J-02-116
venté commerciale – prescription – délai biennal de l'article
274 AUDCG – prorogation du délai en cas de garantie contractuelle – article
276 AUDCG.
L'acheteur de véhicules qui fonde son action en garantie contre le vendeur sur les articles 274 et
276 AUDCG et qui ne peut prouver qu'il a bénéficié d'une garantie contractuelle de 36 mois permettant de proroger le délai biennal de la prescription prévue par l'article
274 AUDCG, doit voir déclarer son action en garantie prescrite.
Voir Ohadata J-02-187
(Tribunal de première instance d'Abidjan, 1ère chambre civile, jugement n° 246 du 13 décembre 2001, Sté de Transport Burkina Faso – Côte d'Ivoire c/ CFAO et CICA - Auto).
Tribunal de première instance d'Abidjan
Côte d’Ivoire
1ère chambre civile
Audience Publique Ordinaire du Jeudi 13 Décembre 2001
Affaire : sté de transport burkina faso – Côte d’Ivoire
(Me amany kouamé)
contre
1/ cfao
2/ cica-auto
(Me bokala).
Jugement Civil Contradictoire
Le tribunal
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, moyens et conclusions;
Vu les conclusions du Ministère Public;
Après délibération;
exposé DES MOTIFS
Attendu que par exploit d'huissier de justice du 31 mai 2001, la Société de Transport dénommée "SANS FRONTIERE" a assigné la CFAO et la CICA-AUTO à comparaître devant le tribunal civil de ce siège pour s'entendre déclarer :
– recevable en son action;
– l'y dire bien fondée;
– ordonner la résiliation du contrat de vente intervenu entre la CICA-AUTO et elle;
– en conséquence, ordonner la restitution à la société SANS FRONTIERE de la valeur des cars ainsi que toutes les dépenses occasionnées du fait de la défectuosité des moteurs, soit la somme de 1.491.587.264 FCFA;
– condamner la CICA-AUTO à payer la somme de 500.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts;
Attendu qu'au soutien de son action, elle expose qu'elle a passé commande de 20 cars de 67 places chacun chez la CICA-AUTO département CFAO livrables au plus tard le 15 avril 1996, au prix unitaire de 60.000.000 F;
Que par courrier en date du 19 septembre 1995, la CICA-AUTO s'est engagée à les livrer suivant le calendrier suivant :
– 30.10.1995 livraison de 3
– 15.12.1995 livraison de 6
– 30.01.1996 livraison de 6
– 15.04.1996 livraison de 5
Que, sur la base de l'accord des parties, elle lui a fait virer par le canal de la BICI Burkina, la somme de 600.000.000 FCFA; que la CICA-AUTO n'ayant pas respecté les délais de livraison, elle, la société SANS FRONTIERE, a été obligée de réduire sa commande à 14 cars lus; que ces cars ne lui ont été livrés qu'entre le 16.12.1995 et le 12.04.1996;
Attendu que la société SANS FRONTIERE fait valoir que, non seulement les cars ont été livrés avec retard, mais qu'en plus, six mois après leur livraison, ils ont tous été mobilisés pour cause de panne de moteur, alors que le délai de garantie fournie était de 36 mois; qu'à l'issue d'une rencontre du 09 avril 1998 sanctionnée par un procès-verbal dûment signé par toutes les parties, M. ZAPILLA, alors Directeur général de CICA-AUTO, a reconnu que les pannes de moteur étaient dues à un défaut de construction et a promis d'y remédier; qu'après 9 mois d'immobilisation des cars, la CICA-AUTO a suggéré de remplacer les moteurs en panne par des moteurs DAF d'occasion à ses frais; que là encore, elle ne s'est pas exécutée;
Attendu qu'en la forme, la société SANS FRONTIERE estime que son action est recevable pour être intervenue dans le délai prévu à l'article 274 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général, le premier car ayant été livré le 12.01.1996, elle avait jusqu'au 12.01.2001 pour intenter son action au regard de l'article 276 du même Acte uniforme, puisqu'elle avait, dès le 03.10.2000, initié son action; que la radiation de cette procédure par erreur par le Président du Tribunal n'y change rien, l'exploit d'assignation ayant interrompu la prescription;
