J-02-171
Arbitrage – SOCIETES COMMERCIALES – CESSION D’ACTIONS – CLAUSE DE REVISION DU PRIX DE LA CESSION EN FONCTION DE LA VARIATION DU PASSIF.
RECOURS EN ANNULATION CONTRE UNE SENTENCE ARBITRALE.
Est licite la clause de révision du prix de la cession d’actions en fonction de la variation du passif net. En l’absence de détermination, par les parties, du mode de détermination du passif net, en matière d’analyse financière, les notions de situation nette, valeur nette ou actif net sont équivalentes (1ère espèce).
Doit être annulée pour violation de sa mission par l’arbitre, la sentence qui ne statue ni en droit ni en équité alors que la mission de l’arbitre est de statuer en amiable compositeur (deuxième espèce)
(Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire, CACI / 02 ARB/99 du 27 Avril 2000. Epoux DELPECH c/ SOTACI, Ecodroit n° 13-14, juillet-août 2002, p. 108, note Abel Kassi). 1ère espèce.
(Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 45 du 27 avril 2001, SOTACI c/ DELPECH Gérard et DELPECH Joëlle, Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 118, note Abel Kassi) 2ème espèce.
Observations Joseph ISSA SAYEGH
LE 27 AVRIL 2000, LE TRIBUNAL ARBITRAL COMPOSE DES MEMBRES SUIVANTS :
– Syndou DIOMANDE, expert-comptable, 06 BP 2334 Abidjan 06, arbitre désigné par les demandeurs,
– Charles AIE, expert-comptable, 01 BP 4050 Abidjan 01, arbitre désigné par la défenderesse,
– André N’GUESSAN-ZOUKOU, Président du tribunal arbitral désigné par les co-arbitres
Siégeant à Abidjan et statuant à l’unanimité de ses membres, a rendu la sentence suivante :
ENTRE :
Les époux DELPECH Gérard et DELPECH Joëlle, domiciliés à Bordeaux, 85, rue de Laseppe, 33000 Bordeaux, représentés par la SCPA AHOUSSOU, KONAN et ASSOCIES 01 BP 1366 Abidjan 01, Tél : 20.22.40.41 / 20.22.40.43,
ET
La SOTACI dont le siège social est sis Abidjan, zone industrielle de Yopougon, 01 BP 2747 Abidjan 01, Tél : 23 46 66 55/23 46 69 23, représentée par Maîtres Théodore HOEGAH & Michel ETTE, Avocats Associés, 01 BP 4053 Abidjan 01, Tél : 20 22 07 02.
I.- RAPPEL DE LA PROCEDURE.
Le 16 février 1998, les époux DELPECH et la société SOTACI signaient une convention de cession de titres. Selon l’article 10 de cette convention, relatif au règlement des différends :
« Tout litige ou différend relatif à l’interprétation ou à l’exécution de la présente convention ainsi qu’à sa résolution ou à sa nullité sera préalablement à toute juridiction arbitrale, soumis à des conciliateurs, chacune des parties en désignant un, sauf le cas où elles se mettraient d’accord sur le choix d’un conciliateur unique.
– Ce ou ces conciliateurs s’efforceront de régler les difficultés qui leur seront soumises et de faire accepter par les parties une solution amiable dans un délai maximum de trois mois à compter de leur désignation;
A défaut de parvenir à cet accord, le différend sera soumis à la décision définitive de trois arbitres siégeant à Abidjan et qui auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs;
– La désignation de ces arbitres et la procédure d’arbitrage seront organisées conformément au règlement d’arbitrage de la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI);
– La sentence arbitrale ne sera susceptible d’aucun recours et les parties s’engagent à l’exécuter spontanément, faute de quoi l’exequatur pourra être demandé à toute juridiction compétente;
La loi applicable à la présente convention est la loi ivoirienne »;
Le 27 décembre 1999, les époux DELPECH, par le canal de leur avocat, la SCPA AHOUSSOU, KONAN et ASSOCIES, déposaient une demande d’arbitrage auprès de la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire, en même temps qu’un mémoire, et désignaient comme arbitre M. Syndou DIOMANDE;
Le 29 décembre 1999, l’enregistrement de la requête en arbitre était notifié à la défenderesse par le Secrétariat Général de la CACI;
Le 30 décembre 1999, l’enregistrement de leur demande d’arbitrage était notifié aux conseils des époux DELPECH;
Le 24 janvier 2000, une demande de suspension de la procédure d’arbitrage était adressée au Secrétariat Général (reçue le 31 janvier 2000) par les conseils de la défenderesse pour règlement amiable en cours;
Le 3 février 2000, la procédure d’arbitrage était suspendue par le Secrétariat général de la CACI et notification de ladite suspension était faite aux parties;
Le 8 février 2000, les demandeurs introduisaient une demande de reprise de la procédure;
Le 9 février 2000, la procédure était reprise par le Secrétariat Général et notification en était faite aux parties;
Le 26 février 2000, la SOTACI déposait un mémoire en réplique daté du 24 février 2000 et désignait M. Charles AIE en qualité de co-arbitre;
Le 2 mars 2000, les co-arbitres désignaient M. André N’GUESSAN-ZOUKOU en qualité de Président du Tribunal arbitral;
Le 13 mars 2000, le Secrétariat Général de la CACI confirmait la désignation des trois arbitres;
Le 21 mars 2000, le tribunal arbitral réunissait les conseils des parties afin de recueillir leurs observations sur le projet d’acte de mission et le calendrier prévisionnel de la procédure qui leur avait été auparavant communiqué et adopter lesdits projets;
A cette réunion, les parties suggéraient des modifications au projet d’acte de mission ainsi qu’au calendrier prévisionnel. Ces modifications étaient intégrées aux documents et une version définitive de l’acte de mission était par la suite communiquée aux parties pour signature;
Le 28 mars 2000, les époux DELPECH déposaient un mémoire en réplique aux écritures de la SOTACI;
Le 30 mars 2000, le tribunal arbitral se réunissait et entendait les parties en présence de leurs avocats. A l’issue de cette audition, et après que les parties aient répondu aux questions du tribunal, les avocats étaient entendus en leurs plaidoiries;
Le 5 avril 2000, les conseils de la SOTACI communiquaient au tribunal arbitral une note de plaidoirie à laquelle les conseils des époux DELPECH répliquaient le 11 avril 2000;
Le 12 avril 2000, les conseils de la SOTACI ayant indiqué qu’ils n’entendaient pas répliquer à la note responsive des époux DELPECH, le tribunal arbitral clôturait les débats;
Le 17 avril 2000, le tribunal arbitral se réunissait pour délibérer et décidait de rendre sa sentence le 27 avril 2000, après communication du projet au Secrétariat Général de la CACI pour observations éventuelles.
II.- FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Attendu que par convention de cession de titres en date du 16 février 1998, les époux DELPECH ont cédé à la sortie SOTACI la totalité des actions qu’ils détenaient dans la société STIL S.A.;
Aux termes de l’article 3 de la convention relatif au prix d’achat et aux conditions de paiement;
3.1.- Le prix d’achat des actions cédées conformément aux présentes, est basé sur une valorisation des actifs immobilisés, pour un montant de huit millions cinq cent mille FF, duquel est déduit le passif net de la société existant au 28 février 1998. Ce passif est provisoirement estimé à trois millions de FF;
Le prix net d’acquisition des titres s’établit donc, sur cette base, à cinq millions cinq cent mille francs français (5.500.000) FF, soit deux cent vingt neuf virgule seize (229,16) FF l’action. Ce prix net, ainsi que, par voie de conséquence, les échéances ci-après stipulées, sont susceptibles de variation en fonction de la situation réelle du passif au 28 février 1998;
En cas de variation du passif, celle-ci modifiera en priorité les échéances les plus éloignées.
