J-02-162
saisie attribution – arrêt de la cour d’appel ordonnant l’attribution de sommes non prévues par un arrêt précédent de condamnation ni ne constituant des accessoires du principal – violation de : article
154 AUPSRVE et article
157 AUPSRVE – cassation.
évocation – offres réelles de paiement faites par le débiteur – acceptation des sommes offertes à titre d’acompte par l’huissier poursuivant – nécessité de donner acte des offres réelles de paiement – mainlevée de la saisie pour le surplus des sommes non prévues par la décision de condamnation et ne constituant pas des accessoires du principal – violation de l’article
154 AUPSRVE.
Article 231, 233 et 268 Code CIMA
En vertu de l’article 154, alinéa 1er de l’AUVE, « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ».
En vertu de l’article 127, alinéa 2-3e AUVE, l’acte de saisie doit comporter, à peine de nullité, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever la contestation.
Il en résulte que la Cour d’appel de Douala, en incluant dans la saisie attribution prononcée par elle, des sommes qui n’étaient pas prévues par l’arrêt de condamnation précédent et qui ne constituaient pas des accessoires au principal, a violé les articles précités et doit être cassé.
La CCJA, évoquant l’affaire sur le fond après cassation, donne acte au débiteur de ses offres réelles de paiement acceptées par l’huissier poursuivant, prononce l’annulation du procès-verbal de saisie attribution.
(CCJA, arrêt n° 7 du 21 mars 2002, CCAR c/ Ayants-droit Worokotang MBATANG et ayants-droit MUCHING David, Le Juris – Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 4, note anonyme. – Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 45).
ORGANISATION POUR L'HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE (C.C.J.A.)
Audience Publique du 21 mars 2002
Affaire : Compagnie Camerounaise d'Assurances et de Réassurances dite CCAR
(Conseil : Maître EKOBO Emmanuel, Avocat à la Cour)
c/
– Ayants droit WOROKOTANG Mbatang Pius
– Ayants droit MUCHING David (Conseils : Maîtres KEM ATUD Edmond et DJIO André, Avocats à la Cour).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de 1’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'arrêt suivant en son audience publique du 21 mars 2000, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge - Rapporteur
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le pourvoi formé par la Compagnie Camerounaise d'Assurances et de Réassurances dite CCAR, devenue AXA Assurances Cameroun, dont le siège social est à Douala, Rue Bebey Eyidi, B.P. n° 4068 Douala Cameroun, par l’organe de son Conseil Maître EKOBO Emmanuel, Avocat à Douala, 65 Avenue King Akwa, B.P. 241 Douala Cameroun, avec élection de domicile au Cabinet de Maître Moriba KABBA, Avocat 01 BP 4297 Abidjan 01, Côte d’Ivoire;
En cassation de l'arrêt n° 38/REF rendu le 22 janvier 2001 par la Cour d'appel de Douala, République du Cameroun, dans un litige opposant la requérante aux ayants droit de WOROKOTANG Mbatang Pius et aux ayants droit de MUCHING David, qui ont pour Conseils Maître KEM ATUD Edmond et Maître DJIO André, arrêt dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME :
Reçoit l'appel;
AU FOND
– Le dit fondé;
– Infirme la décision entreprise;
Evoquant et statuant à nouveau, déboute la Compagnie Camerounaise d'Assurances et de Réassurances (CCAR) de sa demande en mainlevée de saisie attribution comme non fondée;
– Reçoit la demande reconventionnelle des ayants droit WOROKOTANG et MUCHING;
– Ordonne le paiement à la SGBC tiers saisi de toutes les causes de la saisie attribution du 28 décembre 1999 sous astreinte de 500.000 francs par jour de retard à compter de la signification de la présente décision;
– Condamne la CCAR aux dépens dont distraction au profit de Maîtres KEM ATUD et DJIO, Avocats aux offres de droit »;
La requérante invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu'ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA.
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS.
