J-02-175
recouvrement des créances – injonction de payer – requête – recevabilité – ARTICLE 4 AUPSRVE ALINEA 2.
CHEQUE IMPAYE – ACTION EN PAIEMENT NON FONDEE SUR LA CREANCE CAMBIAIRE – RECONNAISSANCE DE SA DETTE PAR LE DEBITEUR – PRESCRIPTION DE L’ACTION (NON).
La recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer ne doit s’apprécier qu’au regard des seules mentions contenues dans ladite requête.
Le moyen tiré de la prescription triennale de l’action en paiement d’un chèque impayé est irrecevable dès lors que l’action est fondée sur le droit commun et que le débiteur a reconnu sa dette.
Article 4 AUPSRVE
[C.A. Abidjan, arrêt n° 1057 du 24 juillet 2001, Société RHODIA Ouest Afrique (Me KABA Mohamed) c/ DAYALOR Eunoxie (Mes KONAN et FOLQUET), Ecodroit, n° 13-14, juillet-août 2002, p. 51].
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Des faits, procédure et prétentions des parties.
Suivant exploit daté du 03 avril 2001 comportant ajournement au 15 mai 2001, la société RHODIA Ouest Afrique, ayant pour Conseil Maître KABA Mohamed, Avocat à la Cour, a fait servir assignation à Monsieur DAYALOR Eunoxie, à l’effet de comparaître par-devant la Cour d’Appel de ce siège, pour voir statuer sur l’appel relevé par elle et non enrôlé du jugement civil contradictoire n° 140/2001 rendu le 19/02/2001 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, la cause (sic) a statué ainsi qu’il suit :
Statuant en audience publique, par décision contradictoire en matière civile et en premier ressort;
– Reçoit l’opposition de Monsieur DAYALOR Eunoxie;
– L’y dit bien fondé;
– Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n° 3984/2000 du 23 mai 2000;
– Met les dépens à la charge de RHODIA Ouest Afrique;
Il ressort des énonciations du jugement entrepris que, par exploit en date du 9 juin 2000, Monsieur DAYALOR Eunoxie a formé opposition à une ordonnance d’injonction de payer n° 3984/2000 du 23 mai, qui l’a condamné solidairement avec l’entreprise DALMAS FROID, à payer à la société RHODIA Ouest Afrique la somme de 11.693.652 F;
Au soutien de son opposition, Monsieur DAYALOR Eunoxie a fait valoir que la requête aux fins de condamnation comporte une variation de dénomination, de sorte que cela viole les dispositions de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement de créances et voies d’exécution;
Il a exposé d’autre part, que la demanderesse ne détermine pas le montant exact de sa créance;
Enfin, il a soutenu qu’il y a prescription de l’action du porteur du chèque, car les créances n’ayant pas été présentées dans les délais requis, encore qu’elle conteste le montant de la créance réclamée;
La défenderesse a répliqué, d’une part, qu’il n’y a aucune erreur sur l’identité de la personne morale, créancière, et que sa créance est certaine, liquide et exigible;
D’autre part, que les chèques qu’elle détenait n’étaient pas destinés à être présentés au paiement;
Pour déclarer l’opposition de Monsieur DAYALOR fondée, le premier juge a relevé qu’il résulte des pièces produites au dossier que la dénomination de la société diffère d’une pièce à une autre, soit RHODA Ouest Afrique, du Rhône Poulenc Ouest Afrique, que cette situation viole les dispositions de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé;
Au soutien de son appel, la société RHODIA Ouest Afrique articule que c’est par pure mauvaise foi que le sieur DAYALOR a attaqué l’ordonnance de condamnation;
En effet, explique-t-elle, avant que ne soit intentée contre lui une procédure de recouvrement, les parties s’étaient rapprochées à l’initiative de monsieur DAYALOR et elles avaient arrêté d’un commun accord à la somme de 11.693.652 F, quoiqu’elle évaluait à la somme de 17.277.206 F ce qui lui est dû;
S’agissant de la violation de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif aux procédures de recouvrement de créances et voies d’exécution, l’appelante déclare que la requête incriminée indique comme requérant « la société RHODIA Ouest Afrique, société anonyme au capital de 250.000.000 F ayant son siège social en zone industrielle de Vridi, Rue des Pétroliers à Abidjan »;
A ce niveau, prétend-elle, la requête satisfait pleinement aux exigences de l’article 4 alinéa 2 visé, en ce qu’elle indique suffisamment la dénomination du requérant ainsi que toutes les autres mentions obligatoires prescrites par le texte;
Sur le montant de la créance, l’appelante affirme que cette créance résulte d’une seule transaction commerciale et ne constitue nullement une créance composée, pour qu’on en fasse un décompte;