3.2.- Le prix net d’acquisition sus-mentionné sera payable aux mandataires sus-nommés, au moyen de quatre virements représentant 25% de ce prix, aux dates ci-après :
Date FF
– 1er virement 30.04.1998 1.375.000
– 2nd virement 31.07.1998 1.375.000
– 3ème virement 31.10.1998 1.375.000
– 4ème virement 31.01.1999 1.375.000
5.500.000
Il est rappelé que le passif prix en charge, estimé comme il est dit ci-dessus, à trois millions de FF, sera repris pour la totalité de son montant révisé avec effet rétroactif au 2 mars 1998;
Attendu que dans le cadre de cette convention, le cabinet Afrique Audit & Consulting, commissaire aux comptes de la société STIL S.A., a transmis au Directeur Général de cette dernière un projet de rapport de commissariat aux comptes au 31 décembre 1997 et un projet de rapport de révision des comptes au 28 février 1998;
Que, sur la base de ce rapport et des informations financières y contenues, les époux DELPECH ont adressé à la société SOTACI le 21 octobre 1998, une correspondance où ils réclamaient à celle-ci le paiement du reliquat du prix de cession, en application de l’article 3 de la convention;
Attendu qu’au soutien de cette demande, les époux DELPECH font valoir que le passif net qui avait été estimé de manière provisoire à FF 3.000.000 a été arrêté définitivement, selon le rapport du commissaire aux comptes, à FF 1.997.908, et que la variation entre ces deux chiffres, soit FF 1.002.091,89 doit leur être, conformément à l’article 3 de la convention, payée par la SOTACI; que la SOTACI est mal fondée à venir contester seulement le 3 février 2000, un mode de détermination du passif net prévu par une clause de la convention qu’elle estime être essentielle et dont les époux DELPECH avaient explicitement fait état un mois après l’arrêté des comptes définitifs, soit le 21 Octobre 1998;
Qu’elle ne saurait arguer d’une erreur d’interprétation ou d’appréciation, dans la mesure où dans un courrier en date du 5 janvier 1999, elle n’a pas remis en cause le mode de calcul du passif net sur lequel se fondaient les époux DELPECH, mais a fait valoir l’existence de pertes sur des éléments de l’actif circulant, qui devaient être ajoutés à « la valeur nette négative de le société au 28 février 1998 », de sorte que le solde complémentaire à payer à la SOTACI en référence à l’article 3 de la convention s’élevait à FCFA 2.720.166;
Que la SOTACI ne peut non plus soutenir qu’elle a fait totale confiance aux époux DELPECH, dès lors que :
• c’était l’une des clauses essentielles du contrat qui était mise en application;
• que la réclamation des époux DELPECH portait sur plus de 100 millions de FCFA;
• que la négociation avait été menée pendant plus de trois mois, que les époux DELPECH se fondaient sur un mode de détermination du passif net qui s’écartait totalement du mode sur lequel, selon la SOTACI, les deux parties s’étaient entendues;
• qu’une société comme la SOTACI, habituée au rachat des sociétés, ne pouvait se faire « flouer »;
Que la morale des affaires imposant le respect des engagements librement convenus et le respect du principe selon lequel la convention est la loi des parties, les époux DELPECH ne commettent pas d’abus de droit en réclamant l’exécution du contrat;
Que l’enrichissement des époux DELPECH a pour cause le contrat lui-même;
Qu’enfin le prix de cession de la société STIL est un prix réel fondé sur une valeur de marché et qu’il ne peut être affirmé que cette société « ne valait pas un sou »;
Attendu que les époux DELPECH réclament de surcroît :
– les intérêts conventionnels calculés conformément aux articles 3.2 et 3.4 de la convention et qui s’élèvent à FCFA 15.707.790;
– la condamnation sous astreinte de FCFA 1.000.000 par jour de retard de la SOTACI à produire les contrats d’avarie à l’Union Africaine Lomé, conformément aux dispositions contractuelles;
– la condamnation de la SOTACI aux dépens comprenant les frais d’honoraires couverts par eux et tous les frais taxables qui découleront de la procédure arbitrale;
– la condamnation de la SOTACI au paiement de FCFA 50.000.000 à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive;
Attendu que la SOTACI estime pour sa part que le passif net, selon les états financiers arrêtés par le commissaire aux comptes de la STIL, s’élève à FCFA 363.984.181 et que la différence entre ce montant et celui de FCFA 3.000.000 représentant le passif provisoire, soit FCFA 63.984.181 lui est due par les époux DELPECH, en application du même article 3.1 de la convention de cession;
Qu’elle explique que le passif net est le passif résiduel consécutif à la couverture des dettes par la réalisation de l’actif circulant et que cette qualification ayant été librement faite par les parties, il ne s’agit pas d’un nouveau mode de détermination du passif net;
Qu’elle estime que le litige a un caractère comptable et non pas juridique et que les époux DELPECH ont confondu les notions de passif net et d’action net, car si l’actif net négatif est bien de FCFA 199 millions, le passif net s’établit, lui, à 363.984.181 FCFA;
Que si la SOTACI a admis implicitement (et non explicitement) dans son courrier du 5 janvier 1999 que le niveau du passif était d’environ 199 millions de FCFA, cela résulte d’une erreur d’interprétation, voire d’appréciation à la fois de la situation financière de la STIL et du contenu des courriers des époux DELPECH;
Qu’en fait, du fait de la confiance totale faite aux époux DELPECH, la SOTACI n’a jamais sérieusement analysé les comptes de la STIL pour évaluer le niveau du passif réel, et que lorsque cette analyse a été faite, il est apparu un surcoût de ladite société que les règles relatives au paiement de l’indu et à l’enrichissement sans cause obtient à réclamer (sic);
Que les comptes de la société STIL ne faisant pas état d’un passif net inférieur à 300 millions de francs CFA justifiant le paiement d’un prix additionnel, les époux DELPECH doivent être condamnés à rembourser à la SOTACI la somme de FCFA 63.984.181;
Que par ailleurs, elle conteste :
– la réclamation par les époux DELPECH d’intérêts conventionnels;
– la condamnation aux dépens sollicités par les époux DELPECH;
– la réclamation du paiement de FCFA 50.000.000 de dommages-intérêts;
Qu’elle sollicite enfin la condamnation des époux DELPECH aux entiers dépens et frais d’arbitrage.
III.- Expose des motifs.
3.1.- Sur la demande principale.
3.1.1.- Remarques préliminaires.
Attendu que le problème de droit réside dans la question de savoir sur quel mode de détermination du passif net les parties se sont accordées et plus précisément, si le passif net évoqué à l’article 3 de la convention correspond aux notions comptables d’actif net ou de besoin en fonds de roulement;
Attendu que ce problème est d’abord juridique avant que d’être comptable;
Qu’en effet, il s’agit ici d’appliquer les dispositions d’une convention;
Que si le Tribunal arbitral peut écarter l’application de certaines dispositions de la convention dans le cas où elles seraient contraires à l’ordre public, il ne se trouve pas en l’espèce dans cette situation, car la définition du passif net n’est pas une disposition d’ordre public;
Que pour la résolution du problème, le Tribunal se doit de rechercher d’abord dans la convention, les éléments de réponse à la question posée, puis, dans le silence de la convention, il doit rechercher par tous moyens la volonté des parties, et enfin, si cette recherche est infructueuse, il doit appliquer les règles de détermination du passif net reconnues et acceptées par la profession comptable et/ou les analystes financiers.
