J-02-173
droit des sociétés commerciales – dissolution anticipée pour justes motifs – NECESSITE DE PROUVER LES MOTIFS DE DISSOLUTION.
La dissolution pour justes motifs nécessite que la preuve de ces motifs soit rapportée.
Article 200 AUSCGIE
[ C.A. Abidjan, arrêt n° 1048 du 20 juillet 2001, SIFLOR Tropiques (SCPA KONAN et FOLQUET) c/ Jean-Luc DELAUNEY (Me Marie France GOFFRY) Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 61].
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit en date du 22 février 2001, la société SIFLOR TROPIQUES, ayant pour conseil la SCPA KONAN et FOLQUET, a relevé appel du jugement n° 255 non encore signifié, rendu le 10 mai 2000 par le tribunal de Première Instance d’Abidjan, qui s’est déclaré compétent pour connaître de l’affaire et prononcé sa dissolution pour justes motifs;
Considérant que l’examen du dossier révèle que par exploit du 17 juin 1999, le sieur Jean-Luc DELAUNEY, Directeur technique associé et administrateur de la société SIFLOR TROPIQUES, a initié une action en dissolution de ladite société;
Qu’il expose à l’appui de sa procédure, qu’il est détenteur de 20% du capital, soit 3.000 actions en raison de 10.000 F l’action, contribuant ainsi à la création de la société à hauteur de trente millions de francs;
Que malgré son dévouement et le travail considérable qu’il a fourni pour que la société prospère, il a vu se développer de la part de la Direction Générale de l’entreprise, une animosité surprenante qui s’est traduite par des vexations multiples, en le privant de salaire, de véhicule, de téléphone et d’électricité;
Que finalement, il a été licencié pour, dit-on, « raison économique, sans règlement des arriérés de solde de tout compte, avec obligation de déménager sous quarante huit heures »;
Que, dans le même temps, le contrat de tâcheronage (tâcheronnat) qui liait SIFLOR TROPIQUES et son épouse a été rompu sans aucun préavis et sans règlement des arriérés de 1997;
Que cette mésentente doublée d’une mauvaise gestion de la direction de la société, qui lui a avoué, alors qu’il envisageait de céder ses actions suivant leur valeur nominale, que la situation comptable de SIFLOR TROPIQUES est négative, son actif étant inférieur au passif;
Qu’il résulte de cette affirmation, que l’entreprise a perdu au moins trois quarts de son capital, précise-t-il;
Qu’il estime, conformément aux articles 47 des statuts de la société et 200-5 du Traité OHADA relatif au droit des sociétés 1, que son action en dissolution anticipée de SIFLOR TROPIQUES est parfaitement justifiée;
Considérant, pour sa part, que la société SIFLOR a soulevé l’incompétence du tribunal d’Abidjan au motif que son siège social se trouve à Agboville;
Qu’étant société commerciale, la juridiction territorialement compétente est celle du ressort de siége social, donc, le tribunal d’Agboville;
Considérant que SIFLOR fait grief au Tribunal d’avoir rejeté l’exception d’incompétence par elle soulevée et prononcé sa dissolution;
Qu’en effet, son unique exploitation se trouve à PETIT YAPO à Agboville;
Que dès lors, le premier juge aurait dû décliner sa compétence et renvoyer le demandeur à se pourvoir devant le Tribunal d’Agboville statuant en matière commerciale;
Que, par ailleurs, les conditions de sa dissolution ne sont pas réunies, dans la mesure où il n’existe aucune mésentente entre les associés;
Que c’est uniquement un associé qui, arguant de sa révocation en tant que Directeur Général pour incurie, souhaite mettre fin au contrat de société;
Qu’elle relève, par ailleurs qu’elle éprouve certes des difficultés économiques, du fait de l’incurie de Jean-Luc DELAUNEY, mais elle est à même d’accomplir les actes de la vie juridique par le truchement de ses organes de gestion, tant il est vrai qu’au sein d’une société anonyme, l’affectio societatis n’est pas un élément déterminant du contrat de société, ajoute-t-elle;
Qu’estimant qu’il n’y a aucune entrave au bon fonctionnement de l’entreprise, elle conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé sa dissolution;
Considérant qu’en réplique aux prétentions de l’appelante, Jean-Luc DELAUNEY fait observer que dans une procédure qu’elle a engagée contre son épouse dame DELAUNEY, la société SIFLOR a indiqué que son siège social est à Abidjan, zone industrielle de VRIDI, lieu où elle a reçu l’assignation introductive de la présente instance par l’intermédiaire de son comptable;
Que par ailleurs, SIFLOR ayant élu domicile en l’étude de ses conseils, comme le précède son acte d’appel, le tribunal d’Abidjan est compétent pour connaître du litige;
Qu’il fait remarquer qu’il n’est pas Directeur Général, comme le prétend l’appelante, mais Directeur Technique;
Qu’en cette qualité, il ne pouvait accepter le gâchis organisé et les tensions multiples entre associés sans réagir, d’où cette demande en dissolution à laquelle le Tribunal a fait droit;
Décision dont il plaide la confirmation;
Considérant que les parties ont conclu;
– Qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
Considérant que dans une procédure par elle engagée contre dame Gabriel Marie Laure PINSON, la société SIFLOR TROPIQUES a indiqué dans l’assignation servie à cette dernière et versée aux débats, que son siège social se trouve à Abidjan Vridi;
Que, par ailleurs, l’assignation en dissolution anticipée objet de la présente instance, notifiée à SIFLOR à Vridi, a été reçue par le comptable de cette société en la personne du sieur Abadji ALLOKOU;
Qu’il s’ensuit que c’est à bon droit que le Tribunal d’Abidjan s’est déclaré compétent pour connaître du différend;
Considérant que pour solliciter la dissolution anticipée de la société SIFLOR TROPIQUES, le sieur Jean-Luc DELAUNEY se contente d’affirmer qu’il y a mésentente entre les associés, empêchant le fonctionnement de l’entreprise;
Que la société SIFLOR a, par ailleurs, perdu au moins trois quarts de son capital social;
Que cependant, Jean-Luc DELAUNEY ne produit aucune pièce justifiant ses allégations;
Qu’ainsi, les conditions de dissolution anticipée telles que prévues par les articles 47 des statuts de la société SIFLOR TROPIQUES et 200-5 du Traité OHADA relatif au droit des sociétés commerciales 2 et dont se prévaut l’intimé, ne sont pas réunies; que c’est donc à tort que le premier juge a prononcé la dissolution de SIFLOR, la demande de Jean-Luc DELAUNEY étant sans fondement;
Qu’il échet, compte tenu de ce qui précède, de réformer le jugement querellé;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit la société SIFLOR TROPIQUES en son appel relevé du jugement n° 255 du 10 mai 2000 du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
– L’y dit partiellement fondée;
Réformant le jugement entrepris;
– Déboute Jean-Luc DELAUNEY de sa demande en dissolution anticipée de la société SIFLOR comme mal fondée;
– Confirme ledit jugement en ses autres dispositions,
– Condamne l’intimé aux dépens.
Président : KOUAME Krah
Conseillers : KOUASSI Brou Bertin
TAMIMOU Honorine
Greffier : Me TRAORE Seydou.

1 NDLRS. Il s’agit de l’Acte uniforme relatif au sociétés commerciales.

2 NDLRS. I s’agit de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales.