J-02-163
Pourvoi en cassation – MINISTERE D’AVOCAT OBLIGATOIRE – mémoire du défendeur non REDIGE NI signé par un avocat – expiration du délai de régularisation – non-régularisation – mémoire irrecevable – violation de l’article 23 du règlement de procédure.
saisie attribution – violation de l’article
157 AUPSRVE – arrêt de la cour d’appel validant la saisie attribution – cassation – évocation.
acte d’appel – erreur dans le nom de l’intimé – violation de l’article 246 du code ivoirien de procédure civile – acceptation de l’acte d’appel par l’intimé – appel recevable.
juge des référés – compétence pour délivrer un titre exécutoire (oui) – article 33-1 aupsrve- ARTICLE
49 AUPSRVE – ARTICLE
168 AUPSRVE.
saisie attribution – violation de : article
156 AUPSRVE et ARTICLE
157 AUPSRVE – nullité de la saisie.
Le mémoire du défendeur à un pourvoi en cassation doit être rédigé et signé par un Avocat représentant cette partie; à défaut de régularisation de l’omission de cette signature dans le délai imparti par l’article 23 du Règlement de procédure de la CCJA, le mémoire doit être déclaré irrecevable.
Doit être cassé pour manque de base légale et insuffisance de motifs, l’arrêt de la Cour d’appel qui condamne le tiers saisi aux causes de la saisie attribution pour manquement à son obligation de déclaration sans rechercher si les prescriptions légales spécifiées par l’article
156 AUPSRVE pour recueillir cette déclaration avaient été régulièrement accomplies par le créancier.
Sur évocation, la CCJA statuant sur la nullité de l’exploit de signification de l’acte d’appel et l’irrecevabilité de l’action du tiers saisi, considère que l’erreur d’orthographe dans la rédaction du nom de l’intimé est sans dommage pour ce dernier et rejette ce moyen.
En vertu des articles 33-1, 49 et
168 AUPSRVE, le juge des référés est compétent pour délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi.
Néanmoins, la saisie attribution ayant été pratiquée en vertu de l’ordonnance rendue par le juge des référés de première instance, doit être déclarée nulle pour violation des articles 156 et
157 AUPSRVE. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive et distraction de biens saisis et que la demande d’exécution provisoire de la décision à intervenir est, par suite, sans objet.
(CCJA, arrêt n° 8/2002 du 21 mars 2002, Société PALMAFRIQUE c/ Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, Le Juris Ohada, n°4/2002, octobre – décembre 2002, p. 19, note anonyme. – Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 49)
ORGANISATION POUR L'HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE (C.C.J.A.)
Audience Publique du 21 mars 2002
Affaire : La Société PALMAFRIQUE
(Conseils : SCPA AHOUSSOU, Konan et Associés, Avocats à la Cour)
c/
Etienne KONAN BALLY KOUAKOU.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de 1’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'arrêt suivant en son audience publique du 21 mars 2000, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge-rapporteur
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le renvoi en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l'affaire PALMAFRIQUE contre Etienne KONAN BALLY KOUAKOU par arrêt n° 361/01 en date du 07 juin 2001 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, formation civile de Côte d’Ivoire, saisie d'un pourvoi formé le 22 février 2001 par la Société PALMAFRIQUE, Société anonyme sise à l’immeuble AM CI à Abidjan ayant pour Conseil la SCPA AHOUSSOU, Konan et Associés, Avocats près la Cour d’appel d'Abidjan, y demeurant, 5 boulevard Roume, immeuble Colina, 8ème étage, 01 B.P. 1366 Abidjan 01;
En cassation de l'arrêt n° 34 rendu le 09 janvier 2001 par la Cour d'appel d'Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort;
En la forme.
– Reçoit la Société PALMAFRIQUE en son appel;
Au fond.