3.1.2.- L’analyse de la convention.
Attendu que la convention de cession des titres ne définit, dans aucun de ses articles, la notion de passif net.
Qu’il échet de rechercher la volonté des parties.
3.1.3.- La volonté des parties.
Attendu que la volonté des parties peut s’exprimer au travers de leurs déclarations à l’audience ou dans leurs mémoires et conclusions, ou à travers les correspondances échangées, ou encore résulter de témoignages.
3.1.3.1.- Les déclarations des parties.
Attendu que les déclarations des parties sont diamétralement opposées;
Qu’en effet, les époux DELPECH soutiennent que le passif net correspond à la notion financière et comptable d’actif net négatif, alors que la SOTACI affirme que le passif net est équivalent au besoin en fonds de roulement;
Que la version de la SOTACI, selon laquelle le passif net provisoire a été calculé sur la base des éléments bilantiels connus au 31 décembre 1997, en déduisant du passif circulant l’actif circulant et les disponibilités, présente tous les caractères de l’objectivité, dans la mesure où les états financiers définitifs à cette date donnent à peu de millions près, le passif net calculé selon cette méthode;
Que cependant, la SOTACI elle-même déclare qu’il ne faut pas assimiler les éléments bilantiels connus au 31 décembre 1997 et les éléments bilantiels au 31 décembre 1997;
Que, sauf à disposer de ces éléments bilantiels connus, le Tribunal arbitral serait mal fondé à estimer, sur la base des éléments bilantiels au 31 décembre 1997, que la méthode utilisée pour la détermination du passif net provisoire est celle décrite par la SOTACI;
Qu’il aurait donc été opportun, pour la manifestation de la vérité, que la SOTACI conserve ces éléments bilantiels connus au 31 décembre 1997 afin de pouvoir les produire au Tribunal arbitral au soutien de sa version des faits;
Qu’en l’absence de ces éléments, le Tribunal n’a aucune raison de privilégier une version des faits plutôt qu’une autre.
3.1.3.2.- Les correspondances entre les parties.
Attendu que la lecture des différents courriers échangés entre les parties du 21 octobre 1998, date de la lettre de réclamation par les époux DELPECH, du paiement du complément de prix, au 3 février 2000 montre que si, dès le départ, les époux DELPECH ont clairement fondé leur demande sur une détermination du passif net par la méthode de l’actif net, la SOTACI n’a, non seulement jamais fait valoir sa propre méthode de calcul, mais aussi jamais contesté celle des demandeurs;
Qu’alors qu’à l’audience du 30 mars 2000, la SOTACI déclarait qu’à son avis la clause la plus importante de la convention était celle contenue dans l’article 3 et relative à la détermination du prix, elle n’a paradoxalement jamais pris soin de s’assurer, dès la lettre de réclamation des époux DELPECH, que le mode de calcul adopté par ceux-ci était conforme à celui qui, selon elle, avait été convenu lors de la signature de la convention;
Qu’une telle négligence, qu’elle explique par un excès de confiance dans les époux DELPECH et des erreurs d’interprétation, est d’autant plus invraisemblable que le groupe EUROFIND dont fait partie la SOTACI, n’en est pas à son premier rachat de société et que dans cette opération, elle était assistée par au moins un avocat conseil juridique et fiscal;
Qu’enfin, si la confiance et l’absence de contrôle peuvent se comprendre pour des marchés portant sur des sommes non significatives, elles deviennent incongrues lorsque les sommes en cause sont susceptibles d’atteindre, comme en l’espèce, plus de 650 millions de FCFA, paiement complémentaire compris;
Attendu que par ailleurs, la SOTACI, dans un courrier en date du 5 janvier 1999, écrivait :
« Cette perte doit être ajoutée sur la valeur nette négative de la société au 28.02.1998, soit (199.790.811) FCFA + (74.489.023) FCFA = 274.279.834 FCFA;
Le solde complémentaire à payer par la SOTACI au 31.01.1999, en référence à la convention en (son) article 3, s’élève alors à 300.000.000 – 274.279.834 = 25.720.166 FCFA;
Qu’il n’est pas superflu de préciser qu’en matière d’analyse financière, les notions de situation nette, valeur nette ou actif net sont équivalentes;
Que dans ce courrier et en ces deux phrases, la SOTACI :
• admettait implicitement que le passif net visé par l’article 3 de la convention correspondait à l’actif net négatif;
• entérinait le mode de détermination du passif net tel qu’adopté par les époux DELPECH, confirmait que ce mode de détermination était conforme à l’article 3 de la convention de cession;
Que la SOTACI ne peut donc reprocher aux époux DELPECH d’avoir commis une confusion grotesque entre actif net négatif et passif net, puisque dans le courrier précité, elle avait admis cette équivalence tout en cherchant à en diminuer l’impact sur la somme qu’elle devait payer au titre du complément de prix;
Qu’enfin, si la SOTACI avait eu des raisons sérieuses de contester le mode de calcul utilisé par les époux DELPECH, l’article 3 lui donnait la possibilité d’imputer sur les échéances les plus éloignées, le montant de la variation du passif en sa faveur;
Qu’alors que dès le 21 octobre 1998, il apparaissait clairement à travers le courrier des époux DELPECH à cette date, et les courriers suivants, que la variation du passif net allait donner lieu à des contestations, la SOTACI a continué à payer les troisième et quatrième échéances sans jamais soulever de contestation sur le mode de détermination du passif net, admettant ainsi que non seulement les 550.000.000 étaient dus, mais qu’un complément de prix dont le montant était en cours de fixation restait à payer;
Attendu que tous ces éléments de fait tirés des échanges de correspondance entre les parties et de leur audition permettent au Tribunal arbitral de dire que le passif net au 28 février 1998 visé par l’article 3 de la convention de cession correspond à l’actif net négatif de la société STIL à cette date, tel qu’il ressort des états financiers produits par le commissaire aux comptes de ladite société, à savoir FCFA 199.790.811;
Qu’il échet en conséquence de prononcer la condamnation de la SOTACI au paiement de la somme de FCFA 100.209.189 aux époux DELPECH au titre du complément de prix de cession des actions de ceux-ci à la SOTACI, complément de prix calculé de la manière suivante :
– Valorisation des actifs immobilisés FCFA + 850.000.000
– Passif net définitif FCFA - 199.790.811
- Prix de cession des actions FCFA 650.209.189
– Paiements déjà effectués par SOTACI FCFA - 550.000.000
- Reliquat de prix à payer par SOTACI FCFA 100.209.189
3.2.- SUR LES AUTRES CHEFS DE DEMANDE
3.2.1.- Les intérêts conventionnels.