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 47, 154, 157 et 171 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en ce que :
– l’acte de saisie dressé le 28 décembre 1999 comporte, d'une part, un total de 13.700.000 FCFA au titre de frais injustifiés, encore d’une part une somme de 200.000 FCFA au titre du coût de l’acte et celle de 400.000 FCFA, soit 200.000 FCFA pour chacun des créanciers, ce qui fait double emploi avec le coût réel de l'acte, et enfin, d’autre part, une mention du droit de recette de l'huissier, qui est de 1.081.535 FCFA et 982.756 FCFA pour chacun des créanciers respectifs, mais sans le moindre décompte distinct du mode de calcul conforme à la réglementation nationale, alors que l'article 47 sus-indiqué ne prévoit que les frais exposés, lesquels doivent être justifiés et établis en preuve, par des écrits, des factures, ou autres documents à produire et à débattre devant la juridiction saisie de la contestation; et même si, par extraordinaire, les justificatifs des frais prétendument exposés venaient à être produits et débattus contradictoirement, la dépense de frais d’exécution forcée à mettre à la charge de 1a requérante n'était manifestement pas nécessaire à la date de la saisie du 28 décembre 1999, dès lors que celle-ci avait notifié à ses créanciers depuis le 28 septembre 1999, son offre de paiement; par conséquent, la somme de 13.700.000 FCFA portée dans l’acte de saisie est demeurée injustifiée, donc non due;
– sous prétexte de faire application de l'article 47 de l’Acte uniforme, les motifs de l'arrêt rédigés en ces termes : « considérant qu'il résu1te de l'acte querellé qu'un décompte précis du principal réclamé par les appelants a été effectué… également celui des frais d'exécution forcée tel que prévu par l'article 47 de l'Acte uniforme… » violent plutôt l'article 154 de l’Acte uniforme, lequel dispose à propos du montant que l'acte de saisie emporte attribution au profit du saisissant, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, alors qu'il n'apparaît pas en l'espèce, faute de preuve de la dépense, que la somme de 13.700.000 FCFA soit un accessoire du montant principal, au sens de l'article 154 susvisé de l'Acte uniforme;
– de ce qui précède, il apparaît que le montant des accessoires de la saisie est sérieusement contestable, l'arrêt attaqué ayant tiré prétexte dans ses motifs, « qu'il résulte des pièces du dossier que le titre exécutoire, en l’occurrence l'arrêt n° 491/P rendu le 02 juin 1998, est devenu définitif, mais n'a toujours pas été exécuté par le fait de la CCAR, qui s’oppose au paiement des accessoires et autres frais légaux prévus par les textes régissant l’exécution des décisions de justice, accessoires et frais pourtant fondés et justifiés », pour contraindre l'exposante au paiement de l'intégralité des sommes contestées, en faisant assortir l'exécution de la saisie du 28 décembre 1999 d'une astreinte de 500.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification, au lieu de donner effet à la saisie, pour la fraction non contestée de la dette et d'ordonner provisoirement le paiement d'une somme à déterminer en prescrivant, le cas échéant, des garanties, comme le prévoit l'article 171 de l'Acte uniforme;
– d'une part, les intérêts mentionnés dans l'acte de saisie sont ceux qui incombent, d'après l'article 268 du code CIMA (Conférence Interafricaine du Marché d'Assurances) applicable en cas d’accident provoqué par plusieurs véhicules, ce qui est le cas de l'espèce, « vis-à-vis des personnes transportées », « à l'assureur de responsabilité du véhicule dans lequel les victimes ont pris place », d'autre part, l'indication des noms, prénoms et domicile des créanciers sur le même acte de saisie est prescrite à peine de nullité, alors que l'indication de l'heure à laquelle l'acte est signifié, indication qui bien que n'ayant pas été formellement sanctionnée de nullité, ne demeure pas moins une condition de régularité à la suite de l'article 46 qui de l'Acte uniforme qui dispose qu’aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant huit heures et après dix-huit heures; cette omission d'indiquer l'heure mettant la Cour de céans dans 1’impossibilité d'exercer le contrôle de régularité de l'acte de saisie;
Attendu qu'aux termes de l’article 154 alinéa 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution : « l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers »;
Qu'aux termes de l'article 157 alinéa 2-3e du même Acte uniforme : « cet acte [de saisie] contient à peine de nullité :
3°) le décompte distinct de sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation »;
Attendu que la saisie-attribution pratiquée le 28 décembre 1999 étant faite en exécution de la grosse de l'arrêt n° 491/P du 02 juin 1998 condamnant la CCAR à payer aux ayants droit de WOROKOTANG la somme de 19.046.340 FCFA et aux ayants droit de MUCHING la somme de 17.296.310 FCFA, les intérêts échus qui devaient figurer sur l'acte de saisie, en application de l'article 157 alinéa 2-3e sus-indiqué devaient être les intérêts de droit qui découleraient de cette condamnation du 02 juin 1998 et non les intérêts découlant de plein droit d'une quelconque offre d'indemnité, en application du code CIMA;
Attendu qu'en déclarant donc « qu’il résulte de l’acte querellé qu’un décompte précis du principal par les appelants a été effectué (19.046.340 F et 19.046.340 F –sic-), également celui des frais d’exécution forcée tels que prévus par l'article 47 de l'Acte uniforme (7.200.000 F de frais, 1.081.535 F de droit de TVA et 200.000 F de coût de l'acte pour chacun des deux appelants), celui des intérêts à échoir dans un délai d’un mois (369.983 F pour chacun des deux appelants) et des intérêts de plein droit échus majoré au double du taux de l'usure à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l'offre devenue définitive, conformément aux dispositions des articles 231 et 233 du code CIMA (16.418.212 F pour chacun des deux appelants) », la Cour d'appel a inclus dans le décompte, des sommes qui ne sont ni prévues par l'arrêt de condamnation n° 491/P du 02 juin 1998 ayant servi de base à la saisie-attribution, ni des accessoires du principal, mais plutôt des intérêts découlant de plein droit de l'application du code CIMA et a ainsi violé les dispositions des articles 154 et 157 de l’Acte uniforme sus-indiqué; qu’il y a lieu dès lors de casser l'arrêt attaqué et d’évoquer.
SUR L'EVOCATION
Attendu que la CCAR demande, d’une part, de lui donner acte de son offre d'exécution volontaire du 22 septembre 1999 et de ses offres réelles du 23 mars 2001 (acceptées le 15 mars 2001), en paiement du principal non contesté de la créance liquidée par l’arrêt n° 491/P du 02 juin 1998 de la Cour d’appel de Douala au Cameroun, à la somme de 36.342.650 FCFA et, d’autre part, d'annuler le procès-verbal de saisie attribution des créances pratiquée le 28 décembre 1999 par Maître YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne Thérèse, huissier de justice près la Cour d'appel et les Tribunaux de Douala au Cameroun; qu'enfin, elle demande de condamner les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING David aux dépens avec distraction au profit de Maître EKOBO Emmanuel, Avocat;
Attendu que les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING concluent, pour leur part, à la confirmation de l'arrêt attaqué avec toutes les conséquences de droit, après avoir demandé de constater qu' aucune exécution n'a eu lieu le 22 septembre 1999.
SUR LE DONNE ACTE
Attendu qu'il ressort des pièces versées au dossier de la procédure, notamment du « procès-verbal d'offres réelles » dressé les 23 février et 15 mars 2001, à la requête de la CCAR, par Maître NGUESSON André, huissier de justice près les Tribunaux et Cour d'appel de Douala, qu’une offre de paiement de la somme de 36.342.650 FCFA d’indemnité allouée aux ayants droit de WOROKOTANG Mbatang Pius et à ceux de MUCHING David, a été signifiée à ces derniers; que Maître YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne, huissier de justice, en l 'étude de laquelle ces ayants droit ont élu domicile et à qui l'exploit d'huissier a été délaissé, a répondu :
« - le 23 février 2001 : je ne suis pas habilitée à transiger en lieu et place de mes requérants. Je ne peux pas donc recevoir les chèques si c'est en solde de tout compte;
– le 15 mars 2001 : je reçois ce jour 15 mars 2001, les différents chèques visés ci-dessus à titre d'acompte »;
Attendu qu'il y a lieu dès lors de donner acte à la requérante CCAR de son offre réelle de paiement de la partie non contestée de la saisie attribution, soit la somme de 36.342.650 FCFA (dont 19.046.340 FCFA aux ayants droit de WOROKOTANG et 17.296.310 FCFA à ceux de MUCHING) qui a été acceptée à titre d'acompte par l’huissier chez qui les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ont élu domicile.
SUR LA DEMANDE D'ANNULATION DU PROCES-VERBAL DE SAISIE ATTRIBUTION
Attendu, en ce qui concerne la demande d’annulation du procès-verbal de saisie attribution des créances pratiquée le 28 décembre 1999, qu’il ressort de l'examen dudit procès-verbal, que l'acte ainsi dressé contient, en ce qui concerne le décompte des sommes réclamées, les mentions ci-après :
« 1°) - Pour ayants droit WOROKOTANG Mbatang Pius :
– Principal………………………………………………….. 19.046 340 FCFA
– Intérêts échus au taux de 9 % du 04 novembre 1995
au 28 décembre 1999 en vertu des articles 231 et 233
du code CIMA 16.418.212 FCFA
– Intérêts à échoir dans le délai d’un mois 369.983 FCFA
– A titre de frais 7.200.000 CFFA
– Droit de recette 1.081.535 FCFA
– TVA / DR 202.247 FCFA
– Coût de l'acte 200.000 FCFA
TOTAL 44.518.317 FCFA
2°) - Pour ayants droit de MUCHING David :
– Principal 17.296.264 FCFA
– Intérêts échus au taux de 9 % du 04 novembre 1995 au 28 décembre 1999 en vertu des articles 231 et 233 du Code CIMA .909.622 FCFA
– Intérêts à échoir dans le délai d'un mois 335.987 FCFA
– A titre de frais 6.500.000 FCFA
– Droit de recette 982.756 FCFA
– TVA / DR 183.775 FCFA
– Coût de l'acte 200.000 FCFA
TOTAL 40.408.404 FCFA ».
Attendu qu'il résulte de l’article 154 sus-énoncé que « l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers… »;
Attendu que dans le cas d'espèce et tel qu’il ressort de l’énumération chiffrée ci-dessus, saisie attribution a été pratiquée non seulement sur les sommes dues en principal, à savoir 19.046.340 FCFA pour les ayants droit de WOROKOTANG et 17.296.264 FCFA pour ceux de MUCHING et leurs accessoires, telles qu'elles découlent de l’arrêt de condamnation n° 491/P du 02 juin 1998, mais également sur des sommes qui ne pouvaient être considérées comme les accessoires du principal, à savoir 16.418.212 FCFA pour les ayants droit de WOROKOTANG et 14.909.622 FCFA pour ceux de MUCHING, qui sont en réalité des pénalités découlant de l'offre d’indemnité prévue par le code CIMA; que ladite saisie attribution ayant donc été pratiquée en partie sur des sommes non prévues par l’arrêt de condamnation ayant servi de base à la saisie, soit en violation de l’article 154 sus-énoncé, il y a lieu d’annuler le procès-verbal constatant ladite saisie attribution et d’ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée, avec toutes les conséquences de droit;
Attendu que les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Casse l’arrêt n° 38/REF rendu le 22 janvier 2001 par la Cour d’appel de Douala, République du Cameroun;
Evoquant et statuant sur le fond,
– Donne acte à la CCAR de son offre réelle de paiement de la partie non contestée de la saisie attribution, soit la somme de 36.342.650 FCFA (dont 19.046.340 FCFA aux ayants droit de Worokotang et 17.296.310 FCFA à ceux de MUCHING), qui a été acceptée à titre d'acompte par l'huissier chez qui les ayants droit de WOROKOTANG et ceux de MUCHING ont élu domicile;
– Annule le procès-verbal de la saisie-attribution en date du 28 décembre 1999;
– Ordonne par conséquent la mainlevée de la saisie pratiquée avec toutes les conséquences de droit;
– Condamne les ayants droit de Worokotang et ceux de Muching aux dépens dont distraction au profit de Maître EKOBO Emmanuel, Avocat, aux offres et affirmations de droit.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier en chef./-
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- Cet arrêt de cassation et d’évocation est intéressant à plus d’un titre, mais exige, pour sa compréhension et son commentaire, un rappel des faits et de la procédure pour en démêler la complexité.
Un arrêt du 02 juin 1998, devenu définitif, avait condamné la CCAR à payer aux ayants-droit WM et MD les sommes, en principal, de 19.046.340 FCFA et 17.296.264 FCFA, outre les frais et les dépens accessoires.
La CCAR fit des offres réelles de paiement des sommes dues en principal, à l’huissier poursuivant qui, la première fois (le 23.02.2001), les refusa et la seconde (le 15 mars 2001), les accepta à titre d’acompte, en considérant que l’assureur devait encore les frais et dépens accessoires.
Le 28 décembre 1999, un acte de saisie avait été dressé, comportant outre les sommes dues en principal, les sommes suivantes : des intérêts au taux de 9 % du 04 novembre 1995 au 28 décembre 1999; des intérêts à échoir dans le délai d’un mois; des frais pour un montant de 13.700.000 FCFA, un droit de recette en faveur de l’huissier poursuivant; la TVA sur le droit de recette; le coût de l’acte.
La CCAR contestait ces sommes : les frais, d’un montant très élevé, n’étaient absolument pas justifiés; le coût de l’acte avait été réclamé pour chaque groupe d’ayants droit, alors qu’il n’y avait eu qu’un acte de saisie; le droit de recette réclamé en faveur de l’huissier poursuivant n’était accompagné d’aucun décompte et ne correspondait pas à la réglementation nationale, le tout alors que l’article 47 AUVE dispose que les frais exposés doivent être justifiés et établis par des écrits, des factures ou autres documents à produire et à débattre contradictoirement devant la juridiction saisie de la contestation. Au surplus, la CCAR avançait que ces frais n’étaient pas nécessaires à la date de la saisie (28 décembre 1999), puisqu’elle avait fait une offre de paiement, notifiée aux créanciers, dès le 28 septembre 1999.
La CCAR obtint mainlevée de cette saisie mais sur appel, formé par les ayants-droit, la Cour d’appel de Douala, par arrêt du 22 janvier 2001, infirma la décision du premier juge et ordonna au tiers saisi (la SGBC), de payer toutes les causes de la saisie telles que décrites plus haut, sous astreinte de 500.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la décision.
2.- La CCAR forma un pourvoi en cassation devant la CCJA en se fondant sur deux moyens que la CCJA réunit en violation des articles 47, 154, 157 et 171 AUVE. Elle reprochait essentiellement à la Cour d’appel :
– d’avoir violé l’article 47 AUVE en admettant que les ayants droit avaient présenté un décompte précis du principal et des frais d’exécution; l’article 154 AUVE en admettant des sommes que rien ne justifiait être des accessoires du principal; d’avoir refusé de reconnaître le caractère satisfactoire de l’offre de paiement faite par elle; d’avoir méconnu l’article 46 AUVE en refusant de se prononcer sur la nullité de l’acte de saisie pour défaut d’indication de l’heure à laquelle elle a été signifiée; défaut d’indication des noms, prénoms et domiciles des créanciers; d’avoir admis, dans le décompte, les intérêts selon l’article 268 du Code CIMA et non ceux de l’article 157 alinéa 2-3e AUVE.
Sans se prononcer sur tous les griefs, la CCJA cassa l’arrêt qui lui était déféré, au motif que la Cour avait violé les articles 154 et 157 AUVE en déclarant que les ayants droit WM et MD avaient présenté un décompte précis du principal, des frais d’exécution forcée (tels que prévus par l’article 47 AUVE) et des intérêts de plein droit échus, conformément aux dispositions des articles 231 et 233 du code CIMA. En effet, selon la CCJA, ces sommes n’étaient pas prévues par la décision de condamnation ayant servi de base à la saisie attribution et ne pouvaient être considérées comme des accessoires du principal, notamment les intérêts, ceux-ci découlant de l’application du code CIMA et non de l’article 157, alinéa 2-3e AUVE.
