J-02-166
injonction de payer – créance certaine, liquide et exigible – violation de : article 1 AUPSRVE et ARTICLE 2 auPSRve (non) – rejet du pourvoi.
Une Cour d’appel ne viole pas les articles 1er et 2 de l’AUVE en déclarant certaine, liquide et exigible la créance du demandeur à l’injonction de payer sur la base de documents établissant que la quantité de café livrée par le créancier et le prix de l’unité de compte ne peuvent être contredits par le débiteur.
(CCJA, arrêt n° 017/2002 du 27 juin 2002, Sté El Nasr Import-Export c/ Ali Darwiche, Le Juris-Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 47, note anonyme.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 33).
Organisation pour l’harmonisation en afrique
du droit des affaires (OHADA)
Cour commune de justice et d’arbitrage (C.C.J.A.)
Audience Publique du 27 juin 2002
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 27 juin 2002, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société EL NASR IMPORT-EXPORT contre Ali DARWICHE, par arrêt n° 449/01du 05 juillet 2001 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 08 mai 2001 par Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, demeurant 24, boulevard Clozel, immeuble SIPIM, 5ème étage, 01 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société EL NASR IMPORT-EXPORT, enregistré sous le numéro 01-173 civ. du 08 mai 2001 contre l’arrêt n° 425 rendu le 20 avril 2001 par la Cour d’Appel d’Abidjan au profit de Ali DARWICHE, et dont le dispositif est le suivant :
« Sur LA FORME :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la Société EL NASR IMPORT-EXPORT en son appel relevé du jugement civil n° 591 du 17 juillet 2000, rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND :
– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré;
– Condamne l’appelante aux dépens; »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président;
Vu les articles 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, qu’au cours de la campagne agricole 1997-1998, Ali DARWICHE a livré à la Société EL NASR IMPORT-EXPORT, à raison de 558 francs le kilogramme, du café pour un poids net de 2.486.782 kg; qu’Ali DARWICHE affirme que sur le poids net sus-indiqué, ladite Société a défalqué 179.228 kg constitués, selon elle, par des déchets qui ne lui ont été ni restitués, ni payés; que le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, saisi par Ali DARWICHE d’une requête aux fins d’injonction de payer a, par ordonnance n° 6626/99 du 10 novembre 1999, condamné la Société EL NASR IMPORT-EXPORT à lui payer soixante douze millions cent neuf mille deux cent vingt huit (72.109.228) FCFA correspondant au prix de 129.228 kg, lesquels représentent la différence entre les 179.228 kg et les 50.000 kg ayant fait l’objet de paiement antérieur par ladite Société; que par jugement n° 591 du 17 juillet 2000, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, saisi sur opposition de la Société EL NASR IMPORT-EXPORT contre l’ordonnance précitée, a restitué à celle-ci son plein et entier effet; que la Cour d’Appel d’Abidjan, saisie d’un appel introduit par la Société contre le jugement susmentionné, a confirmé celui-ci par l’arrêt n° 425 du 20 avril 2001 dont pourvoi;
Sur le premier moyen.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir considéré « qu’hormis les simples dénégations, la Société EL NASR ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier (sic) le paiement intégral du prix des produits agricoles à elle livrés par Ali DARWICHE; or, il est inadmissible qu’après avoir repéré des marchandises qu’elle juge de mauvaise qualité, l’appelante, sans l’accord du livreur, refuse de les restituer ou de s’acquitter de leur prix… », alors, selon le moyen, qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier si vraiment Ali DARWICHE a fait la preuve de ce que la Société EL NASR a retenu son produit et en se fondant uniquement sur les déclarations de Ali DARWICHE, après avoir réfuté celles de la Société EL NASR, la Cour n’a pas donné de base légale à sa décision;
Mais attendu qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier de la procédure, que Ali DARWICHE a livré à la Société EL NASR IMPORT-EXPORT une quantité de café d’un poids net de 2.486.782 kg excluant déjà les déchets, comme l’attestent les bordereaux d’entrée établis par la Société EL NASR IMPORT-EXPORT elle-même; que celle-ci a, par la suite, opéré ce qu’elle a appelé une réfaction portant sur un poids total de 179.228 kg, comme elle l’avait reconnu devant le premier juge, se contentant d’affirmer à cette occasion que ce « poids refacté » représentait des déchets à déduire du poids total des produits livrés, ce qui, du reste, apparaît dans l’extrait du compte fournisseur versé aux débats; que la preuve est donc faite que la Société EL NASR IMPORT-EXPORT a retenu une partie du produit qu’elle n’a ni restituée, ni payée sauf pour une quantité de 50.000 kg ayant fait l’objet d’un paiement; que dès lors, c’est à bon droit qu’ayant constaté que la Société EL NASR IMPORT-EXPORT n’a versé aux débats aucune pièce de nature à justifier le paiement intégral du prix des produits, la Cour d’Appel a estimé que ladite Société était encore redevable du prix de la quantité de café retenue pour cause de « réfaction »; qu’en conséquence le premier moyen n’est pas fondé.
Sur le second moyen.
