J-02-152
voies d’exécution – sursis à exécution de décisions de condamnation – compétence du juge des référés.
décision ayant force exécutoire frappée d’une demande de rétractation – sursis à exécution – subordination du sursis à consignation de la somme de la condamnation.
En application de l’article 49, alinéa 1er AUVE, la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence, la décision de celui-ci étant susceptible d’appel. Il en résulte que l’autorité judiciaire ainsi visée, en l’état de l’organisation judiciaire gabonaise, est le président du tribunal de première instance statuant en référé.
Il n’appartient pas au juge de l’exécution d’ôter aux décisions leur caractère exécutoire en conférant au recours en rétractation un effet suspensif que la loi ne lui confère pas. Néanmoins, un tel recours ouvert uniquement à raison de faits bien déterminés par la loi, doit conduire le juge des référés, au nom d’une bonne administration de la justice, à se montrer prudent et à prescrire la consignation de la somme correspondant à la condamnation entre les mains d’une banque.
Article 438 et 599 du Code Gabonais de Procédure Civile.
(Tribunal de première instance de Libreville, ordonnance de référé n° 67/98-99 du 10 novembre 1998, Sté Centr’Affaires c/ Mombo Munpindi Daniel).
République Gabonaise
Tribunal de première instance de libreville
Affaire : La Société CENTR’AFFAIRES
(Me TATY)
contre
Sieur MOMBO MUMPINDI Daniel
(Me M. BOUALE).
ordonnance de référé du 10 novembre 1998
L'an Mil Neuf Cent Quatre Vingt Dix Huit;
Et le Six Novembre à neuf heures;
Par-devant Nous, C. Apollinaire ONDO-MVE, Président du Tribunal de Première Instance de Libreville, tenant audience des référés en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, où nous étions assisté de notre Greffier, Maître AKOGHE Colette;
ONT COMPARU :
Demanderesse : La Société CENTR’AFFAIRES, ayant pour Conseil Me TATY, Avocat au Barreau du Gabon;
Défendeur : Sieur MOMBO MUNPINDI Daniel, ayant pour Conseil Me MOUBEYI BOUALE, Avocat au Barreau du Gabon;
La cause a été débattue en notre Cabinet ainsi qu’il suit :
Par arrêt en date du 30 juin 1998, la Cour Judiciaire rejetait le pourvoi formé par la société demanderesse contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de céans et la condamnait à payer au sieur MOMBO MUNPINDI la somme totale de 131.698.054 FCFA au titre de son licenciement abusif;
Le 20 octobre 1998, se prévalant d’un certain nombre de constats formels dans l’instruction du pourvoi, la société CENTR’AFFAIRES introduisait une requête aux fins de rétractation de l’arrêt dont s’agit;
Par le présent, elle révèle que malgré l’existence de cette procédure dont l’issue est attendue, MOMBO MUNPINDI tente d’exécuter l’arrêt de rejet;
C’est pourquoi, en se fondant sur les articles 49, 336, 337 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux voies d’exécution, et 438 du code de procédure civile, elle nous demande, au principal, d’ordonner la suspension de l’exécution des arrêts du 16 octobre et du 30 juin 1998 jusqu’à droit connu sur la demande en cours d’examen et, subsidiairement, de subordonner cette exécution à la délivrance d’une caution bancaire;
Pour toute défense, MOMBO MUNPINDI fait plaider que la compétence d’attribution du juge de l’exécution résulte des dispositions de l’article 599 du code de procédure civile;
Qu’il n’en ressort nullement que les demandes présentées en font partie, alors surtout que la Cour judiciaire avait déjà été saisie desdites demandes et avait rejeté le sursis;
Aussi, conclut-il à notre incompétence.
SUR CE,
Avons clos le débat et mis l’affaire en délibéré pour notre ordonnance, dont teneur, être rendue le 10 novembre 1998.
