J-02-167
procédure de recouvrement entreprise après l’entrée en vigueur de l’auPSRve – application de la loi ivoirienne (non) – violation de : article 336 AUPSRVE et ARTICLE 337 AUPSRVE – cassation – abrogation de la loi ivoirienne.
évocation – infirmation de l’ordonnance du premier juge des référés – nullité de la saisie pratiquée selon la loi ivoirienne.
Doit être cassé, pour violation des articles 336 et 337 AUPSRVE, l’arrêt de la Cour d’appel validant une saisie exécution pratiquée selon la loi ivoirienne, alors que l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d’exécution (AUVE) était déjà en vigueur.
Sur évocation, il convient d’infirmer l’ordonnance de référé du premier juge et d’annuler la procédure de saisie exécution entreprise selon la loi ivoirienne.
Article 336 AUPSRVE
Article 337 AUPSRVE
(CCJA, arrêt n° 018/2002 du 27 juin 2002, Société Fofana Entreprise de commerce, transport et industrie, dite FECTI c/ Société CFAO-CI, département Auto, dite CICA-Auto, Le Juris-Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 52, note anonyme.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 60).
Organisation pour l’harmonisation en afrique
du droit des affaires (OHADA)
Cour commune de justice et d’arbitrage (C.C.J.A.)
Audience Publique du 27 juin 2002
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 27 juin 2002, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge-rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI contre Société CFAO-CI, département automobile dite CICA-AUTO, par arrêt n° 612/01 du 14 novembre 2001 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, Formation civile de Côte d’Ivoire, saisie d’un pourvoi initié le 21 avril 1999 par Maître SOUMAHORO Abou, Avocat à la Cour, demeurant 31, boulevard de la République, Avenue Docteur Crozet, 04 BP 1475 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI, enregistré sous le n° 99-212 civ. du 21 avril 1999 contre l’arrêt n° 310 rendu le 16 mars 1999 par la Cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME :
– Reçoit la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI en son appel;
AU FOND :
– L’y déclare mal fondée, l’en déboute;
– Confirme l’ordonnance entreprise;
– La condamne aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE;
Vu les dispositions des articles 14 et 15 du Traité susvisé;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que la Société CFAO-CI, département automobile dite CICA-AUTO, a vendu à la Société FOFANA ENTREPRISE DE COMMERCE, TRANSPORT ET INDUSTRIE dite FECTI, deux cars de transport public de voyageurs d’une valeur globale de deux cent millions (200.000.000) FCFA; que selon la convention des parties, le prix d’achat de ces véhicules devait être réglé en partie par la Société de Crédit Afribail, le solde étant à la charge de l’acquéreur FECTI, qui s’était engagé à honorer sa dette par l’émission de traites mensuelles; qu’ayant constaté le non-paiement de traites dont les arriérés cumulés se sont élevés à quarante deux millions vingt trois mille cent cinquante quatre (42.023.154) FCFA, CICA-AUTO a saisi le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan d’une requête aux fins d’injonction de payer et a obtenu le 27 mars 1998, l’ordonnance n° 778/98 condamnant sa partenaire à lui payer la somme réclamée; que ladite ordonnance a été signifiée à FECTI le 15 avril 1998; que le 4 mai 1998, CICA-AUTO a fait servir à FECTI un commandement avant saisie et le 28 novembre 1998, neuf (9) véhicules appartenant à cette dernière ont été saisis; qu’à la suite de cette opération, FECTI a fait délivrer assignation en référé aux fins de suspension des poursuites, aux motifs que quatre des véhicules saisis faisaient l’objet d’une saisie-exécution de la part de la SGBCI; que le 27 janvier 1999, le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan, par ordonnance n° 7323, a débouté FECTI de sa demande; que par exploit d’huissier du 03 février 1999, la Société FECTI a interjeté appel de ladite ordonnance et sollicité qu’il soit sursis à son exécution; que le Premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan, par ordonnance sur requête n° 104/99 du 26 février 1999, a ordonné le sursis à l’exécution de l’ordonnance de référé n° 7323 du 27 janvier 1999; que sur le fond de l’appel, la Cour d’Appel d’Abidjan a confirmé l’ordonnance de référé n° 7323 précitée par arrêt n° 310 du 16 mars 1999 contre lequel est introduit le présent pourvoi en cassation;
Sur le moyen unique.
