J-02-16
SAISIE ATTRIBUTION D'UNE CREANCE – SAISE ATTRIBUTION DE REMUNERATION – DISTINCTION.
SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCE – PREALABLE DE TENTATIVE DE CONCILIATION OBLIGATOIRE (NON) – ARTICLE
174 AUPSRVE.
En l'état d'une procédure de saisie attribution pratiquée sur son compte bancaire où est viré son salaire, le débiteur saisi ne peut invoquer la nullité de cette procédure au motif qu'elle n'a pas été précédée de la tentative de conciliation prévue par l'article 174 AUVE et organisée par les articles 179 et suivants AUPSRVE.
En effet, seule la procédure de saisie des rémunérations est soumise à cette formalité, celle de la saisie attribution des créances en étant "dispensée ».
Doit donc être rejetée la demande du débiteur en annulation de la procédure de saisie attribution, alors qu'au surplus il ne prouve pas que son compte bancaire est alimenté par son salaire.
Article 176 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Tribunal de 1ère instance de Yaoundé, ord référé 16 décembre 1999, Njiké Gilbert c/ dame Njiké née Kemayo Betoni Sylvie et BICEC).
ORDONNANCE DE REFERE DU 16 DECEMBRE 1999. MM. OBAMA ETABA Pierre, Pr, MVONDO Michel, Gref.; Me MAGNE Av.
ORDONNANCE DE REFERE N°489/C DU 23 MARS 2000
AFFAIRE NJIKE Gilbert
C/NJIKE née KEMAYO BETONI Sylvie & BICEC
– NOUS, PRESIDENT, Juge des référés;
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que suivant exploit en date du 28 février 2000, non encore enregistré mais qui le sera en temps utile de Maître Ngwe Gabriel Emmanuel, Huissier de Justice à Yaoundé, sieur Njike Gilbert, demeurant à Yaoundé et ayant pour conseil Maître Mbayin, Avocat, à fait donner assignation en référé à dame Njike née Kemayo Betoni Sylvie, Me Tchame Deuna Rachel et la BICEC, ayant pour conseils Mes Njialeu et Mbopda, Avocats, pour est-il dit dans cet exploit :
– S’entendre ordonner la main levée de la saisie-attribution pratiquée sur le compte du demandeur entre les mains de la BICEC parce que pratiquée en violation de la procédure spécifique de la saisie des rémunérations, selon OHADA;
– S’entendre condamner aux dépens;
– S’entendre déclarer ladite décision exécutoire sur minute et avant enregistrement;
– Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur expose qu’en date du 27 janvier 2000 saisie-attribution de créance a été pratiquée à son détriment entre les mains de la BICEC S.A. par exploit de Me Metango Alain agissant par l’intermédiaire de Me Tchame Deuna Rachel, Huissier de Justice à Yaoundé pour avoir paiement de la somme de 480.000 F représentant les arriérés de pension alimentaire;
– Que le compte qui a fait l’objet de la saisie-attribution querellée ne contient que le salaire du débiteur;
– Mais que la saisie des rémunérations selon la procédure OHADA exige au préalable une tentative de conciliation et frappe d’indisponibilité la quotité insaisissable du salaire;
– Qu’en l’espèce tout le salaire qui constitue les aliments pour lui est frappé d’indisponibilité le mettant dans d’énormes difficultés y compris celle de la pension alimentaire dont il s’agit :
– Qu’il y a lieu de lever ladite saisie;
– Attendu que la défenderesse dans ses observations orales affirme que la demande de sieur Njike Gilbert n’est pas justifiée
– Qu’elle conclut au débouté d’icelui et à sa condamnation aux dépens;
– Attendu qu’en fondant sa demande de main levée sur l’inobservation du préliminaire de conciliation préalable à la saisie, le demandeur fait bon marché de la distinction entre la saisie des rémunérations du travail soumise à cette formalité et la saisie-attribution de créances qui en est dispensée;
– Qu’en effet la saisie-attribution querellée, pratiquée sur un compte bancaire dont le demandeur ne prouve du reste pas qu’il est alimenté par son salaire, est une mesure d’exécution forcée complètement distincte de la saisie des rémunérations du travail et qui n’est soumise à aucune tentative de conciliation préalable;
– Que la demande de main levée de saisie-attribution que sieur Njike fonde sur l’inobservation du préliminaire de conciliation doit par conséquent être rejetée;
– Attendu que pour avoir succombé, le demandeur doit être condamné aux dépens;
– Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
– Recevons Njike Gilbert en sa demande;
– L’y disons non fondée;
– L’en déboutons;
– Laissons les dépens à sa charge.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant
Il est exact que la tentative de conciliation prévue par l'article 174 AUVE n'est exigée qu'en cas de saisie attribution d'une créance et non d'une rémunération, la première étant faite auprès de tout débiteur (tiers saisi) du débiteur (saisi). En l'espèce, la saisie pratiquée l'était auprès d'un banquier et non d'un employeur. Il s'ensuivait que la seule qualification possible de la procédure était la saisie attribution de créance, non soumise à la tentative de conciliation.
Qu'en eût-il été si le débiteur avait prouvé que son compte bancaire était alimenté (partiellement ou totalement) par le versement de ses salaires? En pareil cas, il aurait été difficile de démêler les sommes provenant des salaires ou d'autres sources en raison de leur fongibilité ou de distinguer les quotités saisissables de celles qui ne le sont pas en raison de l'accumulation des salaires. C'est pourquoi, nous pensons que, dès lors que le tiers saisi n'est pas un employeur mais un créancier, la saisie dirigée contre lui est une saisie conservatoire ou attribution de créance et non une saisie de rémunérations même si les sommes saisies le sont sur un compte bancaire alimenté par les salaires.
Qu'on nous autorise une dernière remarque : nous regrettons vivement qu'aucune référence à quelque article que ce soit de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution n'ait été faite dans cette décision qui, au surplus, n'y fait vaguement allusion que par deux formules maladroites ("…selon OHADA…" et …"selon la procédure OHADA"…).