J-02-169
Voir Ohadata J-02-204
procédure collective – liquidation des biens – suspension des poursuites individuelles – saisie conservatoire pratiquée par un créancier du débiteur déclaré en liquidation des biens – suspension de la saisie jusqu’à la clôture de la procédure collective – article 75 aupcAP.
En vertu de l’article 75 AUPCAP, la décision d’ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d’exécution tendant à en obtenir le paiement exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et immeubles du débiteur.
En conséquence, le tribunal doit surseoir à statuer sur l’action en conversion d’une saisie conservatoire en saisie vente exercée par un créancier avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
Article 75 AUPCAP
(Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 852 du 08 mai 2001, Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) c/ la NBA et SDV).
Tribunal hors classe de Dakar
Audience Publique Ordinaire du 08 Mai 2001
Affaire : Compagnie Sucrière Sénégalaise (Mes Kanjo & Koita)
c/
1°) La NBA
2°) SDV Sénégal
(Me Soulèye Mbaye).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leur déclaration respective;
Le Ministère Public, entendu et après avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit du 25 février 2000 de Me Fatma Haris Diop, Huissier de justice à Dakar, la Compagnie Sucrière Sénégalaise dite C.S.S. a assigné la société Les Nouvelles Brasseries Africaines dites NBA et la société SDV en sa qualité de tiers saisi devant la juridiction de céans aux fins d’entendre celle-ci lui donner acte de ce qu’elle ne réclame pas une nouvelle condamnation de la NBA, mais déclarer valable et régulière en la forme, la saisie conservatoire pratiquée et ordonner la conversion en saisie vente, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que par autre exploit du 27 novembre 2000 de Maître Jacques C. d’Erneville, Huissier de justice à Dakar, la CSS a appelé en cause le sieur Idrissa Niang en sa qualité de Syndic de la Liquidation de la société NBA.
EN LA FORME
Attendu qu’il est constant que suivant jugement n° 1538 du 08 avril 2000, le Tribunal de céans, a prononcé la liquidation des biens de la société NBA et désigné le sieur Idrissa Niang en qualité de Syndic de ladite liquidation; que ce dernier est régulièrement appelé en cause;
Attendu qu’aux termes de l’article 72 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, « la décision d’ouverture constitue les créanciers en une masse représentée par le Syndic qui, seul, agit en son nom et dans l’intérêt collectif et peut l’engager; »
Qu’aux termes de l’article 75 du même Acte Uniforme, « la décision d’ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d’exécution tendant à en obtenir le paiement exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et immeubles du débiteur;
Attendu que la suspension des poursuites ainsi prévue à l’article 75 précité s’applique à la CSS qui a introduit son action avant le jugement d’ouverture; qu’il échet, en vertu des dispositions précitées, de surseoir à statuer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
Surseoit à statuer sur l’action de la CSS jusqu’à la clôture de la liquidation des biens des NBA;
– Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Il est exact que l’article 75 AUPC suspend toutes les actions individuelles des créanciers entreprises avant le jugement d’ouverture d’une procédure collective et interdit toutes celles exercées après cette décision, qu’il s’agisse d’actions en demande de paiement ou de mesures conservatoires ou d’exécution contre le débiteur déclaré en cessation des paiements. Cette règle permet de centraliser toutes les demandes en paiement et les mesures d’exécution entre les mains du syndic représentant (liquidation des biens) ou assistant (règlement judiciaire) le débiteur.
Au principe, quatre séries d’exceptions sont prévues, dans lesquelles le créancier peut agir seul contre le syndic ou des tiers : en cas de contestation de son droit ou de sa créance par le syndic; en cas de résolution ou d’annulation du concordat; pour demander l'annulation ou la résolution de contrats passés avec le débiteur; les actions en garantie ou en responsabilité contre des tiers comme, par exemple, les cautions ou les codébiteurs (voir Sawadogo Filifa Michel, Droit des entreprises en difficulté, éd. Bruylant, Bruxelles, n° 211).
L’action de la CSS en demande de conversion d’une saisie conservatoire en saisie exécution ne fait pas partie de ces exceptions et ayant été entamée avant le jugement de liquidation des biens de son débiteur, la NBA, il n’était que normal de la suspendre. Toutefois, on aurait préféré que le tribunal utilisât le mot « suspendre » à l’expression du « sursis à statuer ».
Quoi qu’il en soit, les conséquences de cette décision sont claires : la CSS devra produire sa créance et participer à la distribution des deniers qui résultera de la réalisation de l’actif de NBA.
A la clôture de la procédure, si elle a été totalement désintéressée, sa demande de conversion en saisie vente n’aura pas d’objet; si elle ne l’a pas été du tout ou que partiellement, elle retrouvera sa liberté d’action pour agir contre le débiteur, mais il est douteux qu’elle retrouve les biens saisis à titre conservatoire pour achever l’exécution, dans la mesure où le syndic les aura vraisemblablement réalisés, les saisies antérieures sur ces biens ne lui étant pas opposables.