Vu les articles 336 et 337 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé la loi en ce que les articles 336, 337, 131 et 134 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’ont pas été respectés par la Cour d’Appel dans sa décision; que selon la requérante :
1°) L’Acte uniforme susvisé, qui date du 10 juillet 1998 et qui abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats Parties, ne laisse aucune possibilité au juge national de faire application des dispositions contenues dans le titre VII du Code de procédure civile ivoirien, et c’est donc à tort que la juridiction des référés et la Cour d’Appel d’Abidjan ont fait « allusion à un commandement avant saisie datant du 4 mai 1998 »;
2°) Le procès-verbal de saisie-exécution dressé en novembre 1998, donc après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme précité, ne peut pas être assujetti aux dispositions de la loi ivoirienne relative aux mesures d’exécution forcée, car l’article 337 dudit Acte uniforme précise bien que les mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après le 10 juillet 1998 lui sont soumises;
Attendu qu’aux termes des articles 336 et 337 de l’Acte uniforme susvisé, « le présent Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties » et « le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur »;
Attendu que par l’ordonnance de référé n° 7323 du 27 janvier 1999, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, saisi de difficultés relatives à une saisie exécution effectuée le 28 novembre 1998, a estimé que « le Traité OHADA n’est pas applicable à la présente mesure d’exécution engagée par CICA-AUTO contre FECTI »;
Attendu que pour confirmer ladite ordonnance, l’arrêt attaqué a retenu que l’article 337 de l’Acte uniforme susmentionné n’est applicable qu’aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur, alors qu’il apparaît que la CFAO-CI avait, avant l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme, engagé une procédure de recouvrement matérialisée par le commandement de payer du 4 mai 1998;
Attendu que, même si en l’espèce l’on peut admettre que la procédure de recouvrement était engagée avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme susvisé, la mesure d’exécution forcée intervenue le 28 novembre 1998, donc après l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme, devait être conforme aux dispositions de celui-ci; qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés; qu’il échet, en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer;
Sur l’évocation.
Attendu que dans ses conclusions d’appel, FECTI expose que suite à un litige l’opposant à la SGBCI, celle-ci a procédé le 17 novembre 1998, à la saisie-vente de quatre de ses véhicules; qu’alors qu’elle contestait cette saisie devant le Tribunal, la Société CFAO-CI a saisi à son tour les mêmes véhicules; qu’elle estime que conformément à l’article 131 de l’Acte uniforme « portant procédure d’exécution », cette deuxième saisie ne vaut que comme opposition et de ce fait, la CFAO-CI ne peut procéder à la vente des biens saisis que dans les conditions de l’article 134 du même Acte uniforme; qu’enfin, c’est à tort que le premier juge a estimé que l’Acte uniforme n’était pas applicable, alors que s’agissant d’une loi de procédure, celle-ci est d’application immédiate;
Attendu que la CFAO-CI, intimée, fait valoir, pour sa part, que l’article 337 de l’Acte uniforme susvisé énonce que « le présent Acte uniforme sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur »; qu’elle a servi un commandement de payer qui, aux termes mêmes de l’Acte uniforme, est une mesure d’exécution forcée; que, dès lors, cette mesure ayant été prise avant l’entrée en vigueur dudit Acte uniforme susvisé, celui-ci ne peut lui être applicable en l’espèce; que de surcroît, sur les neuf véhicules saisis par elle, seuls deux l’ont été également par la SGBCI; qu’enfin, et en tout état de cause, seule la SGBCI a intérêt à initier une telle action, d’autant que la Société FECTI n’a pas contesté sa dette constatée par une ordonnance d’injonction de payer devenue définitive et exécutoire; qu’elle sollicite, en conséquence, la confirmation de l’ordonnance entreprise;
Attendu que la saisie-exécution opérée le 28 novembre 1998 par CFAO-CI l’a été en application du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, alors qu’il résulte de l’examen ci-dessus du moyen unique de cassation, que c’est l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui était applicable en l’espèce; que ladite saisie n’ayant donc pas été pratiquée conformément aux dispositions dudit Acte uniforme, doit être déclarée nulle et de nul effet;
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance n° 7323 du 27 janvier 1999 du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan et de dire et juger que les parties doivent être remises dans la situation où elles se trouvaient avant la saisie du 28 novembre 1998;
Attendu qu’il y a lieu de condamner CFAO-CI aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Casse l’arrêt n° 310 rendu le 26 mars 1999 par la Cour d’Appel d’Abidjan;
Evoquant et statuant à nouveau,
– Infirme l’ordonnance n° 7323 rendue le 27 janvier 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
– Dit que la saisie-exécution du 28 novembre 1998 est nulle et de nul effet;
– Dit que les parties doivent être remises dans la situation où elles se trouvaient avant ladite saisie-exécution;
Condamne CFAO-CI aux dépens.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
L’AUVE est entré en vigueur 90 jours après son adoption, soit le 10 juillet 1998. En application des articles 336 et 337 de cet Acte uniforme, toute procédure entreprise dans les matières traitées par ledit Acte devait être soumise aux règles du droit uniforme de l’OHADA. On ne peut donc qu’approuver la CCJA d’avoir cassé l’arrêt soumis à sa censure et, sur évocation, d’avoir infirmé l’ordonnance du premier juge des référés qui estimait que le Traité Ohada (sic) n’était pas applicable à la mesure d’exécution engagée par CICA-Auto c/ FECTI.
