J-02-176
Voir Ohadata J-02-82
recouvrement simplifié de créances – INJONCTION DE PAYER -nature des créances – CREANCE CONSISTANT EN charges de copropriété IMPAYEES – REQUETE EN INJONCTION DE PAYER FONDEE (oui).
Article 4 AUPSRVE
Les charges de copropriété peuvent faire l’objet de la procédure d’injonction de payer.
[C.A. Abidjan, arrêt n° 71 du 08 juin 2001 - EKA MEBENGA Constant Marie (Me Francis Kouamé KOFFI) c/ Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Indénié (Me Amadou FADIGA), Ecodroit, n° 13-14, juillet-août, p. 46 ]
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort sur l’appel relevé le 08 juin 2000 par Monsieur EKA MEBENGA Constant Marie, ayant pour Conseil Maître Francis KOUAME KOFFI, du jugement civil n° 396 rendu le 15 mai 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Rejette les exceptions d’irrecevabilité soulevées par EKA MEBENGA Marie;
AU FOND
– Le déclare mal fondé;
– Le déboute;
– Restitue à l’ordonnance n° 6755/99 son plein et entier effet;
– Le condamne aux dépens »;
Considérant qu’aux termes de son appel, EKA MEBENGA explique que par ordonnance d’injonction de payer n° 6755/99 du 12 novembre 1999, le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan l’a condamné à payer au Syndic des Résidences de l’Indénié, la somme principale de 3.045.448 FCFA, outre les intérêts et frais;
Que cette ordonnance, à lui signifiée le 1er décembre 1999, il forma opposition le 09 décembre 1999;
Que par jugement du 15 mai 2000, rejetant toutes les exceptions soulevées et les moyens de fond, le Tribunal a restitué à l’ordonnance querellée, son plein et entier effet;
Qu’il fait grief au Tribunal de n’avoir pas tenu compte de l’irrecevabilité dont était entachée la requête aux fins d’injonction de payer présentée par le syndic de l’Indénié;
Qu’en effet, il faut savoir que sur action d’un copropriétaire, par ordonnance de référé du 19 octobre 1999, le Syndic actuel a été démis de ses fonctions et un syndic provisoire a été désigné en ses lieu et place;
Que l’ordonnance de référé étant exécutoire par provision, dame TESTA n’a plus qualité pour agir au nom des co-propriétaires de l’immeuble « le Flamboyant » de la Résidence de l’Indénié;
Qu’à son avis, l’ordonnance d’injonction de payer devait être déclarée irrecevable pour défaut de qualité du syndic et rétractée pour ce motif;
Qu’en outre, la requête aux fins d’injonction de payer est irrecevable pour violation de l’article 4 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement, qui exige que la requête comporte, s’agissant des personnes morales, « leur forme, dénomination et siège social »;
Qu’en l’espèce, la forme du Syndicat n’est pas précisée sur la requête, de sorte que l’on ignore s’il s’agit d’une association ou d’une Société;
Que ce défaut de l’une des mentions figurant à l’article 4 précité, est sanctionné par l’irrecevabilité;
Qu’au fond, rappelant les faits, il expose que courant 1998, il achetait deux appartements à l’immeuble « Le Flamboyant », Résidence de l’Indénié;
Que, quelque temps après, alors même qu’il n’a pas encore habité les lieux, il recevait du syndic de la résidence, des factures de charges allant de 282.884 FCFA, 332.031 FCFA à 614.915 FCFA, qui lui sont réclamées trimestriellement;
Qu’il fut d’abord étonné par le montant de ces charges et par leur variation fréquente d’un trimestre à un autre;
Qu’en outre, il constate qu’il résulte des circulaires du syndic, que ces charges concernent principalement les fournitures d’eau, d’eau chaude, de gaz et d’ascenseurs;
Qu’il rappelle qu’il n’a même pas encore habité les lieux, et de surcroît, il s’est fait installer des splits et des chauffe-eau individuels;
Que n’utilisant ni le gaz, ni l’eau ni l’électricité fournis par le syndic, il adressa par conséquent un courrier à celui-ci afin que, faisant preuve d’objectivité, ses factures soient revues à la baisse;
Qu’alors que sa demande est justifiée, le syndic n’en n’a pas tenu compte, préférant saisir le Tribunal;
Qu’il demande l’infirmation du jugement entrepris par ce que la créance contestée n’est ni certaine ni liquide ni exigible :
Considérant que, concluant par son Conseil Maître Amadou FADIGA, le syndic de l’Indénié expose que le sieur EKA MEBENGA Constant Marie est propriétaire de deux lots réunis en duplex dans l’immeuble « Flamboyant » sis dans ladite Résidence;
Qu’en application de l’article 8 du décret 49-259 du 23/02/1949, portant règlement du statut de la copropriété des immeubles divisés par appartements, modifié et complété par le décret n° 98-119 du 06 mars 1998, lorsque différents étages ou appartements d’un immeuble appartiennent à divers propriétaires du sol et des parties du bâtiment qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif de l’un d’eux (sic);
Qu’à ce titre, ces divers propriétaires sont tenus chacun pour sa part, de participer à l’entretien, la gestion et l’administration de ces parties communes, en s’acquittant des charges de co-propriété qui leur sont réclamées;
Que, dans ce contexte, EKA MEBANGA Constant Marie est redevable de la somme globale de 3.405.448 FCFA représentant le cumul des charges de co-propriété jusqu’au deuxième trimestre 1999;
Que suite aux multiples démarches et réclamations amiables, l’appelant a approché le syndic pour obtenir un abattement sur le montant des charges qui lui était réclamé;
Qu’il a même fait des propositions de règlement qui, cependant, ne seront pas respectées, si bien que le 12/11/1999, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a rendu à son encontre une ordonnance d’injonction de payer n° 6755/99;
Que sur opposition de EKA Mebanga Constant Marie, le Tribunal a rendu le jugement querellé;
Considérant qu’après ce rappel des faits, l’intimé soutient que c’est à tort que l’appelant s’oppose au paiement des sommes qui lui sont réclamées, prenant prétexte du défaut de qualité du syndic;
Qu’il fait valoir que, même s’il y a eu nomination d’un syndic provisoire, il n’en demeure pas moins vrai que la créance dont le paiement est sollicité est née de la gestion du syndic Indénié;
Que cette créance est constituée par des arriérés de charges impayées et exigibles avant la nomination du syndic provisoire en question;
Que de plus, cette créance n’est pas l’argent personnel du syndic Indénié, mais destiné à l’entretien, la conservation, la gestion des parties communes des résidences de l’Indénié;
Que cette somme est due et reconnue par EKA MEBANGA Constant Marie;
Que s’agissant de la prétendue irrecevabilité tirée de la violation des dispositions de l’article 4 du Traité OHADA sur les voies d’exécution, il fait valoir que ce n’est pas le syndicat qui agit, mais le syndic;
Qu’il n’y a donc pas lieu d’indiquer la forme du syndicat;
Qu’au demeurant, ni les syndicats, ni les syndics n’ont de forme particulière susceptible d’être précisée;
Qu’ils ne sont pas des associations, encore moins des sociétés;
Que subsidiairement, l’intimé soutient qu’il ne suffit pas de contester une créance pour qu’elle ne soit pas certaine;
Qu’il faut que cette contestation soit fondée, ce qui ne semble pas être le cas;
Qu’en effet, poursuit-il, EKA MEBANGA Constant Marie, qui ne conteste pas la créance dans son principe, se résigne à payer le montant qui lui est réclamé, au motif qu’il n’utiliserait pas d’eau, d’électricité et de gaz;
Que, contrairement à ce qu’il pense, l’appelant, à l’exclusion des charges l’ascenseur que ne paient que ceux qui utilisent effectivement l’ascenseur, toutes les autres charges (eau, électricité, gaz etc.…) sont réparties et rapportées par chacun des co-propriétaires en fonction de la superficie de ce ou ces lots et non l’usage de tel ou tel service;
Qu’à titre d’exemple, le lot 2 de l’appelant étant situé au rez-de-chaussée de l’immeuble, les charges d’ascenseur n’ont pas été prises en compte dans le calcul général;
