J-02-12
PROCEDURE D'INJONCTION DE PAYER – COMPETENCE TERRITORIALE – ELECTION DE DOMICILE A ABIDJAN PAR LE DEFENDEUR DANS UN PROCES PRECEDENT – CLAUSE D'ATTRIBUTION DE COMPETENCE DANS LE PRESENT PROCES (non).
Si l'article 3 AUPSRVE prévoit la possibilité de déroger aux règles de compétence territoriale au moyen d'une élection de domicile prévue au contrat, on ne peut considérer que l'élection de domicile à Abidjan faite par le défendeur à une procédure d'injonction de payer actuelle lors d'un procès antérieur entre les mêmes parties soit constitutif d'une telle clause.
Article 3 AUPSRVE
(Tribunal de 1ère instance d'Abidjan, jugement n° 34 du 22 février 2001,Revue Ecodroit, n° 1, juillet-août 2001, p. 33).
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE D’ABIDJAN
Jugement n°34 du 22 février 2001
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Vu les conclusions du ministère Public du 13-11-2000;
Après délibération;
Exposé du litige :
Attendu que par exploit d'huissier de justice en date du 23 juin 2000, la société RIAL TRADING a formé opposition à l’ordonnance d'Injonction de payer 4163 du 08 juin 2000 qui l'a condamné à payer la somme de 362. 783.042 F/Cfa outre les intérêts de retard évalués à 45. 261.071 francs; Que pour justifier son opposition elle soulève in limine litis l'incompétence de la juridiction présidentielle du tribunal de Première instance d'Abidjan motifs pris, de ce que son siège étant à Paris, seul le président du Tribunal de Grande instance de Paris est compétent en la matière; Que ce faisant le Tribunal devra rétracter l'ordonnance querellée;
Attendu qu'au fond, elle fait valoir ne devoir aucune somme d'argent à Ia SDV-CI, ce d'autant que les opérations de transit, d'entreposage et de transport, cause de la créance n'ont pas été réalisées pour son compte mais pour le compte de la société INTERCAFCO de sorte que c'est à cette dernière que la SDV-CI doit réclamer sa créance;
Attendu que la SDV-CI conclut à la compétence de, la juridiction, présidentielle d'Abidjan, la société RIAL Trading ayant élu domicile, dans les locaux des sociétés Citard et Siamca sis à Abidjan-Plateau à la Résidence Belle Rive au 13 étage;
Attendu, que sur le fond du Iitige, la SDV-CI fait valoir que la société Rial TRADING ne peut sérieusement contester la créance, les opérations qu'y ont donné lieu ayant été accomplies pour son compte; que par ailleurs, en faisant appel de l'ordonnance de saisie de la marchandise en cause estimant que cette ordonnance porte atteinte à son intérêt, la demanderesse à l'opposition reconnaît indubitablement la créance;en outre, elle a délivré des chèques et lettres de change à la défenderesse; que l'opposition doit de ce fait être déclarée mal fondée;
Attendu que le Ministère Public s'en rapporte;
Sur ce :
Attendu que toutes les parties ont fait valoir leurs moyens de défense; qu'il y a lieu de rendre une décision contradictoire
Exposé des motifs :
EN LA FORME :
Attendu que l'opposition a été formée dans les formes et délai légaux; qu'il y a lieu de la recevoir;
Sur l'exception d'une compétence :
Attendu que l'article 3 du traité OHADA relatif aux voies d'exécution dispose que la demande portant injonction de payer est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l'un d'entre eux en cas de pluralité de débiteurs et que les parties peuvent déroger à ces règles de compétence au moyen d'une élection de domicile au contrat;
Attendu qu'il est constant comme résultant des pièces du dossier que la société débitrice Rial Trading a son siège social à Paris en France, donc domiciliée en cette ville Attendu qu'aucun contrat liant les parties et prévoyant élection de domicile à Abidjan n'a été produit au dossier; que l'élection de domicile opérée par le RIAL TRADING à Abidjan, à l'occasion d'un procès ne saurait suppléer à dette carence.
Qu'il échet donc de dire que la juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan est incompétente pour statuer comme elle l'a fait, la juridiction compétente en l'espèce étant le président du Tribunal de commerce de Paris, qu'il y a donc lieu de rétracter l'ordonnance querellée;
Attendu que la SDV-CI succombe; qu'il y a lieu de la condamner aux entiers dépens;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale sur opposition et en premier, ressort;
Déclare l'opposition formée par la société Rial Trading non recevable et bien fondée :
Rétracte l'ordonnance d'injonction de payer n°463 du 08/6/2000 pour cause d'incompétence territoriale;
Dit que la juridiction compétente est le président du Tribunal de commerce de Paris;
Condamne la SDV-CI aux entiers dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jours et mois que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffe.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
Il est exact que seule une clause d'attribution de compétence en un lieu autre que ceux prévus par l'article 3 AUVE aurait pu détourner le juge de l'application de ce texte ("compétence du juge du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l'un d'eux en cas de pluralité de débiteurs ».)
Cela étant, le demandeur à l'injonction de payer n'aurait-il pu invoquer les relations d'affaires continues et régulières entre les parties, constituant ainsi une indivisibilité de rapports juridiques dans laquelle la précédente élection de domicile pouvait s'insérer? La question méritait d'être posée au juge.