Attendu que les paiements des troisième et quatrième échéances n’ont été payés que partiellement, sans que n’y soit ajouté le complément de prix de FCFA 100.209.189;
Qu’en application de l’article 3.4 de la convention, des intérêts de retard doivent être appliqués;
Attendu que le retard sur la troisième échéance porte sur la moitié du complément de prix, soit FCFA 50.104.500 et que la durée du retard constatée au 27 décembre 1999, date de dépôt de la demande d’arbitrage, est de 14 mois;
Que les intérêts conventionnels sur cette troisième échéance sont de : 50.104.500 x 8,55 % x 14/12 = 4.676.420 FCFA;
Attendu que le retard sur la quatrième échéance porte sur la moitié du complément de prix, soit FCFA 50.104.500 et que la durée du retard constatée au 27 décembre 1999, date de dépôt de la demande d’arbitrage est de 12 mois;
Que les intérêts conventionnels sur cette quatrième échéance sont de : 50.104.500 x 8,55 % x 11/12 = 3.926.940 FCFA;
Qu’il échet de condamner la SOTACI à payer aux époux DELPECH la somme de FCFA 8.603.360 au titre des intérêts de retard.
3.2.2.- L’astreinte.
Attendu que la production des constats d’avarie n’a pas un caractère d’urgence avéré et ne présenterait d’intérêt pour les époux DELPECH que dans la mesure où le manquant sur poids constaté aurait été imputé sur le prix de cession des actions par la SOTACI, ce qui n’est pas le cas;
Qu’il échet de débouter les époux DELPECH de ce chef de demande.
3.2.3.- Les dépens.
Attendu que le montant global des frais d’arbitrage s’élève à FCFA 12.717.232 se décomposant comme suit :
– 2.239.703 FCFA au titre des frais administratifs,
– 10.497.529 FCFA au titre des honoraires des trois arbitres.
Attendu que la SOTACI succombe à l’instance et qu’il y a lieu de mettre ces frais à sa charge exclusive;
Que la SOTACI ayant déjà versé à la CACI une partie des frais dus, il y a lieu de la condamner au remboursement aux époux DELPECH, de la somme de FCFA 6.396.616 déjà versée par eux dans le cadre de la procédure, et qui se répartit comme suit :
– Avance sur frais administratifs FCFA 50.000
– Premières provisions FCFA 2.000.000
– Reliquat des frais FCFA 4.343.616
Attendu que les époux DELPECH ne précisent ni ne justifient la nature des autres frais taxables dont le remboursement est sollicité;
Qu’il convient, sur ce point, de débouter les demandeurs en l’état.
3.2.4.- Les dommages-intérêts
Attendu que les circonstances de l’espèce ne permettent pas de déceler une résistance abusive de la SOTACI au paiement des sommes dues; que même si tel était le cas, les intérêts de retard convenus à l’article 3.4 de la convention de cession permettent de compenser le préjudice matériel subi du fait de cette éventuelle résistance;
Qu’il y a lieu de débouter les époux DELPECH de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
Les arbitres jugent que :
– Le passif net définitif de la société STIL au 28 février 1998 s’élève à FCFA 1.199.790.811 et que le complément de prix de cession à payer par la SOTACI aux époux DELPECH est de FCFA 100.209.189.
– Les intérêts de retard conventionnels à payer par la SOTACI aux époux DELPECH en application de l’article 1.4 de la convention s’élèvent à FCFA 8.603.160.
Et condamnent la SOTACI à payer aux époux DELPECH :
– au principal la somme de 100.209.189 FCFA au titre du complément de prix de cession des actions de la société STIL S.A.;
– au titre des intérêts de retard conventionnels, la somme de 8.603.360 FCFA.
La condamnent également à rembourser aux époux DELPECH la somme de 6.393.616 FCFA représentant les frais de la présente procédure exposés par ces derniers.
Fait à Abidjan, le 27 avril 2000.
Cour d’Appel d’Abidjan
arrêt n°45 du 27.04.2001
Affaire : SOTACI (Mes HOEGAH et ETTE)
c/
DELPECH Gérard
DELPECH Joëlle (SCPA AHOUSSOU et KONAN).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï le Ministère Public;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit en date du 6 juin 2000, la société SOTACI représentée par ADHAM El Khalil, ayant pour conseils Mes Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats à la Cour, a initié devant la Cour d’Appel de ce siège, une procédure d’annulation d’une sentence arbitrale en date du 27 avril 2000, dont le dispositif est ainsi conçu :
Le passif net définitif de la société STIL au 28 février 1998, s’élève à 199.790.811 F et que le complément de prise de cession à payer par la SOTACI aux époux DELPECH est de 100.209.189 francs;
Les intérêts de retard conventionnels à payer par la SOTACI aux époux DELPECH, en application de l’article 34 de la convention, s’élèvent à 8.603.360 francs;
Condamne donc la SOTACI en paiement de ces sommes, outre 6.393.616 F, représentant le remboursement aux époux DELPECH, des frais par eux exposés lors de la présente procédure;
Au soutien de son action, la société SOTACI a exposé dans son exploit introductif d’instance daté du 16 février 1998, que la société de droit togolais dénommée STIL, représentée par les époux DELPECH, lui a cédé la totalité de ses actions pour un montant de 850.000.000 F, et les parties ont décidé de déduire de ce montant le passif net de la société STIL, provisoirement évalué à 300.000.000 F, réduisant de la sorte le prix net d’acquisition des actions à 550.000.000 F, avec paiement échelonné, dont la dernière échéance réglée était fixée au 31 Janvier 1999;
Mais une fois en possession de la totalité de cette somme, les époux DELPECH ont estimé que la SOTACI leur doit encore la somme de 100.109.189 F au motif que le passif net tel qu’il apparaît au bilan établi au 28 février 1998, par le Cabinet Audit et Consulting, s’élevait à 199.790.811 F; alors que pour la concluante, les époux DELPECH lui doivent la somme principale de 63.984.181 F, en application des dispositions de l’article 3.1 de la convention de cession du 16/02/1998; ainsi, en rendant cette décision, précise la requérante, la Cour arbitrale a violé la mission d’amiable composition dont sont investis les arbitres, et qui procède d’une confusion entre les notions comptables d’actif net et de passif net;
La SOTACI estime de ce qui précède, que cette sentence encourt l’annulation parce que contraire aux stipulations de l’article 10 alinéa 2 de leur convention, les arbitres ayant statué sans se conformer à leur mission;
« Statuer en amiables compositeurs », c’est-à-dire en équité suivant la morale des affaires, en recherchant si le prix payé par le concessionnaire correspond au juste prix de la transaction;
La situation financière de la société s’étant dégradée de 164.773.151 F du 1er janvier au 28 février 1998;
Que mieux, poursuit la SOTACI, bien que les arbitres aient choisi un raisonnement juridique, leur sentence ne repose sur aucun fondement juridique, alors qu’en désignant les experts comptables, les parties savaient que leurs différends présentaient un caractère avant tout comptable; il est donc troublant de voir ceux-ci écrire que « compte tenu des échanges de correspondances intervenus entre les parties, le passif net de la Société STIL au 28-02-1998 correspond à son actif net à la même date, alors même que l’un est l’inverse de l’autre;
En clair, les arbitres ont dénaturé la convention des parties en son article 3 et méconnu les règles d’évaluation d’une entreprise;
Qu’une exacte application de ce texte permet pourtant de chiffrer sur le plan comptable, la valeur de rachat de la société STIL, après valorisation des actifs immobilisés, comme suit :
Valorisation des actifs immobilisés : 850.000.000 F