– L'y dit mal fondée;
– Confirme l’ordonnance entreprise;
– Se déclare incompétente à statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par l'intimé;
– Condamne la Société PALMAFRIQUE aux dépens;
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu'ils figurent dans son acte de pourvoi annexé au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO;
Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, se disant créancier de la Coopérative des planeurs de palmiers à huile de Sikensi et de Dabou dite la PALMCODASI, a, dans le cadre du recouvrement de sa créance, par exploit d’huissier en date du 10 avril 2000, pratiqué saisie-attribution entre les mains de la Société PALMAFRlQUE sur les sommes que celle-ci détiendrait pour le compte de la PALMCODASI; qu'i1 a procédé à cette opération en exécution d’une ordonnance d’injonction de payer n° 223/2000 rendue le 13 mars 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan condamnant la PALMCODASI au paiement de la somme de 3.041.700 FCFA en principal; que n'ayant obtenu aucun paiement à l'issue des opérations de saisie-attribution, le créancier a, par requête en date du 02 août 2000, saisi le juge des référés aux fins d'ordonner à la Société PALMAFRIQUE le versement entre ses mains des sommes qu'elle détiendrait pour le compte de la PALMCODASI, et ce, sous astreinte comminatoire de 150.000 FCFA par jour de retard; que l'ordonnance de référé n° 3096/2000 rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan a fait bon droit à ladite requête et ordonné à la Société PALMAFRIQUE de « procéder au paiement à Etienne KONAN BALLY KOUAKOU de la somme de 150.000 FCFA montant de la créance de ce dernier à l'égard de la PALMCODASI, et ce, sous astreinte comminatoire de 150.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision »; que contre 1’ordonnance susvisée, la Société PALMAFRIQUE, tiers saisi, a interjeté appel et s'est pourvue en cassation contre l'arrêt confirmatif n° 34 du 09 janvier 2001 rendu par la Cour d'appel d'Abidjan; que la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, initialement saisie du pourvoi, a, par arrêt n° 361/0l du 07 juin 2001, renvoyé la cause et les parties devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Sur la recevabilité du pourvoi.
Attendu que Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, défendeur au pourvoi, a, in limine litis, dans son mémoire en réponse en date du 02 mars 2001 adressé à la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, demandé de déclarer nul l'exploit d'huissier par lequel la Société PALMAFRIQUE a formé pourvoi contre l’arrêt n° 34/2001 rendu le 09 janvier 2001 par la Cour d'appel d'Abidjan et, partant, de dire que ledit pourvoi est irrecevable; qu'il se prévaut, à cet égard, de la violation des articles 210 nouveau, alinéa 2 et 247 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui édictent respectivement que « l'exploit d'huissier mentionne obligatoirement les noms, prénoms, profession du défendeur au pourvoi, son domicile réel ou élu, à défaut sa dernière résidence connue ou son identification telle que résultant de la décision entreprise… » et « l'huissier de justice doit, en toute occasion, s'efforcer de délivrer l'exploit, à la personne même qu’il concerne.
Il doit, dans tous les cas, mentionner sur l’exploit ses diligences ainsi que les réponses faites à ses différentes interpellations », aux motifs que, d’une part, le pourvoi mentionne comme noms du défendeur « Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU » alors que l’arrêt, dont pourvoi, indique plutôt « Monsieur Etienne KONAN BAILLY KOUAKOU » et, d'autre part, la remise de l'exploit d'huissier par lequel a été formé ledit pourvoi a été faite par une personne autre que l'huissier, laquelle, interpellée, n’a pu lui présenter son arrêté de prestation de serment; qu’il considère que l'exploit d'huissier qui ne mentionne pas le nom du défendeur tel que désigné dans l'arrêt attaqué et n'a pas été servi par une personne habilitée à le faire, doit être déclaré nul et le pourvoi irrecevable;
Attendu que l'article 23 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l’OHADA prescrit que le ministère d'avocat est obligatoire devant ladite Cour; que dans ce cadre, par lettre n° 38/2002/G2 en date du 1er février 2002 du Greffier en chef, reçue le 04 février 2002 par le défendeur au pourvoi, celui-ci, qui avait en personne devant la juridiction nationale de cassation, a été invité à se conformer, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ladite lettre, à la disposition susmentionnée en indiquant l'avocat chargé de le représenter, lequel devait également signer, en application de l'article 7 du Règlement susvisé, l’original de tout acte de procédure à transmettre à la Cour;
Attendu qu'au terme du délai qui lui a été fixé, le défendeur au pourvoi n'a donné aucune suite à la lettre précitée; qu’il s'ensuit que le mémoire en date du 02 mars 2001, non signé par un Avocat, est irrecevable devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l’OHADA;
Sur le premier moyen.
