J-02-184
SOCIETES COMMERCIALES – mise en harmonie des statuts – CONVOCATION ET DELIBERATION D’UN CONSEIL D’ADMINISTRATION DANS LES CONDITIONS STATUTAIRES – OBLIGATION DE SE CONFORMER A L’ACTE UNIFORME SUR LES SOCIETES COMMERCIALES PENDANT LA PERIODE TRANSITOIRE (NON) – ARTICLE
908 AUSCGIE – ARTICLE
919 AUSCGIE.
CONSEIL D’ADMINISTRATION – CONVOCATION PAR LA MAJORITE DES ADMINISTRATEURS – CONDITION DE MAJORITE NON ETABLIE – NULLITE DE LA CONVOCATION.
CONSEIL D’ADMINISTRATION D’UNE SOCIETE IVOIRIENNE – SIEGE SOCIAL A ABIDJAN – CONVOCATION A GENEVE – NULLITE DE LA REUNION EN UN AUTRE LIEU QUE CELUI DU SIEGE SOCIAL (NON).
PRESIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION – REVOCATION PAR LE CONSEIL D’ADMINISTRATION – QUESTION NON INSCRITE A L’ORDRE DU JOUR – POSSIBILITE DE SE PRONONCER SUR LA REVOCATION (OUI).
CONSEIL D’ADMINISTRATION – DELIBERATION – CONDITIONS DE MAJORITE NON ETABLIE – PROCES-VERBAL SIGNE PAR UN SEUL ADMINISTRATEUR POUR LE COMPTE DE TOUS – NON INDICATION DES NOMS ET DU NOMBRE D’ADMINISTRATEURS PRESENTS ET AYANT VOTE POUR LA REVOCATION – NULLITE DU PROCES VERBAL.
PRESIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION UNI A LA SOCIETE PAR UN CONTRAT DE CONSULTANT – RESILIATION DU CONTRAT DE CONSULTANCE –NON RESPECT DU DELAI DE PREAVIS – RUPTURE ABUSIVE.
Pendant la période transitoire prévue par l’article
919 AUSCGIE pour la mise en harmonie des statuts des sociétés avec cet Acte uniforme, c’est à bon droit que le conseil d’administration d’une société anonyme a été convoqué et a délibéré selon les dispositions statutaires de cette société.
La convocation du conseil d’administration d’une société ivoirienne en dehors de son siège social (Genève) n’est pas irrégulière si elle ne révèle pas un abus ou une intention de nuire.
La révocation d’un administrateur, fût-il président du conseil d’administration, pouvant se faire ad nutum, elle peut être évoquée lors d’un conseil d’administration sans être inscrite à l’ordre du jour dudit conseil.
Est irrégulier en la forme, et doit être déclaré nul de ce fait, le procès-verbal du conseil d’administration signé par un seul administrateur au nom des autres administrateurs, un tel acte ne permettant pas de vérifier le nom et le nombre des administrateurs ayant demandé la convocation dudit conseil, ainsi que de ceux prétendus présents et ayant participé à la réunion de cet organe. Le président du conseil d’administration révoqué doit donc être rétabli dans ses fonctions.
La résiliation d’un contrat de consultance liant le président du conseil d’administration à la société qu’il dirige est abusive si elle ne respecte pas le délai de préavis stipulé dans un tel contrat.
[Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, Jugement n° 94 du 12 avril 2001 (1ère espèce) et
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 1176 du 24 août 2001, (2ème espèce), Koffi Victor Bergson (Me Kousougro Sery) c/ Loteny Télécom (Me Takoré et Associés), Ecodroit, n° 12, juin 2002, p.8 ].
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Le Ministère Public en ses réquisitions écrites du 26 janvier 2001;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Suivant exploit, en date du 07 mars 2000, Monsieur Koffi Victor BERGSON assignait en annulation la délibération du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 de Genève et voir condamner la société LOTENY-TELECOM à lui payer au titre de :
– 1°/rappels de salaire PCA 122.400.000 F
– 2°/préjudice moral financier 328.800.000 F
– 3°/rupture abusive de contrat 76.500.000 F
– 4°/préavis pour le contrat consultant 6.750.000 F
– 5°/arriérés de salaire consultant 1.800.000 F
– 6°/préjudice moral pour rupture abusive de contrat de consultant 50.000.000 F
Qu’il expose à l’appui de sa demande, que par arrêté n° 0088 du 18 août 1992 du Ministre des Mines et de l’Energie, chargé des Postes et Télécommunications, il fut autorisé à établir et exploiter en Côte d’Ivoire, un système radioélectrique, constitué d’un réseau mobile cellulaire et d’une station terrienne de service fixe par satellite;
Que pour ce faire, il créa une société dénommée LOTENY-TELEBLOBE (LOTENY étant le nom de son aïeule, à savoir la Reine ABLA Loteny, sœur de la Reine ABLA Pokou);
Que par la suite, il fut approché par le sieur Yérim SOW, en vue d’un partenariat.
Que les démarches de Monsieur Yérim SOW ayant rencontré son agrément, les deux parties mirent sur pied une société désormais appelée LOTENY TELECOM, objet de la convention en date du 26 mars 1995, dite convention d’actionnaires;
Qu’il fut nommé Président du Conseil d’Administration avec les pouvoirs les plus étendus;
Que le 10 septembre 1998, par délibération du Conseil d’Administration irrégulièrement convoqué, il fut démis de ses fonctions sans motif.
En effet :
1°) L’article 22 alinéa 2 des statuts stipule :
« … les conventions sont faites par le Président du Conseil d’Administration ou la personne à qui il donne tous pouvoirs à cet effet, ou encore par la majorité des Administrateurs en exercice ».
Ici, non seulement le Conseil d’Administration n’a pas été convoqué lui, ni personne à qui il aurait donné tous pouvoirs ni la majorité des actionnaires, mais plutôt par Monsieur Yérim SOW seul.
Au demeurant, la majorité d’Administrateurs en exercice n’est autorisée à convoquer qu’en cas d’empêchement du Président ou du refus de celui-ci de le faire.
A la vérité, le Conseil a été convoqué sur l’initiative de Monsieur Yérim SOW, dans le seul but de se faire élire Président du Conseil d’Administration.
Même à supposer que les convocations aient été lancées par la majorité des actionnaires, ceux-ci auraient commis un abus de droit de majorité engageant leur responsabilité, en vertu du principe général du fonctionnement de société à caractère commercial prescrit par l’article 130 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales du GIE (Groupement d’Intérêt Economique).
2°) Le délai imparti aux actionnaires pour convoquer les réunions, en application des statuts et des dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (Groupement d’Intérêt Economique), est de 15 jours respectivement.
Dans le cas d’espèce, il a été convoqué 06 jours avant la tenue de la réunion à Genève.
3°) Le lieu de la réunion a été fixé à Genève, sans motif légitime.
Ici encore, il s’agit d’abus, dans la mesure où, entre autres éléments, les moyens de transport n’ont pas été mis à sa disposition pour se rendre à Genève.
Mieux, qu’en sa qualité de Président du Conseil d’Administration, il a accepté et convoqué effectivement les Administrateurs dans le dessein de cette réunion au siège de la société à Abidjan; malheureusement, sur manœuvre de Monsieur Yérim SOW, il a rencontré un refus.
4°) Les délibérations du Conseil d’Administration n’ont pas été respectueuses de l’ordre du jour qui portait que l’examen des articles de presse l’impliquant et non sa révocation (voir document).
Il en résulte que le Conseil d’Administration n’a pu délibérer valablement, en application de l’article 453 dernier paragraphe de l’Acte unique (uniforme) relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE (Groupement d’Intérêt Economique) et de l’article 22 des statuts de LOTENY-TELECOM,
Attendu que, depuis cette date, ses traitements mensuels sont suspendus; qu’il échet de condamner LOTENY-TELECOM à les lui verser;
Attendu que la mensualité étant de 7.200.000 FCFA;
Cette somme s’élève à 7.200.000 x 17 (soit de septembre 1997 à ce jour) : 122.400.000 FCFA.
Attendu que sa révocation a fait l’objet d’une grande publicité tant sur le plan national qu’international, il en résulte un préjudice énorme à son endroit.
Pour la réparation de ce préjudice, le requérant prie le Tribunal de condamner LOTENY-TELECOM à lui payer la somme forfaitaire et symbolique de 328.800.000 FCFA;
Par ailleurs, attendu que le 30 octobre 1998, un contrat de Consultant est intervenu entre lui et la société LOTENY-TELECOM SA.;
Qu’en vertu de ce contrat, il était chargé, pour l’ensemble du territoire ivoirien et pour d’autres territoires, de :
1°/ Préparer, exécuter et suivre les programmes de développement, de maintenance et d’acquisition des équipements mis en œuvre dans le cadre du réseau de téléphonie cellulaire de LOTENY-TELECOM, en accord avec les objectifs techniques et commerciaux de LOTENY-TELECOM;
2°/ Réaliser les études préalables;
3°/ Faire des recommandations stratégiques;
4°/ L’élaboration et le suivi des programmes de maintenance en accord avec les fournisseurs de réseau;
5°/ Conseil en développement;
6°/ Enfin, de toute autre action visant à développer et à maintenir le réseau de LOTENY-TELECOM en Côte d’Ivoire.
A cet effet, le Consultant avait en charge de produire des rapports mensuels sur ses activités.
Qu’il avait la lourde charge d’optimiser et de protéger les investissements de LOTENY-TELECOM en matière d’équipements, et d’organiser les séances de travail régulières avec LOTENY-TELECOM.
Que, conformément aux stipulations de l’article 2 du contrat dont s’agit, une rémunération mensuelle forfaitaire de 4.500.000 FCFA lui était attribuée.
Que conclu pour une durée de 05 ans, le contrat pouvait être résilié à la demande de l’une des parties, sous réserve d’un préavis de 45 jours à l’autre partie.
Que le 13 août 1999, à la désagréable surprise de tout le monde, LOTENY-TELECOM décida unilatéralement de mettre fin à ce contrat, sans préavis.
Qu’il s’agit là du type de résiliation abusive causant indiscutablement des préjudices tant d’ordre moral que financier.
Qu’il prie le Tribunal de bien vouloir condamner la société LOTENY-TELECOM à lui payer :
1°) Au titre de réparation de préjudice financier.
Il est constant qu’Ingénieur de son état, de surcroît Fondateur Unique de LOTENY, il a subi un préjudice financier du fait de cette rupture abusive.
Tant et si vrai qu’elle est intervenue sans motif, un an seulement après l’entrée en vigueur du contrat et au début des vacances, où il s’apprêtait à faire bénéficier à son épouse, à ses enfants et à lui-même, de paisibles et agréables repos scolaires.
Que pour la réparation de ce préjudice, il sollicite la somme de 76.500.000 FCFA.
2°) Au titre de préavis.
Aucun préavis ne lui ayant étant donné, la société LOTENY-TELECOM doit être condamnée à lui verser l’indemnité compensatrice qui ne saurait être intérieure à 4.500.000 + 2.250.000 = 6.750.000 FCFA.
3°) De la réparation du préjudice moral.
Il est également constant que cette résiliation abusive a entraîné un préjudice moral qui doit être réparé à concurrence de 50.000.000 FCFA.
4°) A titre d’arriérés de salaire.
Rémunération.
Au titre du contrat de consultation, il avait travaillé pendant 12 jours précédant la date de résiliation.
Ce travail n’ayant pas été rémunéré, le Tribunal est prié de condamner LOTENY-TELECOM à lui payer 1.800.000 FCFA;
Que la société LOTENY quant à elle soulève in limine litis.
La fin de non-recevoir tirée du non-paiement de la consignation de 5%.
Le sieur BERGSON Koffi demande à voir la condamner à lui payer la somme de 586.250.000 FCFA.
Ce faisant, il devrait lui être appliqué la règle du paiement de cinq pour cent de ce montant, soit la somme de 29.312.500 FCFA.
Or, il est constant que le demandeur n’a acquitté que la somme de 10.000.000 FCFA, somme insuffisante du point de vue de la concluante, pour assurer le paiement des frais de justice relativement à la prétention soutenue.
Que cette somme payée dans le cadre de la première procédure a, l’on ne sait par quel subterfuge, été reconduite pour assurer l’enrôlement de la procédure initiée le 07 mars.
Or, il a été indiqué que cette consignation n’était pas suffisante.
Dès lors, le Tribunal ne pourra que prononcer également une fin de non-recevoir de cette action.
A titre subsidiaire, sur le fond.
Si, par extraordinaire, la juridiction présidentielle décidait de passer outre l’argumentation ci-dessus, elle n’en débouterait pas moins le sieur BERGSON Koffi de toutes ses prétentions, et pour cause.
Cette juste et bonne décision résulterait alors d’une saine appréciation des faits qu’elle se fait fort de reprendre ici, loin des rappels « légendaires » du demandeur dont il se saurait d’ailleurs tirer aucune espèce de fierté, ne s’étant nullement montré un digne descendant de la lignée princière qu’il revendique.
Des faits.
Le 26 mars 1996, les sociétés Télécel International Limited (BVI), Access Télécom, Loteny Electronics et les sieurs BERGSON Koffi et Yérim SOW joignent leurs efforts pour décider de lui donner naissance, à travers une convention dite d’actionnaires, en tant que société de droit ivoirien dont ils définissent certains grands traits initiaux.
Ainsi, il est convenu de constituer une société anonyme à dénommer LOTENY-TELECOM, au capital initial de 200.000.000 FCFA, selon une clé de répartition tout aussi initiale, dans les propositions respectives de 50% pour TELECEL, 20,9% pour le Groupe Access et 29,1% pour le groupe BERGSON, le groupe ici s’entendant de toutes les personnes physiques ou morales associées dans les mêmes intérêts.
Qu’elle sera dotée d’un Conseil d’Administration de quatre membres dont le Président serait désigné parmi les candidats proposés par la société TELECEL INTERNATIONAL, actionnaire majoritaire, en même temps qu’il est convenu que le Premier Président du Conseil serait Monsieur BERGSON Koffi.
Les parties conviennent, en outre, de financer la participation de 20% jusque dans la limite d’un capital de 1.400.000.000 FCFA, du sieur BERGSON Koffi, par le jeu d’un emprunt remboursable au taux de 8% l’an sur les premiers dividendes qui seront distribués par la société. Le capital ayant atteint le montant de 2.865.000.000 FCFA, pour la tranche conventionnelle de 1.400.000.000 FCFA, les partenaires de Monsieur BERGSON Koffi ont déboursé la somme de 280.000.000 FCFA pour le financement de sa participation au capital de la société, somme dont il est dit qu’elle est remboursable au taux de 8% l’an sur les premiers dividendes qui seront distribués.
