J-02-137
droit commercial général – contrat de vente – vente de marchandiseS – marchandises livrées au transporteur – charge des risques – risques transférés à l’acheteur (oui) – conséquences.
En matière de contrat de vente impliquant un transfert de marchandises, les risques sont transférés à l’acheteur, dès lors que la livraison des marchandises par le vendeur au transporteur a été effective.
Par conséquent, la société de transport ne peut se prévaloir du principe de l’exception d’inexécution pour refuser de payer le prix des marchandises.
Article 283 AUDCG
Article 285 AUDCG
Article 286 AUDCG
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 1155 du 15 décembre 2000, Société LMC c/ Société J.B, Bulletin Juris Ohada, n° 1/2002, janvier-mars 2002, p. 57, note anonyme).
Cour d’Appel d’Abidjan
Arrêt N° 1155 du 15 décembre 2000
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Des faits, procédure et prétentions des parties :
Par exploit en date du 29 février 2000 comportant ajournement au 10 mars 2000, la Société L., représentée par son Directeur Général Monsieur R., ayant pour conseil la S.C.P.A. KANGA-OLAYE & Associés, a relevé appel du jugement commercial contradictoire n° 180 rendu le 21 février 2000 et dont le dispositif est ainsi conçu :
– Reçoit la Société Lotus Import en son opposition;
– La déclare mal fondée;
– La déboute;
– Restitue à l’ordonnance n° 6798/99 du 8 novembre 1999 son plein et entier effet;
– La condamne aux dépens.
Cet appel n’ayant pas été enrôlé, la Société L. réassignait par exploit en date des 23 et 29 mars 2000, la Société J. à comparaître devant la Cour pour voir statuer sur les mérites de son appel;
N’ayant pas procédé au dépôt de tous ces actes d’appel au Greffe de la Cour, le Premier Président rendait à son encontre deux ordonnances de déchéance n° 1038 et 1058 en date du 28 avril 2000 et du 10 mai 2000;
Elle intentait un recours contre ces ordonnances de déchéance;
Par requête aux fins d’annulation d’une ordonnance de constat de déchéance présentée le 9 mai 2000, le Président de la Cour Suprême ordonnait le 22 mai 2000, qu’elle n’était pas déchue de son droit d’appel, vu le certificat de dépôt d’acte d’appel du 31 mars 2000;
Il ressort des énonciations du jugement querellé que par exploit daté du 30 novembre 1999, la Société L. a assigné en opposition la Société B. devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour solliciter la rétractation de l’ordonnance n° 6798/99 du 8 novembre 1999 portant condamnation au paiement de la somme principale de 4.794.100 francs;
A l’appui de son action, elle a exposé qu’elle était en relation commerciale avec cette société auprès de qui elle a passé commande de diverses marchandises constituées de sept palettes de cartons de vins regroupés en 330 emballages, lesquelles ont été remises aux Transports James pour son compte;
Devant son refus de régler la facture émise au titre de cette vente, la Société B. a obtenu l’ordonnance n° 6798/99 l’ayant condamnée au paiement de la somme principale de 4.794.100 francs;
Elle indiquait qu’elle n’est pas tenue à ce paiement dès lors qu’elle n’a jamais reçu livraison de la marchandise et ce, en application de l’article 1184 du code civil, qui pose le principe de l’exception d’inexécution;
La Société Jean Beaucoup quant à elle, soutenait que s’agissant d’une vente « conclue départ Chais » ainsi qu’il résulte des factures et de l’usage entre les parties, le client devient débiteur dès livraison par le fournisseur de la marchandise au transporteur sur le port de Chais;
Se fondant, en outre, sur les dispositions des articles 285 et 286 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial, elle faisait valoir que s’agissant d’un transport de marchandises, les risques sont transférés à l’acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur, et qu’il ne peut se libérer de son obligation de payer le prix qu’à condition de démontrer que la perte ou la détérioration de la commande est le fait du vendeur;
Elle a donc conclu au débouté de la Société L. et conséquemment, à la confirmation de l’ordonnance querellée;
Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge, en se fondant sur les dispositions de l’article 286 alinéa 1 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, a déclaré que la Société B. a exécuté son obligation de livraison dès lors qu’il résulte du dossier que la Société « Les Transports James SA » a effectivement reçu les marchandises commandées par la Société Lotus;
Ledit Juge a alors conclu que, dans ces conditions, la Société Lotus doit en payer le prix et ne peut donc se prévaloir du principe de l’exception d’inexécution prévue à l’article 1184 du code civil pour s’y soustraire;
En cause d’appel, la Société L. reconnaît les moyens précédemment développés en insistant sur la non-production de documents par la Société B. pour prouver la livraison effective des marchandises commandées au destinataire;
Dans ces conditions, l’article 1184 du code civil l’autorise à ne pas honorer la facture émise;
Elle conclut donc à la confirmation du jugement attaqué;
La Société B., pour sa part, demande à la Cour de constater que la Société L. est déchue de son droit d’appel en vertu des ordonnances de déchéance produites au dossier;
Poursuivant, elle fait valoir que la vente ayant été conclue dès le port d’embarquement, les marchandises sont présumées avoir été remises à la Société L. dès livraison au transporteur; que celle-ci reste donc débitrice de la somme de 4.794.100 francs représentant la valeur de la marchandise livrée;
Aussi, sollicite-t-elle la confirmation du jugement querellé.
DES MOTIFS
sur la déchéance du droit d’appel
Ce moyen ne saurait être accueilli, dès lors que l’ordonnance de déchéance de Premier Président de la Cour d’Appel a été rapportée par l’ordonnance n° 53/CS/JP2000 en date du 22 mai 2000 de la Cour Suprême;
sur la recevabilité de l’appel
L’appel de la Société L. relevé conformément à la loi est recevable;
sur la créance
C’est en vain que la Société L. excipe de la non-livraison des marchandises pour ne pas payer la valeur correspondante, car en l’espèce, s’agissant d’un contrat de vente impliquant un transport de marchandises, l’article 286 du Traité OHADA énonce que :
« les risques sont transférés à l’acheteur à partir de la remise des marchandises au premier transporteur »;
La livraison des marchandises à la Société « Les Transports James » S.A. étant effective ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré que la Société Lotus est mal venue à se prévaloir du principe de l’exception d’inexécution et l’a déboutée de son action;
Son appel doit donc être déclaré mal fondé et le jugement querellé confirmé en toutes ses dispositions;
L’appelante qui succombe doit être en outre condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
– Dit que la Société L. n’est pas déchue de son droit d’appel;
– Déclare recevable mais mal fondé et rejette comme tel l’appel relevé par la Société L. du jugement n° 180 rendu le 21 février 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
– Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions.
Président : M. KANGA PENOND Yao Mathurin.
Note anonyme
Qui doit supporter les risques, en matière de vente de marchandises, dès lors que celles-ci ont été livrées au transporteur ? La Cour répond, conformément à l’article 283 (de l’Acte uniforme sur le droit commercial général), que les risques sont transférés à l’acheteur à partir du moment où la livraison des marchandises a été faite effectivement à la société de transport.
En conséquence, l’acheteur qui, par exemple, n’aurait pas reçu les marchandises, ne peut refuser d’en payer le prix en se réfugiant derrière l’article 1184. C. Civ.
Il s’agit là d’une des innovations de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial général, qui apporte des solutions aux questions de transfert de propriété et de transfert des risques, notamment l’objectif du traité OHADA n’est-il pas de faciliter et de sécuriser les échanges pour l’ensemble des opérations économiques ? (cf. Philippe Tiger, Le droit des affaires en Afrique, Que sais-je, 2ème éd., p. 19).