J-02-160
INJONCTION DE PAYER – Fondement contractuel de la créance Exclusion des CREANCES NEES DES contrats de travail.
L’Acte uniforme sur le recouvrement des créances n’est pas applicable au paiement de sommes d’argent trouvant leur origine dans l’exécution d’un contrat de travail, lequel ressortit à la compétence du tribunal du travail.
Article 1 AUPSRVE
Article 2 AUPSRVE
Article 4 AUPSRVE
(Cour d’Appel Abidjan, arrêt n° 126 du 23 février 2001, SDA c/ Kouassi Tiémelé Marc et deux autres).
COUR D'APPEL d'Abidjan – Côte d’Ivoire
chambre civile et commerciale
Audience du Vendredi 23 Février 2001
Affaire : S.D.A.
(KANGA-OLAYE et Associés)
contre
KOUASSI TIEMEL Marc et deux autres
(Me COULIBALY NANBEGUE Désiré).
Arrêt Civil Contradictoire 4ème Chambre
La Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt-trois février Deux Mil Un, à laquelle siégeaient :
Mr Kanga Penond Yao Mathurin, Président de Chambre, Président;
Me TAMIMOU Honorine et Mr KOUASSI Brou Bertin, Conseillers à la Cour, membres;
Avec l’assistance de Maître YASSI Julienne, Greffier;
A rendu l'arrêt dont la teneur suit dans la cause;
ENTRE :
La Société D’ABENGOUROU NOUHAD WAHAD RICHID, ci-après : désigné S.D.A., dont le siège social est à Agnibilekrou, BP 39 Agnibilekrou, aux poursuites et diligences de son représentant légal Monsieur WAHAD NOUHAD RICHID, agissant tant en son nom personnel qu’es qualité de président directeur général demeurant au siège de ladite société;
APPELANT
Représenté et concluant par Mes KANGA-OLAYE et Associés, Avocats à la Cour, ses Conseils;
D'UNE PART
ET :
1°/ Mr KOUASSI TIEMELE Marc, de nationalité ivoirienne, ex-employé à la SDA, BP 276 Agnibilekrou;
2°/ KOUAME Pierre Michel, né le 08.09.1970 à Yakassé Bini s/p. de Kouassidatékro, de nationalité ivoirienne, ex-employé à la SDA, BP 145 Agnibilekrou, demeurant à Agnibilekrou quartier Gabriel;
3°/ TRAORE Bakary, né le 01.01.1967 à Gouenzou s/p. de Minigna, de nationalité ivoirienne, ex-employé à la SDA, BP 276 Agnibilekrou;
INTIMES
Représentés et concluant par Maître COULIBALY NAMBEGUE, Avocat à la Cour, leur Conseil;
D'AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance d'Abengourou, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 03 février 2000, un jugement n° 77 enregistré à Abidjan le 20 avril 2000, reçu 18.000 francs, aux qualités duquel il convient de se reporter, et dont le dispositif est ci-dessous résumé;
Par exploit en date du 03 mars 2000 de Maître KABRAN BILE, Huissier de Justice à Abidjan, la Société S.D.A. déclare interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné KOUASSI TIEMELE Marc, KOUAME Pierre Michel et TRAORE Bakary à comparaître par-devant la Cour de ce siège, à l'audience du vendredi 07 avril 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour, sous le n° 349 de l'an 2000;
Appelée à l'audience sus-indiquée, la cause, après des renvois, a été utilement retenue le 16 février 2001 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties;
La Cour a mis l'affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l'audience du 23 février 2001;
Advenue l'audience de ce jour, 23 février 2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :
LA COUR
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Des faits, procédure et prétentions des parties
Suivant exploit daté du 8 mars 2000 comportant ajournement au 7 avril 2000, la Scierie d’Agnibilekrou NOUHAD WAHAD, dite SDA, agissant aux poursuites et diligence de son représentant légal Monsieur WAHAD NOUHAD RACHID et ayant pour conseil la SCPA KANGA OLAYE et Associés, Avocats à la Cour, a relevé appel du jugement n° 07/2000 rendu le 3.02.2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la scierie d’Agnibilekrou en son opposition;
– L’y dit mal fondée et l’en déboute;
– Confirme (sic) les ordonnances n° 479, 480, et 481 du 8 septembre 1999;
– Condamne la SDA aux dépens;