Que c’est l’esprit de solidarité, mais une solidarité légale et obligatoire puisqu’aussi bien, pour un immeuble donné, tous les co-propriétaires sont desservis par les mêmes installations et ont un compteur commun pour chacune des dessertes d’eau, d’électricité et de gaz;
Qu’en outre, chacun des co-propriétaires est tenu de par le décret n° 49-259 du 23 février 1949 portant règlement du statut de la co-propriété des immeubles divisés par appartement, modifié et complété par le décret n° 98-119 du 6 mars 1998, en ses articles 8 et suivants, de payer les charges de co-propriété;
Qu’en conséquence, la créance réclamée est certaine;
Qu’elle est également liquide en ce qu’elle est quantifiable en argent;
Qu’elle est exigible, les charges réclamées étant échues;
Qu’il conclut donc à la confirmation du jugement entrepris;
Considérant qu’à cela l’appelant répond par des conclusions datées du 6 avril 2001, qu’en droit une créance n’est certaine que si elle n’est pas contestée ou, du moins, si elle n’est pas sérieusement contestée;
Qu’en l’espèce, le syndic n’a pas tenu compte, dans la fixation de ses charges, du fait que celui-ci ne bénéficiait pas des fournitures d’eau, d’électricité et de gaz qui auraient dû nécessairement réduire sa part contributive;
Que c’est à juste titre qu’il conteste la somme objet de sa condamnation, dès lors qu’il y a compte à faire entre les parties;
Que de surcroît, la créance n’est pas liquide, car non certaine dans son quantum;
Qu’elle ne peut donc être exigible;
Considérant que l’intimé a conclu, il convient de statuer contradictoirement;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l’appel régulièrement intervenu est recevable;
De la recevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer du 11/11/1999.
Considérant que le syndic a introduit sa requête aux fins d’injonction de payer, avant d’être démis de ses fonctions;
Que, par ailleurs, le syndic a agi en tant que personne physique et non morale;
Qu’en conséquence, la requête est recevable;
AU FOND
Du caractère certain de la créance.
Considérant que s’agissant de charges de co-propriété, elles sont dues dès lors que l’on est propriétaire;
Qu’il importe peu que le propriétaire habite ou non les lieux, car il ne s’agit pas de charges locatives;
Qu’il s’ensuit que la créance est certaine;
Du caractère liquide la créance.
Considérant que dès lors que la créance est quantifiable, comme en l’espèce, elle est liquide;
Du caractère exigible de la créance.
Considérant que les charges réclamées sont échues, donc exigibles;
Qu’en conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a restitué à l’ordonnance n° 6755/99 son plein et entier effet;
Considérant que l’appelant succombe, il convient de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Déclare le sieur EKA MEBANGA Constant Marie recevable en son appel relevé du jugement civil n° 396 rendu le 15 mai 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
– L’y dit mal fondé;
– L’en déboute;
– Confirme le jugement entrepris;
– Le condamne aux dépens distraits au profit de Maître Amadou FADIGA, Avocat aux offres de droit./-
Président : CHAUDRON Maurice
Conseillers : BLE Saki Irène
GRAH Emma
Greffier : Me DIARRA Mamadou.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, consultant
La jurisprudence a, déjà, à juste titre, considéré que les créances de charges dues par un copropriétaire à la copropriété dont il fait partie, peuvent justifier le recours à une procédure d’injonction de payer. (Voir Ohadata J-02- ). Il faut approuver une telle décision.
Par contre on ne peut suivre le raisonnement du syndic et de la cour qui considèrent que le syndic a agi en tant que personne physique et non en tant que personne morale. En effet, de par la loi même, les copropriétaires sont regroupés, de plein droit, obligatoirement, en un syndicat doté de la personnalité juridique et cette personnalité morale est représentée par le syndic.