J-02-123
saisie attribution – dénonciation de la saisie – obligation de payer du tiers saisi
Après avoir reçu dénonciation de la saisie attribution, le tiers saisi doit payer s'il est dans l'un des cas prévus par l'article 164 AUPSRVE. Toutefois, il ne peut justifier son refus de payer si la procédure initiée par le créancier saisissant (le référé) n'est pas celle prévue par l'AUVE, surtout si les critiques faites à l'endroit de la décision obtenue par le créancier saisissant a vidé toutes les exceptions de défense au fond.
Article 164 AUPSRVE
(Tribunal régional de Niamey, ordonnance de référé n° 063/2001 du 10 avril 2001, B.G. c/ SONIBANK).
République du Niger
ordonnance de référé n° 063/tr/ny/2001 du 10 avril 2001
Affaire :
Monsieur B.G. (Me CISSE IBRAHIM)
contre :
SONIBANK (Me MANOU KIMBA).
L’an deux mil un; Et le dix avril;
Par-devant nous, ABDOULAYE DJIBO, Président du Tribunal Régional de Niamey, Juge des référés, assisté de Me LAWALI DJIBRILLA, Greffier, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
Entre :
B.G., demandeur, assisté de Me CISSE IBRAHIM, Avocat à la Cour;
d'une part;
Et
SONIBANK, défenderesse, assistée de Me MANOU KIMBA, Avocat à la Cour;
d'autre part;
Par exploit en date du 02 avril 2001, Monsieur B.G., Géomètre expert foncier, ayant pour Conseil Me CISSE IBRAHIM, Avocat au Barreau de Niamey, a assigné la société nigérienne des banques dite SONIBANK devant le juge des référés, aux fins de s'entendre :
– ordonner le paiement à B.G., des sommes saisies entre ses mains, sous peine d'astreinte de 15.000.000 F par jour de retard;
– ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur minute et avant enregistrement;
Par voie de conclusions en date du 04 avril 2001, la succession A.S., ayant pour Conseil Me SOULEYMANE YANKORI, est intervenue volontairement à l'instance aux fins de préserver ses droits;
B.G., à l'appui de sa requête, expose que le 21.12.1999, il fut commis par le Juge de la Commune Niamey II aux fins de procéder à l'inventaire et l'expertise de certains biens de la succession de feu A.S.. Qu'il a déposé son rapport le 14 avril 2000, accompagné de sa note d'honoraires fixée à 27.394.575 F;
Que n'ayant pas été payé de ses honoraires, il doit prendre une ordonnance de taxe N° 502/PTR Niamey en date du 1er juin 2000, et pratiqua saisie sur les biens de la succession;
Il ajoute que sur opposition du mandataire de la succession, le Tribunal Régional de Niamey, par jugement N° 119 du 28 février 2001, a ordonné la conversion de la saisie attribution en saisie exécution (sic) et ordonné l'exécution provisoire; que le mandataire de la succession saisissait la Cour d'Appel de Niamey d'une défense à exécution provisoire, rejetée par la Cour d'Appel dans un arrêt en date du 28.03.2001. Que malgré toutes ces décisions et malgré les significations faites à la SONIBANK tiers saisi, cette dernière refuse de se libérer;
La SONIBANK, représentée à l'audience par le Cabinet MANOU KIMBA, demande d'écarter les pièces (correspondances) adressées par la SONIBANK au Conseil de B.G.;
Elle ajoute que les règles de la saisie attribution (article 164) n'ont pas été respectées. Que la SONIBANK n'a jusqu'à ce jour, pas reçu un certificat du greffe attestant qu'il n'y a pas eu contestation et que le débiteur saisi ne lui a pas donné l'ordre de se libérer entre les mains du créancier, c'est pourquoi ils ne se sentent pas obligés de payer.
Dans ses conclusions en intervention volontaire, le mandataire de la succession A.S., représenté à l'audience par Me YANKORI SOULEYMANE, fait valoir que B.G., après avoir pratiqué la saisie attribution sur la base de l'ordonnance de taxe en date du 1er juin, au lieu d'initier la procédure prévue aux articles 153 et suivants de l'Acte uniforme de l'OHADA du 10 avril 1998, a assigné devant le juge du fond pour obtenir validation de la saisie attribution. Il soutient qu'en matière de saisie attribution, après l'acte de saisie (article 157) et sa dénonciation dans les conditions fixées à l'article 160, le paiement du créancier saisissant est la dernière étape, paiement qui s'effectue en-dehors de toute instance judiciaire;
Que l'Acte uniforme de l'OHADA du 10 avril 1998 autorise les tiers saisis à procéder au paiement, sur présentation d'un certificat de non-contestation du Greffe ou avant l'expiration du délai de contestation, si le saisi a déclaré par écrit ne pas contester la saisie;
Selon le mandataire, aucune de ces formalités n'a été respectée et suivie par B.G. Il estime que B.G. a commis un détournement de procédure en initiant la procédure de conversion de saisie attribution et ne peut donc juridiquement se fonder sur l'article 168 de l'Acte uniforme de l'OHADA pour saisir le juge des référés;
En réplique, B.G. fait observer que l'article 164 de l'Acte uniforme autorise le tiers saisi à procéder au paiement, même sans présentation d'une décision exécutoire rejetant la contestation;
Dans des notes en cours de délibéré, B.G. fait observer que la SONIBANK refuse de façon systématique de payer, en dépit même du fait qu'il lui a produit les pièces demandées (au nom d'une prétendue sécurité juridique);
Sur la prétendue violation des dispositions de l'Acte uniforme, B.G. fait valoir que le jugement N° 113 du 28.02.2000 a relevé que les formalités relatives à la saisie attribution ont été respectées, qu'il ne peut donc y avoir détournement de procédure.