Le 10 septembre 1998, pour des motifs suffisamment développés dans l’acte constatant les délibérations du Conseil de ce jour-là, le sieur BERGSON Koffi a été révoqué de ses fonctions de Président du Conseil d’Administration.
Le 30 octobre, il bénéficie de la conclusion d’un contrat dit de consultant.
Le 07 juillet 1999, un autre Conseil d’Administration présidé par le nouveau Président, Monsieur Yérim SOW, par ailleurs Directeur Général de la Société, a adopté à l’unanimité de ses membres, le sieur BERGSON Koffi, présent, une résolution onzième ainsi libellée : « le Conseil d’Administration, après avoir délibéré et compte tenu de la révocation de Monsieur Koffi BERGSON de ses fonctions de Président du Conseil d’Administration, décide de le désigner Président Fondateur de la société et l’autorise à porter la mention de « Président » sur tous les documents que lui ou elle pourraient élaborer à l’attention de tiers ».
Son assemblée générale a, depuis, révoqué Monsieur GERBSON Koffi de ses fonctions d’administrateur de la société, après qu’un précédent Conseil d’Administration ait décidé qu’il soit mis fin au contrat de consultant, ce dernier ne se conformant pas aux obligations par lui contractées.
C’est donc pour voir annuler les délibérations d’un Conseil auquel Monsieur BERGSON Koffi a expressément acquiescé et pour voir sanctionner la résiliation pourtant parfaitement légitime d’un contrat, que le sieur BERGSON Koffi a saisi la juridiction présidentielle.
De la validité des délibérations du 10 septembre 1998.
Monsieur BERGSON Koffi conteste la validité des délibérations du Conseil d’Administration qui s’est tenu le 10 septembre 1998 à Genève.
Pour ce faire, Monsieur BERGSON Koffi expose deux moyens principaux, à savoir :
– l’irrégularité dans la convocation de la réunion du Conseil, motifs du défaut de qualité de la personne qui a convoqué la réunion, abus de majorité, du non-respect du délai de convocation, de la fixation à Genève du lieu de la réunion et enfin, de l’absence du point relatif à la révocation à l’ordre du jour.
La révocation aurait fait l’objet de publicité tant nationale qu’internationale, d’où il en résulterait un préjudice.
Le tout sur le fondement juridique des dispositions de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales en ses articles 130 et 453.
Il faut observer ici que le fondement juridique d’une action tendant à la nullité des délibérations de son conseil d’administration, en date du 10 septembre 1998, ne peut être que la loi de 1867 sur les sociétés et ses statuts.
Qu’elle a été constituée en mars 1996 sous l’emprise de la loi de 1867, donc bien longtemps avant l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme précité sa soumission à cet acte uniforme ne saurait être valablement exigée, ce d’autant même, qu’elle n’avait pas encore satisfait à l’exigence d’harmonisation de ses statuts au moment de la tenue de ce conseil.
Le fondement juridique est, dès lors, erroné et la prétention mal fondée.
Sur la régularité de la convocation.
Ses statuts en leur article 22, disposent que le « Conseil d’administration se réunit aussi souvent que l’intérêt de la société l’exige, et toutes les fois qu’il le juge convenable ».
Cette disposition tire sa substance de la loi de 1867 qui ne fixe pas, s’agissant des assemblées générales d’actionnaires, de délai de convocation des réunions du Conseil d’Administration.
Ce principe a d’ailleurs été repris, n’en déplaise à Monsieur BERGSON Koffi, par l’article 453, celui-là même qui a été référencé dans l’assignation, le demandeur ayant cependant sciemment omis de le reporter en totalité à l’attention de la juridiction présidentielle.
Cet article dispose que : « sous réserve des dispositions du présent Acte uniforme, les statuts déterminent les règles relatives à la convocation et aux délibérations du Conseil d’Administration. Le Conseil d’Administration, sur convocation de son Président, se réunit aussi souvent que nécessaire. Toutefois, les administrateurs constituant le tiers au moins des membres du Conseil d’Administration, peuvent, en indiquant l’ordre du jour de la séance, convoquer le Conseil d’Administration, si celui-ci ne s’est pas réuni depuis plus de deux mois. Le Conseil d’Administration ne délibère valablement que si tous les membres ont été régulièrement convoqués ».
Il s’ensuit que ce texte ne fixe pas de délai, contrairement à l’affirmation du sieur BERGSON Koffi.
Il ne se pose donc pas, en tout état de cause, un problème de délai pour convocation des réunions du Conseil d’Administration.
Monsieur BERGSON Koffi soutient en outre que la majorité des administrateurs n’est autorisée à convoquer la réunion qu’en cas d’empêchement ou de refus du Président, ce qui est totalement inexact, puisqu’aussi bien ces propres statuts indiquent au deuxième alinéa de l’article 22 : « les convocations sont faites par le Président ou la personne à qui il donne tous les pouvoirs à cet effet, ou encore par la majorité des administrateurs en exercice, si le conseil ne s’est pas réuni depuis plus de deux mois ».
Le pouvoir de la majorité ne découle donc pas de l’empêchement ou du refus du Président. Il s’agit d’un pouvoir autonome que rien ne peut lui interdire d’exercer.
Il faut souligner que ce pouvoir se trouve renforcé, puisque selon la nouvelle loi, seulement le tiers des administrateurs pourra désormais convoquer dans les mêmes conditions que celles fixées par la précédente réglementation, la réunion du Conseil d’Administration.
Relativement à ce point, Monsieur BERGSON Koffi a fondé son action.
Sur la fixation du lieu de la réunion.
Les statuts disent simplement que les réunions ont lieu à l’endroit désigné par le Conseil d’Administration et indiqué dans les lettres de convocation, ce qui est tout aussi valable pour toutes autres personnes ayant eu l’initiative de la convocation.
Par ailleurs, Monsieur BERGSON Koffi n’ignore pas que plusieurs réunions du Conseil d’Administration se sont tenues en des lieux presque toujours différents du lieu du siège social, avec le corollaire indispensable de la réunion pour tous les participants, des moyens nécessaires à leur présence effective.
Il n’y a donc pas de motif d’irrégularité dans cette fixation.
Sur l’ordre du jour et la révocation du Président.
Le principe généralement admis, qu’il est important de rappeler en la matière, est que le Conseil d’Administration peut à tout moment révoquer le Président, et sans qu’il soit nécessaire de donner aucun motif à cette révocation. C’est ce que l’on appelle le droit de révocation ad nutum du Président. Il est d’ordre public et toute disposition contraire est réputée non écrite.
Cela dit, il faut noter qu’en dehors des cas de remplacement du Président du Conseil après démission ou décès, la révocation du Présent survient, par définition, inopinément lors d’un Conseil d’Administration convoqué pour un autre motif.
En cela, l’indication à l’ordre du jour, de la révocation du présent n’est pas une exigence légale, encore moins statutaire.
Comment se pouvait-il qu’il en soit autrement, dans la mesure où la révocation du présent peut intervenir à tout moment ?
En faisant grief au conseil d’administration d’avoir prononcé la révocation du Président lors de ce conseil du 10 septembre 1998, Monsieur Koffi veut faire échec au principe de droit qui autorise la révocation à tout moment du Président.
Or ce principe est d’ordre public, et rien, ni les statuts, ni une convention entre les administrateurs ou les actionnaires, ni même une décision de justice, ne pourrait s’opposer à cette règle d’ordre public qui s’impose à tous, ainsi qu’au Juge.
De ce qui précède, il est totalement clair que les moyens invoqués à l’appui de sa demande en nullité des délibérations de la réunion du Conseil du 10 septembre dernier, ne sont pas fondés.
Il sera demandé au Juge de les rejeter purement et simplement.
En conséquence, Monsieur Koffi n’est pas fondé à réclamer que lui soient payés des « traitements » au titre de sa fonction de Président.
Des dommages-intérêts pour publicité autour de la révocation.
En outre, c’est en parfaite conformité des lois régissant les sociétés que publication a été faite des délibérations ayant désigné le nouveau Président de son Conseil d’Administration, en remplacement de M. BERGSON Koffi, révoqué, ceci participant de la nécessaire information des partenaires en affaire, et surtout, ceci étant utile à l’opposabilité aux tiers de la nomination intervenue.
Par ailleurs, au nombre des pièces produites par M. BERGSON Koffi, il manque les supports des publications autres que légales de révocation.
Dès lors, ce moyen n’est pas fondé, et la prétention à des dommages-intérêts non plus.
Il faut, en tout état de cause, noter que la nullité de tous actes de délibération, ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative de la loi ou de celles qui régissent les contrats.
Or, de l’argumentation développée par M. BERGSON Koffi, il n’apparaît nulle part la preuve manifeste de la violation de la loi.
C’est pourquoi, M. BERGSON Koffi a cru devoir rechercher dans la théorie de l’abus de droit, un moyen de nullité, mais en vain.
Il s’agit d’un cas de nullité lorsqu’il est prouvé que la décision prise l’est contrairement à l’intérêt social, dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité des actionnaires.
Ici encore, M. BERGSON Koffi aura « fait fausse route ». En effet, « en règle générale, la conformité à l’intérêt social est analysée par référence à la réalisation de l’objet social », comme le souligne un arrêt de la Cour de Cassation du 29 mai 1972 en France.
Cette décision de la Cour Française de Cassation entendait limiter l’immixtion des Tribunaux dans le fonctionnement des sociétés, normalement présumé par ceux qui en supportent la responsabilité, à savoir les administrateurs.
Or en l’espèce, il allait de son intérêt d’éviter de lui associer un Président dont l’image dans l’opinion pouvait gravement porter atteinte à son exploitation dans le domaine hautement concurrentiel où elle évolue, surtout au moment des faits incriminés.
C’est pourquoi, le moyen tiré de l’abus de droit ne sera pas non plus retenu.
De la contestation de la résiliation du contrat de consultant.
Le sieur BERGSON Koffi entreprend dans ce chapitre, de dénoncer la résiliation d’un contrat qui n’a jamais été exécuté sinon que pour ce qui concerne les conditions financières de celui-ci à son profit.
Il prend cependant la peine d’énoncer les obligations mises à sa charge pour montrer les responsabilités qui auraient dû être les siennes dans le cadre de ce contrat dont les motivations n’échappent d’ailleurs à personne.
Il s’agissait ni plus ni moins que de permettre à M. BERGSON Koffi, qui venait de perdre son poste de Président du Conseil d’Administration de la société, non seulement de consacrer les indemnités qui lui étaient payées à ce titre, et ce, à sa demande dans le cadre d’une « gentlemen agreement », de ce fait non écrit et auquel il n’est pas nécessaire que le contrat fasse référence, mais surtout d’assurer à la société, un suivi quotidien ou plutôt mensuel des éléments de travail énoncés à l’article premier dudit contrat.
Or, s’il est constant que le problème relatif à M. BERGSON Koffi a été solutionné par la conclusion de ce contrat, puisqu’aussi bien il conservait sa rémunération, il n’en pas été de même pour le suivi attendu par la société LOTENY-TELECOM, des missions confiées à M. BERGSON Koffi.
Pire, M. BERGSON Koffi, qui ne peut pas apporter la preuve d’un seul rapport établi et adressé à la société pendant les douze mois de ce contrat, en violation flagrante du paragraphe 6 de l’article premier, a violé tout aussi gravement les dispositions relatives à la société et à ses actionnaires.
C’est ainsi que M. BERGSON Koffi a livré à la presse le rapport annuel de la société pour l’exercice 1998, ainsi que bien d’autres informations que son contrat analysait comme confidentielles.
C’est donc en toute logique des dispositions du contrat que, s’appuyant sur les dispositions de l’article 6, la société a, sur recommandation du conseil d’administration, ayant enregistré la participation de M. BERGSON Koffi, résilié le contrat ainsi qu’il est écrit « par simple notification écrite ».
Une telle résiliation est dite par le contrat, « sans aucune indemnité et n’exige pas le respect du délai de préavis, qui n’intervient que pour les dénonciations sans motif ».
C’est pourquoi, le Tribunal ne fera pas droit aux prétentions de M. BERGSON KOFFI, relative à la résiliation du contrat de consultance.
De la demande reconventionnelle relativement au défaut d’exécution de sa part d’obligation dans le contrat de consultant.
A l’énoncé des termes du contrat de consultant, le demandeur rapporte notamment, et la concluante de citer : « … à cet effet, le consultant avait la charge de produire des rapports mensuels sur ses activités…. ».
Or le demandeur ne peut rapporter la moindre preuve de la production d’un quelconque rapport mensuel à la société LOTENY TELECOM S.A.
Ce faisant, en recevant pendant la période du 30 octobre 1998 au 31 juillet 1999, la somme mensuelle de 4.500.000 FCFA, soit 45.000.000 FCFA, le sieur BERGSON Koffi, s’est indûment enrichi au préjudice de la société, puisqu’il ne peut justifier d’aucune activité pour le compte de celle-ci dans la période considérée.
C’est pourquoi, la juridiction présidentielle est respectueusement priée de condamner le sieur BERGSON Koffi à la répétition de cette somme.
SUR CE :
Sur la recevabilité.
La demande est introduite suivant un exploit régulier d’une assignation en nullité et en paiement du 07 mars 2000 et que la consignation exigée en vue de son enrôlement paraît suffisante, et s’agissant de l’action reconventionnelle, elle est conforme aux dispositions légales quant à son introduction; qu’il convient dès lors de déclarer les deux demandes recevables.
Sur la question du texte applicable au litige.
Pour demander l’annulation de la délibération du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 de Genève et le paiement de diverses sommes d’argent, M. BERGSON Koffi fonde ses prétentions sur les dispositions du Traité OHADA relatif au droit uniforme des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique entré en vigueur depuis le 1er janvier 1998, et invoque pour ce faire, l’article 908 dudit traité; la société LOTENY TELECEL, en s’appuyant sur les articles 908 et 919 du même Traité, avance que seuls ses statuts de mars 1996, rédigés conformément à la loi de 1867, doivent être appliqués au présent procès.
Qu’il est à souligner que toutes les deux parties s’appuient sur le Traité OHADA (sic), l’une pour demander son application et l’autre pour réfuter cette application au litige. Que dit donc ce traité (sic) dans ses dispositions citées par les parties ?
L’article 908 dispose que les sociétés et les groupements d’intérêt économique constitués antérieurement à l’entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont soumis à ses dispositions. Ils sont tenus de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions du présent Acte uniforme dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur, les sociétés en commandite par actions existant régulièrement dans l’une des parties devront être transformées, dans ce même délai de deux ans, en sociétés anonymes sous peine d’être dissoutes de plein droit à l’expiration dudit délai.