Actif circulant : 247.563.614 F
Total : 1.097.563.614 F
et en prenant en compte le passif total de 611.547.795 F, la valeur de rachat s’établit à 486.015.813 F, dégageant ainsi, un trop-payé de 63.984.181 F;
Qu’elle réclame aux époux DELPECH, car au moment de la signature de la convention, la situation financière de la société ne s’était pas améliorée au point d’amener la concluante au payement de somme supplémentaire;
Le passif net de 300 millions de francs initialement arrêté, provenant de surcroît des pièces comptables produites par les époux DELPECH eux-mêmes;
La SOTACI conclut donc à l’annulation de cette sentence arbitrale, et à la condamnation des requis à lui payer les 63.984.181 F réclamés;
Pour leur part, les époux DELPECH, par écriture du 14 juillet 2000 de leurs conseils Me AHOUSSOU KONAN et Associés, Avocats à la Cour, relèvent que le traité OHADA, applicable en l’espèce, ne donne pas clairement à la Cour d’Appel compétence pour annuler les sentences arbitrales;
Qu’ils penchent plutôt pour le Tribunal de Première Instance;
Par ailleurs, ils soutiennent que si l’article 25 de l’Acte Uniforme (sur l’arbitrage) donne pouvoir aux parties d’exercer un recours, il ne leur interdit pas d’y renoncer et de ce qu’ils ont exprimé dans l’acte de cession, « la sentence arbitrale ne sera susceptible d’aucun recours, et que les parties s’engagent à l’exécuter spontanément »;
Ils expliquent également que le recours à la cause d’amiable composition comporte un effet particulier qui est la renonciation automatique à l’appel;
Ils concluent dès lors, à l’irrecevabilité de cette action;
Evoquant le pouvoir de statuer en amiables compositeurs, ils soutiennent que ce n’est qu’une faculté qui est laissée aux arbitres, qui ne sont nullement tenus d’y recourir;
A travers les conclusions additionnelles en réplique de leurs conseils, en date du 18 octobre 2000, la société SOTACI fait remarquer que suivant l’article 25 de l’Acte Uniforme (sur l’arbitrage), seule la Cour d’Appel est compétente pour statuer en annulation, les Tribunaux ne rendant souvent pas de jugement en dernier ressort;
De même, précise-t-elle, la convention de cession de titres prévoyant la clause compromissoire a été établie en février 1998, donc avant l’entrée en vigueur du Traité OHADA relatif à l’arbitrage; c’est pourquoi la convention précise que seule la loi ivoirienne du 9 Août 1993 relative à l’arbitrage lui est applicable;
Et l’article 42 de cette loi précise « qu’un recours en annulation de l’acte qualifié de sentence arbitrale peut néanmoins être formé, malgré toute stipulation contraire »;
Il en résulte ainsi que les parties ne peuvent valablement renoncer à cette voie recours;
Que du reste, l’article 6 du code civil énonce que : » l’on ne renonce valablement qu’a un droit acquis et non à un droit futur »;
Vouloir le contraire consacrerait l’infaillibilité du Tribunal arbitral.
Ce qui du reste, ne résulte point de la volonté des parties;
Revenant sur le non-respect par les arbitres de leur mission, la SOTACI déclare que statuer en amiable compositeur consiste à trancher le litige en équité, et l’arbitre qui appliquerait strictement les règles de droit pourrait être sanctionné, car suivant l’article 15 in fine de l’acte uniforme, l’amiable composition pour un arbitre n’est pas un simple pouvoir, mais une véritable mission que la jurisprudence française, produite par la partie adverse, précise que « l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité, à peine de trahir la mission qui lui a été confiée »;
Car non soumis à une règle unique pour trancher le litige, l’arbitre doit nécessairement recourir aux usages professionnels, rechercher un certain équilibre contractuel en solution juste; tel n’a pas été le cas de l’espèce, où les arbitres ont confronté les notions comptables ou financières d’actif net et de passif net, pour parvenir à la condamnation de la concluante de prix (sic); alors que la seule question à laquelle ils étaient tenus de répondre était celle de dire ce qu’il convient d’entendre au point de vue comptable ou financier par passif net;
Les arbitres se sont acharnés sur la SOTACI qui n’aurait pas fourni les éléments bilantiels connus au 31/12/1997, alors que ce document fourni par dame GARJEAN, à l’époque secrétaire comptable de la société STIL, est versé au dossier, qui conforme la thèse suivant laquelle le mode de détermination du passif net retenu par les époux DELPECH est identique à celui proposé par la SOTACI;
De ce qui précède, elle sollicite l’annulation de la sentence et la condamnation des époux DELPECH à lui payer la somme sus-indiquée et aux dépens;
Par voie de conclusions en réplique de leurs conseils en date du 28 novembre 2000, les époux DELPECH réitèrent leur doute sur la compétence de la Cour d’Appel et relèvent qu’en cas d’annulation, le juge compétent ne peut évoquer;
Par un jeu de conclusions en réplique daté du 26/12/2000, la SOTACI, par l’entremise de ses conseils, demande aux intimés de faire une bonne lecture de l’article 6 du code de procédure civile qui règle le problème de compétence des juridictions;
Le Ministère Public, qui a eu communication du dossier de la procédure, a conclu s’en rapporter.
MOTIFS
Détermination de la juridiction compétente.
Suivant l’article 25 de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage, « la décision d’annulation de la sentence arbitrale n’est susceptible que de pourvoi en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage;
En droit ivoirien, ce sont les arrêts de la Cour d’Appel, parce que rendus en dernier ressort, qui font l’objet d’un pourvoi en cassation;
Dès lors, toute allusion au Tribunal est inopérante, car celui-ci ne statue en dernier ressort que pour des litiges dont l’intérêt n’est pas supérieur à 500 millions de francs (sic). Ce qui n’est pas le cas d’espèce.
Il échet par conséquent de rejeter les doutes émis sur la compétence de la Cour d’Appel en cette matière.
De la recevabilité de l’action de la SOTACI.
S’il est exact que la convention de cession des titres du 16 février 1998 dispose que « la sentence arbitrale ne sera susceptible d’aucun recours, et que les parties s’engagent à l’exécuter spontanément », il convient aussi de relever que la loi ivoirienne du 9 Août 1993, relative à l’arbitrage, sous l’empire de laquelle les parties se sont engagées, dispose en son article 42 alinéa 2, « qu’un recours en annulation contre la sentence arbitrale est recevable malgré toute stipulation contraire ».
Ainsi, la Cour ne peut occulter cette volonté affichée des parties au moment de la conclusion de leur contrat, malgré la récente apparition du Traité « OHADA », présentement applicable;
Il résulte de ce qui précède que cette renonciation au recours en annulation est réputée non écrite;
Du reste sur ce chapitre, l’article 6 du code civil est sans équivoque : « on ne peut déroger par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public ».
Du bien-fondé de la requête
Suivant l’article 10 de la convention des parties, « tout différend les opposant sera soumis à la décision définitive de trois arbitres siégeant à Abidjan, et qui auront le pouvoir de statuer comme amiables compositeurs », en d’autres termes et suivant la jurisprudence de la Cour de cassation Française, acceptée par les parties, l’amiable compositeur a l’obligation de confronter les solutions légales à l’équité, à peine de trahir la mission qui lui est confiée.