Attendu, que sur le fond, elle soutient que son action est une action rédhibitoire; que les cars lui ont été vendus avec des vices cachés au niveau des moteurs conçus pour les courtes distances, contrairement à sa commande, alors qu'en tant que professionnel en Afrique de l'Ouest, elle savait que ces cars ne pouvaient être destinés aux voyages internationaux; que c'est pourquoi elle réclame le remboursement du prix d'achat des 14 cars, des frais de dédouanement du prix de revient des 14 moteurs DAF achetés au Ghana ainsi que le prix de la main-d'œuvre, soit au total 1.491.587.264 F; qu'elle sollicite en outre la somme de 500.000.000 F de dommages-intérêts;
Attendu que, pour sa part, la CFAO tant en son nom qu'à celui de CICA-AUTO s'oppose à cette action en relevant que la réduction du nombre des cars est imputable à la société SANS FRONTIERE, qui a été incapable de payer la somme représentant 70 % de la commande, conformément à la convention des parties; que, par ailleurs, elle n'a pas payé la somme de 600.000.000 FCFA comme elle le prétend; qu'à la réception des cars, la société SANS FRONTIERE n'a élevé aucune réserve; qu'elle soulève en tout état de cause, l'irrecevabilité de la société SANS FRONTIERE pour cause de prescription, conformément aux articles 274 et 276 de l'Acte uniforme invoqué par la société SANS FRONTIERE, d'autant que le dernier car livré l'a été le 12 avril 1996, alors que l'action en réclamation n'a été introduite que le 03 octobre 2000, la demanderesse ayant affirmé que tous les cars sont tombés en panne 6 mois après leur livraison; qu'elle fait observer que l'interruption de la prescription est inopérante en l'espèce; la première action n'ayant été introduite que par SAWADOGO Boukaré en son nom personnel; qu'elle n'a jamais accordé de garantie de 3 ans, mais plutôt de 12 mois;
Attendu que la cause ayant été communiquée au Ministère Public, celui-ci s'en est rapporté;
SUR CE
Attendu que toutes les parties ont exposé leurs moyens; qu'il y a lieu de rendre une décision contradictoire.
exposé DES MOTIFS
EN LA FORME
Attendu que la société SANS FRONTIERE a fondé son action sur l'Acte uniforme relatif au droit commercial général, notamment son article 276, d'une part, et sur le code civil d'autre part;
Attendu qu'il est constant comme résultant des écritures mêmes de la société SANS FRONTIERE, que le dernier car a été livré le 12 avril 1996 et que, six mois après, soit à partir du 12 octobre 1996, tous les cars sont tombés en panne de moteur;
Attendu que la société demanderesse n'a pu prouver qu'une garantie de 36 mois lui avait été consentie; que, dès lors, seule la garantie de 12 mois reconnue par CICA-AUTO doit être retenue;
Attendu que par ailleurs, la société SANS FRONTIERE n'a pu rapporter la preuve d'avoir obtenu l'interruption du cours de la prescription; que l'action dont elle parle a été initiée par SAWADOGO Boukaré en son nom personnel, de sorte que la société SANS FRONTIERE ne peut en tirer profit;
Attendu que, suivant l'article 274 de l'Acte uniforme, le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux ans et expire suivant l'article 276, à la date d'accomplissement de la garantie; qu'en l'espèce, la garantie annale ayant pris fin le 12 octobre 1997, le délai de deux ans est arrivé à expiration le 12 octobre 1999; qu'il s'ensuit que la prescription a pleinement joué de sorte que la demande de la société SANS FRONTIERE est irrecevable.
Sur les dépens
Attendu que SANS FRONTIERE succombe; qu'il y a lieu de la condamner aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par décision contradictoire en matière commerciale et en premier ressort;
– Juge que l'action de la société SANS FRONTIERE est intervenue hors délai;
– La déclare par conséquent recevable;
– Condamne la société SANS FRONTIERE aux entiers dépens.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
L'Acte uniforme sur le droit commercial général est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il ne pouvait donc s'appliquer à des relations contractuelles nouées en 1995, auxquelles seuls pouvaient s'appliquer le code civil et le code de commerce antérieurs. On se demande pourquoi le tribunal a suivi le demandeur dans la voie de l'AUDCG.
Dès lors, face aux engagements des vendeurs, c'était la prescription décennale des obligations commerciales qui aurait dû s'appliquer ou les prescriptions du code civil relatifs à la vente qui n’ont été ni évoqués ni débattus.