J-02-141
voies d’exécution – saisie attribution – créancier susceptible d’en bénéficier – créancier muni de titre exécutoire (oui) – jugement par défaut – signification à personne ou à domicile (non) – existence de titre exécutoire (non).
La saisie attribution n’étant ouverte qu’à un créancier muni d’un titre exécutoire en application de l’article 153 de l’Acte Uniforme, il n’existe pas de titre exécutoire lorsque le jugement par défaut qui le fonde n’a pas été signifié à personne ou à domicile. Par conséquent, la mainlevée de la saisie contestée doit être ordonnée.
Article 153 AUPSRVE
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 441 du 4 avril 2000, K. et P. c/ STI et SIB, Bulletin Juris Ohada, n° 3/2002, juillet-septembre 2002, p. 38, note anonyme.- Ohada jurisprudences nationales, n° 1, décembre 2004, p. 231)
Cour d’Appel d’Abidjan
Arrêt N° 441 du 04 avril 2000
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte d'huissier en date du 18 février 2000, K. et P. ont relevé appel de l'ordonnance de référé n° 655 rendue le 16 février 2000 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, laquelle saisie par la Société Tuyauterie Industrielle dite STI, d'une demande de mainlevée de saisie, a statué ainsi qu'il suit :
« Déclarons la STI recevable en son action;
L'y disons bien fondée;
Constatons l'irrégularité de la saisie attribution opérée sur le compte de la STI ouvert à la S.I.B.;
Ordonnons la mainlevée de ladite saisie »;
Les appelants exposent qu'ils sont créanciers de la STI de la somme de 11.481.791 francs, en ce qui concerne K. et 27.528.510 francs en ce qui concerne P.; leur créance, de nature sociale, résulte d'un jugement de défaut n° 2254/CS4/99 rendu le 12 novembre 1999 par le Tribunal du Travail d'Abidjan; pour avoir paiement de ces sommes, ils ont fait pratiquer saisie attribution de créance au préjudice de leur débitrice, entre les mains de la S.I.B.; ladite saisie a été dénoncée le 3 février 2000;
Les appelants font grief au premier juge d'avoir ordonné la mainlevée de leur saisie au motif qu'ils ne disposent pas de titre exécutoire; mais, selon eux, le jugement social du 12 novembre 1999 constitue bien, à la date de la saisie, un titre exécutoire; pour apprécier la régularité de la saisie, le juge doit se placer à la date à laquelle la saisie a été pratiquée et non postérieurement; au 3 février 2000, ils étaient munis d'un titre exécutoire; par ailleurs, l'article 81-26 du Code du travail prévoit que le jugement de défaut est susceptible d'opposition dans les 10 jours et d'appel dans les 15 jours à compter de la signification à personne ou à domicile, et que passé ce délai, le jugement est exécutoire; en l'espèce, la signification du jugement a été régulièrement faite le 23 décembre 1999 au domicile de la S.T.I. et les formalités de l'article 251 du code de procédure civile ont été respectées; l'adresse postale étant le prolongement juridique du domicile, la signification faite au domicile de la STI le 23 décembre 1999 lui est opposable; l'article 158 nouveau du code de procédure civile invoqué par la STI n'est pas applicable au litige, estiment les appelants, car il s'agit de dispositions réglementant la procédure civile; en l'espèce, le procès est un procès social; au demeurant, la saisie a été effectuée le 3 février 2000, soit quatre jours après la saisie (sic); elle ne pouvait avoir pour effet de suspendre le caractère exécutoire du jugement; ce faisant, en ordonnant la mainlevée de la saisie régulièrement pratiquée le 3 février 2000 en vertu d'un jugement devenu exécutoire, conforté par un certificat de non-appel ni opposition, ils considèrent que le juge de référé a mal jugé et sollicitent en conséquence l'infirmation de sa décision;
La STI s'oppose à cette demande; elle fait valoir que le jugement de défaut en vertu duquel la saisie attribution de créances a été pratiquée n'est pas assorti de l'exécution provisoire; l'opposition en suspend donc l'exécution; la signification du jugement a été faite à Mairie et elle n'en a eu connaissance que par le biais de la SIB; aucun délai n'a pu, dans ces conditions, courir et l'opposition faite le 7 février 2000 est bien recevable; l'article 158 du code de procédure civile dispose que l'opposition suspend l'exécution de la décision et l'article 155 prévoit qu'elle remet la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient lors de l'acte introductif d'instance; le jugement du 12 novembre 1999 n'était donc pas un titre exécutoire au sens de l'article 153 de l'Acte uniforme portant organisation des voies d'exécution; par ailleurs, l'article 160 du même acte prescrit la dénonciation de la saisie au débiteur dans un délai de 8 jours à peine de caducité; il résulte de tout ce qui précède, conclut l'intimée, que l'ordonnance querellée doit être infirmée;