Vu l'article 156 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Attendu que dans son acte de pourvoi en date du 22 février 2001 déposé devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire et complété par un mémoire ampliatif en date du 19 avril 2001, la Société PALMAFRIQUE, demanderesse au pourvoi, reproche à l'arrêt attaqué un manque de base légale résultant de l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété des motifs en ce que la Cour d'Appel, se fondant sur l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé, a estimé que la requérante n’ayant fait aucune déclaration sur l’étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour échapper à son obligation de payer au créancier le montant de la saisie; qu'en statuant ainsi, ladite Cour a donc insuffisamment motivé sa décision en ne tenant pas compte du fait que l'acte de saisie était irrégulier et que la Société PALMAFRIQUE n'avait pas été requise de faire des déclarations et qu’elle ne disposait d'ailleurs pas d’espace sur l'acte pour le faire;
Attendu que l'article 156 de l’Acte uniforme susvisé dispose que « le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives.
Ces déclaration et communication doivent être faites sur-le-champ à l'huissier ou l'agent d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l'acte n’est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages-intérêts. ».
Que l'article 157 du même Acte uniforme dispose que « le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l'huissier ou l'agent d'exécution.
Cet acte contient à peine de nullité :
1) l'indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s'il s'agit de personnes morales, de leur forme, dénomination et siège social;
2) l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée;
3) le décompte distinct de sommes éclatées en principal, frais et intérêts échus, majorés d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation;
4) l'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes saisies dans la limite de ce qu'il doit au débiteur;
5) la reproduction littérale des articles 38 et 156 ci-dessus et 169 à 172 ci-dessous.
L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié. »;
Attendu qu'il résulte de l'analyse des dispositions, ci-dessus, de l'Acte uniforme susvisé, que la saisie-attribution des créances suppose nécessairement, d'une part, une interpellation du tiers saisi par l'huissier poursuivant, qui doit recueillir ses « déclaration et communication sur-le-champ » et faire mention des renseignements fournis dans l'acte de saisie; que d'autre part, ledit acte doit contenir, à peine de nullité, les mentions prescrites à l'article 157 précité;
Attendu, en l'espèce, qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure, d'une part, que l'exploit de saisie-attribution en date du 10 avril 2000 par lequel le défendeur au pourvoi a pratiqué saisie-attribution entre les mains de la Société PALMAFRIQUE au préjudice de la PALMCODASI, qu’aucune déclaration, ni communication de pièces justificatives de l’étendue des obligations de la Société PALMAFRIQUE, tiers saisi, à l'égard de la PALMCODASI, débiteur saisi, n'ont été recueillies et mentionnées par l’huissier poursuivant dans l’acte de saisie; que, d'autre part, l'exploit de saisie-attribution ne contient pas les mentions prévues aux 3), 4) et 5) de l'alinéa 2 de l'article 157 susvisé et qu’il est, en conséquence, nul;
Attendu que pour confirmer l’ordonnance de référé n° 3096 rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal d’Abidjan, qui a condamné le tiers saisi au paiement des causes de la saisie, la Cour d’appel a affirmé « qu’il résulte de l'article 156 de l' Acte uniforme portant recouvrement simplifié et voies d'exécution, que le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur; la Société PALMAFRIQUE n'ayant fait aucune déclaration, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour échapper à son obligation de payer au créancier le montant de la saisie »;
Attendu qu'en se bornant à énoncer un tel motif sans rechercher, alors même qu'elle en avait le devoir, si les prescriptions légales ci-dessus spécifiées avaient été régulièrement accomplies par le créancier, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision; qu’il échet, en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d'évoquer, sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen;
Sur l'évocation.
Attendu que par acte en date du 31 août 2000 la Société PALMAFRIQUE a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 3096/2000, rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan; que le dispositif de cette ordonnance est ainsi conçu : « Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront;
Mais à présent, vu l'urgence;
Ordonnons à la Société PALMAFRIQUE de procéder au paiement à Maître Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, de la somme de 3.020.700 FCFA, montant de la créance de ce dernier à l’égard de la PALMCODASI, et ce, sous astreinte comminatoire de 150.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision »;
Attendu que dans ses conclusions d’appel en date du 31 août 2000, versées au dossier de la procédure, la Société PALMAFRIQUE a demandé d'infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé n° 3096/2000, dont appel, rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, aux motifs que :
– lors de la saisie-attribution pratiquée le 27 avril 2000 entre ses mains par Etienne KONAN BALLY KOUAKOU, elle n'a jamais été interrogée sur la question de savoir si elle détenait réellement des sommes et quel était leur montant; que cependant, il lui a été signifié l’ordonnance querellée et elle a été contrainte de se dessaisir de la somme de 3.020.700 FCFA, montant de la créance de Etienne KONAN BALLY KOUAKOU sur la PALMCODASI, alors qu'elle n'entretient aucune relation commerciale avec cette dernière et ne détient aucune valeur ni somme pour son compte;
– l'ordonnance querellée a violé l’article 168 de l’Acte uniforme susvisé en ce que ledit article stipulant qu’ « en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi », il en résulte, d’une part, que le juge des référés ne peut, en raison de la limitation de sa compétence au provisoire, délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi; que cette compétence est du ressort du juge du fond, à preuve, l’ordonnance signifiée à la Société PALMAFRIQUE n'est pas un titre exécutoire, n’est pas revêtue de la formule exécutoire et ne remplit donc pas les conditions fixées par l’article 33 de l'Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d'exécution; que, d’autre part, la juridiction compétente ne peut délivrer un titre exécutoire que si le tiers saisi refuse de payer une somme qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur;qu’en l’espèce, il résulte du procès-verbal de saisie-attribution que la Société PALMAFRIQUE n’a jamais reconnu devoir une quelconque somme à la PALMCODASI et c’est donc véritablement à tort qu’injonction lui est lui est faite de se libérer de somme qu'elle ne détient pas et, ce, sous astreinte;
Attendu que, pour sa part, dans ses écritures en réplique en date du 07 septembre 2000 versées au dossier de la procédure, Etienne KONAN BALLY KOUAKOU a conclu à la confirmation de l'ordonnance querellée aux motifs que :
– l’exploit de signification en date du 31 août 2000 de l’acte d’appel est nul et l’action de la Société PALMAFRIQUE, irrecevable; ledit exploit ayant violé les dispositions de l'article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative en ce qu’il comporte une inexactitude sur son nom qui est « Konan BALLY » et non « Konan BAILLY »;
– l'action de la Société PALMAFRIQUE est mal fondée en ce que c’est à tort qu'elle prétend ne pas entretenir de relation commerciale avec la PALMCODASI, alors que, selon lui, elle effectue mensuellement un prélèvement de 0,5 % depuis plusieurs années sur les revenus des planteurs associés au sein de la PALMCODASI, lesquels sont gardés dans ses comptes;
– le juge des référés est compétent en l'espèce, non pas en vertu des dispositions de l'article 168 de l’Acte uniforme, mais en application de l'article 221 du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui édicte que « dans tous les cas d’urgence où il s’agit de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à l'exécution soit d’une décision de justice, soit d’un titre exécutoire… », c’est le juge des référés qui est compétent; qu'en conséquence, il demande :
– la confirmation de l'ordonnance de référé n° 3096/2000, dont appe1 du 9 août 2000 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
– la condamnation de la Société PALMAFRIQUE à lui payer les 3.020.700 FCFA en principal sans préjudice des intérêts à venir y compris l'astreinte comminatoire de 150.000 FCF par jour de retard;
– la condamnation de la Société PALMAFRIQUE à lui payer 1.300.000 FCFA pour résistance abusive et pour distraction de biens saisis et l'exécution provisoire, nonobstant opposition ou appel, de la décision à venir;
Sur la nullité de l'exploit de signification de l'acte d’appel et l’irrecevabilité de l'action de la Société PALMAFRIQUE.
Attendu que l'exploit de signification en date du 31 août 2000 de l'acte d'appel servi à Etienne KONAN BALLY KOUAKOU comporte en effet une inexactitude dans la rédaction de son nom; qu'il y est mentionné « BAILLY » au lieu de « BALLY » qu’il déclare être l’orthographe exacte; que l'ordonnance querellée ayant été rendue au profit de « Maître Etienne KONAN BALLY KOUAKOU » et non « Monsieur Etienne KONAN BALLY KOUAKOU », il invoque la violation de l'article 246 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative et demande en conséquence que ledit exploit soit déclaré nul et l’action de la demanderesse, irrecevable;
Attendu que nonobstant l’inexactitude qu’il déplore, le défendeur a accepté de recevoir et de signer lui-même l’exploit de signification de l’acte d'appel à lui servi par l'huissier de justice et de conclure au fond; que si, à l'évidence, l'inexactitude constatée dans la reproduction de son nom est imputable audit huissier, celle-ci n’a pu être commise dans le dessein rédhibitoire de faire échec à ses droits, encore qu’il n’en offre aucune preuve et, en conséquence, ne permet pas de déclarer irrecevable l’action de la Société PALMAFRIQUE; qu'il s’ensuit que la demande de nullité de l’exploit de signification de l'acte d'appel et d’irrecevabilité de l’action de la Société PALMAFRIQUE est mal fondée et doit être rejetée;
Sur la compétence du juge des référés.
Attendu que la Société PALMAFRIQUE, tiers saisi, déduit des énonciations de l'article 168 de l’Acte uniforme susvisé que le juge des référés ne peut, en raison de la limitation de sa compétence au provisoire, délivrer un titre exécutoire; qu'elle soutient que cette compétence est du ressort du juge du fond et en donne pour preuve le fait que l'ordonnance qui lui a été signifiée n’est pas un titre exécutoire, ne remplit pas les conditions fixées par l'article 33 de l'Acte uniforme susvisé et n'est pas revêtue de la formule exécutoire;
Attendu que l'article 168 de l’Acte uniforme susvisé dispose « qu’en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre le tiers saisi. »;
Attendu qu'en matière de compétence juridictionnelle, l'article 49 de l'Acte uniforme susvisé édicte en substance que « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui… »; que l'article 33-1 du même Acte uniforme, énumérant les actes et décisions susceptibles de constituer des titres exécutoires, mentionne les décisions qui sont exécutoires sur minute et que l'ordonnance de référé est, par essence, une décision exécutoire sur minute;
Attendu qu'il résulte des dispositions sus-énoncées que, d'une part, le juge des référés est bien compétent en l'espèce pour trancher la présente contestation; qu'au demeurant, le large champ d'application de l’article 49 précité, ouvert à « tout litige » ou « toute autre demande) relative à une mesure d'exécution forcée, inclut les « cas d’urgence » et « les difficultés » relatifs à l'exécution d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire; que, d'autre part, le juge des référés peut délivrer un titre exécutoire et ainsi, l'ordonnance querellée, qui a été signifiée à la Société PALMAFRIQUE, bien que non revêtue de la formule exécutoire, constitue un titre exécutoire au sens de l'article 33-1 suscité; qu'il s'ensuit que les fins de non-recevoir tirées de l'incompétence du juge des référés et de la violation de l’article 33-1 de 1’Acte uniforme susvisé ne sont pas fondées et doivent être rejetées.