Il ne restait plus à la CCJA, qu’à évoquer le fond en se prononçant sur les deux points essentiels de cette affaire : les offres réelles de paiement et la validité de la saisie attribution.
3.- En refusant de prendre en considération le paiement fait par la CCAR et en faisant produire à la saisie attribution tous ses effets, la Cour d’appel de Douala faisait payer à l’assureur deux fois le principal. Sa décision était illogique et immorale.
C’est pourquoi, la CCJA, en se substituant à cette juridiction, a donné acte à la CCAR non pas de son offre réelle de paiement, comme elle l’écrit, mais de son paiement réel et effectif du principal, tel que reconnu par l’huissier poursuivant.
4.- Pour invalider le procès-verbal de saisie attribution qui avait été soumis à l’examen de la Cour d’appel de Douala, la CCJA ne s’est intéressée qu’aux intérêts échus du 04 novembre 1995 au 28 décembre 1999 et en écartant (par son silence) les autres postes du décompte. Elle a considéré que ces intérêts n’étaient pas ceux prescrits par l’article 157, alinéa 2-3e AUVE, mais ceux imposés par le code CIMA.
Par combinaison des articles 231 et 233 du code CIMA, l’assureur, tel que défini par l’article 268 du même code, en cas de décès de la victime d’un accident de la circulation terrestre, doit présenter une offre d’indemnisation aux ayants droit, dans les huit jours du décès. A défaut d’une telle offre, le montant de l’indemnité produit intérêt de plein droit au double du taux de l’escompte, dans la limite du taux de l’usure, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre devenue définitive.
Il est certain que ces intérêts n’ont rien à voir avec ceux de l’article 157, alinéa 2-3e AUVE et qu’il n’appartenait pas à l’huissier poursuivant de se substituer aux juges du fond pour l’imposer. Il ne fait pas de doute, non plus, que la CCJA était amenée, tout naturellement, à qualifier ces intérêts pour les distinguer de ceux de l’article 157, alinéa 2-3° AUVE qui relèvent, ces derniers, de sa compétence. Mais que se serait-il passé si les pénalités du code CIMA avaient été dues mais contestées dans leur mode de calcul ? La CCJA se serait-elle reconnu la compétence pour statuer sur une question de droit qui ne relève pas de sa compétence ? Pourquoi pas, après tout, si cette question n’est pas prépondérante dans l’ensemble des griefs de cassation qui lui sont soumis, comme l’a fait, en sens inverse, la Cour suprême du Niger ? On voit là les empiètements réciproques possibles des juridictions suprêmes et de la CCJA auxquels certains auteurs avaient déjà prêté leur attention, par anticipation, comme à titre prémonitoire ().
5.- On regrette que la CCJA ne se soit pas prononcée sur le bien-fondé des autres sommes réclamées par l’huissier poursuivant, au mépris de l’article 47 AUVE. Il est vrai que, dès lors que le procès-verbal de saisie attribution étai déclaré nul, leur réclamation se trouvait irrecevable. En outre, se prononcer sur leur bien-fondé aurait conduit la CCJA à faire incursion dans le droit national camerounais, ce qu’elle venait de faire déjà pour le code CIMA (droit uniforme supranational). Trop d’incursions dans le droit national, à propos de la même affaire, peut nuire.
6.- On ne peut qu’approuver l’arrêt de la CCJA qui veille, non seulement au respect des dispositions des Actes uniformes, mais aussi au respect d’un minimum de rectitude dans le comportement des magistrats et des auxiliaires de justice. En exigeant que les huissiers respectent les règles de transparence édictées, notamment, par les articles 47 et 154 AUVE et que les magistrats veillent à ce respect, elle contribue ainsi largement à la sécurité des justiciables et à la fiabilité de la justice.