En réplique, les appelants soutiennent que l'opposition n'a pas d'effet rétroactif; au jour de la saisie, le 3 février 2000, aucune voie de recours n'avait été exercée; ils expliquent qu'en matière sociale, le seul texte de référence pour reconnaître à un jugement de défaut son caractère exécutoire est l'article 81-26 du Code du travail; à la différence de la procédure de recouvrement simplifiée de créance, le bénéficiaire de la décision n'a pas à se faire apposer par le Greffe la formule exécutoire, mais muni d'un certificat de non-appel ni opposition que le Greffier en Chef ne peut lui délivrer qu'à l'expiration d'un délai maximum d'un mois à compter de la signification à personne ou à domicile, le bénéficiaire de cette décision tire profit de l'article ci-dessus cité; la seule formalité requise est la signification qui peut être faite, en application de l'article 81-16, par la voie administrative, notamment par la voie postale et la remise contre récépissé ou émargement; en procédant à la signification par voie d'huissier, ils sont allés au-delà des exigences de la loi; le problème réside donc dans la portée juridique de la remise de l'acte à la Mairie, et donc par la voie postale, comportant le refus ou le non-retrait de la lettre recommandée par le destinataire; la jurisprudence, selon eux, considère que le retour de lettre recommandée portant la mention refusée ou non réclamée, n'affecte pas la régularité de la signification; elle estime, dans ce cas, que la notification a régulièrement été faite à domicile.
SUR CE,
En vertu de l'article 81-26 alinéa 2 du Code du travail, le jugement par défaut est susceptible d'opposition dans les jours à compter de la signification à personne ou à domicile, et passé ce délai, le jugement est exécutoire;
En vertu de l'article 153 de l'Acte uniforme portant organisation des voies d'exécution du Traité OHADA, la saisie attribution n'est ouverte qu'à un créancier muni d'un titre exécutoire;
En l'espèce, la signification du jugement par défaut du 12 novembre 1999 n'a pas été faite à personne, elle ne peut non plus être assimilée à une signification à domicile, les hypothèses prévues pour la signification à domicile sont prévues par les articles 249 et 250 du code de procédure; lorsque la personne trouvée au domicile refuse de recevoir l'acte comme en l'espèce, la signification, en application de l'article 251 du code précité, substituant au greffier et en s'affranchissant des formalités de l'article 81-16 du Code du travail, les intimés auraient dû faire une signification à personne ou à domicile pour faire courir le délai d'opposition; ainsi, il n'existe pas en la cause de titre exécutoire; c'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie;
Les appelants succombent; il convient de les condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare K et P recevables en leur appel relevé de l'ordonnance n° 655 rendue le 16 février 2000 par la Juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan.
AU FOND
– Les déclare mal fondés et les en déboute;
– Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions;
Président : Mme Fatou DIAKITE.
Note anonyme
A quelles conditions, une personne peut-elle recourir à la procédure de saisie attribution de créance ? Il faudrait d'abord être créancier, c'est-à-dire détenir une créance qui peut être de nature sociale, comme en l'espèce.
Mais encore faut-il que le créancier de la somme d'argent soit muni d'un titre exécutoire. L'intérêt de l'arrêt ci-dessus publié est de préciser les conditions dans lesquelles un jugement par défaut rendu en matière sociale peut valoir titre exécutoire susceptible de valider la saisie attribution pratiquée.
La Cour rappelle qu'en l'espèce, le jugement par défaut étant susceptible d'opposition, pour faire courir le délai d'opposition, la signification du jugement devait se faire à personne ou à domicile, selon les formes prescrites par l'article 81-16 du Code du travail et non autrement, notamment à la mairie comme l'ont fait les créanciers saisissants. Lorsque la signification a été faite dans ces conditions, le jugement devient exécutoire au-delà des 10 jours impartis au débiteur pour faire opposition.
En n’ayant pas suivi la procédure prescrite par le Code du travail, s’agissant d’une condamnation en matière sociale, la saisie attribution pratiquée par les créanciers est entachée d’irrégularité, car le jugement à la base de la saisie n’était pas exécutoire, conformément à l’article 81- 26 C. Trav.
En l’absence de titre exécutoire, la mainlevée de saisie attribution litigieuse doit être ordonnée. C’est ce qui explique la confirmation de l’ordonnance querellée.