Sur la demande principale de la Société PALMAFRIQUE.
Attendu qu'il a été indiqué ci-dessus que la saisie-attribution pratiquée par Etienne KONAN BALLY KOUAKOU entre les mains de la Société PALMAFRIQUE au préjudice de la PALMCODASI l’a été en violation des articles 156 et 157 de l'Acte uniforme susvisé; qu'il échet, en conséquence, de déclarer ladite saisie nulle et de nul effet; qu’ayant servi de base à l'ordonnance de référé n° 3096/2000, dont appel, rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour condamner la Société PALMAFRIQUE « au paiement à Maître Etienne KONAN BALLY KOUAKOU de la somme de 3.020.700 FCFA, montant de la créance de ce dernier à l'égard de la PALMCODASI, et ce, sous astreinte comminatoire de 150.000 FCFA par jour de retard à compter de la signification de la présente décision », il y a lieu de l'infirmer en toutes ses dispositions;
Sur les demandes incidentes d’Etienne KONAN BALLY KOUAKOU.
Attendu que la saisie-attribution étant nulle, il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive et distraction de biens saisis; que la demande d’exécution provisoire de la décision à venir est par suite sans objet;
Attendu que de ce qui précède, il échet de débouter Etienne KONAN BALLY KOUAKOU de toutes ses demandes, fins et conclusions;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Déclare irrecevable le mémoire en défense en date du 02 mars 2001 transmis par Etienne KONAN BALLY KOUAKOU à la Cour Suprême de Côte d’Ivoire;
– Casse l'arrêt n° 34 rendu le 09 janvier 2000 par la Cour d’appel d’Abidjan;
Evoquant et statuant sur le fond :
– Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la Société PALMAFRIQUE et Etienne KONAN BALLY KOUAKOU;
– Dit que la saisie-attribution pratiquée le 10 avril 2000 par Etienne KONAN BALLY KOUAKOU entre les mains de la société PALMAFRIQUE au préjudice de la PALMCODASI et qui a servi de base à l’ordonnance de référé n° 3096/2000, dont appel, rendue le 09 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, est nulle et de nul effet;
– Infirme en toutes ses dispositions ladite ordonnance;
– Déboute Etienne KONAN BALLY KOUAKOU de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Condamne Etienne KONAN BALLY KOUAKOU aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier en Chef.
Note
L'exploit de saisie attribution doit,. aux termes de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, contenir, à peine de nullité, un certain nombre de mentions dont, notamment, la déclaration du tiers saisi relativement à l'étendue de son obligation à l'égard du débiteur.
Il en résulte que pour la régularité de l'acte de saisie, un devoir s’impose au juge, en cas de contestations, celui de vérifier que les prescriptions légales ont été accomplies par le créancier. En effet, il a le devoir de vérifier que celles-ci ont été régulièrement accomplies. A défaut, il doit prononcer la nullité de la saisie qui est la sanction édictée par l'Acte Uniforme, en pareille circonstance (Cf. Anne-Marie Assi Esso et Ndiaw Diouf, Le recouvrement des créances, Ed. Bruylant, Collection de droit uniforme africain, 2002, p. 160. n° 343.).
Ainsi, il se posait, dans cette espèce, à la Cour, deux questions essentielles.
D’abord, la rôle du juge quant à la régularité de l’exploit de saisie attribution.
Ensuite, la nature de l’ordonnance de référé rendue par le juge des référés.