Note
Quel est le montant des sommes rendues indisponibles par la saisie attribution? C'est la question posée à la Cour. L'intérêt de la question réside dans le fait que si la signification de l'exploit de saisie attribution au tiers saisi entraîne l'indisponibilité de la créance, objet de la saisie, la saisie attribution n'entraîne pas l'indisponibilité totale de la créance du débiteur saisi à l'égard du tiers.
En effet, seules les sommes correspondant au montant de la créance, cause de la saisie attribution, sont rendues disponibles..
Ainsi, dès que l'exploit de saisie attribution a été signifié au tiers saisi, il ne peut plus payer le débiteur saisi, en tout cas pour les sommes saisies attribuées (Cf. Anne marie H. Assi Esso, Ndiaw Diouf : OHADA, Recouvrement de créance, Bruylant 2002, Collection Droit Uniforme Africain, p. 162, n° 345. 2 et 3).
Mais quelles sommes doivent être comprises dans ce montant?
La CCJA répond que ce sont celles prévues par l'arrêt de condamnation ayant servi de base à la saisie attribution.
Pour mieux comprendre le sens de l'arrêt, il importe de rappeler les faits.
En exécution d'un arrêt condamnant la CCAR au paiement des diverses sommes d'argent aux ayants droit de victimes d'accident de la circulation, saisie attribution a été pratiquée entre les mains de la SGBC, tiers saisi.
Contestant le décompte des sommes contenues de l'acte de saisie, la Compagnie d'assurance a saisi le Tribunal qui a fait droit à sa demande. Saisie par les ayants droit des victimes, la Cour d'appel de Douala a infirmé la décision entreprise. Evoquant et statuant à nouveau. elle a débouté la Compagnie d'assurance de sa demande en main levée de saisie attribution comme non fondée et ordonné le paiement au tiers saisi, de toutes les causes de la saisie attribution. et ce sous astreinte.
C'est contre cet arrêt, en date du 22 janvier 2001, que s'est pourvue en cassation devant la CCJA, la Compagnie d'assurance, motifs pris de la violation des articles 154 et 157 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution,
Après analyse, la CC,JA a cassé l'arrêt attaqué pour avoir violé les dispositions des articles précités.
Evoquant et statuant sur le fond, elle a annulé le procès verbal de saisie attribution et ordonné conséquemment la main levée de la saisie, celle-ci ayant été pratiquée, en violation de l'article 154 suscité, sur des sommes non prévues par l'arrêt de condamnation qui a servi de base à la saisie.
A - La cassation de l'arrêt attaqué
Toutes les sommes attribuées dont la cour d'appel a ordonné le paiement par le tiers saisi sont-elles conformes aux articles 154 et 157 de l'Acte uniforme précité? Autrement dit, les sommes contenues dans le décompte sont-elles prévues par l'Acte Uniforme?
La question posée à la CCJA était donc de savoir si les sommes contestées et qui figuraient dans le décompte pouvaient être considérées comme des accessoires du principal.
Après avoir constaté que la cour d'appel a inclus dans le décompte des sommes qui ne sont ni prévues par l'arrêt de condamnation ayant servi de base à la saisie attribution, ni des accessoires du principal mais plutôt des intérêts découlant de plein droit de l'application du Code CIMA, la CCJA a cassé l'arrêt attaqué pour violation des dispositions des articles 154 et 157 de l'Acte Uniforme portant organisation des voies d'exécution,
Il en résulte que le montant des sommes attribuées immédiatement au profit du créancier saisissant, conformément a l'article 154, comprend, d'une part, les sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée et, d'autre part, les accessoires des dites sommes,
1/ Les sommes en principal
Il doit s'agir de la somme, objet de la saisie, c'est a dire la somme pour laquelle le débiteur saisi a été condamné au paiement
En l'espèce, il s'agit de deux sommes respectivement de 19 046340 F et 17 296 310 F à payer aux ayants droit des victimes de l'accident de circulation, Elles résultent de l'arrêt de condamnation de la Cour d'appel de Douala, en date du 02 juin 1998, et en exécution duquel la saisie attribution a été pratiquée le 28 décembre 1999.
