J-02-119
Procédure d'injonction de payer – société commerciale – compte courant d'associé – nécessité d'un arrêté de compte contradictoire du solde (non) – compte courant d'associé équivalant à un prêt à terme – créance certaine, liquide et exigible – ordonnance d'injonction de payer justifiée.
A la différence d'un compte courant bancaire nécessitant un arrêté contradictoire du solde, le compte courant d'associé, qui ne compte qu'une avance de somme remboursable au terme d'un an, moyennant un intérêt annuel de 12,5 %, est un prêt dont l'échéance rend la créance de l'associé certaine, liquide et exigible, justifiant le recours à la procédure d'injonction de payer.
Article 1 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre civile et commerciale, 1ère Chambre, arrêt n° 401 du 13 avril 2001, Société World City c/ Sow Souleymane).
COUR D'APPEL d'Abidjan
Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Vendredi 13 Avril 2001
Affaire : société world city
(Me AGNES OUANGUI)
contre
sow souleymane
(Mes dogue - abbé yao).
Arrêt Civil Contradictoire 1ère Chambre
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Le Ministère Public en ses réquisitions écrites;
Exposé de la procédure, des faits, prétentions des parties et des motifs ci-après;
exposé de la procédure, des faits et prétentions des parties
Considérant que par exploit d'huissier en date du 18 juillet 2000, la société WORLD CITY a relevé appel du jugement civil contradictoire N° 484 rendu par la 2ème Chambre Civile du Tribunal de Première Instance d'Abidjan-Plateau le 19 juin 2000, qui en la cause a statué comme suit :
– Déclare l'opposition recevable mais mal fondée;
– Restitue à l'ordonnance N° 5976/99 du 07.10.1999 son plein et entier effet;
– Condamne WORLD CITY aux entiers dépens;
Considérant qu'il résulte des productions des écritures des parties et des énonciations du jugement querellé que, par une convention sous seing privé en date du 10 septembre 1996, Monsieur SOW SOULEYMANE qui, à l'époque des faits, était Directeur général de la société WORLD CITY, avait consenti à ladite société un crédit en compte courant d'associés d'un montant de 43.000.000 F devant servir à payer des avances sur le coût des terrains à M'POUTO et YOPOUGON, et au fonctionnement de la société;
Que l'article 2 de cette convention stipulait que le crédit était remboursable au taux de 12 % dans un délai maximum d'un an à compter du 20 mars 1996;
Que la société WORLD CITY, n'ayant pas respecté son engagement à l'arrivée du terme, c'est-à-dire le 20 mars 1997, Monsieur SOW SOULEYMANE sollicitait et obtenait une ordonnance d'injonction de payer du 07 octobre 1999 condamnant la société WORLD CITY à lui payer la somme de 47.013.515 F;
Qu'à la suite de la signification de cette ordonnance à la société WORLD CITY, le 14 octobre 1999, celle-ci, par exploit d'huissier du 20 octobre 1999, formait opposition à ladite ordonnance;
Que le Tribunal, statuant sur le mérite de cette opposition, déboutait la société WORLD CITY et restituait à l'ordonnance querellée son plein et entier effet;
Que la société WORLD CITY, mécontente de cette décision, en relevait appel;
Considérant que la société WORLD CITY, appelante, sollicite l'infirmation de la décision querellée pour violation des dispositions de l'article 1 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, qui dispose que :
« Le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer »;
Qu'en effet, elle soutient que la créance résultant d'un compte courant, le Tribunal devait rechercher si le solde de ce compte avait été contradictoirement arrêté par les parties;
Qu'en l'absence de cet arrêté contradictoire de compte entre les deux parties, elle estime que la créance en l'espèce n'est ni certaine, ni liquide, encore moins exigible, surtout que c'est à la clôture du compte que les parties, faisant le point de leurs remises réciproques, déterminent qui est débiteur de l'autre et dans quelle proportion;
Qu'elle prie donc la Cour de rétracter l'ordonnance N° 5976/99 du 07 octobre 1999, pour violation de l'article 1 de l'Acte uniforme précité;
Considérant que, pour sa part, Monsieur SOW SOULEYMANE, intimé, sollicite la confirmation du jugement entrepris, en soutenant que la convention de compte courant d'associés est bien distincte de la convention de compte courant bancaire, dont le fonctionnement est constitué par des remises réciproques et des retraits du seul titulaire du compte;
Que c'est pour la convention de compte courant bancaire qu'il faut tirer un solde contradictoirement établi; que s'agissant de son cas, l'intimé précise qu'il s'agit d'un prêt consenti à la société WORLD CITY comportant un taux d'intérêt conventionnel et assorti d'un terme;
