J-02-132
sociétés commerciales – litige entre associés – nomination d’administrateur provisoire – conditions – nécessité d’une paralysie dans le fonctionnement de la société (oui).
En cas de litige entre les associés d’une société, la nomination d’un administrateur provisoire au sein de celle-ci est subordonnée à l’existence d’une paralysie dans son fonctionnement. A défaut, la demande de nomination n’est pas nécessaire et les organes dirigeants demeurent toujours en fonction.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 258 du 25 février 2000, Bulletin Juris Ohada, n° 1/2002, janvier-mars 2002, p. 42, note anonyme. –Ohada jurisprudences nationales, n° 1, décembre 2004, p. 67).
Cour d’Appel d’Abidjan
Arrêt N° 258 du 25 février 2000
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
exposé du litige
La Société négoce afrique Côte d’Ivoire dite naci, Société anonyme, comprenait en son sein divers actionnaires, dont la société win sarl, dirigée par m.t.p.;
Aux termes des statuts de la société NACI, A.K.M. était désigné Président directeur général, pendant que M.T.P. exerçait les fonctions de Directeur général;
Le 06 juin 1996, A.K.M. déléguait ses pouvoirs à son Directeur général, pour une période d’une année;
Par la suite, le 23 octobre 1997, ladite délégation de pouvoirs était rapportée;
Un litige survenait alors, entre les parties, quant à la gestion et la direction de la société NACI;
Aussi, par exploit en date du 06 juin 1999, M.T.P. agissant es qualité de représentant de la société WIN SARL, donnait-il assignation à la société NACI SA, représentée par A.K.M., à l’effet de voir la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
Désigner un Administrateur provisoire;
Au soutien de son action, la demanderesse expliquait qu’au sein du capital social de la NACI, elle détenait 1.125 actions sur les 2.400 actions que comprenait ladite société;
Cependant, poursuivait-elle, en dépit de sa qualité d’Administrateur de la NACI, elle avait été tenue dans l’ignorance des différents conseils d’administration, dont un au cours duquel il avait notamment été décidé l’arrêt d’activité de ladite société;
Dans le flou généré par la décision d’arrêt de toute activité, le contenu du coffre de la NACI qui comprenait 26 kilogrammes d’or, ainsi que la somme de 17 millions de francs avaient été emportés par les dirigeants de la société, et ce, au mépris des règles gouvernant le fonctionnement des sociétés anonymes;
Ainsi, compte tenu des intérêts de la société NACI qui, manifestement, étaient en péril, la société WIN SARL entendait-elle voir désigner un Administrateur provisoire;
A cet effet, la demanderesse sollicitait-elle que ledit Administrateur provisoire puisse mettre sous séquestre les 26 kilogrammes d’or et les 17 millions de francs, constituaient une partie des biens sociaux;
Mais dès à présent, et l’urgence et par provision :
– Recevons la société WIN SARL en sa demande;
– L’y disons bien fondée;
– Désignons Pr TIEMOKO KOFFI, Expert comptable à Abidjan, en qualité d’Administrateur provisoire de la société NACI, à l’effet de la gérer et séquestrer les 26 kilogrammes d’or, ainsi que la somme de 17.000.000 F constituant les biens sociaux, jusqu’à ce qu’un accord intervienne entre les parties;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, la NACI SA, par acte d’huissier en date du 28 septembre 1999, relevait appel de l’ordonnance de référé N° 3878/99 en date du 13 août 1999, susvisée, à l’effet de voir la Cour d’Appel de céans;
– L’infirmer en toutes ses dispositions;
En effet, contestations entre associés ou dissensions entre ceux-ci décrivaient une seule et même réalité, en l’occurrence une altération de la confiance mutuelle conduisant à des mésententes entre associés.
SUR CE,
L’intimée ayant conclu, il y a lieu de rendre une décision contradictoire.
EN LA FORME
La société NACI a relevé, par acte d’huissier, appel d’une décision qui ne lui a pas été signifiée;
Ledit appel est donc recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai légaux.
AU FOND
Du bien-fondé de la nomination d’un administrateur provisoire au sein de la société naci
Il ressort des débats que le 23 octobre 1997, M.T., exerçant les fonctions de Directeur général de la société NACI, a été convoqué;
Postérieurement à ladite révocation, la société NACI a tenu différents conseils d’administration, tel qu’il résulte de la production des procès-verbaux de délibération établis à cet effet;
Dès lors, quand bien même l’effectivité d’un litige entre M.T. et les autres associés de la société NACI ne peut faire l’objet de contestation, il n’en demeure pas moins qu’il n’a existé de fait, aucun blocage dans l’administration et la gestion de ladite société;
Ainsi, le Premier juge, en ne fondant sa décision de nomination d’un Administrateur provisoire au sein de la société NACI, sur le seul fait que ladite mesure ne lésait aucune des parties au litige, alors qu’il eût fallu rechercher en l’espèce, l’existence ou non d’une paralysie dans le fonctionnement de ladite société, n’a pas donné de base légale à sa décision;
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance querellée;
Statuant à nouveau, il convient de dire que la demande en nomination d’un Administrateur provisoire de la société NACI n’est en l’état, nécessaire; en sorte que les organes dirigeants de ladite société demeurent toujours en fonction;
L’intimée ayant succombé, il lui faut supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare la société NACI recevable en son appel régulièrement relevé de l’ordonnance N° 3878 rendue le 13 août 1999 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
– L'y dit bien fondée;
– Infirme à nouveau;
– Dit n’y avoir lieu à la nomination d’un Administrateur provisoire au sein de la société NACI.
Président : Mr KHOUADIANI Kouadio Bertin.
Note anonyme
L’intérêt de cette décision réside dans le fait qu’elle est relative à la nomination d’un administrateur provisoire, en présence d’un litige entre le Directeur général de la société et les autres associés, depuis l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales. Il se posait à la Cour la question de savoir si les conditions de nomination d’un administrateur provisoire en cas de litige entre associés, étaient réunies en l’espèce. Pour la Cour, il faut une paralysie dans le fonctionnement de la société pour qu’un administrateur provisoire soit nommé.
Ce que n’a pas fait le premier Juge. D’où l’infirmation de l’ordonnance qui avait procédé à ladite nomination, motif pris de ce que la mesure ne lésait aucune des parties au litige.