J-02-156
procédure collective d’apurement du passif – règlement préventif – SUSPENSION DES POURSUSITES INDIVIDUELLES – inapplicabilité aux créances de salaire.
Article 9 AUPCAP ALINEA 3.
La suspension des poursuites individuelles ordonnée dans le cadre d’une procédure de règlement préventif est inapplicable aux créances de salaires.
(Cour d'appel d'Abidjan, arrêt n° 272 du 26 février 2002, ASH International Disposal c/ Mademoiselle Damey Sany Solange)
COUR D'APPEL d'Abidjan – Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
arrêt n° 272 du 26 février 2002
Affaire : ASH International Disposal
(Mes BOURGOIN et KOUASSI)
contre
Mlle DAMEY SABY Solange
(SCPA KANATE – BOZIE et KOYO).
Arrêt Civil Contradictoire 5ème Chambre A
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi Vingt Six Février Deux Mil Deux, à laquelle siégeaient :
Madame BLE SAKI Irène, Président de Chambre, Président
Mr KOUAO Jean et Mr YAO KOUAME Augustin, Conseillers à la Cour, Membres,
Avec l'assistance de Maître IRIE Alain, Greffier,
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause;
ENTRE :
La Société ASH International Disposal, sise à Abidjan Cedex II C 94 Abidjan, agissant par ses représentants légaux Messieurs ALE AMONSAN Charles et LEGBLE YOBO Joseph, Experts Comptables, Administrateurs Provisoires, demeurant à Abidjan;
APPELANTE
Représentée et concluant par Maîtres BOURGOIN et KOUASSI, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'UNE PART
ET :
1°) Mademoiselle DAMEY Solange, de nationalité ivoirienne, Assistante de Direction, demeurant à Abidjan Yopougon Banco lot 5312 - 23 BP 303 Abidjan 23;
2°) La Banque Atlantique de Côte d’Ivoire dite BACI, 04 B.P. 1036 Abidjan 04, prise en la personne de son Président Directeur Général, Mr Jacky VASSEUR;
INTIMEES
Représentées et concluant par Maîtres KONATE, BAZIE et KOYO, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
La juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan, statuant en la cause, en matière de référé, a rendu le 26 novembre 2001, une ordonnance N° 4973 non enregistrée, aux qualités de laquelle il convient de se reporter;
Par exploit en date du 07 janvier 2002 de Maître ABATE EGNAKOU, Huissier de Justice à Abidjan, la société ASH International Disposal a déclaré interjeter appel de l'ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit, assigné Mademoiselle DAMEY Solange et BACI à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l'audience du mardi 15 janvier 2002 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le numéro 45 de l'an 2002;
Par arrêt avant-dire droit N° 104 du 22/01/2002, la Cour d’Appel a déclaré l’appel recevable;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 15 janvier 2002 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 22 janvier 2002, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 26 février 2002;
Advenue l'audience de ce jour, 26 février 2002, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Vu l’arrêt avant-dire droit N° 104 du 22/01/2002 de la Cour d’Appel de ce siège déclarant recevable l’appel de la société ASH International Disposal;
Considérant qu’au soutien de son appel, la société ASH International expose que Mademoiselle DAMEY Solange était employée par elle en qualité d’Assistante de Direction;
Que suite à son licenciement intervenu le 31 mai 2000, elle saisit le Tribunal du Travail afin d’obtenir la condamnation de son ex-employeur à lui payer des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement abusif;
Que le Tribunal du Travail, par décision contradictoire N° 92/2001 du 08 mars 2001, condamnait la société à payer à DAMEY Solange, la somme de 4.040.053 FCFA à titre de droits de rupture;
Qu’elle relevait immédiatement appel de ce jugement;
Qu’entre-temps, confrontée à de sérieuses difficultés économiques et financières, la société ASH International a obtenu du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, une ordonnance N° 3030/2001 en date du 02 juillet 2001, ordonnant la suspension de l’ensemble des poursuites individuelles entreprises à son encontre;
Que malgré cette suspension de poursuites individuelles, Mademoiselle DAMEY Solange faisait pratiquer saisie attribution de créances le 08 octobre 2001, entre les mains de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire;
Que la société protestait vivement contre une telle saisie devant le Juge des référés qui a rendu l’ordonnance N° 4973 du 26 novembre 2001 querellée;
Considérant qu’après ce rappel des faits, la société ASH International estime que l’ordonnance entreprise est critiquable;
Qu’en effet, elle rappelle qu’ayant été admise en règlement préventif avec nomination d’administrateurs provisoires par ordonnance N° 3030 du 02 juillet 2001 ordonnant la suspension de l’ensemble des poursuites individuelles, aucune mesure d’exécution forcée ne pouvait valablement être entreprise à son encontre;
Qu’elle fait valoir que l’article 9 de l’Acte uniforme organisant les procédures collectives d’apurement du passif précise sans ambiguïté que « la suspension concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires »;
