J-02-188
Voir Ohadata J-02-120
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – NON-CONTESTATION DU CONGE – USAGE D’EXIGER UN MOTIF (NON). EXPULSION DU PRENEUR (OUI) – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES POUR PRONONCER L’EXPULSION (OUI) – ARTICLE 91 AUDCG – ARTICLE 93 AUDCG.
En cas de non contestation du congé servi à un locataire bénéficiaire d’un contrat de bail commercial à durée indéterminée, ledit contrat prend fin à la date fixée par le congé; de sorte que l’expulsion de celui-ci peut s’obtenir par la voie de référé.
Article 91 AUDCG
Article 93 AUDCG
(Cour d’appel d’ Abidjan, arrêt n° 449 du 24 avril 2001 – DRAMERA Mamadou (Me TOURE Marame) c / Ets BARNOIN (Me BLEY DOUAHI), Ecodroit, n° 11, mai 2002, p. 68 ].
LA COUR,
Ouï le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 23février 2001 comportant ajournement au 13 mars 2001, M. DRAMERA Mamadou a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 871/2000 rendue le 3 mars 2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d’Abidjan qui, saisie par lui en expulsion de la société « Les Etablissements BARNOIN », suite à un congé servi, s’est déclaré incompétent au motif qu’il y a une contestation sérieuse quant à la durée du bail conclu véritablement et à ses modalités d’exécution;
Au soutien de son appel, M. DRAMERA Mamadou relève que le contrat verbal étant valable, il ne s’est posé aucun problème quant à son exécution, contrairement aux affirmations du Premier Juge;
En la matière, explique-t-il, un congé peut être servi, seulement l’usage veut que le motif soit légitime;
Reprenant l’argumentation de l’intimité selon laquelle le motif du congé n’est pas prononcé et que, d’ailleurs, il y aurait 12 locataires qui devraient être normalement concernés par ledit congé, l’appelant réplique que le motif du congé est bel et bien prononcé et qu’il est dit dans l’exploit de congé, qu’il s’agit de reprendre son local pour y effectuer des travaux;
Si les travaux à effectuer se situent dans ce seul local, précise l’appelant, l’évidence est que ce soit uniquement l’occupant de ce local qui soit concerné par le congé; et il a la latitude, après l’exécution des travaux, de faire appliquer les dispositions du traité OHADA en matière de bail commercial, à savoir sommer le bailleur à l’accepter à demeurer dans le local rénové;
L’intimé, selon l’appelant, au lieu de suivre une telle procédure, a préféré créer une contestation inutile;
Ainsi, affirme l’appelant, c’est à tort que le juge des référés s’est déclaré incompétent;
L’intimé, qui comparaît, n’a pas déposé d’écriture en cause d’appel;
La Cour, à l’audience du 27/03/2001, a invité les parties à faire des observations sur la violation de l’article 36 de la loi 80-1069 du 13 septembre 1980 relative aux baux commerciaux que la Cour entend soulever d’office;
Par des conclusions datées du 03/04/2001, l’appelant, par le canal de son conseil, Maître TOURE Marame, a relevé, d’une part, que l’action portée devant le Juge des référés est une demande en résolution du contrat de bail, à la suite d’un congé expiré et non d’une contestation, d’autre part, que l’expiration du congé et jusqu’à la saisine de la juridiction rend le Juge des référés compétent pour connaître de la demande en expulsion; enfin, l’appelant fait valoir qu’en tout état de cause, l’inexistence seule de l’urgence en l’espèce rend compétent (sic) le Juge des référés;
Pour leur part, les ETABLISSEMENTS BARNOIN, par le canal de leur conseil, Maître BLEY DOUAHI Augustin, Avocat à la Cour, déclarent qu’il ne s’agit pas d’un problème relatif à la validité du contrat verbal, mais de la compétence du Juge de référé en cas de contestation du renouvellement du bail et de la fixation du prix du loyer révisé;
Ils relèvent que la procédure de référé est caractérisée par l’urgence et qu’en l’espèce, M. DRAMERA, qui a donné un premier congé en vue d’une occupation personnelle des lieux, « a obtenu » en échange, une augmentation du loyer de 200.000 F à 250.000 F et qu’ensuite, par exploit de Maître AKOUPO LOKONAN en date du 22 juin 1999, il leur a notifié un congé à échéance du 22/12/1999, en vue de reprendre le local pour y effectuer des travaux de réfection;
Pendant que ces congés couraient, déclarent les intimés, l’appelant leur a notifié une révision de loyer passant de 250.000 F à 300.000 F à compter du 30 septembre 1999, ce qu’ils ont contesté, et c’est ce qui leur a valu la présente procédure d’expulsion;