Il ressort des énonciations du jugement querellé que par exploit daté du 3.11.1999, la scierie d’Agnibilekrou a fait servir assignation pour une reprise d’instance à Kouassi Tiémélé Marc, Kouamé Pierre Michel et Traoré Bakary, en expliquant que le 24 septembre 1999, elle a formé opposition contre trois ordonnances la condamnant à payer diverses sommes d’argent aux sus-nommées et que l’instance ayant été radiée le 21 octobre 1999, elle en sollicite la reprise;
Au soutien de son opposition, la SDA a fait valoir in limite litis que la juridiction présidentielle est incompétente à rendre les ordonnances querellées, dans la mesure où les créances réclamées trouvent leur origine dans l’exécution du contrat de travail;
Cette cause, selon la SDA, est de la compétence du tribunal social, en application de l’article 1er du Code du Travail;
Subsidiairement au fond, la SDA a allégué que les créances dont s’agit ne remplissent pas la condition de certitude requise par l’article 1er du Traité OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances civiles et commerciales;
Elle a expliqué que les procès-verbaux de règlement amiable ayant donné lieu aux ordonnances critiques ont été établis avec son ex-chef du personnel licencié quelques mois auparavant;
Celui-ci n’avait donc plus qualité pour engager la scierie; cela, affirmait-elle, est d’autant plus vrai que lesdits procès-verbaux ne comportent pas le cachet de la SDA;
Les défendeurs, ayant pour conseil maître COULIBALY NAMBEGUE, ont soulevé l’irrecevabilité de l’action de la SDA, aux motifs que la radiation ne constitue pas un motif légal de suspension d’une instance pouvant donner lieu à la reprise de ladite instance;
Ils ont, par ailleurs, soulevé la déchéance de la SDA de son opposition en ce que celle-ci n’a pas mentionné la date d’ajournement du 11 novembre 1999 dans son opposition du 24 septembre qu’elle veut voir revivre;
En tout état de cause, ont-ils souligné, le délai d’ajournement de 30 jours prescrit par la loi est largement dépassé;
Subsidiairement au fond, les défendeurs ont conclu au rejet de l’opposition;
Le premier juge pour déclarer recevable l’action en reprise d’instance a estimé que la radiation est une mesure d’administration judiciaire qui a pour but non pas d’éteindre l’instance mais de la suspendre tout simplement;
Pour déclarer la juridiction présidentielle compétente en l’espèce, ledit premier juge a également relevé que l’article 2-1 du Traité OHADA 1 relatif aux procédures de recouvrement de créance permet que la procédure d’injonction de payer soit introduite lorsque la créance à une cause contractuelle, et non seulement ce texte ne fait aucune distinction selon l’origine de la créance dont le recouvrement peut être demandée, mais en plus, cette disposition émanant d’un traité, supérieur aux lois nationales, l’emporte sur celles-ci;
AU FOND
Le premier juge, pour rejeter l’opposition de la SDA, a relevé que les procès-verbaux que celle-ci conteste ont été signés les 13 avril et 28 mai 1999, alors que le licenciement qu’elle invoque n’est intervenu qu’au mois d’août, soit postérieurement;
Au soutien de son appel, la SDA, par le canal de ses conseils sus-nommés, explique que par diverses ordonnances d’injonction de payer, elle a été condamnée au paiement de 411.786 francs, 4.435.250 F, 4.198.383 F respectivement au profit de Kouassi Tiémélé, Traoré Bakary et Kouamé Pierre Michel;
Elle conclut in limine litis à l’incompétence de la juridiction présidentielle, en ce que les intimés étaient tous des salariés et que les procès-verbaux de règlement amiable produits au dossier sont les seules pièces ayant déterminé le juge à prendre les ordonnances litigieuses, alors que l’article premier du code du travail prescrit que les relations entre employeurs et travailleurs résultant du contrat de travail sont régies par le code du travail;