Discussion
i.- Du rejet des pièces invoquées par sonibank
Attendu que la SONIBANK demande au juge des référés d'écarter les correspondances qu'elle a elle-même envoyées à B.G.;
Attendu que lesdites pièces sont des pièces émanant d'elle-même et qui, dans son entendement, justifient le refus de se libérer entre les mains du créancier;
Attendu encore que l'invocation de ces pièces à l'audience par B.G. ne préjudicie en rien aux intérêts de la SONIBANK quant au fond du litige.
II.- AU FOND
Attendu que suivant ordonnance du 21.12.1999 du juge de la Commune Niamey, Monsieur B.G. fut nommé pour expertiser et inventorier certains biens de la succession de feu A.S.;
Qu'il déposa son rapport le 14.04.2000 accompagné de sa note d'honoraires s'élevant à 27.394.575 F;
En dépit de l'ordonnance du juge de la Commune II aux fins de paiement des honoraires de l'expert et malgré ces tentatives de règlement amiable, la succession A.S. refusa de payer lesdits honoraires;
Le 1er juin 2000, B.G. obtint du Président du Tribunal Régional de Niamey, une ordonnance de taxe sur la base de laquelle il pratiqua saisie attribution sur les biens de la succession A.S. entre les mains de SONIBANK;
Attendu que sur opposition de la succession A.S., le Tribunal Régional de Niamey a rejeté les exceptions de nullité de la saisie attribution soulevées par la succession A.S., reçu B.G. en sa demande et condamné le mandataire de la succession à payer à B.G. la somme de 27.394.575, ainsi que 5.000.000 F à titre de dommages-intérêts et ordonné la conversion de la saisie attribution (sic) pratiquée le 02.06.2000 par B.G., décision assortie de l'exécution provisoire;
Attendu que suite à une instance en défense à exécution provisoire introduite par la succession A.S., la Cour d'Appel de Niamey, dans un arrêt en date du 28.03.2000, jugea qu'il n'y a pas lieu à défense à exécution provisoire de la décision (jugement N° 119 du 28.02.2001);
Attendu que pour justifier leur refus d'exécuter ladite décision, la SONIBANK et la succession A.S. soutiennent que la procédure initiée par B.G. après la dénonciation de la saisie attribution n'est pas celle prévue par l'Acte uniforme de l'OHADA du 10 avril 1998 portant procédure simplifiée de recouvrement des créances;
Mais attendu qu'il résulte des pièces du dossier que dans l'instance ayant donné lieu au jugement N° 119 du 28.02.2001, les mêmes exceptions ont été soulevées par la succession A.S. et ont été rejetées par le Tribunal;
Que quelles que soient, par ailleurs, les critiques faites à l'endroit de ladite décision, elle a purgé les questions de fond, qui ne peuvent plus être soulevées devant le juge des référés qui, lui, est saisi dans le cadre de la présente instance de difficultés d'exécution d'une décision de justice;
Attendu encore que l'ordonnance de taxe, tout comme la décision N° 119 du 28.02.2001 assortie de l'exécution provisoire, et grossoyée, non encore anéanties par une décision de justice, valent titre exécutoire;
Qu'en droit, le juge des référés ne peut arrêter l'exécution d'un titre exécutoire;
Qu'au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de faire droit à la requête de B.G. et d'ordonner à la SONIBANK de lui payer les sommes saisies entre ses mains, sous peine d'astreinte de 2.500.000 F par jour de retard à compter de la présente ordonnance;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente ordonnance et de condamner les défendeurs aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
Rejette l'exception soulevée par la SONIBANK;
Reçoit le mandataire de la succession A.S. en son intervention volontaire en la forme;
Reçoit B.G. en sa demande en la forme;
Ordonne à la SONIBANK de payer à B.G. les sommes consignées entre ses mains en vertu de la saisie, sous astreinte de 2.500.000 F par jour de retard à compter de l'ordonnance;
Ordonne l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute et avant enregistrement;
Condamne les défendeurs aux dépens;
Et ont signé le Président et le Greffier, les jour, mois et an susdits.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Les plaideurs multiplient les procédures d'entrave et de contestation en cas de saisie attribution, si bien que les tiers saisissants ne savent plus où ils en sont, surtout s'ils ne sont pas associés aux procédures de contestation et si les décisions (de référé, le plus souvent) ne leur intiment pas l'injonction de se libérer entre les mains du créancier saisissant. Il serait temps, soit de changer de mœurs judiciaires, soit de modifier l'article 164, soit de créer un juge des saisies attributions qui coordonnerait toutes les procédures et donnerait le signal de la fin sans danger pour les tiers saisis.
Cette affaire est la suite (et fin ?) de la saga judiciaire d’une succession (Voir Ohadata J-02-122).