L’article 919 dispose, à son tour, que sont abrogées sous réserve de leur application transitoire, pendant une période de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent Acte uniforme aux sociétés n’a pas procédé à la mise en harmonie de leurs statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, toutes dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte uniforme. Que toutes les personnes morales soumises à l’Acte uniforme de l’OHADA ont une période transitoire de deux ans pour procéder à l’harmonisation de leurs statuts avec ses dispositions;
Que pendant cette période, leurs statuts restent valables même dans leurs stipulations contraires à cet Acte uniforme : que de sa date d’entrée en vigueur le 1er janvier 1998 au 10 septembre 1998, date de la délibération objet du procès, huit (8) mois se sont écoulés; qu’au moment de cette assemblée (sic) du Conseil d’Administration de Genève du 10 septembre 1998, l’on se trouvait encore à l’intérieur de cette période transitoire, les deux (02) ans, et qu’au surplus, la preuve n’est pas rapportée que LOTENY TELECEL avait procédé à l’harmonisation de ses statuts avec l’Acte uniforme avant la réunion du 10 septembre 1998 de Genève dont l’annulation de la délibération est poursuivie; qu’il y a dès lors lieu de dire qu’à la réunion de Genève, les textes régissant la vie de la société LOTENY TELECEL demeurent ses statuts de mars 1996, qui seuls peuvent être appliqués au procès en cours; qu’en conséquence, s’agissant :
– 1°/ des convocations, l’article 22 desdits statuts stipule qu’elles sont faites, à défaut du Président du Conseil ou de la personne déléguée par lui, par la majorité des administrateurs à l’endroit par elle désigné; que sur ce point, d’une part, le lieu est au choix de l’initiateur de la réunion, peu importe que cet endroit soit sur le territoire national ou en dehors.
Que, d’autre part, M. BERGSON Koffi ne rapporte pas la preuve du défaut de la majorité des administrateurs à la prise de l’initiative et à la participation à ladite réunion.
– 2°/ de l’ordre du jour et de la révocation, en vertu de l’article 22 des statuts, cet ordre du jour est arrêté par des administrateurs qui prennent l’initiative et qu’il ne peut être exclu de divers aucun sujet; à partir du moment où il ne figure pas au chapitre des points principaux à débattre, que la révocation intervenue du Président du Conseil d’Administration, si elle n’était inscrite comme point principal, elle l’a été au titre de divers; qu’au surplus, à la lecture de l’article 24 des statuts, des présidents du Conseil d’Administration sont à tout moment nommés et révoqués; que nul ne saurait reprocher à la masse l’expression démocratique de son pouvoir, rendant ainsi toute révocation ad nutum.
Sur la rupture du contrat de consultant.
L’article 6 du contrat de consultant énonce qu’en cas de réalisation de l’une des hypothèses de résiliation, la partie qui prend l’initiative s’oblige à la dénoncer à l’autre par lettre recommandée avec accusé de réception, sous préavis de 45 jours.
Que la société LOTENY TELECOM, en recourant pour résilier le contrat de consultant à la dénonciation sans préavis avec effet immédiat, a commis un abus;
Qu’en réparation, KOFFI Victor BERGSON a sollicité 76.500.000 FCFA pour rupture abusive, 6.750.000 FCFA au titre du préavis, 1.800.000 FCFA pour arriérés de salaire de consultant et 50.000.000 FCFA pour le préjudice moral;
Mais que l’inexécution ou l’exécutive fautive se résout toujours par des dommages-intérêts, que la somme de 50.000.000 FCFA paraît à cette réparation juste;
PAR CES MOTIFS
Statuant après les conclusions écrites du Ministère Public, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– Reçoit M. BERGSON Koffi et la Société LOTENY TELECEL en leurs actions tant principales que reconventionnelles;
– Dit que le litige dont l’examen lui est soumis demeure sous l’empire des statuts de la société LOTENY TELECEL de mars 1996;
Qu’en application des dispositions desdits statuts, déclare la délibération du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 de Genève et la révocation de Koffi Victor BERGSON qui est en résultée régulière;
En conséquence, dit Koffi Victor BERGSON partiellement fondé;
– Déclare abusive la résiliation du contrat de consultant à la charge de la Société LOTENY TELECEL;
– Condamne LOTENY TELECEL à lui payer à titre de dommages-intérêts, la somme de cinquante millions (50.000.000) FCFA;
– Déboute Koffi Victor BERGSON du surplus de ses prétentions;
– Déclare la demande reconventionnelle de LOTENY TELECOM mal fondée;
– L’en déboute.
– Fait masse des dépens et en met à la moitié à la charge de chaque partie.
Président : DIE TAI Marcel
Assesseurs : DANIOGO Ngolo, GOLLO Robert, KOFFI Kouadio,
N’DRI Bertine.
(Cour d’appel d’. ABIDJAN, ARRET N° 1176 DU 24/08/2001 – KOFFI VICTOR BERGSON (SCPA ABEL KASSI ET ASSOCIES) C/ LOTENY TELECOM (Mes TAKORE ET ASSOCIES, BOURGOUIN ET KOUASSI)).
LA COUR,
Vu les pièces du dossiers;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Suivant exploit en date du 10 mai 2001, Koffi BERGSON Victor, ayant pour conseil la SCPA Abel KASSI et Associés, a interjeté appel du jugement civil n°94 du 12 avril 2001, rendu par le tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, dont le dispositif est ainsi libellé;
« - Reçoit Koffi Victor BERGSON et la société LOTENY TELECOM en leurs actions, tant principales que reconventionnelles;
– Dit que le litige dont l’examen lui est soumis demeure sous l’empire des statuts de la société LOTENY TELECOM de mars 1996;
Qu’en application des dispositions desdits statuts, déclare la délibération du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 de Genève et la révocation de Koffi Victor BERGSON qui en est résultée régulière;
En conséquence, dit Koffi Victor BERGSON partiellement fondé;
– Déclare abusive la résiliation du contrat de consultant à la charge de la société LOTENY TELECEL,
– Condamne la société LOTENY TELECEL à lui payer à titre de dommages-intérêts, la somme de cinquante millions de francs (50.000.000 FCFA);
– Déboute Koffi Victor BERGSON du surplus de ses prétentions;
– Déclare la demande reconventionnelle de LOTENY TELECOM mal fondée;
– L’en déboute;
– Fait la masse des dépens et en met la moitié à la charge de chaque partie;
Au soutien de son action à travers l’acte d’appel, Koffi Victor BERGSON expose à propos des textes de loi applicables, que depuis le 1er janvier 1998, date de promulgation du Traité de l’OHADA (sic), relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, toutes les sociétés commerciales sont soumises aux dispositions de l’Acte uniforme et en application des articles 1er et 2 dudit Traité (sic), et 908 des dispositions transitoires, il conclut à l’infirmation du jugement sur ce point, et demande à la Cour d’asseoir sa décision sur les textes du Traité OHADA (sic), un Conseil d’Administration s’étant du reste réuni à cette fin le 10 septembre 1998;
Invoquant la nullité des délibérations du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998, Koffi Victor BERGSON relève des irrégularités sur la convocation du 25 août lancée par Yérim SOW, en ce qu’elle ne contient pas les noms de la prétendue majorité des administrateurs, encore moins leurs signatures ou les procurations et mandats donnés par les autres administrateurs;
Que, de même, dit-il, si l’article 453 du Traité OHADA (sic) relatif aux sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique exige que les convocations du Conseil d’Administration précisent l’ordre du jour, la convocation de l’espèce visait « l’examen des articles de presse impliquant le Président du Conseil d’Administration » et non la révocation du Président, comme cela s’est produit;
Que, par ailleurs, poursuit Koffi BERGSON, si les réunions du Conseil peuvent se tenir hors du siège social, les juges doivent vérifier si le but recherché n’est pas d’évincer certains administrateurs qui pourraient être hostiles aux décisions à prendre, ou de faire fraude à la loi.