Attendu qu’il est également reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré que la créance de Ali DARWICHE « répondant après analyse aux exigences des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, c’est à bon droit que le Tribunal a rendu cette décision qui mérite confirmation », alors, selon le moyen, qu’en se déterminant ainsi sans dire en quoi a consisté l’analyse par elle faite, et sans démontrer que la créance de Ali DARWICHE était certaine, liquide et exigible, ainsi que l’exigent les articles 1er et 2 de l’Acte uniforme sur le recouvrement des créances, la Cour d’Appel a violé les articles ci-dessus visés et son arrêt mérite de ce chef cassation;
Mais attendu que la Cour d’Appel a retenu, au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la créance litigieuse représentait, à raison de 558 francs le kilogramme, le prix de 129.228 kg des déchets défalqués par la Société EL NASR IMPORT-EXPORT et non restitués à Ali DARWICHE au terme de la campagne 1997-1998, au cours de laquelle celui-ci lui avait livré le café; qu’en déduisant de ces constatations que la créance litigieuse répondait aux exigences des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et de voies d’exécution, la Cour d’Appel n’a en rien violé lesdits articles; d’où il suit que le moyen n’est pas davantage fondé;
Attendu qu’en conséquence, il y a lieu de rejeter le pourvoi et de condamner la Société EL NASR IMPORT-EXPORT aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Rejette le pourvoi formé par la Société EL NASR IMPORT-EXPORT;
– Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier en chef./-
Note
La créance dont le recouvrement est poursuivie était-elle certaine, liquide et exigible?
Autrement dit, la créance remplissait-elle les caractères exigés par l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (art. 1er . - cf. Anne Marie H. Assi Esso et Ndiaw Diouf,Le recouvrement des créances, Ed. Bruylant, Collection droit uniforme africain, . p. 13 n° 12. - Brou Kouakou Mathurin,Lla procédure d'injonction de payer en droit Ivoirien : l'apport du droit OHADA, in Revue de la Recherche Juridique. Droit Prospectif; Presse universitaire d'Aix Marseille 2001-2 (2). P.1145).
Telle était la question soumise à la CCJA.
Cependant la singularité de la décision réside dans le fait que la créance trouve sa naissance dans des kilogrammes de café non payés.
1/ Faits.
Il ressort des faits que sur les 2.486.782 kgs de café livré, 129 228 kgs qui seraient constitués par des déchets, aux dires de l'acheteur, n'ont ni été restitués, ni payés au livreur.
Et c'est cette quantité défalquée qui constitue l'objet du litige, puisque le livreur en demande le payement à l'acheteur. Condamné à payer sur la base d'une ordonnance d'injonction de payer, l'acheteur a formé opposition et le Tribunal a restitué à l'ordonnance son plein et entier effet. Saisie, la Cour d'appel a confirmé le jugement du tribunal.
C'est contre l'arrêt confirmatif que l'acheteur de produit s'est pourvu en cassation.
2/ Movens
La requérante au pourvoi invoque deux moyens.
Elle reproche d'abord à la Cour d'appel d'avoir considéré qu'elle ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier le paiement intégral du prix des produits à elle livrés par D., sans vérifier si D. a fait la preuve de qui elle a retenu son produit. Autrement dit, elle conteste devoir des produits.
Ensuite, elle invoque la violation des articles 1er et 2 de l'Acte Uniforme sur le recouvrement des créances, la preuve n'étant pas rapportée que la créance dont le recouvrement était poursuivi était certaine, liquide et exigible.
Ainsi le problème qui se posait à la CCJA, comme annoncé plus haut, était de savoir si la créance de D. remplissait les exigences des articles 1er et 2, c'est à dire si elle était certaine, liquide et exigible.
En rejetant le pourvoi, la CCJA répondait par l'affirmative à cette question.
a. L'existence et la liquidité de la créance
La créance trouve son fondement dans une quantité de produits retenue pour cause de
déchets, selon la société et qui n'a été ni restituée ni payée. Ce que reconnaît d'ailleurs la société. Cette soit disante réfaction qui portait initialement sur 179.228 kgs de produit a été ramenée à 129 228 kgs, 50 000 kgs ayant fait l'objet d'un paiement. Cette quantité qui apparaît dans l'extrait de compte non contesté constitue bien la créance en poids de D.
Le kilogramme de café étant payé pendant cette campagne à 558 Francs, la créance de D. ne peut être liquidée qu'à la valeur correspondante, c'est à dire 72 109 228 F, somme dont le recouvrement est effectué par la voie de la procédure d'injonction de payer.
Ainsi, la société ayant retenu cette partie du produit qui n'a été ni restituée (si c'était vraiment des déchets), ni payée, il est normal qu'elle paye aujourd'hui l'équivalent du prix.
b. L'exigibilité de la créance
La créance étant certaine et liquide, reste à justifier son exigibilité. En l'espèce, cette autre condition ne souffre de difficulté, dès lors que la quantité de produits en cause, concerne la campagne 1997-1998, campagne au cours de laquelle le café a été livré à la société, alors que l'ordonnance d'injonction de payer date du 10 novembre 1999.
Ainsi la créance de D. était non seulement certaine et liquide, mais également exigible. Elle répondait donc aux exigences des articles 1er et 2 de l'Acte Uniforme sus cité.