Nous sommes persuadés que cette décision traduit une maladie de jeunesse appelée à disparaître et à ne plus laisser de séquelles.
Note anonyme dans Juris-Ohada.
Quelle est la loi applicable à une mesure d'exécution forcée intervenue après l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution?
En d'autres termes, le Code Ivoirien de procédure civile commerciale et administrative trouve-t-il encore application, en matière d'exécution forcée, depuis l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme portant voies d'exécution?
1/~Faits
La société C. a vendu a la société F. deux cars de transport public de voyageurs. Aux termes de la convention, le prix d'achat des véhicules devait être réglé en partie par la société de crédit A., le solde étant à la charge de l'acquéreur qui s'est engagé à honorer sa dette par émission de traites.
Devant le non payement desdites traites, le vendeur obtient du Président du Tribunal d'Abidjan une ordonnance d'injonction de payer condamnant l'acquéreur à lui payer la somme réclamée. Après signification de cette ordonnance, le vendeur a fait servir à l'acquéreur un commandement avant saisie et neuf véhicules de l'acquéreur ont été saisis. Suite à cette opération, l'acquéreur fait délivrer assignation en référé aux fins de suspension des poursuites, motifs pris de ce que quatre véhicules saisis faisaient l'objet d'une saisie exécution de la part de la SGBCI.
Débouté de sa demande, par le juge des référés du Tribunal de Première instance d'Abidjan, l'acquéreur interjette appel. Le Premier Président de la Cour d'appel d'Abidjan ordonne le sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés. Sur le fond, la Cour d'appel a confirmé, par la suite, l'ordonnance de référé qui a débouté l'acquéreur de sa demande.
C'est contre cet arrêt qu'il s'est pourvu en cassation sur la base de la violation des articles 336, 337, 131 et 134 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
2/ Moyens
Selon la requérante, la Cour d'appel n'a pas respecté les dispositions, notamment, des articles 336 et 337 de l'Acte Uniforme sus cité.
En effet, soutient-elle, l'Acte Uniforme en cause étant entré en vigueur le 10 juillet 1998, il abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne. Il ne laisse, par conséquent, aucune possibilité au juge national de faire application des dispositions du titre VII du Code Ivoirien de procédure civile, notamment le commandement avant saisie. C'est donc à tort que le juge des référés et la Cour d'appel y ont eu recours.
Ensuite, elle ajoute que conformément à l'article 337 précisant que les mesures d'exécution conservatoires mesures d'exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après le 10 juillet lui sont soumises, le procès verbal de saisie exécution dressé en novembre 1998, donc après l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme, ne peut pas être assujetti aux dispositions de la loi ivoirienne relative aux mesures d'exécution forcée.
En cassant l'arrêt attaqué, la CCJA donne raison à l'acquéreur, car les articles 336 et 337 ont bien été violés par la Cour d'appel d'Abidjan.
En effet, aux termes de ces articles, l'Acte uniforme précité abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats parties et est applicable aux mesures conservatoires, mesures d'exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur.
3/ L' Application de l'Acte Uniforme
En cassant l'arrêt de la Cour d'appel, la CCJA ne fait que construire et consolider sa jurisprudence en ce qui concerne la suprématie du droit OHADA (Voir CCJA, arrêt n° 003/2002 du 10 janvier 2002, Juris OHADA n° 2/2002 p. 23. – Ohadata J-02-25; CCJA arrêt N° 002/2001 du 11 octobre 2001, Juris OHADA n° 1/2002 p. 23.- Ohadata J-02-06)
En effet, l'acte uniforme abrogeant les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats parties, seul l'acte est désormais applicable a compter de son entrée en vigueur.
L'Acte uniforme sus cité, étant entré en vigueur le 10 juillet 1998, et régissant les mesures conservatoires, les mesures d'exécution forcée et les procédures de recouvrement, seul cet Acte devait régir la saisie exécution opérée le 28 novembre 1998, et donc après l'entrée en vigueur dudit acte contrairement aux décisions du Président du Tribunal de Première instance et de la Cour d'appel d'Abidjan.
C'est pourquoi, évoquant après la cassation, la CCJA a annulé la saisie exécution effectuée en application du Code Ivoirien de procédure civile.
4/ L'annulation de la saisie exécution
Il apparaît que la saisie exécution effectuée par le vendeur a été opérée le 28 novembre 1998 et, donc, bien après l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme susvisé. Elle devait en conséquence être opérée en application de cet Acte et non en application du code Ivoirien de procédure civile, comme l'atteste le commandement de payer servi par le vendeur.
Dès lors, la saisie doit être déclarée nulle et de nul effet, pour n'avoir pas été effectué conformément à l'Acte Uniforme portant organisation des voies d'exécution.