Il relève aussi qu’en violation de l’article 458 du Traité OHADA(sic), les procès-verbaux des délibérations du Conseil d’Administration n’ont pas été cotés et paraphés par le Président du Tribunal du siège social;
S’appuyant sur l’article 459 du traité OHADA (sic), Koffi BERGSON fait remarquer que le procès-verbal du Conseil d’Administration ne peut encourir que la nullité, ainsi que les actes subséquents qu’il a suscités ».
Il appelle sur la réparation du préjudice qu’il a subi, que ses jugements au sein de la sociétés lui rapporteraient des honoraires forfaitaires de 4.500.000 FCFA par mois sans oublier que la convention de consultant a été aussi (sic);
Résiliée en violation des termes de ce contrat, il sollicite par conséquent des dommages-intérêts d’un montant de 1.800.000.000 F CFA, toutes causes de préjudice confondues sur la base des articles 1382 et 1149 du code civil;
Relevant appel incident par voie de conclusion de ses conseils Maîtres TAKORE et Associés, en date des 1er et 29 juin 2001, la société LOTENY TELECOM soutient qu’à la date du 10 septembre 1998, ses statuts n’étaient pas encore mis en harmonie avec les textes du Traité OHADA (sic) et que seuls demeurent applicables au cas d’espèce, les statuts de la société conformément à l’article 919 dudit Traité (sic);
Faisant état des délibérations du Conseil du 10 septembre 1998, elle précise qu’il y a pas de nullité sans texte, la nullité des actes de procédure de l’article 123 du code de procédure civile n’étant pas à confondre avec celle des actes d’administration des sociétés commerciales fondées sur la loi de 1867, dont seuls les articles 22, 23, 24 et 25 en font référence;
Intervenant subsidiairement sur la régularité de la convocation, la société LOTENY TELECOM relève qu’aucun texte n’indique qu’elle doit contenir les noms et signatures des administrateurs, et que la mention : » pour la majorité des administrateurs, avec la signature d’un seul », est bien régulière;
Sur l’ordre du jour de cette convocation, se référant au principe de la révocation ad nutum, elle explique que celle-ci peut intervenir à tout moment dans l’intérêt de la société, même si l’ordre du jour ne l’a pas prévue.
Elle fait remarquer aussi qu’à l’occasion de sa séance du 07 juillet 1999, le Conseil a été amené, à la demande de l’appelant, à statuer sur la question de sa révocation de la présidence du Conseil, et les administrateurs, qui ont décidé de ne plus revenir sur les délibérations du 10 septembre 1998 de Genève, l’ont désigné Président Fondateur;
Parlant de ses actions, précision a été fournie par la concluante que sur 30.390 actions qu’il détenait sur un total de général de 286.500, soit 10%, Koffi BERGSON en a cédé 28.600 pour un prix de vente de 900.000.000 F et qu’il ne lui restait que 1.740 actions qui ont fait l’objet d’une vente aux enchères publiques par l’un de ses créanciers le 28 juillet 2000;
Sur appel incident, elle demande à la Cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a alloué des dommages-intérêts à la partie adverse à propos du contrat de consultant, alors que l’article 6 de ce contrat lui donnait la possibilité de le rompre sans motif;
Par voie de conclusion en réplique, de ses conseils en date des 21 et 28 juin 2001;
Koffi Victor BERGSON, rappelant les dispositions de l’article 22 des statuts, a repris ses moyens développés sur l’irrégularité de la convocation; il note aussi qu’aux termes de l’article 22 in fine précité, l’ordre du jour arrêté n’a pas été respecté et conclut à la nullité de ces actes contraintes aux statuts;
Suivant un mémoire daté du 29 juin 2001, Koffi Victor BERGSON, désirant compléter les écritures de ses conseils, ajoute en substance que, conformément à l’article 175 in fine du code de procédure civile, il ne formule pas de demandes nouvelles, dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si fondées sur des causes et des motifs différents;
A ce propos, précise-t-il, il entend fonder son argumentation :
– sur les lois françaises relatives aux sociétés des 24 juillet 1867, 1945, 1996, 1967;
– sur la loi ivoirienne n° 83-789 du 02 août 1983 relative à la direction et à l’administration des sociétés anonymes, et les statuts de la société LOTENY TELECOM S.A.;
Au regard de la convocation du Conseil du 10 septembre 1998, Koffi Victor BERGSON fait remarquer que la mention « pour la majorité des administrateurs. M. Yérim SOW » et sa signature ne peut constituer ou faire ressortir à elle seule, cette majorité, défaut des noms, prénoms et signatures des intéressés, alors surtout qu’aucun mandat de ces derniers n’est annexé à cette convocation.
Il précise que des réception de cette convocation le 30 août 1998, il a, en sa qualité de président du Conseil d’Administration, pris l’initiative de compléter l’ordre du jour et fixé la réunion au 21 septembre 1998 au siège de la Société à Abidjan, aucun administrateur ne résidant à Genève.
Il relève à propos des délibérations du Conseil, qu’aucun registre de présence n’a été produit au débat, signé des participants, et plus grave encore souligne-t-il, le registre des délibérations n’a été paraphé, ni signé par le seul administrateur, Yérim SOW, supposé présent à cette réunion de Genève;
Seuls l’ont signé, Denis O’KELLY et Me TAKORE Guizot, Avocat, qui ne sont pas des administrateurs;
Or, la loi française de 1966, en son article 100 al. 1, dispose que : « seuls les administrateurs présents pris en compte, il n’est pas possible de prendre en considération dans le quorum, des administrateurs représentés », la loi ivoirienne du 02 août 1983, dispose elle aussi en son article 4 al. 2 que : « le Conseil d’Administration ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents, toute clause contraire est réputée non écrite, la lecture du procès-verbal des délibérations du 10 septembre 1998 de Genève fait ressortir des quatre administrateurs, à savoir : Kredict Miko, RWAYITARE, Joseph GATT, Koffi Victor BERGSON, et Yérim Abib SOW, seul le dernier cité était supposé présent. Ainsi le Conseil n’a pu valablement délibérer pour défaut de quorum;
En tout état de cause, poursuit-il, la lecture de Joseph GATT n’a pu être produite au débat, parce que eu égard à l’ordre du jour sur la convocation, il ne peut prendre position sur un autre sujet tel que la révocation du Président du Conseil d’Administration;
Il y a donc nullité des délibérations de ce Conseil, et n’ayant jamais cessé d’être le Président du Conseil d’Administration de LOTENY TELECOM, il doit être rétabli dans ses droits et fonctions;
Sur la réparation de son préjudice, il réitère ses demandes présentées et demande à la Cour de lui adjuger l’entier bénéfice de ses écritures antérieures. Tout en sollicitant que la condamnation soit assortie d’une astreinte comminatoire de 1.000.000 F par jour de retard, pendant l’exécution;
Suivant les conclusions de ses conseils en date des 4 et 6 juillet 2001, la société LOTENY TELECOM fait valoir qu’en réclamant la somme de 1.800.000.000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues, l’appelant fait une demande nouvelle, puisque devant le premier juge, cette somme s’arrêtait à 586.250.000 F, et que eu égard aux dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, elle doit être rejetée;
Elle relève aussi que l’article 22 al. 5 des statuts a été modifié par l’Assemblée Générale extraordinaire du 1er octobre 1996, et sa nouvelle rédaction est la suivante :
« Le Conseil d’Administration ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents et si les administrateurs de deux catégories au moins, sont présents ou représentés »;
Que ce texte n’étant pas violé, elle conclut au rejet du moyen tendant à sa prétendue violation;
Qu’il en sera de même de la convocation dont l’article 22 n’a prévu aucune condition de forme;
Invoquant l’ordre du jour de la réunion du Conseil du 10 septembre 1998 de Genève, LOTENY TELECOM estime que le conseil avait toute latitude, en vertu de son pouvoir de révocation ad nutum, de tirer les conséquences de ses délibérations et de révoquer Koffi Victor BERGSON, s’il le jugeait nécessaire; elle conclut donc à l’adjudication de l’entier bénéfice de toutes ses écritures;
Le Ministère Public, qui a eu communication du dossier de la procédure, a conclu qu’il plaise à la Cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau;
– Annuler les délibérations du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 et juger que la révocation de Koffi Victor BERGSON de ses fonctions de Président du Conseil d’Administration est abusive;
En conséquence :
– Rétablir l’intéressé dans ses fonctions et condamner la société LOTENY TELECOM à lui payer la somme de 600.000.000 F à titre de dommages-intérêts;
– Déclarer abusive la rupture par LOTENY TELECOM, du contrat de consultant et condamner cette dernière à lui payer de ce chef 1.000.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts.