Sur ce chapitre, les époux DELPECH, dans leur conclusion du 14 juillet 2000, en page 9 écrivent que « si les arbitres avaient suivi la société SOTACI, dans les prétentions, ils auraient statué en droit »;
Ils soutiennent à la fin de cette page 9, que : « la société SOTACI ne peut faire de l’amiable composition, simple faculté laissée à la libre appréciation des arbitres, une obligation de statuer »;
Ainsi, pour les époux DELPECH, les arbitres n’ont statué ni en droit, ni en équité;
Or c’est le même reproche que leur fait la SOTACI en page 6 de son exploit d’appel, à savoir que la sentence rendue ne repose sur aucune motivation ou raisonnement que l’on pourrait qualifier de juridique, mais plutôt sur une appréciation toute partisane des faits;
Alors que leur véritable mission en tant que professionnels de la comptabilité devait les amener de définir le « passif net », aucune indication n’étant fournie par les parties sur cette notion »;
Par ailleurs, il y a contradiction entre les motifs de la sentence et son dispositif, lorsqu’elle soutient que la version de la SOTACI sur le passif net provisoire présente en nous (!) les caractères de l’objectivité, et dans le même temps, prononcé des condamnations à son encontre;
Ainsi, il résulte de ce qui précède, que manifestement les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission et en application de l’article 26 de l’Acte Uniforme précité, leur sentence encourt l’annulation;
De la demande en évocation présentée par la SOTACI.
L’article 29 de l’acte uniforme dispose qu’en cas d’annulation de la sentence arbitrale, il appartient à la partie la plus diligente d’engager si elle le souhaite, une nouvelle procédure arbitrale »;
Par conséquent, la Cour d’Appel saisie en annulation ne peut évoquer l’affaire;
Il échet donc de rejeter cette demande, et renvoyer la SOTACI à mieux se pourvoir;
Par ailleurs, la présente sentence étant annulée, les frais exposés par chacune des parties restent à sa charge.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière arbitrale, et en dernier ressort,
– Reçoit la société SOTACI en sa procédure en annulation dirigée contre la sentence arbitrale en date du 27 avril 2000.
AU FOND
– L’y dit partiellement fondée;
– Annule la sentence dont s’agit;
– Rejette la demande de la sentence de la SOTACI tendant à l’évocation de l’affaire;
– Dit que les faits exposés par chacune des parties resteront à sa charge.
Président : SEKA ADON Jean Baptiste
Conseillers : ZEBEYOUX Aimée
DIALLO Mahamadou
Greffier : Me Issouffou OUATTARA.
Observations de Maître Abel KASSI, Avocat
I. SUR LA SOUMISSION DES SENTENCES ARBITRALES RENDUES PAR LA CACI AUX DISPOSITIONS DE L’ACTE UNIFORME SUR L’ARBITRAGE ET LE DROIT D’ARBITRAGE
Aux termes de l’article 25 alinéa 1 de l’Acte Uniforme sur l’arbitrage 1 :
« Les sentences arbitrales rendues conformément aux stipulations du présent titre ont l’autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie, au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l’Etat ».
Il en résulte que, pour que la sentence arbitrale ait autorité de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie, il faut qu’elle soit rendue conformément aux stipulations du titre IV de l’acte uniforme.
L’article 21 alinéa 2 du titre IV de l’acte uniforme 2 est ainsi conçu :
« La Cour de justice et d’arbitrage ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou confirme les arbitres, est informée du déroulement de l’instance, et examine les projets de sentences, conformément à l’article 24 ci-après. »
Apparemment, il résulte de la combinaison de ces deux dispositions que la sentence arbitrale n’a autorité de chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie que si les arbitres ont été nommés ou confirmés par la cour de justice et d’arbitrage, ou si cette dernière a examiné le projet de sentence conformément à l’article 24 du traité de l’OHADA sur l’arbitrage.
Mais, raisonner de cette manière, c’est perdre de vue les dispositions impératives de l’article 1 de l’acte uniforme sur le droit de l’arbitrage, lequel dispose : « Le présent acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal se trouve dans l’un des Etats parties. »
Il s’ensuit que toute sentence arbitrale rendue par un tribunal arbitral sis dans l’un des Etats-parties signataires de l’acte uniforme est soumise aux dispositions du traité sur le droit de l’arbitrage.3
En l’espèce, bien que ni les motifs, ni les dispositifs de la sentence arbitrale rendue par la cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire dite CACI ne (fassent) état d’une quelconque confirmation des arbitres par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, encore moins de l’information de celle-ci de l’existence d’une procédure d’arbitrage, la sentence de la CACI reste soumise aux dispositions de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.4
L’élément de rattachement est le siège de la CACI à Abidjan ou en Côte d’Ivoire, pays signataire des traités sus-évoqués.
La cour aurait dû déterminer au préalable, la loi applicable, avant de statuer sur sa propre compétence.
II.- La compétence de la cour d’appel pour connaître d’un recours en 3l’interdit formellement ».
Il résulte de la combinaison de toutes ces dispositions, que seule la cour d’appel est compétente pour connaître d’un recours en annulation contre une sentence arbitrale 5.
En d’autres termes, il appartient incontestablement à la juridiction d’Etat qu’est la Cour d’Appel, non seulement de contrôler les conditions dans lesquelles les parties ont convenu de l’arbitrage et celles dans lesquelles les arbitres ont rendu leur sentence, mais encore de s’assurer que dans l’exercice des voies de recours qui leur sont ouvertes, les parties ont préservé leur bonne foi.
Le droit judiciaire privé se voulant être formaliste, le mode d’exercice de la voie de recours ou la forme de l’acte emportant exercice d’une voie de recours participe de la recevabilité dudit recours.
La loi ne détermine pas le mode de saisine de la cour d’appel relativement au recours en annulation de la sentence arbitrale.
Pour certains praticiens, le recours en annulation de la sentence arbitrale étant de la compétence de la cour d’appel, ledit recours est introduit dans les mêmes formes que l’appel.
A notre humble avis, ledit recours n’étant pas un appel relevé contre la sentence arbitrale, mais un recours exceptionnel, il s’introduit par voie de requête, notamment une requête aux fins d’annulation d’une sentence arbitrale.
Peut-être qu’un jour, la jurisprudence nous situera définitivement sur le mode d’exercice de cette voie de recours exceptionnelle.
Il faut toutefois regretter que la cour d’appel, dans le présent arrêt, n’ait pas eu à se prononcer explicitement sur ce mode de saisine.
2.2.- L’autre problème reste de savoir si la cour d’appel, saisie par voie d’appel relevé contre une sentence arbitrale, peut (-elle) transformer cet appel en recours en annulation ?
Il est de règle, en procédure civile, que la juridiction d’appel saisie d’une voie de recours tendant soit à la reformation de la décision querellée, soit à la rétractation de ladite décision, ne peut substituer une voie de recours à une autre. Il en va de même pour les plaideurs.
Autrement dit, saisie par voie d’appel aux fins de réformation d’un jugement, la cour ne peut transformer ledit appel en acte d’opposition.
Contrairement à l’article 1487 nouveau du code de procédure civile française, aucune disposition d’un autre code de procédure ne donne à la cour d’appel cette faculté (6).
Or en l’espèce, il résulte des énonciations de l’arrêt n° 456 rendu le 27 avril 2001 par la cour d’appel d’Abidjan que, suivant exploit en date du 06 juin 2000 de Maître DJOUKA Emilie, la société SOTACI a déclaré relever appel de la sentence arbitrale en date du 27 avril 2000, et par le même exploit d’huissier, donné assignation à Monsieur DELPECH Gérard et dame DELPECH Joëlle.
Il est aussi établi, à s’en tenir à la lecture de l’arrêt, que la SOTACI a conclu à l’annulation de la sentence arbitrale et à la condamnation des requis à lui payer la somme de FCFA 63.984.181.
