J-02-124
saisie attribution – contestation élevée par le saisi – saisine du juge du fond inopérante – obligation des tiers saisis de se libérer entre les mains des créanciers saisissants
Pour élever les contestations contre une mesure d'exécution telle que la saisie attribution, le juge compétent n'est autre que le juge des référés statuant en matière d'urgence. En ignorant la compétence du juge des référés pour saisir le juge du fond, le saisi adopte une attitude équivalant à une absence de contestation.
C'est donc à bon droit que les créanciers peuvent saisir le juge des référés pour vaincre l'inertie des tiers saisis; il y a donc lieu de faire droit à leur demande.
(Tribunal régional de Niamey, ordonnance de référé n° 67/TR/NY/2001 du 10 avril 2001, Ayants-droit Moustapha Kaïlou c/ SONIBANK, ECOBANK et UGAN).
République du Niger
ordonnance de référé n° 067/tr/ny/2001 du 10 avril 2001
Affaire :
Ayants-droit MOUSTAPHA KAILOU (Me YAHAYA ABDOU)
contre :
SONIBANK, ECOBANK, UGAN (Mes MANOU KIMBA, SEYNI YAYE, YAYE MOUNKAILA).
L’an deux mil un;
Et le dix avril;
Nous, Abdoulaye DJIBO, Président du Tribunal Régional de Niamey, Juge des référés, assisté de Maître MARAH RIBA HABSATOU, Greffier, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
Entre :
Ayants-droit MOUSTAPHA KAILOU, représentés par Mr KAILOU HAMIDOU, assisté de Me YAHAYA ABDOU, Avocat à la Cour
demandeur
d'une part;
Et
1.- SONIBANK, assistée de Me MANOU KIMBA, Avocat à la Cour
2.- ECOBANK, assistée de Me SEYNI YAYE, Avocat à la Cour
3.- UGAN, intervenant volontaire, assistée de Me YAYE MOUNKAILA
défenderesses
d'autre part;
Par exploit en date du 06 avril 2001, les ayants-droit M.K., représentés par K.H. ayant pour Conseil Me YAHAYA ABDOU, Avocat au Barreau de Niamey, ont assigné la société nigérienne des banques SONIBANK et l'ECOBANK devant le juge des référés, aux fins de s'entendre :
– déclarer débitrices pures et simples des causes de la saisie;
– ordonner de se libérer entre les mains des saisissants des causes de la saisie, sous astreinte de 500.000 F par jour de retard;
– ordonner l'exécution provisoire de la décision sur minute et avant enregistrement;
Par conclusions écrites à la barre, l'Union Générale des Assurances a déclaré intervenir volontairement à l'instance;
Les ayants-droit MOUSTAPHA KAILOU exposent à l'appui de leur requête, qu'en exécution de la grosse de l'arrêt civil N° 19 du 11 février 2000, ils ont pratiqué saisie attribution sur les avoirs de l'UGAN entre les mains de SONIBANK et ECOBANK;
Que pour élever contestation contre lesdites saisies, l'UGAN a saisi le juge du fond, qui, dans un jugement contradictoire, s'est déclaré incompétent, conformément à l'article 49 de l'Acte uniforme du 12 avril 1998 et à la jurisprudence du Tribunal;
Qu'à ce jour, l'UGAN n'a pas saisi le juge compétent pour élever contestation, d'où elle estime qu'aucune contestation n'a été élevée. Malgré cela, les banques tiers saisis refusent de se libérer, en interprétant autrement la décision rendue;
Les ayants-droits estiment que la saisine du juge des référés se justifie par l'article 168 de l'Acte uniforme et l'article 809 du Code (nigérien) de procédure civile;
La SONIBANK, représentée à l'audience par le Cabinet MANOU KIMBA, estime qu'étant tiers saisi, la loi (Acte uniforme de l'OHADA) ne lui fait obligation de payer que sur présentation d'un certificat de non contestation ou une décision du Tribunal compétent ayant purgé les contestations. Que la décision du Tribunal étant une décision d'incompétence, n'a pas purgé les contestations. D'où elle conclut au débouté des ayants-droit M.K.;
ECOBANK, représentée à l'audience par Me SAMNA DAOUDA, Avocat stagiaire au Cabinet de Me SEYNI YAYE, déclare ne pas contester la saisie. Mais qu'étant tiers saisi, elle est tenue par les dispositions de l'article 164 de l'Acte uniforme de l'OHADA du 10 avril 1998. Que la décision d'incompétence du Tribunal n'est pas exécutoire, dès lors que la saisine du Tribunal, même incompétent, suspend les délais;
L'UGAN, intervenant volontaire représenté à l'audience par Me YAYE MOUNKAILA, Avocat au Barreau de Niamey, dans ses conclusions produites à l'audience, fait valoir qu'elle a fait appel du jugement d'incompétence du Tribunal;
Que même si les ayants-droit M. estiment que cette décision équivaut à un rejet des contestations, l'appel interjeté est suspensif d'exécution (article 172 Acte uniforme du 12 avril 1998);
Elle ajoute qu'elle a fait pourvoi de l'arrêt dont l'exécution est poursuivie, parce que n'ayant pas appliqué le code CIMA. Que pour cela, elle proposa aux ayants-droit une indemnisation intégrale sur la base du code CIMA, y compris les frais, en attendant l'arrêt de la Cour Suprême;
En réplique, Me YAHAYA ABDOU fait valoir qu'il y a un détournement de procédure qui, au vu de ses déclarations, fait grief à l'UGAN de ne pas saisir la juridiction compétente.