DES MOTIFS
Des textes applicables au cas d’espèce.
Il résulte des productions que le conflit qui oppose les parties tire sa source de la convocation du 25 août 1998, et du conseil d’Administration tenu à Genève le 10 septembre 1998;
A ce propos, l’article 908 du Traité OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique, dispose que : « les sociétés et ces groupements constitués antérieurement à son entrée en vigueur sont soumis à ces dispositions. Ils sont tenus de se soumettre à ces dispositions dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur » et l’article 919 précité : « sont abrogées, sous réserve de leur application transitoire pendant une période de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent acte uniforme, aux sociétés n’ayant pas procédé à la mise en harmonie des statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, toutes dispositions du présent Acte uniforme… »;
Or s’il est constant que ce traité est entré en vigueur le 1er janvier 1998, la preuve n’est pas rapportée au dossier qu’à la date du 10 septembre 1998, les statuts de la société LOTENY TELECOM aient connu la mise en harmonie avec les dispositions du Traité (sic);
De sorte que le moyen tiré de la volonté de Koffi Victor BERGSON, de voir appliquer les textes du traité OHADA (sic), ne peut prospérer; il échet dès lors de rejeter ce moyen, et confirmer sur ce point le jugement entrepris.
De la nullité de la convocation du 25 août 1998.
L’article 22 al. 2 des statuts de la société LOTENY TELECOM dispose que : « les convocations du Conseil d’Administration sont faites par le Président ou la personne à qui il a donné tous pouvoirs à cet effet, ou encore par la majorité des administrateurs en exercice ». Et le procès-verbal de l’Assemblée générale constitutive unique de la société LOTENY TELECOM du 27 mars 1996, en sa deuxième résolution, nous indique quatre administrateurs, à savoir : Koffi BERGSON, Yérim SOW, Joseph GATT et Miko RWAYITARE;
Or la convocation contestée, en-dehors de la mention : « pour la majorité des administrateurs » suivie de la signature de Yérim SOW, ne comporte aucune autre indication pouvant rendre compte de cette majorité, telle les noms, prénoms et signatures des intéressés, ou même l’adjonction d’un mandat donné par ceux-ci à Yérim SOW;
Ainsi, parce qu’elle ne satisfait pas aux exigences de l’article 22 al. 2 précité, cette convocation doit être déclarée nulle pour violation des dispositions impératives des statuts;
De la nullité des délibérations du Conseil d’Administration du 10 septembre 1998 de Genève.
Suivant l’article 22 al. 5 des statuts modifiés par l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 1996;
« Le Conseil d’Administration ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents et si les administrateurs de deux catégories au moins d’actions sont présents ou représentés »;
Sur ce chapitre, l’article 4 al. 2 de la loi n° 83-789 du 02 août 1983 relative à la Direction et à l’Administration des sociétés anonymes, dispose que : « le Conseil d’Administration ne délibère que si la moitié au moins de ses membres sont présents, toute cause contraire est réputée non écrite ».
Il s’infère de cette loi et des statuts de la société, que seuls les administrateurs présents à la réunion du Conseil sont pris en compte dans l’établissement du quorum;
Or, si le procès-verbal de l’assemblée générale constitutive unique de la société LOTENY TELECOM du 27/03/1996, en sa deuxième résolution, nous désigne quatre administrateurs Koffi BERGSON, Yérim SOW, Joseph GATT et Miko RWAYITARE, l’analyse du procès-verbal des délibérations du 10 septembre 1998 de Genève, fait ressortir que Koffi BERGSON était absent, tout comme Joseph GATT, tandis que Miko RWAYITARE s’était fait représenter et Yérim SOW, censé être présent, n’a pas signé ledit procès-verbal, qui ne comporte que les signatures de l’Avocat Takore GUIZOT et Denis O’KELLY, qui ne font pas partie du collège des administrateurs, par la moitié des administrateurs présents n’est pas atteint, et ce conseil d’administration et ses délibérations encourent la nullité pour violation des dispositions impératives des statuts et de la loi;
Par voie de conséquence, les choses doivent être remises en l’état où elles se trouvaient le 10 septembre 1998, avec le rétablissement de Koffi Victor BERGSON dans ses fonctions de Président du Conseil d’Administration de la société LOTENY TELECOM.
De la violation de l’article 175 du code du procédure civile.
Grief est fait à l’appelant principal d’avoir fait des demandes nouvelles par la modification à la hausse de ses prétentions. Ce texte de loi dispose en effet, « qu’il ne peut être formé en cause d’appel aucune demande nouvelle, à moins qu’il ne s’agisse de compensation, ou que la principale ne soit une défense à l’action principale. Toutefois, ne peut être considérée comme demande nouvelle, la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes et des motifs différents ».
En effet, il résulte de ce texte de la loi que ni le principe de l’immutabilité du litige entaché d’irrecevabilité, toute demande nouvelle en appel ne constituant pas une violation de cette loi, les modifications en augmentation ou en restriction du chiffre de leurs prétentions opérée par les parties en cours d’instance;
Ainsi, en modifiant à la hausse ses prestations, Koffi BERGSON procède par des demandes additionnelles, eu égard au lien de connexité liant la demande en dommages-intérêts présentée en première instance et celle sollicitée en cause d’appel;
Il échet par conséquent de rejeter ce moyen sans consistance;
De la réparation du préjudice né de la révocation irrégulière du Président du Conseil d’Administration.
