J-02-149
hypothèque forcée – hypothèque judiciaire conservatoire – ordonnance autorisant l’hypothèque – défaut d’indication du délai durant lequel le créancier ne peut saisir le juge du fond – violation de l’article
136 AUS – rétractation de l’ordonnance pour caducité de l’autorisation – radiation de l’hypothèque.
ADDE : ARTICLE
150 AUS – ARTICLES 438 ET 865 DU CODE GABONAIS DE PROCEDURE CIVILE.
créance fondant l’hypothèque contestée en son principe – incompétence du juge des référés pour se prononcer sur le principe de la créance.
Viole l’article
136 AUS, l’ordonnance de référé qui autorise la prise d’une hypothèque conservatoire sans indiquer le délai pendant lequel le créancier doit, à peine de caducité de l’autorisation, former l’action en validité de l’hypothèque devant la juridiction compétente, ni le délai pendant lequel le créancier ne peut saisir le juge du fond (adde : article
150 AUS – articles 438 et 865 du code gabonais de procédure civile).
En présence d’un arrêt de la cour de cassation cassant un arrêt de la cour d’appel constatant le remboursement de la créance ayant justifié l’hypothèque et l’affaire étant pendante devant la cour d’appel de renvoi, le principe de la créance n’est pas établi, et le juge des référés ne peut se prononcer sur ce point.
(Tribunal de première instance de Port-Gentil, ordonnance de référé n° 21/98-99 du 27 novembre 1998, SCI Les Bougainvillées c/ BGFI).
République gabonaise
Tribunal de première instance de Port-Gentil
Ordonnance de référé du 27 Novembre 1998
Affaire : La SCI Les Bougainvillées (Mes Taty et Yenou)
contre
La B.G.F.I. (Me Pellegrin).
L’an mil neuf cent quatre vingt dix-huit, et le vingt-sept novembre;
Par-devant nous, Edouard OGANDAGA, Juge au siège du Tribunal de première Instance de Port-Gentil, Juge des référés par délégation expresse du Président du tribunal de céans, tenant audience en notre Cabinet sis au Palais de justice de ladite ville, assisté de Maître Alfred BATOUBAMAVOU-YENHOT, Greffier civil;
A COMPARU :
Sieur CELICE Pierre Luc, demeurant à Port-Gentil, représentant la sci les BOUGAINVILLEES et assisté de Maître TATY, Avocat à la Cour;
DEMANDEUR;
Lequel expose par la voie de son Conseil que, par ordonnance rendue le 29/09/1998, le Président du Tribunal de céans a, à la demande de la BGFI, autorisé celle-ci à prendre une inscription provisoire d’hypothèque sur les propriétés appartenant à M. Pierre Luc CELICE et la SCI les Bougainvillées;
Que cette autorisation aurait été accordée sur le motif que l’arrêt de la Cour Judiciaire du 04/03/1998 a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel qui a annulé le jugement du 22/11/1989, remettant ainsi les parties dans l’état où elles se trouvaient lors du jugement précité;
Qu’il sollicite la rétractation de l’ordonnance précitée pour violation des dispositions de l’article 136 al. 2 et 3 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés; que l’article 150 du même acte dispose que « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Acte uniforme »; que l’Acte uniforme est entré en vigueur depuis le 1er janvier 1998; or, l’ordonnance querellée vise les dispositions de l’article 865 du code de procédure civile, d’une part; que, d’autre part, le jugement du 22/11/1989 avait validé les hypothèques conventionnelles souscrites au profit de PARIBAS, actuelle BGFI, et condamné Pierre Luc CELICE à payer la somme de 647.756.350 FCFA; que cette décision a été infirmée par la Cour d’Appel qui a constaté le remboursement de la créance de PARIBAS; que l’arrêt de cassation du 04/03/1998, en cassant l’arrêt de la Cour d’Appel, n’a pas affirmé le principe de la créance; que la Cour de cassation reproche à l’arrêt querellé de n’avoir pas tiré, après avoir constaté que CELICE a remboursé en totalité le crédit à lui octroyé par la Banque, les conséquences légales de la décision d’annulation, mais encore s’est contredit en validant les effets d’un contrat de prêt déclaré nul; qu’au vu de ce qui précède, le Juge des référés ne pourra que rétracter l’ordonnance du 29/09/1998;
Que c’est pourquoi, il requiert que le juge des référés constate qu’en matière d’hypothèque forcée, la loi en vigueur est l’Acte uniforme portant organisation des sûretés; qu’il constate que les formalités exigées à l’article 136 dudit acte n’ont pas été respectées, et en conséquence rétracte l’ordonnance du 29/09/1998 et ordonne la radiation de l’inscription d’hypothèque prise à la conservation foncière sur présentation dudit document; que le juge de référé constate subsidiairement le défaut ou l’absence du principe de créance;
A EGALEMENT COMPARU :
