proposé le montage financier suivant :
Ledit organisme de financement se proposait de racheter ses 17 véhicules pour une valeur de 525.000.000 F;
Ensuite, les parties concluraient un contrat de crédit-bail portant sur lesdits véhicules dont désormais, la SOGEFIBAIL serait propriétaire;
Au terme dudit contrat, poursuivait l'appelant, fort de la perception par lui du produit de la vente de ses véhicules, il devrait solder le quantum des loyers arrêtés dans la convention de crédit-bail, jusqu'à apurement du prix fixé;
Toutefois, soutenait HASSANA DRAMERA, la SOGEFIBAIL n'avait pas acquitté le prix d'achat de ses véhicules, de sorte que la vente convenue ne fut pas parfaite;
Aussi, reprochait-il au jugement querellé d'avoir ordonné la restitution des véhicules litigieux à la SOGEFIBAIL, alors que celle-ci n'était pas en mesure de justifier sa qualité de propriétaire;
En effet, relevait HASSANA DRAMERA, pour fonder sa demande en restitution, la SOGEFIBAIL n'avait produit que les contrats de crédit-bail, les procès-verbaux de réception dudit matériel roulant, les diverses factures etc..., alors que lesdits documents ne pouvaient valablement conférer à son titulaire, la propriété des véhicules objets du litige;
Mieux, poursuivait l'appelant, un examen desdites pièces permettait de constater leur caractère équivoque, d'autant qu'il apparaissait notamment dans les contrats de crédit-bail, qu'il était à la fois locataire et fournisseur;
A aucun moment, selon lui, à l'exception de l'en-tête desdits contrats, le nom de la SOGEFIBAIL n'apparaissait (pas);
Il en allait de même pour les procès-verbaux de réception de matériels, où il y était indiqué qu'il était à la fois, locataire et vendeur;
Au total, concluait HASSANA DRAMERA, seule la production des cartes grises des véhicules objets du litige, était de nature à fonder une décision de restitution;
Ce qu'au reste, la SOGEFIBAIL n'était pas en mesure de faire;
C'est la raison pour laquelle, selon lui, la décision querellée qui avait fait droit aux prétentions de la SOGEFIBAIL, méritait-elle d'être infirmée;
En réponse, in limine litis, la SOGEFIBAIL soulevait l'irrecevabilité de l'appel de HASSANA DRAMERA pour cause de forclusion;
A ce propos, l'intimée se référait aux dispositions de l'article 15 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créances;
Ainsi, selon la SIGEFIBAIL, HASSANA DRAMERA, en ne relevant appel que le 1er septembre 2000, pour une décision rendue le 31 juillet 2000, avait excédé le délai de 30 jours à lui imparti;
Subsidiairement au fond, l'intimée faisait remarquer qu'au bas de chaque contrat, l'identification du bailleur et du locataire était clairement indiquée;
Bien plus, selon elle, il ressortait du contenu des procès-verbaux de réception, que les matériels en cause étaient revêtus de ses plaques de propriété;
Tirant les conséquences desdites mentions, la SOGEFIBAIL concluait pour sa part, à la confirmation de la décision querellée, si mieux n'aimait la Cour déclarer l'appel de HASSANA DRAMERA, irrecevable;
En réplique, HASSANA DRAMERA objectait relativement au moyen d'irrecevabilité à lui opposé, que les délais des voies de recours étant francs, en interjetant appel comme il le fit, le 1er septembre 2000, d'un jugement rendu le 31 juillet de la même année, il avait agi dans le délai de 30 jours;
Le Ministère Public dans ses réquisitions écrites, s'en rapportait.
SUR CE
La SOGEFIBAIL, ayant eu connaissance de la présente cause, pour avoir reçu signification à personne, il y a lieu de rendre une décision contradictoire.