Qu'il n'y a aucune nécessité de tirer un solde contradictoire, puisqu'il n'y a ni remises réciproques, ni retrait;
Qu'il suffit seulement d'appliquer 12,5 % au principal pour connaître, à la date du 20 mars 1997, sa créance envers la société WORLD CITY;
Que, depuis le 20 mars 1997, sa créance était certaine, liquide et exigible, contrairement aux allégations de l'appelante;
Qu'au surplus, il est de principe que tout titulaire de compte courant d'associés a droit au remboursement de ses avances à l'échéance, sans qu'il soit besoin de procéder à un arrêté contradictoire du solde (Cassation commerciale, 15 Juillet 1982, Rev. Soc. 1983 - P. 75);
Qu'en outre, l'appelante a déjà procédé à un remboursement partiel, comme l'atteste l'état de son compte courant dans les livres de la société au 31 décembre 1998, montrant qu'il n'est point besoin d'un arrêté contradictoire de compte entre les parties;
Que de tout ce qui précède, la Cour ne peut que confirmer le jugement entrepris;
Considérant que dans ses conclusions en réplique en date du 18 octobre 2000, l'appelante soutient qu'en matière de compte courant, qu'il soit associatif, bancaire ou de toute autre nature, seul l'arrêté de compte contradictoire permet de dégager le solde dû;
Que c'est cet arrêté qui rend la créance qui en résulte certaine;
Qu'en l'absence de cet arrêté, la Cour confirmera la décision querellée;
Considérant que dans ses conclusions en réplique en date du 20 novembre 2000, l'intimé souligne que la convention de compte courant et associé a un régime juridique propre différent de celui du compte courant bancaire;
Qu'en fait, il s'agit d'un compte d'associés et non d'un compte courant d'associés qui enregistre les avances faites par les associés à la société et le remboursement de ces avances sans qu'il y ait enchevêtrement;
Qu'en réalité, cette convention improprement nommée compte d'associés n'est ni plus ni moins qu'un contrat de prêt qui obéit au droit commun; que c'est donc à tort que l'appelante a assimilé le régime juridique du compte courant bancaire au compte courant d'associés;
Qu'elle prie donc la Cour de déclarer mal fondé l'appel de la Société WORLD CITY;
Considérant que le Ministère Public a requis le 22 janvier 2000, à la confirmation du jugement querellé, aux motifs qu'il s'agit en l'espèce d'un prêt consenti par SOW SOULEYMANE à la Société WORLD CITY, comportant un taux d'intérêt conventionnel (12,5 %) et assorti d'un terme (le 20 mars 1997);
La créance de SOW SOULEYMANE, certaine, liquide et exigible à la date du 20 mars 1997, pouvait être valablement recouvrée par la procédure d'injonction de payer, sans qu'il ne soit nécessaire de tirer un solde contradictoire.
DES MOTIFS
Considérant que Monsieur SOW SOULEYMANE a été régulièrement cité; qu'il y a lieu de statuer contradictoirement en l'espèce.
EN LA FORME
Considérant que la Société WORLD CITY, ayant relevé appel selon les forme et délai de la loi, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
Considérant qu'en l'espèce, il faut noter que le compte courant dont s'agit est un compte courant d'associés et non un compte courant bancaire ayant un régime juridique différent du compte courant bancaire;
Qu'en l'espèce, il s'agit donc d'un prêt consenti à la société appelante comportant un taux conventionnel et assortie d'un terme;
Qu'à échéance du terme, la créance est donc certaine, liquide et exigible;
Que dès lors, les dispositions de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution n'ont point été violées en l'espèce;
Qu'il s'ensuit que la décision du Premier Juge est fondée;
Qu'ainsi convient-il de confirmer ledit jugement en toutes ses dispositions.
Sur les dépens
Considérant que la Société WORLD CITY succombe;
Qu'il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare la Société WORLD CITY recevable en son appel régulier;
AU FOND
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– Condamne la Société WORLD CITY aux dépens de l'instance.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
La qualification de prêt entre les parties est, on ne peut plus exacte. Non seulement cela résultait des termes mêmes de la convention qui les liait mais aussi de la réalité même de la manière dont celle-ci s’était exécutée entre elles, c’est à dire sans remises réciproques.
Dès lors qu’advenue l’échéance du prêt, celui-ci n’était pas remboursé en capital et intérêts (exactement et expressément prévus), la créance du prêteur était certaine, liquide et exigible et justifiait le recours à la procédure d’injonction de payer.