A notre humble avis, la cour aurait dû déclarer son appel irrecevable conformément à l’article 25 alinéa 1 du traité de l’OHADA sur le droit d’Arbitrage 7 :
« La sentence arbitrale n’est pas susceptible d’opposition, d’appel ni de pourvoi en cassation. »
En acceptant de substituer à l’acte d’appel un recours en annulation, la cour n’a pas donné une base légale à son arrêt et sa décision est loi d’être satisfaisante sur ce point.
III.- La cour d’appel et le contrôle des motifs de la sentence arbitrale
3.1.- Dans le système classique, le contrôle des motifs des décisions rendues par les juridictions étatiques incombe à la cour suprême.
Exceptionnellement, le législateur a conféré cette prérogative à la cour d’appel pour les sentences arbitrales.
En d’autres termes, il incombe à la cour d’appel de contrôler les conditions dans lesquelles les arbitres ont rendu leurs sentences et si ces derniers ont su bâtir un raisonnement cohérent dans la résolution du litige à eux soumis.
Aux termes de l’article 20 in fine de l’Acte Uniforme sur le droit d’arbitrage :
« …Elle (la sentence arbitrale) doit être motivée. »
L’article 26 in fine du même acte ajoute :
« ….Le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :
– si la sentence arbitrale n’est pas motivée. »
L’exigence des motifs dans la sentence arbitrale n’est rien d’autre que l’application de la règle selon laquelle tout acte juridictionnel doit être motivé.
Sont nulles toutes décisions juridictionnelles qui ne contiendraient pas de motifs ou dont les motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la juridiction régulatrice d’exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été appliquée dans le dispositif.
Le défaut de motifs peut prendre quatre (4) formes :
– l’absence de motifs,
– l’insuffisance des motifs,
– la contradiction entre les motifs,
– l’obscurité des motifs.
Le contrôle des motifs de la sentence arbitrale par la cour d’appel passe nécessairement par la détermination des motifs à contrôler, tant un acte juridictionnel peut comporter trois (03) sortes de motifs :
– les motifs qui font partie intégrante des dispositifs,
– les motifs qui sont le soutien nécessaire et indispensable de la solution finale,
– les motifs qui sont surabondants.
3.2.- C’est en principe une distinction formelle qui sépare le dispositif et les motifs d’une décision judiciaire et d’une sentence arbitrale.
Le rédacteur du jugement ou de la sentence arbitrale, dans une courte récapitulation du « par ces motifs », réalise lui-même le cloisonnement.
Si la presque unanimité du jugement et des sentences arbitrales obéissent à cette règle simple et commode, il arrive parfois que certaines parties d’un dispositif aient pris place auprès de la motivation soit par inadvertance, soit parce que le juge ou l’arbitre n’a pas estimé nécessaire de reprendre dans son dispositif, les solutions déjà apportées dans les motifs de sa décision.
Pourtant, de tels motifs apportent aux plaideurs une partie des réponses qui les avaient incités à saisir le tribunal ou la juridiction arbitrale.
Touchant à l’objet même du litige, on ne peut pas leur refuser l’autorité qui recouvre le motif de la décision, ni refuser de les soumettre au contrôle de la cour d’appel.
3.3.- Mais le plus souvent, le travail de l’arbitre est extrêmement complexe :
Avant de répondre aux chefs des conclusions des parties, il doit procéder à une analyse minutieuse de l’affaire; il lui faut établir des paliers successifs à partir desquels il puisse monter vers une connaissance toujours plus grande du litige, afin de découvrir la solution conforme au droit ou aux us du commerce international. Pour parvenir à ce but, le juge ou l’arbitre doit poser un certain nombre d’affirmations de droit et de fait à partir des éléments fournis par les parties et sur les preuves proposées.
L’activité première de l’arbitre, avant de pouvoir apprécier la réalité ou l’inexistence de la violation de la loi ou des us du commerce international invoqués par les parties, est de se faire une idée, un « concept procès » du litige qui lui est soumis. Or, pour parvenir à ce but, l’arbitre doit résoudre un certain nombre de questions préalables qu’il est possible de classer en deux séries :
– d’une part, les questions abstraites;
– d’autre part, les problèmes concrets dont les réponses sont consignées dans les motifs de la sentence arbitrale.
Une question de droit abstraite est une question posée sur l’interprétation de la règle de droit ou des us du commerce international. Démarche préalable à la formation de la solution requise par les parties, elle est évidemment fort importante au sein de la sentence arbitrale.
Si le droit anglo-saxon a adopté la théorie du précédent judiciaire, l’article 5 du code civil interdit au juge « de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. » D’ailleurs, le libéralisme que consacre le droit ivoirien dans l’interprétation de la loi est contre-balancé par l’existence d’une « cour régulatrice » dont la mission est d’éliminer les interprétations trop fantaisistes.
On ne saurait accorder aux solutions purement abstraites d’un litige, une autorité de chose jugée, encore moins en contrôler les motifs : les motifs de droit d’une sentence arbitrale n’ont de valeur que dans la mesure où ils établissent le bien-fondé de cette décision.
C’est d’une façon très différente que se pose la question de solutions concrètes, de la possibilité de leur attribuer l’autorité de la chose jugée et du contrôle des motifs par la cour d’appel.
La sanction d’un droit dépend de sa preuve. Et très souvent, cette preuve résulte de faits matériels; il est indispensable que l’arbitre en établisse au préalable l’existence. Une contestation peut naître à ce propos et l’arbitre est dans l’obligation de trancher ce litige préliminaire. D’une part, les faits matériels n’ont d’intérêt dans un litige que par leur signification juridique : l’arbitre doit donc opérer une qualification de ces faits prouvés.
Autant d’opérations préliminaires et nécessaires à la solution du litige, autant de » motifs soutiens nécessaires du dispositif ». Ces faits prouvés et qualifiés en vue de la solution finale, ne sont pas l’objet direct de l’action du demandeur; ce sont de simples moyens de pure argumentation qui autorisent l’élaboration de la solution du contrôle de la cour d’appel.
Ces motifs, soutiens nécessaires du dispositif, ne doivent être ni obscurs, ni inexistants, ni contradictoires entre eux, ni être en contrariété avec le dispositif.
Mais qu’en est-il des motifs de sentence arbitrale rendue en amiable compositeur ?
3.4.- L’acte uniforme faisant obligation aux arbitres de motiver leurs sentences, le fait pour ceux-ci de statuer en amiable compositeur ne leur permet pas de déroger à cette règle.
Même en statuant en amiable compositeur ou en équité, les motifs de la sentence arbitrale doivent être conçus selon un syllogisme permettant à la juridiction de contrôle de savoir si les arbitres ont adopté un raisonnement rationnel dans le règlement des conflits à eux soumis.
Pour le contrôle des motifs de la sentence arbitrale, ce n’est pas le trou béant du défaut de motifs qui est en cause ici, ce n’est pas davantage l’erreur de droit conduisant à la violation d’une disposition légale, mais, c’est plutôt une faille dans le raisonnement de l’arbitre, autrement dit une faute de technique juridique.
Voilà où réside, de notre avis, le centre d’intérêt pratique du contrôle des motifs des sentences arbitrales par la cour d’appel.
Ce contrôle de motif dépasse les préoccupations du spécialiste pour atteindre le fondement même de la technique du droit. La technique du droit ou de juger n’est pas une spéculation philosophique, mais bien une manière de raisonner.
Qu’est-ce donc que cette technique de raisonnement à laquelle sont soumises toutes sentences arbitrales rendues en amiable compositeur ?