A- Le juge et la vérification de la régularité de l'acte de saisie
En exécution d'une ordonnance d'injonction de payer, K. a pratiqué saisie attribution entre les mains de la société P. sur des sommes que celle-ci détiendrait pour le compte de son débiteur. N'ayant obtenu aucun payement, K. a saisi le juge des référés aux fins d'ordonner à la société P. le versement entre ses mains des sommes qu'elle détiendrait pour le compte de son débiteur et ce, sous astreinte comminatoire par jour de retard.
Par ordonnance de référé, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a fait droit à la requête de K. Sur appel de la société P. l'ordonnance de référé a été confirmée par la Cour d'appel d'Abidjan. C'est contre cet arrêt confirmatif que s'est pourvue en cassation la société P. devant la CCJA, motifs pris de la violation des articles 156 et 157 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution. En conséquence, elle demande la nullité de l'acte de saisie. Ce qui revient donc à apprécier l'acte de saisie relativement aux articles précités. Autrement dit, les prescriptions légales des articles 156 et 157 avaient-elle été régulièrement accomplies par K ?
Il s'agit en 3èce, ces déclarations et communications, non seulement n'ont pas été recueillies, 3.
Encore faut-il que tout ceci figure dans l'acte de saisie.
Au total, il apparaît que les prescriptions légales n'ont pas été respectées. Ce qui a justifié l'annulation de l'exploit de saisie attribution par la CCJA (dans le même sens, cf Ohadata J-02-162, en ce qui concerne la composition du décompte des sommes saisies attribuées).
En cassant l'arrêt de la cour d'appel, la CCJA a sanctionné les juges d'appel qui n'ont pas joué leur rôle de vérification de la régularité de l'acte de saisie, en ce qui concerne son contenu.
B - L'ordonnance de référé est-il un titre exécutoire?
Il faut rappeler que c'est sur la base d'une ordonnance du juge des référés que le tiers saisi a été contraint de se dessaisir de la créance de K. sur le débiteur saisi.
La société, tiers saisi, reproche à l'ordonnance de ne pas être un titre exécutoire, pour n'être pas revêtue de la formule exécutoire et que le juge des référés n'a pas compétence de délivrer de titre exécutoire, qui est de la compétence du juge du fond.
En rejetant les fins de recevoir tirées de l'incompétence du juge des référés et de la violation de l'article 33.1 de l'Acte uniforme comme non fondées, la CCJA reconnaît, d'une part, la compétence du juge des référés et d'autre part, la nature de titre exécutoire aux ordonnances de référés.
1/ La compétence du juge des référés
En contestant la somme pour laquelle injonction lui a été faite de se libérer alors qu'elle ne détient pas une telle somme, le tiers saisi estime que la contestation ressort de la compétence du juge du fond et non du juge des référés. En le faisant, le juge des référés n’a pas respecté les dispositions de l'article 168 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution.
Cependant, force est de constater que le juge des référés est compétent pour connaître de la contestation, dès lors que l'article 49 de l'Acte Uniforme donne compétence au Président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui, pour connaître de tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire.
D'ailleurs, il ne peut en être autrement vu le large champ d'application de l’article 49 précité.
2/ L'ordonnance de référé est-elle un titre exécutoire?
L'ordonnance signifiée à la société, tiers saisi, est-elle un titre exécutoire?
En répondant par l'affirmative, la CCJA précise que la formule exécutoire n'est pas, aux termes de l'Acte uniforme, la condition pour qualifier un titre de titre exécutoire, mais qu'il faut se référer à l'énumération donnée par l'article 33 de l'Acte uniforme, dont les décisions exécutoires sur minute. Or, l'ordonnance de référé est, par essence, une décision exécutoire sur minute.
Ainsi, non seulement le juge des référés est compétent pour connaître de la contestation élevée par le tiers saisi mais, en outre, l'ordonnance de référé qui en résulte est un titre exécutoire au sens de l'Acte uniforme portant voies d'exécution.
D'où le rejet par la CCJA des fins de non recevoir soulevées par le tiers saisi.