J-02-147
recouvrement de créance – injonction de payer – opposition – créance – preuve (non) – rétractation de l’injonction de payer.
L’ordonnance d’injonction de payer doit être rétractée dès lors que la preuve de la créance qui la fonde n’est pas rapportée. Il en est ainsi lorsque les documents produits par le créancier poursuivant ne peuvent constituer la preuve de la volonté du débiteur d’acheter à crédit des billets d’avion.
Article 1 AUPSRVE
Article 2 AUPSRVE
Article 5 AUPSRVE
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 1096 du 08 décembre 2000, Société G.I.D.C. c/ W.T.A, Bulletin Juris Ohada, n° 3/2002, juillet-septembre 2002, p. 56, note anonyme)
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit en date du 17 août 1999 de Maître KONAN KOFFI Emmanuel, huissier de justice à Abidjan, la société Groupe d’Industries et de Distribution dite GID, ayant pour conseil la SCPA AKA, ANGHUI YAPOBI-N’DRI, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire n° 410/CIV-8 rendu par le Tribunal d’Abidjan en son audience du 30 juillet 1999, décision dont le dispositif est le suivant :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
– Déclare la société GID recevable en son action;
– L'y dit mal fondée et l'en déboute;
– Restitue à l'ordonnance n° 3171/99 du 29 avril 1999 son plein et entier effet;
– La condamne aux dépens.
Il ressort de la procédure que la société World Travel Agency dite WTA, s'estimant créancière de la société GID, a obtenu le 29 avril 1999, du Président du Tribunal d'Abidjan, une ordonnance d'injonction de payer n° 3171 condamnant cette dernière à lui payer la somme de 1.811.600 F; la société GID, par exploit en date du 8 juin 1999, a formé opposition à l'exécution de ladite ordonnance et a expliqué que la WTA ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle lui avait commandé des billets d'avion au profit du nommé L. et sa famille;
De son côté, la défenderesse, par le canal de ses conseils Maîtres HOEGAH et ETTE, Avocats à la Cour, répliquait que la commande a été faite par la société GID verbalement, comme à ses habitudes, de sorte qu'il invitait le Tribunal à confirmer l'ordonnance dont opposition;
Le Tribunal, pour débouter la GID de ses prétentions, a stipulé qu'il ressortait des pièces du dossier et des déclarations faites à la barre, que la demanderesse en opposition avait commandé des billets d'avion dont le paiement n'a pas été effectif et que cette dernière, en contestant les faits, faisait preuve de mauvaise foi;
Dans son acte d'appel, la société GID soutient d'une part qu'elle ne reconnaît pas devoir à la société WTA, qui ne rapporte nulle part la preuve de sa créance, et d'autre part, qu'elle n'a jamais commandé de billets d'avion ni acheté de billets à crédit, de sorte que l'ordonnance querellée a été obtenue en violation des articles 1er et 2ème de l'Acte Uniforme du Traité OHADA (sic) relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances; répliquant à ces moyens, la société WTA allègue que l'appelante, en lui donnant des instructions d'émettre des billets au profit de la famille de son directeur commercial, s'est engagée à acheter lesdits billets et a valablement contracté. Elle invite donc la Cour à confirmer la décision du premier juge;
Dans ses conclusions réponsives (sic) du 24 novembre 2000, l'appelante reprend ses premiers moyens et précise qu'elle n'a jamais manifesté la volonté d'acquérir des billets d'avion à crédit auprès de l'intimée, de sorte que cette dernière ne saurait produire de document à l'appui de sa demande de condamnation, comme l'exige l'article 5 du Traité OHADA susvisé.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appelante et l'intimée ont conclu par le truchement de leurs conseils respectifs; il y a donc lieu de prononcer contradictoirement;
L'appel en l'espèce a été interjeté conformément aux prescriptions légales, de sorte qu'il convient de le déclarer recevable.
SUR LE FOND
Il ressort de l'économie des articles 1er et 5 de l'Acte Uniforme du Traité OHADA relatifs aux procédures simplifiées de recouvrement de créances, d'une part que la créance doit être certaine, liquide et exigible, et d'autre part, que le Président ne rend son ordonnance que si, au vu des documents produits par le requérant, ladite créance paraît fondée;
En l'espèce, alors que la société GID conteste la créance, la société WTA, se disant créancière ne produit à l'appui de sa demande qu'une facture de billets d'avion émis au profit de tierces personnes et un procès-verbal de sommation de payer, où les déclarations de la destinataire ne sont point recueillies;
Or, de tels documents ne sauraient constituer la preuve de la volonté de l'appelante d'acheter à crédit des billets d'avion;
Le premier juge, qui a débouté la GID de son action en opposition, en estimant que sa volonté de contracter ressort des pièces du dossier et de ses déclarations, sans préciser la nature de ces pièces et déclarations, a fait une appréciation erronée des circonstances de la cause, de sorte que sa décision doit être infirmée;
Il ressort de ce qui précède que la preuve de la créance contestée n'est point rapportée par la WTA. Ainsi, la GID se trouve fondée en son opposition. Aussi, y a-t-il lieu d'ordonner la rétractation de l'ordonnance d'injonction de payer n° 3171/99 du 29 avril 1999 rendue par le Président du Tribunal d'Abidjan;
Il est évident que l’intimée succombe et qu’il convient de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
– Reçoit la société Groupe d’Industries et de Distribution dite GID en son appel;
– L’y dit bien fondée;
– Infirme le jugement civil n° 410/CIV-8 rendu le 30 juillet 1999 par le Tribunal d’Abidjan;
Statuant à nouveau :
– Déclare la société GID bien fondée en son opposition;
– Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n° 3171/99 du 29 avril 1999;
– Condamne la société World Travel Agency aux dépens.
Président. M. KANGA PENOND Yao Martin.
Note anonyme
L'arrêt publié ci-dessus rappelle non seulement les caractères de la créance dont le recouvrement peut être poursuivi sur la base de l’Acte Uniforme portant procédure de recouvrement de créance, mais également les documents au vu desquels le Président rend son ordonnance, c’est-à-dire ceux qui peuvent fonder la créance en recouvrement.
Autrement dit, le créancier poursuivant doit rapporter la preuve de la créance dont il demande le recouvrement sur la base de l’Acte uniforme suscité. A défaut, il ne peut avoir gain de cause.