Ces sommes ne sont d'ailleurs pas contestées par la Compagnie d'assurance Ce qui explique pourquoi elle a offert de s'exécuter volontairement bien avant la saisie, a savoir le 22 septembre 1999, Ce qui a été concrétisé le 23 mars 2001 par des offres réelles de paiement, offres qui ont été acceptées le 15 mars 2001, à titre d'acompte.
C'est pourquoi la CCJA a donné acte de l'offre de paiement à la Compagne d'assurance.
Ainsi, en offrant de payer les sommes auxquelles elle était condamnée, la Compagnie n'a pas refusé d'exécuter son obligation vis à vis des ayants droit des victimes.
L'on comprend aisément pourquoi elle conteste les autres frais, notamment les frais d'exécution forcée.
2/ Les frais d'exécution forcée et autres
Aux termes de l'article 47 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur.
Cependant cette solution, qui s'explique par le fait que le recours du créancier procède de l'inexécution de l'obligation pesant sur le débiteur, ne peut jouer si les frais n'étaient pas manifestement nécessaires au moment où ils ont été exposés. Dans cette hypothèse, ils incombent au créancier poursuivant. C'est ce que soutient la Compagnie d'assurance dès lors qu'elle a offert d'exécuter volontairement la décision du 02 juin 1998, en tout cas le 28 septembre 1999 et donc trois mois avant la saisie attribution, pour les sommes en principal qui n'étaient pas contestées. Par conséquent, la dépense occasionnée ne pouvait pas être à la charge du requérant, car pas nécessaire. C'est dire que les frais d'exécution forcée étaient injustifiées. Il s'agit des frais de 13 700 000 F (7 200 000 et 6 500 000), des droits de recette et des coûts de l'acte. Ainsi, ces montants sont contestables pour faire partie des accessoires des sommes à payer en principal. C'est d'ailleurs sur ce motif que la CCJA va annuler le procès verbal de saisie pratiquée.
B - L'annulation de la saisie
Aux termes de l'article 154 "l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais pour ce montant seulement, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers" et l'article 157 d'ajouter que, l'exp!oit de saisie attribution doit contenir un certain nombre de mentions, sous peine de nullité. Il s'agit, entre autres, de précisions relatives aux sommes réclamées, en l'occurrence "le décompte distinct des sommes en principal, frais et intérêts échus majorés d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation"
En l'espèce, il ressort de l'examen du dossier que la saisie attribution a été pratiquée non seulement sur les sommes dues en principal, sommes d'ailleurs non contestées (pour lesquelles la Compagnie d'assurance a fait une offre réelle de paiement acceptées), mais également des sommes qui ne pouvaient être considérées comme des accessoires.
Il s'agit, essentiellement, des intérêts échus calculés sur la base des articles 231 et 233 du code CIMA, qui sont,en réalité, des pénalités qui découlent de l'offre d'indemnité prévues par ledit Code. Il s'agit donc d'intérêts découlant de plein droit du Code CIMA et non de sommes prévues par l'arrêt de condamnation ayant servi de base à la saisie attribution et, qui plus est, ne sont pas des accessoires du principal de 36 342 650 F d'indemnité allouée aux ayants droit des victimes.
Dès lors l'acte de saisie établi n'était pas conforme aux exigences des articles 154 et 157 précités. D'où l'annulation dudit acte et, conséquemment, la levée de la saisie pratiquée.
Ainsi par cet arrêt, la CCJA précise le contenu du décompte des sommes saisies attribuées.
1 Voir aussi infra la note anonyme sous cet arrêt in Le Juris-Ohada, n° 4/2002, octobre-décembre 2002, p. 9.
2 Voir Djibril Abarchi, commentaire de : Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, arrêt n° 1-158/C du 16 août 2001, Leyma c/ Groupe Hima Souly, Revue nigérienne de droit, n° 4, décembre 2001, p. 129. (Ohadata J-02-28). - Joseph ISSA-SAYEGH, Quelques aspects techniques de l’intégration juridique : l’exemple des Actes uniformes de l’Ohada, Revue de droit uniforme, Unidroit, Rome, 1999, 1, p. 5 et s. (Ohadata D-02-11).