Sur l’exception tirée de la prescription de l’action du tireur du chèque, l’appelante déclare qu’une telle exception ne peut lui être opposée, puisqu’elle n’a jamais entendu exercer contre son débiteur un recours cambiaire, et qu’en plus, le rapport en cause est un rapport direct entre le tireur des effets et le bénéficiaire initial;
Enfin, elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris, en expliquant que c’est d’un commun accord que sa créance a été arrêtée à la somme de 11.693.652 F;
Pour sa part, Monsieur DAYALOR Eunoxie, qui conclut à la confirmation du jugement entrepris, reprend son argumentation développée devant le premier juge, à savoir l’irrecevabilité de la requête pour violation de l’article 3 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif aux procédures de recouvrement simplifié de créances et aux voies d’exécution et la prescription de l’action du porteur du chèque;
Subsidiairement au fond, Monsieur DAYALOR, qui invoque divers paiements, déclare ne reconnaître que la somme de 1.582.973 F;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la société RHODIA Ouest Afrique a été relevé conformément aux prescriptions légales et doit être de ce fait, déclaré recevable;
AU FOND
C’est à tort que le premier juge a cru devoir faire droit à l’opposition de Monsieur DAYALOR Eunoxie, en relevant qu’il résulte des pièces produites que la dénomination de la société diffère d’une pièce à une autre, de sorte qu’il y a violation des dispositions de l’article 4 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créances et aux voies d’exécution;
En effet, aux termes des dispositions de cet article, la requête aux fins d’injonctions de payer contient, à peine d’irrecevabilité :
1°/ Les noms, prénoms, professions et domiciles des parties ou, pour les personnes morales, leur forme, dénomination et siège social…
En l’espèce, la requête aux fins d’injonction de payer produite au dossier, comprend bien le nom de la personne morale « RHODIA Ouest Afrique » et toutes les mentions exigées par les dispositions susvisées;
Dés lors, le premier juge, en s’appuyant sur d’autres pièces que la requête aux fins d’injonction de payer pour déclarer cette requête « irrecevable », a violé la loi;
Il convient dés lors d’infirmer le jugement entrepris et la Cour, statuant à nouveau, déclarera la requête régulière donc recevable;
SUR LA CREANCE
Mr DAYALOR Eunoxie ne conteste pas le principe de la créance de la société RHODIA Ouest Afrique;
En effet, par courrier daté du 27 avril 2000, Monsieur DAYALOR, par le canal de ses conseils Maître KONAN et FOLQUET, Avocats à la Cour, reconnaissait devoir à la société RHODIA Ouest Afrique, la somme de 11.693.625 F;
Paiement au titre de cette dette depuis ce courrier;
Dès lors, c’est à tort qu’il conteste le montant de 11.693.625 F, dont le paiement est poursuivi par la société RHODIA Ouest Afrique;
Il convient donc de rejeter son opposition non fondée et de restituer à l’ordonnance de condamnation de payer n° 3984/2000 son plein et entier effet;
Monsieur DAYALOR Eunoxie, qui succombe, doit être condamné aux dépens, en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare recevable l’appel de la société RHODIA Ouest Afrique du jugement n° 140/CIV/2002 rendu le 19/02/2001 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
– Restitue à l’ordonnance de condamnation n° 3984/2000 du 23 mai 2000, son plein et entier effet;
– Condamne DAYALOR Eunoxie aux dépens.
Président : KANGA Penond Yao Mathurin
Conseillers : KOUAO Jean
KONAN Laurence
Greffier : Me YASSI Juliette.
Observations de Joseph ISSSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
La décision de la cour sur la régularité, en la forme, de la requête d’injonction de payer ne souffre d’aucun reproche et doit être approuvée.
Cependant, on peut regretter qu’elle ne se soit pas prononcée sur le moyen de défense présenté par le débiteur quant à la prescription de sa dette. En première instance, le créancier avait fait valoir qu’il n’agissait pas sur le plan cambiaire mais sur celui du droit commun. Dans le premier cas, la prescription eût été de 3 ans, dans le second de cinq ans si, comme on le suppose, la dette était commerciale entre les parties. Dans un cas comme dans l’autre, on aurait aimé pouvoir vérifié si l’une ou l’autre des prescriptions était acquise. Certes, il y avait le fait que le débiteur avait reconnu sa dette dans une correspondance précédant la procédure d’injonction de payer et cet acte, interruptif de la prescription, provoquait l’interversion de la prescription qui ne pouvait se réaliser qu’au bout de trente ans. Encore aurait-on aimé que cela fût discuté par la Cour d’appel.