Ainsi, selon les intimés, il s’agit effectivement d’une contestation du prix du loyer du bail passant de 250.000 F à 350.000 F;
Ils font valoir enfin sur la durée de bail, que des congés leur avaient été donnés pour réfection du local, et qu’avant l’explication (l’expiration ?) desdits congés, le bailleur les a assignés en expulsion parce qu’ils ont refusé l’augmentation de loyer proposée par ce dernier.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel du sieur DRAMERA Mamadou a été conforme aux prescriptions légales, de sorte qu’il doit être déclaré recevable;
AU FOND
C’est véritablement à tort que le Premier Juge s’est déclaré incompétent en invoquant des contestations sérieuses quant à la durée du bail conclu verbalement et à ses modalités d’exécution;
En effet, contrairement à l’opinion du Premier Juge, il s’agit en l’espèce d’un congé servi au locataire sur la base des dispositions de l’article 93 du Traité OHADA (sic) relatif au Droit Commercial Général, et plus spécifiquement, au bail commercial;
Ces dispositions énoncent que « dans le cas d’un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner par acte extraordinaire, au moins six (6) mois à l’avance;
Le preneur, bénéficiaire du droit au renouvellement en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut s’opposer à ce congé, au plus tard à la date d’effet de celui-ci, en notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire, sa contestation de congé;
Faute de contestation dans ce délai, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé »;
Il convient, par ailleurs, de faire noter qu’en droit, un bail verbal s’analyse en un bail à durée indéterminée et s’exécute comme tel;
De sorte que le caractère verbal du contrat de bail ne constitue pas en soi une cause de contestation, encore moins de contestation sérieuse;
Au demeurant, la contestation, au regard des dispositions de l’article 93 précité, correspond à une démarche bien précise : « le preneur peut s’opposer à ce congé, au plus tard à la date d’effet de celui-ci, en notifiant au bailleur, par acte extrajudiciaire, sa contestation de congé »;
Ainsi la contestation, au sens de ces dispositions, se fait forcément par acte extrajudiciaire notifié au bailleur;
Or, rien au dossier n’établit qu’une contestation ait été notifiée au bailleur;
Il s’ensuit qu’il n’y avait aucune contestation en l’espèce qui rendait le Juge des référés incompétent;
Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de dire que le Juge des référés était compétent pour statuer sur l’action de M. DRAMERA Mamadou;
DU BIEN-FONDE DE L’ACTION DE DRAMERA MAMADOU
Par exploit daté du 14/05/1999, DRAMERA Mamadou a fait servir congé de six mois aux Etablissements BARNOIN d’avoir à quitter les locaux à eux loués, pour y effectuer des travaux de réfection;
Aucune contestation, au sens des dispositions de l’article 93 du Traité OHADA relatif au Droit Commercial Général et au bail commercial n’a été élevée contre ce congé;
Dès lors, conformément à l’alinéa 4 de l’article 93 précité, le bail à durée indéterminée (a expiré) à la date fixée par le congé, le 14/12/1999;
L’action en expulsion de DRAMERA Mamadou a été initiée par exploit du 20 février 2000, soit près d’un mois après l’expiration du congé;
Il y avait donc incontestablement urgence à faire expulser le locataire qui, ayant reçu le congé à lui servi, ne l’a pas contesté et qui, cependant, demeurait dans les locaux;
Il convient donc de faire droit à la demande de DRAMERA Mamadou, de constater que les Etablissements BARNOIN n’ont pas contesté le congé à eux servi, et d’ordonner leur expulsion;
En raison de cette décision, les Etablissements BARNOIN seront condamnés aux dépens, en application de l’article 149 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare recevable et fondé l’appel régulièrement relevé par DRAMERA Mamadou de l’ordonnance n° 871/2000 rendue le 03/03/2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d’Abidjan;
– Infirme ladite ordonnance en ce qu’elle a déclaré incompétente la juridiction saisie pour contestation sérieuse.
STATUANT A NOUVEAU
– Dit et juge que le Juge des référés saisi est compétent;
– Constate que les Etablissements BARNOIN n’ont élevé aucune contestation aux sens des dispositions de l’article 93 du Traité OHADA relatif au bail commercial, suite au congé à eux servi par le bailleur, en application desdites dispositions;
– Ordonne en conséquence leur expulsion des lieux, tant de leur personne, de leur bien que tous occupants de leur chef;
– Condamne les Etablissements BARNOIN aux dépens.