J-02-122
saisie attribution – violation des formes prescrites par l'article 157 AUPSRVE (non) – violation des prescriptions de l'article 160 AUPSRVE (non) – saisie attribution régulière.
Si l'article 157 AUPSRVE fait encourir la nullité au procès-verbal de saisie attribution qui méconnaît ses dispositions, il en va autrement s'il contient toutes les mentions essentielles du même texte.
L'esprit du législateur OHADA, en remplaçant la procédure de la saisie arrêt par celle de la saisie attribution, a voulu une procédure moins formaliste; il s'ensuit que si l'exploit de dénonciation de la saisie attribution a été fait conformément à l'esprit de l'article 160 AUVE, il n'encourt pas la nullité.
Article 157 AUPSRVE
Article 160 AUPSRVE
(Tribunal régional de Niamey, jugement civil n° 119 du 28 février 2001, B.G. c/ Mandataire succession A.S., Revue nigérienne du Droit n° 4, décembre 2001, p. 114).
République du Niger
jugement civil n° 119 du 28 février 2001
Affaire :
Monsieur B.G. (Me CISSE IBRAHIM)
contre :
Mandataire de la succession feu A.S. (Me YANKORI).
Le Tribunal Régional de Niamey, en son audience publique ordinaire du 28 février 2001, tenue pour les affaires civiles et commerciales par Monsieur ADAMOU BALLA, Président, assisté de Me HAMANI SEYNI, Greffier, a rendu le jugement dont la teneur suit :
Entre :
B.G., demandeur, assisté de Me CISSE, Avocat à la Cour;
d'une part;
Et
Mandataire de la succession feu A.S., défendeur, assisté de Me YANKORI, Avocat à la Cour;
d'autre part;
Par exploit d'huissier en date du 05 juin 2000, le sieur B.G., assisté de Me CISSE IBRAHIM, Avocat à la Cour, a assigné H.A.S., mandataire de la succession feu A.S., assisté de Me Marc LE BIHAN, Avocat à la Cour, aux fins de :
– le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions à lui payer la somme de 27.394.575 FCFA;
– le condamner à lui verser une somme qui ne peut être inférieure à 29.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues;
– voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours, vu qu'elle est de droit en matière commerciale;
– le condamner aux dépens.
A l'appui de sa requête, il expose que le 21 décembre 1999, le Juge de la Commune II l'a, par ordonnance de nomination d'expert, désigné à l'effet de procéder à l'inventaire des biens de feu A.S. et évaluer lesdits biens, après s'être assuré de leur effectivité pour la liquidation de la succession. Qu'aux termes de l'expertise, il a établi un rapport en cinq volumes qu'il a déposé le 14 avril 2000 au Cabinet du Juge de la Commune II, qui a bien apprécié les prestations et ordonna le paiement de la somme de 27.394.575 FCFA dans ses mains et dit que ladite somme sera déduite de l'actif de la succession;
Le mandataire de la succession feu A.S., assisté de Me Marck LE BIHAN, Avocat à la Cour, demande de déclarer nuls et de nuls effets, les actes de procédure, à savoir le procès-verbal de saisie et l'acte de dénonciation par application des dispositions des articles 157 et 160 de l'Acte uniforme relatif au recouvrement simplifié des créances et des voies d'exécution;
En conséquence, ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée sur les comptes ouverts à la SONIBANK au nom de A.S., voir ordonner l'exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours;
Il prétend que leur procès-verbal de saisie attribution est nul pour non-conformité à l'article 157 de l'Acte uniforme; il en est de même de l'exploit de dénonciation de la saisie par rapport à l'article 160 de l'Acte uniforme. Il prétend aussi que l'ordonnance de taxe est nulle parce que le Président du Tribunal est incompétent pour taxer les honoraires d'une expertise. Subsidiairement, il demande de surseoir à statuer et désigner un expert à l'effet d'évaluer les honoraires auxquels peut prétendre B.G.
