J-02-168
droit commercial général – bail commercial – éléments – convention permettant à une personne d’exploiter son activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle – nécessité d’un écrit (non).
bail commercial – locataire – expulsion – règlement des loyers par le locataire – résiliation du contrat et expulsion – demandes sans objet (oui).
Article 69 AUDCGIE
Est réputée bail commercial, toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’article 69 de l’Acte uniforme OHADA relatif au Droit commercial général, et toute personne physique ou morale permettant à cette dernière d’exploiter dans les lieux avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle.
Dès lors, on ne peut obliger le locataire à signer un écrit sous astreinte.
Est devenue sans objet la demande de résiliation du contrat de bail et l’expulsion du locataire, dès lors que celui-ci a payé les loyers y compris ceux qui avaient motivé son expulsion.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 330 du 10 mars 2000, M.E. c/ TOTAL-CI, Bulletin Juris Ohada, n° 1/2002, janvier-mars 2002, p. 58. – Ohada jurisprudences nationales, n° 1, décembre 2004, p. 24).
Cour d’Appel d’Abidjan
Arrêt N° 330 du 10 mars 2000
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du procès;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, sur l’appel régulièrement relevé le 23 septembre 1999 du jugement N° 45 CIV contradictoirement rendu le 29 janvier 1996 par le Tribunal de première instance d’Abidjan signifié le 26 août 1999, qui a :
– déclaré M.E. mal fondé en son action;
– ordonné l’expulsion de M.E. des lieux qu’il occupe;
– débouté TOTAL-CI de sa demande en paiement de la somme de 663.388 f à titre de charges locatives;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Considérant que M.E. a fait assigner TOTAL-CI pour contraindre celle-ci à établir un contrat de bail commercial à son profit portant sur un loyer mensuel de 150.000 f charges d’eau et d’électricité comprises sous astreinte comminatoire de 500.000 f par jour de retard à compter de la date du jugement;
Considérant qu’au soutien de son action, il a exposé devant le Tribunal qu’il exploitait une station d’essence appartenant à TOTAL-CI sise à Cocody, selon contrat de location gérance en date du 1er mars 1988; que la station occupe une superficie de 2.000 mètres carrés et comprend :
– deux boutiques
– un hangar de graissage
– un hangar de lavage
– un bar;
Qu’en 1993, ledit contrat a pris fin; que cependant, TOTAL-CI l’a autorisé à exploiter le bar et l’une des boutiques sous forme de vidéo-club sans pourtant établir de contrat de bail nonobstant la promesse faite par lettre en date du 24 mai 1993; qu’il a fallu attendre le mois de janvier 1994 pour recevoir de TOTAL-CI un courrier fixant le loyer à 200.000 f; qu’ayant contesté ce montant, le loyer a été ramené à 150.000 f;
Considérant que devant les premiers juges, TOTAL-CI a soulevé in limine litis la nullité de l’exploit d’assignation au motif pris de ce qu’il ne comporte pas les mentions de la nationalité, des date et lieu de naissance de M.;
Considérant que subsidiairement au fond elle a soutenu que l’absence de contrat s’explique par leur désaccord sur le prix du loyer et des charges locatives; que se portant demanderesse reconventionnelle, elle a sollicité la résiliation du contrat de bail verbal, l’expulsion de M. pour non-paiement d’arriérés de loyers s’élevant à la somme de 1.750.000 f et la condamnation de M. à lui payer la somme de 663.288 f au titre des charges locatives, assortie de l’exécution provisoire;
Pour statuer comme ils l’ont fait, les premiers juges ont estimé :
– sur la nullité de l’exploit, que la société TOTAL-CI a pu identifier son adversaire et assurer sa défense;
– sur la contrainte à contracter le contrat de bail, ils ont évoqué les dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil;
– sur la résiliation du contrat et l’expulsion de M., que celui-ci ne justifie ni n’offre de justifier le paiement des loyers de la période allant du 08 juin 1994 au jour de la décision du Tribunal;
– sur la demande en paiement des charges locatives évaluées à 663.288 f, qu’il ne résulte pas des factures que M. devait payer une quelconque somme et que l’article 1315 code civil reçoit application en la matière;
– sur l’exécution provisoire, qu’il n’y a pas extrême urgence.
Considérant, en cause d’appel, que M.E., représenté par Maître KOUAME COFFI, Avocat à la Cour, réitère ses précédents moyens et demande pour conclure, d’une part, l’infirmation du jugement entrepris, en ce qu’il a ordonné son expulsion et rejeté ses autres demandes dont celle relative à l’astreinte, d’autre part, la confirmation dudit jugement pour le surplus; qu’il fait, toutefois, observer que la demande d’astreinte est fondée, dans la mesure où la TOTAL-CI s’abstient, sans motif, de lui délivrer un contrat en bonne et due forme, alors qu’elle perçoit tous les mois des loyers; qu’il ajoute, s’agissant de son expulsion, que les premiers juges auraient dû demander à TOTAL-CI de déterminer les mois au cours desquels les loyers n’auraient pas été payés, afin qu’il puisse se justifier;
Considérant, toujours en cause d’appel, que la société TOTAL-CI ayant pour conseil la SCPA PARIS VILLAGE, sollicite la confirmation du jugement querellé;
Considérant que la société TOTAL-CI fait valoir, sur le bail écrit, que la demande de M. est injustifiée puisqu’il exerce son commerce depuis de nombreuses années en vertu d’un bail verbal admis, précise-t-elle, par l’article 71 de l’Acte Uniforme OHADA sur le bail commercial et le fonds de commerce;
Considérant en ce qui concerne l’expulsion de M. qu’elle donne acte à ce dernier quels loyers y compris ceux qui avaient motivé son expulsion (sic) et que la demande d’expulsion fondée sur le non-paiement des loyers est sans objet aujourd’hui.
Du bail commercial
Considérant en droit qu’est réputé bail commercial toute convention, même non écrite, existant entre le propriétaire d’un immeuble ou d’une partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’article 69 (AUDCG) et toute personne physique ou morale permettant à cette dernière d’exploiter, dans les lieux, avec l’accord du propriétaire, toute activité industrielle, artisanale ou professionnelle;
Considérant, dès lors, que la demande de M.E. tendant à obliger TOTAL-CI à signer un bail écrit sous astreinte paraît injustifiée;
Que c’est à bon droit que les premiers juges l’ont débouté de sa demande; qu’il échet de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris sur ce point.
de la résilliation du contrat et de l’expulsion de m.e.
Considérant qu’il convient de donner acte à TOTAL-CI de ce qu’elle a déclaré que M. a payé les loyers y compris ceux qui avaient motivé son expulsion et que la demande d’expulsion fondée sur le non-paiement des loyers est aujourd’hui sans objet;
Considérant, dans ces conditions, que les demandes de résiliation du contrat et d’expulsion de M. deviennent sans objet; qu’il n’y a donc pas lieu ni à résiliation du contrat ni à expulsion de M.
PAR CES MOTIFS
– Déclare M.E. recevable et partiellement fondé en son appel;
– Infirme partiellement le jugement entrepris.
Statuant à nouveau :
– Donne acte à TOTAL-CI de ses déclarations relatives à la résiliation du contrat et l’expulsion de M.E.;
– Déclare les demandes de résiliation de contrat et d’expulsion sans objet;
– Dit n’y avoir lieu à expulsion et à paiement d’astreinte;
– Confirme par substitution de motifs, le surplus.
Et ont signé le Président et le Greffier.