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l'appel de hassana dramera
Il est acquis aux débats comme résultant des pièces produites au dossier, que HASSANA DRAMERA, le 1er septembre 2000, a relevé appel par acte d'huissier, d'un jugement rendu en matière de restitution de biens mobiliers, le 31 juillet 2000;
Aux termes de l'article 15 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié de créance, régissant le présent contentieux, le délai d'appel est de 30 jours à compter de la date de la décision;
Aussi, en tenant compte du caractère franc des délais de voies de recours, tel que le prévoit ledit Acte uniforme, il y a lieu de dire que HASSANA DRAMERA avait jusqu'au 1er septembre 2000 inclus, la possibilité de relever appel de la décision, à ce jour querellée;
Ce faisant, HASSANA DRAMERA doit-il être déclaré recevable en son appel, pour l'avoir diligenté à la date susvisée;
AU FOND
Du bien-fondé de la décision de restitution du véhicule
Suivant les dispositions des articles 13 et suivants du texte de loi susvisé, en cas de voie de recours, le bénéficiaire de la décision d'injonction de payer et portant restitution de biens mobiliers, doit supporter la charge de la preuve de sa créance;
A ce titre, et pour justifier du bien-fondé de la décision de restitution des 17 véhicules rendue à son profit, la SOGEFIBAIL fait état des différents contrats de crédit-bail qu'elle a conclus avec HASSANA DRAMERA, ainsi que des procès-verbaux de réception desdits véhicules;
Toutefois, à l'examen des différents documents produits par la SOGEFIBAIL, certaines mentions équivoques empêchent de leur conférer une force probante, quant à la qualité de propriétaire dont celle-ci se prévaut;
En effet, dans lesdits contrats de crédit-bail, HASSANA DRAMERA apparaît à la fois comme locataire et comme fournisseur, pendant que dans les procès-verbaux de réception des véhicules en cause, établis par la SOGEFIBAIL, celui-ci a apposé son visa et son cachet, aux emplacements réservés au locataire et au vendeur;
Au vu de telles ambiguïtés, seules les cartes grises des véhicules objets du litige sont susceptibles de prouver le droit de propriété de la SOGEFIBAIL;
Sur ce point, à aucun moment la SOGEFIBAIL n'a offert de produire les cartes grises des véhicules dont elle sollicite la restitution;
Par conséquent et au vu de ce qui précède, en ordonnant néanmoins la restitution des véhicules objets du litige, à la SOGEFIBAIL, le premier juge a statué en marge de la loi;
Dès lors, il convient d'infirmer le jugement entrepris;
Statuant à nouveau, il y a lieu de dire que la SOGEFIBAIL est mal fondée en sa demande en restitution des 17 véhicules détenus par HASSANA DRAMERA, et dont la liste figure dans l'ordonnance n° 504/2000 du 24 janvier 2000;
L'intimée ayant succombé, il lui faut supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare HASSANA DRAMERA recevable en son appel régulièrement relevé du jugement civil n° 658/CIV/B2 en date du 31 juillet 2000, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau.
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme ledit jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
– Déclare la SOGEFIBAIL mal fondée en sa demande en restitution des véhicules détenus par HASSANA DRAMERA, et dont la liste figure dans l'ordonnance n° 504/2000 du 24 janvier 2000;
– Met les dépens à sa charge.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel d'Abidjan, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Dans le délai franc, ni le jour de l'acte qui le fait courir, ni le jour de l'échéance ne sont inclus (Vocabulaire Capitant, Vis Délai franc). Il en résulte que le délai d'appel de 30 jours prévu par l'article 15 AUVE commençait le lendemain du jour du prononcé du jugement (rendu le 31 juillet), c’est-à-dire le 1er août, et devait se terminer le lendemain du trentième jour suivant (30 août),c’est-à-dire le 31 août et non le 1er septembre comme le retient la Cour d’appel.
Concernant la restitution des véhicules que prétendait obtenir le crédit bailleur, on a déjà vu précédemment qu'elle ne pouvait être fondée que sur une créance de délivrance ou de restitution apparemment certaine et exigible, alors qu'il n'en était rien en l'espèce, compte tenu de l'ambiguïté des énonciations du contrat liant les parties.
Voir Ohadata J-02-114