J-02-134
recouvrement de créance – INJONCTION DE PAYER – compétence territoriale – dérogation par les parties – absence de clause – compétence de la juridiction du domicile ou de la demeure du débiteur (oui) – conséquences.
Les parties n’ayant pas entendu déroger aux règles de compétence territoriale du Tribunal au sens de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte Uniforme relatif au recouvrement de créance (AUPSRVE), la juridiction compétente pour recevoir la requête est le tribunal du domicile tel que mentionné dans le contrat. Le débiteur étant domicilié à Abidjan Zone 4 c, c’est le tribunal de 1ère instance d’Abidjan qui est compétent.
En conséquence, est incompétente la juridiction présidentielle du Tribunal de 1ère instance de Gagnoa.
Article 1er AUPSRVE
Article 3 AUPSRVE
(Tribunal de première instance de Gagnoa, jugement n° 11 du 9 février 2001, BCM c/ SNAIB, Bulletin Juris Ohada n° 1/2002, janvier-mars 2002, p. 45. - Ohada jurisprudences nationales, n° 1, décembre 2004, p. 203).
Tribunal de première instance de Gagnoa
Jugement N° 11 du 9 février 2001
le tribunal,
Ouï les parties en leurs conclusions;
Vu les pièces du dossier;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date du 03 juillet 2000 de Me ONDJEWAINE KADJO Suzanne, Huissier de justice à Gagnoa, B.C.M. a assigné :
1°) La Société Nouvelle d’Application Industrielle du Bois, dite SNAIB, prise en la personne de son Directeur Général Monsieur A.K.P.;
2°) Le Greffier en chef du Tribunal de première instance de Gagnoa;
3°) Maître GNACO LEUBE Lucien, Huissier de justice à Abidjan, par acte séparé en date du 08 juillet 2000 de Maître LACOMBE Hélène, Huissier de justice à Abidjan;
Attendu que B.C.M., par les exploits sus-indiqués, entendait faire opposition à l’ordonnance d’injonction de payer N° 140/2000 en date du 15 mai 2000 par laquelle la juridiction présidentielle de céans l’a condamné à payer à la SNAIB la somme de 3.409.044 frs;
Attendu qu’au soutien de ses exploits, B.C.M. expose que le Président du Tribunal de Gagnoa, qui a rendu l’ordonnance en question, est incompétent territorialement;
Qu’en effet, soutient-il, étant domicilié à Abidjan, c’est la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan qui est compétente pour connaître de la requête en paiement dirigée contre lui par la SNAIB, et non la juridiction présidentielle de Gagnoa;
Qu’il relève par ailleurs que la requête par laquelle la SNAIB a obtenu l’ordonnance dont s’agit doit être déclarée irrecevable car, selon lui, ladite requête n’a pas indiqué de façon explicite son adresse complète, encore moins son domicile;
B.C.M. soutient, enfin, qu’outre ces irrégularités de forme et d’incompétence de la juridiction présidentielle du Tribunal de Gagnoa, la requête par laquelle la SNAIB a obtenu contre lui l’ordonnance attaquée n’est pas fondée;
Qu’en effet, la SNAIB n’est pas créancière envers lui de la somme de 3.309.044 frs;
Qu’au vu des relations d’affaires qui ont existé entre eux, c’est plutôt la SNAIB qui reste lui devoir la somme de 4.553.980 frs;
Il conclut pour dire qu’il sollicite, outre la rétractation de l’ordonnance querellée, la condamnation de la SNAIB à lui payer la somme de 4.553.980 frs, représentant sa créance envers ladite société;
Attendu que la SNAIB, pour sa part, fait valoir dans ses écritures produites au dossier par les soins de son représentant, Monsieur N.Y.C., l’exception de nullité de l’exploit d’assignation en opposition à l’ordonnance attaquée; elle soutient en effet que ledit exploit n’ayant pas été signifié régulièrement à la personne de Monsieur A.K.P., représentant légal de la SNAIB, il doit être déclaré nul;
Elle conclut en conséquence à ce qu’il plaise au Tribunal restituer à l’ordonnance querellée son plein et entier effet.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Attendu que B.C.M. a qualité et intérêt d’agir;
Que sa demande a été faite conformément aux prescriptions légales de forme;
Qu’il y a lieu dès lors de déclarer recevable sa demande;
Attendu que les parties ont comparu et ont fait valoir leurs prétentions respectives, tant à l’audience publique que dans leurs écritures produites au dossier;
Qu’il convient en conséquence de statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties.
AU FOND
Attendu qu’il résulte des termes de l’alinéa 1 de l’article 3 de l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de Recouvrement de créances que la demande est formée par requête auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur;
Qu’il ressort par ailleurs de l’alinéa 3 de l’article 3 de l’Acte Uniforme sus-indiqué que l’incompétence territoriale ne peut être soulevée que par la juridiction saisie de la requête par le débiteur lors de l’instance introduite par son opposition;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier, notamment des documents relatifs au contrat entre les parties, que Monsieur B.C.M., exploitant forestier, est domicilié à Abidjan Zone 4 C, Rue Pierre et Marie Curie;
Qu’il est même mentionné sur l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer querellée, que B.C.M.P., exploitant forestier à Gagnoa, a pour domicile élu Abidjan Zone 4 C, Rue Pierre et Marie Curie;
Attendu qu’il n’apparaît nulle part dans les clauses du contrat liant les parties et dont copie figure au dossier, que celles-ci ont entendu déroger aux règles de compétence territoriale du Tribunal au sens de l’alinéa 2 de l’article 3 de l’Acte Uniforme ci-devant cité;
Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que la juridiction présidentielle compétente en l’espèce pour recevoir la requête aux fins de paiement selon la procédure simplifiée de la créance qu’aurait la SNAIB envers B.C.M. est celle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan et non celle du Tribunal de Première Instance de Gagnoa;
Qu’en conséquence, la demande de B.C.M. tendant à voir rétracter l’ordonnance querellée pour incompétence du Tribunal de céans est bien fondée;
Qu’il y a lieu d’y faire droit.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare recevable et bien fondée la demande de B.C.M.;
En conséquence, dit que la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance de Gagnoa est territorialement incompétente pour connaître de la demande en recouvrement de la créance de la Société Nouvelle d’Applications Industrielles du Bois dite SNAIB envers B.C.M.P.;
– Condamne la Société Nouvelle d’Applications Industrielles dite SNAB aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
Président : Mme YAO Jeanne BODJI.
Note anonyme
Ce jugement du Tribunal de première instance de Gagnoa, relatif à la juridiction compétente en matière de recouvrement de créance, a été conforté et confirmé par la décision prise par la CCJA, le 11 octobre 2001 (arrêt N° 001/2001. Ohadata J-02-05). En principe, compétence est donnée à la juridiction du lieu du domicile ou de la demeure effective du débiteur poursuivi. Cependant, les parties peuvent, par une clause, y déroger en choisissant une autre juridiction.
A défaut donc de cette dérogation, c’est le principe qui s’applique.
En se prononçant dans le sens de l’incompétence, le Tribunal n’a fait que se conformer aux dispositions pertinentes de l’Acte Uniforme relatif au recouvrement de créance.