La BGFI, représentée par MOUSSIROU MABIALA Alain, Directeur de la succursale de BGFI Port-Gentil, assisté de Maître PELLEGRIN, Avocat à la Cour empêché, lequel s’est opposé aux demandes de la SCI les BOUGAINVILLEES et de Pierre Luc CELICE, sous réserve de la note en délibéré à déposer postérieurement par leur Conseil. Dans ses écritures, Me PELLEGRIN conclut au rejet des prétentions des demandeurs, aux motifs que l’ordonnance autorisant l’inscription provisoire d’hypothèque vise expressément la requête qui précède et qui indique formellement le montant de la créance à garantir de 647.756.350 FCFA; que le défaut d’indication du délai pour l’action en validation est purgé par la saisine de la Cour d’Appel de Port-Gentil déjà saisie du fond sur renvoi après cassation de la Cour Judiciaire à fin de juger l’appel interjeté par sieur CELICE contre le jugement du tribunal de Port-gentil du 22/11/1989 l’ayant condamné à la somme sus-mentionnée; qu’il n’y a pas lieu à la rétractation prévue par l’article 136 al. 4 de l’Acte de l’OHADA; que s’agissant du principe de créance, l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait infirmé le jugement du 22 novembre 1989 a été cassé par la Cour Judiciaire par l’arrêt du 04/03/1998; qu’au vu de ce qui précède, le principe de créance demeure et la rétractation sollicitée ne saurait prospérer;
Sur ce, les débats clos, avons mis l’affaire en délibéré pour notre ordonnance être rendue le 27/11/1998, et advenue cette date, avons statué ainsi qu’il suit :
Attendu qu’aux termes de l’article 438 du code de procédure civile, le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend; de même qu’il peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite;
Attendu qu’en la cause, pour solliciter la rétractation de l’ordonnance du 29/09/1998 du juge des référés ayant autorisé l’inscription provisoire d’hypothèque sur les biens immobiliers de la SCI les BOUGAINVILLEES et Pierre Luc CELICE, les demandeurs invoquent la violation de l’article 136 de l’acte de l’OHADA;
Attendu que l’article précité dans ces alinéas 2 et 3 énonce que la décision rendue indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée, elle fixe au créancier un délai dans lequel il doit, à peine de caducité de l’autorisation, former devant la juridiction compétente l’action en validité d’hypothèque conservatoire ou la demande au fond, même présentée sous forme de requête à fin d’injonction de payer; elle fixe, en outre, le délai pendant lequel le créancier ne peut saisir la juridiction au fond;
Attendu qu’en son alinéa 4, l’article 136 de l’Acte uniforme donne la possibilité de rétracter l’ordonnance par la juridiction qui a autorisé l’hypothèque;
Attendu sur le premier moyen, qu’en la cause, l’ordonnance querellée, bien que citant la requête contenant l’indication du montant pour lequel l’hypothèque est autorisée et en dépit de la saisine de la Cour d’Appel sur renvoi, le délai dans lequel le créancier doit, à peine de caducité de l’autorisation, former l’action en validité d’hypothèque devant la juridiction compétente n’est point indiqué, qu’il en est de même du délai pendant lequel le créancier ne peut saisir la juridiction au fond;
Qu’il suit que l’article 136 de l’Acte uniforme n’a pas été observé dans toute sa rigueur, et n’ayant point été énoncé par l’ordonnance du 29/09/1989;
Qu’il échet de le rétracter et d’ordonner par voie de conséquence la radiation d’hypothèque prise sur cette base;
Attendu que s’agissant du second moyen tiré de l’absence ou du défaut de créance, le juge de référé ne pourrait, à peine d’outrepasser ses conséquences, s’y prononcer dans la mesure où la Cour d’Appel saisie sur renvoi de la Cour judiciaire ne s’est encore prononcée ni sur le principe de la créance, encore moins sur la quantum de ladite créance;
PAR CES MOTIFS :
Statuant par ordonnance contradictoire en matière de référé, et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront devant la juridiction compétente;
Mais dès à présent, vu l’urgence, rétractons notre ordonnance en date du 29 septembre 1989 (sic);
Ordonnons tout aussi la radiation d’hypothèque prise à la conservation foncière sur cette base;
Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision sur minute et avant enregistrement, nonobstant toutes voies de recours;
Mettons les dépens à la charge de la BGFI;
Ainsi ordonné en notre Cabinet, les jour, mois et an que dessus;
Et avons signé avec le Greffier./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant.
Le juge des référés aurait pu s’en tenir à la question de la créance contestée et incertaine pour justifier la rétractation de l’ordonnance autorisant la prise d’hypothèque judiciaire. Mais il a tenu à motiver sa décision par l’absence d’indication des délais prescrits par l’article 136 AUVE à peine de caducité de l’ordonnance, indiquant par-là que ce seul motif aurait suffi à justifier la rétractation, la créance fût-elle fondée.