Koffi BERGSON sollicite à ce poste la somme de 1.200.000.000 F (un milliard deux cents millions de francs) à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues. En effet, il n’est contesté par aucune des parties, que depuis le 10 septembre 1998, à la suite de sa révocation irrégulière de son poste de Président du Conseil d’Administration, l’appelant principal a vu son traitement mensuel de 7.200.000 F supprimé; outre les difficultés financières engendrées par de telles mesures, il faut ajouter le préjudice moral né des publications des journaux, qui se sont largement intéressés à cette affaire.
La Cour, en tenant compte de tous ces éléments, condamne à payer à Koffi BERGSON, la somme de 500.000.000 FCFA (cinq cent millions) à titre de dommages-intérêts.
De la rupture du contrat de consultant.
Des productions font ressortir que le 30 octobre 1998, un contrat de consultant a été signé entre la société LOTENY-TELECOM et Koffi Victor BERGSON;
Aux termes de son article 6, « chaque partie contractante a la possibilité d’y mettre fin sans délai… de même à l’initiative de l’une quelconque des parties, le contrat peut être dénoncé par lettre recommandée avec accusé de réception, sous préavis de 45 jours donné à l’autre partie;
Ainsi, alors que le mémorandum du 19/10/1998 produit au débat atteste de la bonne exécution du contrat par l’appelant, le Président Directeur Général de la société, par lettre datée du 13 août 1999, résilie ledit contrat avec effet immédiat, sans observer donc l’émission de la lettre recommandée, encore moins le préavis de 45 jours à donner à l’autre partie;
Il s’infère de ce qui précède que le Président Général, en agissant avec légèreté aussi blâmable, a commis un abus de son droit de résiliation.
Il convient dès lors de confirmer cette disposition du jugement.
Des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de consultant :
Koffi BERGSON réclame 1.800.000.000 FCFA (un milliard huit cent millions de FCFA) à ce titre, toutes causes de préjudice confondues; en effet, il n’est pas contesté que cette brusque rupture de contrat a consacré la suppression de ses traitements mensuels, qui n’étaient pas inférieurs à 14.000.000 F mois, outre sa mise à l’écart définitive de la société dont il est le fondateur exclusif, provoquant du coup la dislocation de sa famille, son épouse l’ayant abandonné pour regagner son pays, les Etats-Unis; le préjudice tant financier que moral est donc alors incontestable, et la Cour décide de le réparer en lui allouant la somme de 900.000.000 F de ce chef, à titre de dommages-intérêts, compte tenu des documents sur le bilan de la société produits au débat;
La société LOTENY TELECOM succombe en la cause; il y a lieu de la condamner aux entiers dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Reçoit tant Koffi Victor BERGSON que la société LOTENY TELECOM, en leur appel principal et incident du jugement civil n° 94 du 12 avril 2001 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau;
AU FOND :
– Déclare Koffi Victor BERGSON partiellement fondé en son appel principal;
– Dit par contre la société LOTENY TELECOM mal fondée en son appel incident et l’en déboute;
– Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré régulières la convocation du 25 août 1998 et les délibérations du conseil d’administration du 10 septembre 1998 tenu à Genève;
Statuant à nouveau sur ce point;
– Déclare nulles lesdites convocations et délibérations;
– Réintègre Koffi Victor BERGSON dans ses fonctions de Président du Conseil d’Administration de la société LOTENY TELECOM;
– Condamne ladite société à lui payer la somme de 500.000.000 F à titre de dommages-intérêts pour révocation irrégulière de ses fonctions de Président du Conseil d’Administration;
Reformant le jugement, au titre de la réparation pour résiliation abusive du contrat de consultant :
– Condamne la société LOTENY TELECOM à payer à KOFFI Victor BERGSON, la somme de 900.000.000 F à titre de dommages-intérêts;
– Déboute l’intéressé du surplus de ses réclamations;
– Confirme le jugement en ses autres dispositions;
– Condamne la société LOTENY TELECOM aux entiers dépens.
Président : SEKA ADON Jean-Baptiste
Conseillers : TAMIMOU Honorine
COULIBALY Hamed.
Note d’ECODROIT
Les décisions (ci-dessus) reproduites concernent ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire TELECEL. Ces décisions sont intéressantes à plus d’un titre. Elles se prononcent en effet sur la mise en harmonie des statuts et sur les conditions de révocation d’un Président de Conseil d’Administration.
L’initiateur de cette procédure, Koffi BERGSON, est décédé en cours de procédure. Conformément à l’article 107 du code de procédure civile, commerciale et administrative, l’instance qui se déroule actuellement devant la Cour Suprême sur pourvoi en cassation se trouve interrompue (à moins que l’affaire soit déjà en état).
Dans la mesure où l’instance peut être reprise, il nous est apparu utile de porter les décisions des juridictions inférieures à votre connaissance, ce qui permettra, assurément, de mieux apprécier la décision de la Cour Suprême lorsqu’elle interviendra.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On ne peut qu’approuver la cour d’appel d’avoir jugé que, pendant la période transitoire prévue par l’article
919 AUSCGIE, une société commerciale pouvait continuer à fonctionner selon les dispositions législatives et statutaires antérieures à cet Acte uniforme. Même si la mise en harmonie des statuts s’est faite peu après la réunion du conseil d’administration en cause dans cette espèce, c’est au moment où les convocations ont été lancées et la réunion a eu lieu qu’il faut se placer pour apprécier si la procédure de convocation et de tenue de la réunion du conseil a respecté les dispositions en vigueur.
On doit également l’approuver d’avoir déclaré la nullité du procès verbal de la réunion du conseil d’administration signé par un seul administrateur au nom de la majorité des autres administrateurs sans citer les noms ni joindre les mandats des intéressés. Un tel procédé est condamnable par sa dissimulation car il ne permet pas de vérifier si :
– la convocation a été faite à la demande de la majorité des administrateurs comme le requéraient les statuts;
– le quorum et la majorité des administrateurs avaient été atteints.
Etonnons-nous, tout de même, que la cour ait cru bon de recourir à des textes français, invoqués par le président révoqué pour arriver à ce résultat que commandaient les principes élémentaires de la preuve, de la loyauté et… du bon sens. Jusqu’à preuve du contraire, le droit français postérieur à l’indépendance de la Côte d’Ivoire, n’est pas applicable dans ce pays.
Enfin, sur la résiliation du contrat de consultance, si elle a été décidée sans respect du préavis, elle ne peut être déclarée abusive, ipso facto, que si la clause de préavis prévoyait un délai de rupture quelle que soit la cause de la cessation unilatérale du contrat. Or, rien de tel n’étant prévu, il est acquis, en droit commun, que la faute lourde d’une des parties justifie une rupture sans préavis. Or, la cour ne s’est pas prononcé sur la nature des faits fautifs reprochés à l’administrateur-consultant ni sur leur gravité comme le demandait la société Loteny-Télécom. A supposer que la rupture soit considérée comme abusive en la forme, il aurait fallu également se prononcer sur son caractère abusif quant au fond, le montant des dommages intérêts étant distinct dans les deux cas.
Que se passera-t-il si un pourvoi est formé par l’un des plaideurs ?
Si le pourvoi ne s’appuie que sur la violation de la loi antérieure, c’est la cour suprême de la Côte d’Ivoire qui sera compétente pour en juger. Mais si ce pourvoi s’appuie sur la violation des dispositions de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales, c’est la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage qui devra être saisie. Voilà qui sera une situation embarrassante pour déterminer si ce sera l’une ou l’autre qui sera pleinement compétente pour connaître de la violation du droit antérieur et des questions relevant du droit uniforme ou s’il y aura un partage des questions de droit posées par le pourvoi.