Que sur ce fondement, la saisie attribution de créances pratiquée le 05 octobre 2001 par la demoiselle DAMEY Solange sur ses comptes, l’a été en violation avec la loi, dans la mesure où toutes les voies d’exécution sont formellement interdites en application de l’article 9 précité;
Que par conséquent, l’ordonnance du Juge des référés qui autorise la continuation des poursuites, doit être infirmée;
Que par ailleurs, le jugement social contradictoire N° 92/001 du 08 mars 2001, qui sert de base aux poursuites, est frappé d’appel;
Considérant que pour sa part, Mademoiselle DAMEY Solange, intimée, concluant par la SCPA KONATE, BAZIE et KOYO, explique qu’elle a été licenciée le 31 mai 2000 par la société ASH International, qui a liquidé ses droits de rupture à hauteur de 4.040.053 FCFA;
Que la société ASH International, n’ayant pas payé volontairement ses droits, malgré ses nombreuses relances;
Que c’est alors qu’elle saisit le Tribunal du Travail de Yopougon qui, par sa décision N° 92/2001 du 08 mars 2001, a condamné la société ASH International à lui payer la somme susvisée, en ordonnance de l’exécution provisoire à hauteur de 3.439.500 FCFA;
Que cette décision signifiée régulièrement, n’a pas été exécutée par la société ASH International en ses dispositions exécutoires;
Que c’est alors qu’elle a pratiqué une saisie attribution, laquelle a été dénoncée à la société ASH International en la personne de son Administrateur légal, Monsieur LEGBLE Joseph;
Que suivant exploit d’huissier du 09 novembre 2001, la société ASH International a agi en contestation de cette saisie;
Qu'en statuant sur cette action, la juridiction des référés a rendu l’ordonnance déférée à la censure de la Cour;
Qu’à son avis, l’intimée estime que l’appel est mal fondé et mérite d’être rejeté;
Qu’en effet, demoiselle DAMEY SANY Solange soutient que le grief allégué par l’appelante contre la décision entreprise est inopérant;
Qu’elle indique que l’article 9 alinéa 3 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives exclut du champ de la suspension des poursuites individuelles, dans le cadre du règlement préventif, les créanciers de salaires;
Que le jugement exécuté consacre une créance de salaire et est, au surplus, exécutoire par provision;
Qu’elle conclut que l’ordonnance de suspension brandie par la société ASH International est non seulement inopposable à son endroit, pour ne lui avoir jamais été signifiée, mais également en ce qu’elle a une créance de salaire qui échappe à la suspension des poursuites.
SUR CE,
Du titre à exécuter
Considérant que l’appelante soutient que le jugement social contradictoire N° 92/2001 du 08 mars 2001 exécuté est frappé d’appel, mais elle n’en produit pas la moindre preuve;
Or considérant que cette décision est exécutoire par provision et elle est revêtue de la formule exécutoire et son exécution n’a pas été suspendue par une ordonnance de discontinuation des poursuites du Premier Président de la Cour d’Appel de céans.
De l’application de l’article 9 de l’acte uniforme relatif aux procédures collectives de règlement préventif
Considérant que pour résister à l’exécution du jugement social N° 92/2001 du 08 mars 2001 du Tribunal de Yopougon, la Société ASH International Disposal fait valoir l’ordonnance N° 3030/001 du 02 juillet 2001 ordonnant la suspension des poursuites à son égard;
Qu'elle soutient que l’alinéa 2 de l’article 9 précise que la suspension concerne aussi bien les voies d’exécution que les mesures conservatoires;
Considérant que l’alinéa 3 dudit article 9 précise que cette mesure de suspension des poursuites « s’applique à tous les créanciers … à l’exception des créanciers de salaires », comme en l’espèce;
Que dès lors, en statuant comme il l’a fait, le Premier juge a fait une saine application de la loi et sa décision mérite d’être confirmée.
DES DÉPENS
Considérant que l’appelante succombant doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
Vu l’arrêt avant-dire droit N° 104 du 22 janvier 2002 sur la recevabilité;
Déclare la Société ASH International Disposal mal fondée en son appel relevé de l’ordonnance de référé N° 4973 rendue le 26 novembre 2001 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan;
– L’en déboute;
– Confirme l’ordonnance entreprise;
– Condamne la Société ASH International Disposal aux dépens distraits, au profit de la SCPA KONATE, BAZIE et KOYO, Avocats, aux offres de droit;
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (5ème Chambre Civile A), a été signé par le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
L'ordonnance de suspension des poursuites individuelles arrête provisoirement toutes les poursuites en recouvrement des créances sauf de celles des travailleurs. On comprend aisément cette exception apportée par l'article 9, alinéa 3 AUPPC à l'effet suspensif de cette ordonnance. Elle est en parfait accord avec le caractère alimentaire de ces créances et leur sort privilégié dans leur recouvrement, y compris dans le cadre de procédures collectives.