discussion
Attendu qu'en exécution de la grosse de l'arrêt civil N° 18 du 11 février 2000 ayant condamné l'UGAN à payer aux ayants-droit M.K. la somme de 1.000.000 F, ceux-ci ont pratiqué une saisie-attribution sur les comptes de l'UGAN entre les mains de SONIBANK et ECOBANK;
Que pour contester les saisies attributions, SONIBANK et ECOBANK soutiennent qu'aucun certificat de contestation ou décision du Tribunal compétent purgeant la contestation ne leur ont été présentés comme l'exige l'article 164 de l'Acte uniforme de l'OHADA du 12 avril 1998 portant procédure simplifiée de recouvrement et voie d'exécution;
Attendu que, suite à la saisie attribution pratiquée par les ayants-droit M.K. entre les mains de SONIBANK et ECOBANK sur les avoirs de l'UGAN, celle-ci, pour élever une contestation contre lesdites saisies, a assigné le créancier saisissant devant le Tribunal civil (juge du fond);
Attendu que l'esprit du législateur OHADA est de faciliter la procédure de recouvrement des créances;
Que pour élever les contestations contre une mesure d'exécution forcée, la juridiction compétente n'est autre que le juge des référés statuant en matière d'urgence;
Attendu que l'UGAN, en saisissant le juge du fond, n'ignorait pas que la juridiction compétente est le juge des référés;
Attendu que la non-saisine de la juridiction compétente équivaut à une absence de contestation, que c'est à juste titre que les ayants-droit ont saisi le juge des référés pour vaincre l'inertie des tiers saisis;
Qu'il y a lieu de faire droit à leur requête.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
Reçoit l'UGAN en son intervention volontaire en la forme;
Reçoit les ayants-droit M.K. en leur demande;
Ordonne à la SONIBANK et ECOBANK de se libérer entre les mains des saisissants des causes de la saisie, sous astreinte de 500.000 F par jour de retard chacune;
Ordonne l'exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
Condamnons les défendeurs aux dépens;
Et ont signé le Président et le Greffier, les jour, mois et an susdits.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Il est acquis que la saisie attribution est une procédure d'exécution reposant sur un titre exécutoire, et que toute contestation élevée à son sujet révèle une difficulté d'exécution qui, comme telle, doit relever de la compétence du juge des référés, tel que désigné par l'article 49 AUVE et suspend le paiement par le tiers saisi jusqu'au règlement de la contestation.
En l'espèce, le débiteur saisi, l'UGAN (un assureur) avait été condamné par un arrêt de la Cour d'Appel à payer des dommages-intérêts aux héritiers d'une victime d'un accident de la circulation, en dehors des règles du Code CIMA; elle avait formé un pourvoi contre cet arrêt. Mais pour résister à la saisie-attribution, elle avait saisi le juge du fond qui, comme il fallait s'y attendre, s'était déclaré incompétent; appel avait été formé contre cette décision d'incompétence, mais la décision d'appel n'était pas encore intervenue au moment de la saisie attribution.
Le sort du saisi était dès lors, scellé. Il ne pouvait plus résister à une décision de condamnation rendue par la Cour d'Appel, devenue exécutoire malgré un pourvoi en cassation. Et le fait de saisir le juge du fond ne pouvait l’aider en aucune façon .