Discussion
Attendu que s'il est vrai que le procès-verbal de saisie attribution encourt la nullité, s'il a méconnu les dispositions de l'article 157 de l'Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement, il en va autrement s'il contient toutes les mentions essentielles du même texte;
Qu'en l'espèce, toutes les mentions essentielles, notamment le compte de la créance et les avis aux tiers saisis (y figurent);
Qu'il y a lieu de déclarer régulier le procès-verbal de saisie attribution du 02 juin 2000;
Attendu, en outre, que l'esprit du législateur communautaire n'est pas d'être trop formaliste en remplaçant la saisie arrêt par la saisie attribution; qu'il voulait une procédure très rapide et moins formaliste;
Qu'en l'espèce, l'exploit de dénonciation de la saisie a été fait conformément à l'esprit de l'article 160 de l'Acte uniforme;
Qu'il y a lieu de recevoir B.G. en ses demandes et rejeter les exceptions soulevées;
Attendu que le mandataire de la succession de feu A.S. fait opposition à l'ordonnance de taxe en contestant sa légalité; qu'en l'espèce, le juge de la Commune II a déjà ordonné le paiement de B.G. après présentation des travaux de l'expertise et la facture portant les honoraires;
Qu'en principe, l'expert doit être payé sur l'actif de la succession avant même la liquidation;
Que toutes les démarches amiables entreprises pour amener le mandataire de la succession à payer les honoraires de l'expert sont restées vaines;
Qu'une transaction initiée par ledit mandataire s'est révélée comme du dilatoire n'ayant abouti à aucune proposition concrète;
Qu'il est tout à fait normal que l'expert demande au Président du Tribunal de lui faire constater dans une ordonnance, ses honoraires déjà taxés;
Que le Président du Tribunal Régional est bien compétent et qu'il y a lieu de déclarer régulière l'ordonnance N° 502/00 en date du 1er juin 2000;
Attendu qu'au fond, il est constant que B.G. a procédé aux travaux de l'expertise, conformément à l'ordonnance du juge de la Commune II et le rapport a été fait en cinq volumes comportant l'expertise automobile, l'expertise foncière et immobilière, l'expertise vétérinaire, sur les tâches de coordination et sur l'arpentage, l'acquisition des données photographiées et plans;
Que les frais d'honoraires ont été fixés à 27.394.575 FCFA et l'exécution du paiement a été ordonnée dans une ordonnance prise par le juge de la Commune II;
Que devant le refus de paiement, une ordonnance de taxe a été prise, suivie d'une saisie attribution;
Attendu que la saisie attribution est régulière en la forme et juste au fond;
Que de nos jours, l'instance en validité n'est plus nécessaire pour le créancier qui, muni d'un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance, signifie directement au tiers saisi, qui devient personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation; un acte de conversion de la saisie arrêt en saisie attribution informant le tiers que la demande de versement des sommes saisies arrêtées par le créancier entraîne attribution immédiate à son profit rétroactivement à la date de la saisie conservatoire des créances;
Qu'il y a lieu d'ordonner la conversion de la saisie attribution en saisie exécution (sic);
Attendu que le comportement du mandataire de la succession, notamment son refus de payer, a poussé B.G. à prendre les services d'un avocat; qu'en plus, il a fait l'objet de brimades des autres experts aux services desquels il a fait recours; que tous ses travaux sont bloqués parce qu'il a investi 6.000.000 FCFA pour finaliser les travaux, sans avoir un seul rond (sic);
Que le préjudice subi est réel et certain, qu'il y a lieu de condamner le mandataire de la succession de feu A.S. à verser la somme de 5.000.000 FCFA à B.G., à titre de dommages-intérêts;
Attendu que la créance de B.G. semble être en péril du fait du mandataire de la succession, en l'espèce le refus systématique de payer l'expert, même après l'ordonnance de taxe, alors que même sa nomination n'a pas été contestée par aucune des parties; que s'agissant des honoraires d'un expert, ils ressemblent beaucoup au salaire d'un travailleur, qui a un caractère alimentaire;
Qu'il y a lieu, de tout ce qui précède, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
Rejette les exceptions de nullité soulevées par le mandataire de la succession de feu A.S.;
Reçoit le mandataire de la succession A.S. en son intervention volontaire en la forme;
Reçoit B.G. en sa demande en la forme;
Au fond, condamne le mandataire de la succession feu A.S. à payer à B.G. la somme de 27.394.575 FCFA constituant les frais d'expertise;
Condamne le mandataire de la succession de feu A.S. à verser à B.G. la somme de 5.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts;
Ordonne la conversion de la saisie attribution pratiquée le 02.06.2000, en saisie exécution;
Ordonne l'exécution provisoire de la décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
Condamne le mandataire de la succession de feu A.S. aux dépens;
Et ont signé le Président et le Greffier, les jour, mois et an susdits.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Il est navrant de découvrir de telles décisions qui considèrent que l'essentiel du formalisme d'un article ou que l'esprit d'un autre ont été respectés sans répondre aux griefs précis du plaideur qui invoque la nullité du procès-verbal de saisie attribution et celle de la dénonciation de la saisie pour violation des règles de forme prescrites à peine de nullité (pour garantir les saisis et les tiers saisis, comme l'a rappelé fort justement, la CCJA dans son avis N° 1/99/JN du 7 juillet 1999 – Ohadata J-02-01).
Prétendre que le législateur Ohada n'a pas voulu imposer une procédure formaliste est hardi, dans la mesure où, précisément, pour certains actes limitativement concernés par l'AUVE, il a édicté la nullité pour vice de forme, sans qu'il soit besoin de démontrer que l'omission ou l'irrégularité d'une mention a causé un grief (voir le même Avis de la CCJA).
On peut s’étonner que dans un de ses attendus, le tribunal dise « Qu'il y a lieu d'ordonner la conversion de la saisie attribution en saisie exécution (sic) » alors que, précisément, la saisie attribution n’est rien d’autre que la conversion en saisie exécution de la saisie conservatoire des créances (dont la saisie des comptes bancaires n’est qu’une des variantes). Faisons remarquer également que la formule de saisie exécution a laissé désormais la place à celle de saisie vente.
Enfin, on peut regretter que le tribunal ait reconnu le bien fondé d’une demande de dommages-intérêts de cinq millions sans même un seul attendu pour démontrer l’existence d’une faute des débiteurs et d’un préjudice corrélatif du créancier.