Sur notre compétence à statuer
Attendu que l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution a été publié dans le Journal Officiel de l’OHADA le 1er juillet 1998 et, en application de l’article 9 du Traité de l’OHADA, il est entré en vigueur depuis le 3 août 1998;
Attendu qu’en vertu de l’article 336 dudit Acte uniforme, celui-ci abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties;
Attendu qu’en son article 49 alinéa premier, il dispose que la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui;
Attendu que cette disposition aurait pu laisser penser qu’il s’agirait du président de la juridiction ayant connu en dernier de l’affaire;
Attendu cependant qu’une telle interprétation se heurte à la lettre de l’alinéa 2 du même article, qui dispose que la décision que la décision du président de la juridiction est susceptible d’appel dans les quinze jours à compter de son prononcé;
Attendu qu’il est donc clairement indiqué que l’autorité judiciaire visée est, en l’état de l’organisation judiciaire locale, le président du Tribunal de première instance;
Attendu qu'au regard de ce qui précède, il y a lieu, du point de vue formel, de Nous déclarer compétent.
Sur le fond
Attendu qu'il n'appartient pas au juge de l’exécution d’ôter aux décisions en cause leur caractère exécutoire en conférant au recours en rétractation un effet suspensif que la loi ne lui a pas réservé, mais la seule existence de ce recours appelle nécessairement à la circonspection pour le cas où il prospérerait;
Attendu que pour concilier les intérêts des deux parties et par respect de l’autorité desdites décisions, il échet seulement d’autoriser la société CENTR’AFFAIRES à consigner entre les mains de l’UGB la somme correspondant à la condamnation, et de faire défense au sieur MOMBO d’agir autrement dans l’attente du dénouement du recours en rétractation initié par son ex-employeur;
Attendu que pareille décision paraît d’autant plus judicieuse qu’aux termes de l’article 438 du code de procédure civile, par ailleurs visé par la requérante, le juge statuant dans le cadre de l’urgence, peut prescrire des mesures que justifie l’existence d’un différend;
Attendu que le recours en rétractation est une voie de droit dont l’exercice par une partie et à raison de faits bien déterminés doit conduire le juge, au nom d’une saine administration de la justice, à prendre les mesures nécessaires.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance contradictoire :
Tous droits et intérêts des parties préservés quant au fond;
Vu les articles 49, 336 et 337 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux voies d’exécution, 9 du Traité de l’OHADA et 438 du code de procédure civile;
– Nous déclarons compétent;
– Autorisons la société CENTR’AFFAIRES à consigner entre les mains de la banque UGB la somme correspondant à sa condamnation;
– Faisons défense au sieur MOMBO d’agir autrement dans l’attente du dénouement du recours en rétractation initié par son ex-employeur;
– Déboutons la société CENTR’AFFAIRES du surplus de sa demande;
– Laissons les dépens à la charge de la demanderesse.
Et avons signé avec notre Greffier./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant.
1.- Cette décision, qui doit être approuvée, n’est pas la première à consacrer la compétence du juge des référés pour connaître des difficultés relatives à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire (voir Ohadata J-02-01; Ohadata J-02-03; Ohadata J-02-26; Ohadata J-02-48; Ohadata J-02-49; Ohadata J-02-65; Ohadata J-02-66; Ohadata J-02-80; Ohadata J-02-85; Ohadata J-02-91; Ohadata J-02-104; Ohadata J-02-124; Ohadata J-02-125; Ohadata J-02-126; Ohadata J-02-128; Ohadata J-02-131; Ohadata J-02-139; Ohadata J-02-145).
2.- Le recours en difficultés d’exécution contre une décision de condamnation passée en force de chose jugée et devenue exécutoire ne peut aboutir, en principe, qu’à des délais de grâce. Toutefois, en l’espèce, la décision de condamnation avait été frappée d’un recours en rétractation, qui est un recours extraordinaire (admis seulement à raison de faits bien déterminés par la loi), que peu de pays consacrent. Le juge gabonais, face à un tel recours susceptible de déboucher sur une remise en cause totale ou partielle de la condamnation, a préféré se montrer prudent et ordonner la consignation de la somme correspondant à cette condamnation. On ne peut que l'en louer.