Subsidiairement au fond, l’appelante estime que les créances dont le paiement est poursuivi ne sont pas certaines, dans la mesure où les procès-verbaux de règlement amiable, qui les constatent ont été co-signés par un employé licencié plutôt, de sorte qu’il ne pouvait agir au nom et pour le compte de la société;
Par ailleurs, l’appelante sollicite la mise hors de cause de Monsieur WAHAB NOUHAD, en ce que celui-ci, Président Directeur Général de la société anonyme, ne peut se voir condamner pour des actes accomplis durant l’exercice de ses fonctions;
Aux termes de conclusions additionnelles datées du 18 janvier 2001, l’appelante fait grief au premier juge d’avoir omis de statuer sur les chefs de demande à lui soumis, à savoir :
l’irrecevabilité des requêtes aux fins d’injonction de payer, en ce que celles-ci ne contiennent pas l’indication du domicile des requérants, ce, en violation de l’article 4 du Traité OHADA 2;
la violation de l’article du Traité OHADA 3 relatif aux procédures de recouvrement simplifié, en ce que les intimés lui ont signifié des copies non certifiées conformes des différentes ordonnances d’injonction de payer qui, pour certains, ne comportent aucun numéro de registre du Greffe;
Les intimés ne concluent pas en cause d’appel.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la société SDA a été relevé conformément aux dispositions légales et doit être, en conséquence, déclaré recevable.
Sur l’incompétence du juge des injonctions de payer
La société SDA a soulevé l’incompétence du juge de droit commun au motif que les créances dont le paiement est réclamé trouvent leur origine dans des contrats de travail, de sorte qu’en application des dispositions de l’article 1er du code du travail, ces causes relèvent du code du travail;
Ce à quoi le premier juge, pour se déclarer compétent, a rétorqué que selon l’article 2-1 du Traité OHADA 4 relatif aux procédures de recouvrement simplifié, la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle;
Il ajoute que « d’une part, ce texte ne fait aucune distinction quant à l’origine de la créance dont le recouvrement est demandé, d’autre part, que le traité étant une règle supérieure à la loi, il l’emporte sur celle-ci;
C’est véritablement à tort que le premier juge en a ainsi décidé;
En effet, il n’est pas contesté que les créances dont le paiement est poursuivi trouvent leur origine dans l’exécution du contrat de travail liant les parties;
Or, le code du travail, qui est une règle spéciale dérogeant au droit commun, prescrit en son article 1er qu’il régit les relations entre employeurs et travailleurs résultant de contrats de travail conclus pour être exécutés sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire;
Il ne fait aucun doute que le Traité OHADA 5, depuis sa ratification par la République de Côte d’Ivoire, est entré dans le droit commun ivoirien;
Il s’ensuit que, contrairement aux prétentions du premier juge, ce n’est pas le traité qui est applicable en l’espèce, mais plutôt le code du travail;
Il convient, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer le tribunal incompétent;
Les intimés qui succombent en cause d’appel, doivent être solidairement condamnés aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare recevable et bien fondé l’appel de la Société Scierie d’Agnibilekrou dite SDA du jugement n° 07/2000 rendu le 03.02.2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abengourou;
– Infirme ledit jugement;
Statuant à nouveau :
– Déclare incompétente la juridiction de droit commun;
– Renvoie les parties à mieux se pourvoir par-devant le tribunal du travail compétent en l’espèce;
– Condamne les intimés aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.

1 NDLR Il s'agit plutôt de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution.

2 Voir note 1

3 Voir note 1

4 Voir note 1

5 Voir note 1