Les arbitres doivent délimiter les charges de l’allégation, logiquement antérieures à la charge de la preuve, d’une part, et le jeu des dispenses, soupape régulatrice de la rigueur excessive des principes, d’autre part.
Les dispenses (d’allégation et de preuve) sont, ou rationnelles, ou légales, c’est-à-dire résultant soit de la nature des choses, soit de la réglementation positive.
En toute hypothèse, ce sont elles qui commandent le travail du praticien comme celui des arbitres : une partie qui veut obtenir gain de cause doit apporter une certaine quantité de matériaux de fait, correspondant à la règle de droit ou aux us du commerce international dont la mise en œuvre devra lui procurer la satisfaction recherchée, et il semble bien que le devoir d’explication de l’arbitre dans les motifs de la sentence soit, dans une large mesure, la simple réplique de cette nécessité d’apport incombant à la partie.
On remarquera qu’en l’espèce dans la sentence arbitrale de la CACI, cet apport a consisté en des facteurs de fait : la décomposition en leurs éléments des concepts employés dans la contestation, puis ils ont ramené « le juridique » au « social » en partant de la convention liant les parties, de l’analyse des correspondances échangées et à l’audition des parties.
Cette démarche s’est opérée par une analyse à un double degré. Les arbitres ont commencé à rechercher les facteurs composant les éléments leur permettant de statuer en amiable compositeur (qu’est-ce que les parties entendaient par passif net et les conséquences qui en résultent ?)
Puis ce premier travail ne faisant que déboucher sur des nouveaux concepts juridiques (interprétation du contrat, recherche de la volonté des parties contractantes à travers les déclarations et les correspondances échangées), l’arbitre a fait recours à une technique juridique pour rechercher la volonté réelle des parties, avant d’en déduire que les parties entendaient par le passif net « actif net négatif », tel que cela ressort des états financiers produits par le commissaire aux comptes.
Le dispositif de la sentence arbitrale est donc fondé sur ce que les parties entendaient par le passif net.
Une telle sentence arbitrale ne souffre d’aucune contrariété de motifs tant la contradiction des motifs s’entend d’une incohérence portant sur deux (02) propositions juridiques identiques ou révélées par préférence à la règle de droit. (Cass. 2ème CIV., 22 mai 1995 arrêt n° 251 L’INTEGRALE CASSATION).
Mieux encore, elle ne souffre d’aucune contrariété entre le motif et le dispositif.
Le contrôle de la cour d’appel, saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale fondée sur les dispositions de l’article 26 de l’acte uniforme sur l’arbitrage, doit porter sur la solution donnée au litige, l’annulation n’étant encourue que dans la mesure où cette solution est d’ordre public (8).
Tel n’est pas le cas en l’espèce et la solution donnée par la cour d’appel ne nous semble pas satisfaisante.
En résumé, puisse la cour d’appel retenir que le contrôle des motifs des sentences arbitrales rendues par les arbitres statuant en amiable compositeur, reste la vérification du raisonnement rationnel adopté par les arbitres dans le règlement du litige à eux soumis et la conformité dudit raisonnement à l’ordre public.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Qu’il nous soit permis d’ajouter quelques observations à celles qui précèdent tant la question du recours en annulation d’une sentence arbitrale est importante.
Il faut partir de la convention d’arbitrage du 16 février 1998 qui prévoit que :
– tout différend entre les parties sera soumis à la décision d’un tribunal arbitral siégeant à Abidjan, statuant en amiable compositeur;
– la désignation des arbitres et la procédure d’arbitrage seront organisées conformément au règlement d’arbitrage de la Cour d’arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI);
– la sentence arbitrale ne sera susceptible d’aucun recours
– la loi applicable à cette convention est la loi ivoirienne.
Disons le tout de suite : les règles du Traité Ohada relatives à l’arbitrage (articles 21 à 26) ainsi que le Règlement d’arbitrage de la CCJA du 11 mars 1999 qui en est l’application n’ont pas lieu de s’appliquer en l’espèce dans la mesure où les parties ont délibérément choisi la CACI et non la CCJA comme centre administratif d’arbitrage. Il n’est donc pas possible de recourir à ces textes pour rechercher si la sentence arbitrale CACI/02 ARB/99 du 27 avril 2000 était passible d’un recours en annulation et devant quelle juridiction.
Lorsque la convention d’arbitrage a été signée (16/2/98), c’est la loi ivoirienne 93-670 du 9 août 1993 qui était applicable, laquelle a été remplacée par l’Acte uniforme sur l’arbitrage du 11 mars 1999 qui est entrée en vigueur six mois après sa promulgation au JO de l’OHADA du 15 mai 1999, soit le 15 novembre 1999 pour s’appliquer aux instances arbitrales nées après cette date (article 36 AUA). La procédure arbitrale tout entière de cette affaire est donc soumise à cet Acte uniforme.
L’article 26 AUA prévoit le recours en annulation devant le juge compétent dans l’Etat partie dans des cas bien déterminés, dont celui où le tribunal ne s’est pas conformé à la mission qui lui a été confiée.
1. Quelle est la juridiction compétente ?
Il ne fait pas de doute que ce doit être une juridiction ivoirienne puisque la sentence a été rendue par un tribunal arbitral siégeant à Abidjan. Mais laquelle ? L’Acte uniforme relatif à l’arbitrage ne déterminant pas la juridiction compétente et n’abrogeant que les dispositions de la loi ivoirienne qui ont le même objet 9, cette dernière survit en ses dispositions définissant la juridiction compétente. Or, les articles 42, 44, 62 et 63 de la loi 93-670 du 9 août 1993 donnent compétence à la cour d’appel en la matière.
2. La cause de l’annulation.
La cour d’appel retient que les arbitres n’ont pas respecté leur mission de statuer en amiables compositeurs car, selon elle, ils n'auraient statué ni en droit ni en équité. Mais elle se garde bien de dire en quoi ils n’ont pas statué en droit ni en équité ni en quoi aurait consisté, en l’espèce, le fait de se comporter en amiables compositeurs, ne serait-ce que dans les principes, la référence à l’arrêt de la cour de cassation française étant insuffisante à éclairer le lecteur.
A la lecture des motifs de l’arrêt, on ne sait pas ce qui est reproché aux arbitres ni ce qu’ils auraient dû faire. Peut-être un pourvoi en cassation contre cet arrêt 10 permettra-t-il d’y voir plus clair ?

1 NDLRS : Il s’agit de l’article 25 du Traité.

2 NDLRS : Il s’agit de l’article 21 du Traité.

3 NDLRS. Nous ne partageons pas tout à fait cette analyse.

4 NDLRS. Nous ne partageons pas tout à fait cette analyse.

5 NDLRS. Nous ne partageons pas tout à fait cette analyse.

6 Cass. 2ème Civ. N° 128 du 26/06/1999 voir CD cassation intégrale.
« Il n’appartient pas à la cour d’appel de substituer d’office à la voie d’appel dont elle est saisie, et qui tend à la réformation d’une sentence arbitrale, une autre voie de recours. Cette faculté étant, en application de l’article 1487 du nouveau code de procédure, réservée aux parties et ne pouvant être exercée que tant que la cour n’est pas saisie. »

7 NDLRS. Il s’agit de l’Acte uniforme sur l’arbitrage.

8 Cass. 2ème CIV. 28 Fév. 1991 (voir cassation intégrale).

9 Voir CCJA, avis n° 1/01/EP du 30 avril 2001. Ohadata J-02-04.

10 Prévu par l’article 25, alinéa 3 AUA.