J-02-192
INJONCTION DE PAYER – Signification au greffe de l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer au-delà de 15 jours – déchéance (non) – ARTICLE 11 AUPSRVE – ARTICLE 43 DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE.
L’obligation qui est faite au créancier poursuivant, par l’article 11 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, est de signifier son recours, à peine de déchéance, à toutes les parties et au Greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer. Ce texte n’impose au créancier poursuivant aucun délai pour procéder à cette formalité relativement au Greffe, de sorte que si celui-ci y satisfait quinze jours après la signification de l’ordonnance au détenteur poursuivi, il ne peut être frappé de déchéance.
[Cour d’Appel d’Abidjan, Arrêt n° 147 du 30 janvier 2001. TOHE BA Michel (M. MOBIO Gabin) c/ FISDES (Me VAFFI Chérif) Ecodroit, n° 11, mai 2002, p.50].
LA COUR,
Vu les pièces au dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit en date du 26 juillet 2000, Monsieur TOHE BA Michel a relevé appel du jugement n° 575 rendu le 26 juin 2000 par le Tribunal de Première Instance qui, en la cause, a ainsi statué :
« - Déclare TOHE BA Michel recevable en son opposition;
– L’y dit cependant mal fondé;
– L’en déboute;
– Restitue à l’ordonnance querellée son plein et entier effet »;
Au soutien de son appel, M. TOHE BA Michel fait valoir que la requête aux fins d’injonction de payer présentée par le Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique et Social, FISDES, est irrecevable au motif que la forme juridique de la requérante n’est pas indiquée, alors que cette mention est exigée par le traité OHADA ;
Au fond, M. TOHE BA Michel explique que le FISDES lui a prêté 16.750.000 F et qu’il a déjà remboursé 5.080.000 F;
Il estime en conséquence que la somme réclamée, soit 18.760.000 F, n’est pas justifiée; il conteste le taux d’intérêt et la pénalité pour impayés qui lui a été infligée;
Il explique également que le prêt qui lui a été consenti était assorti d’une clause de signature conjointe de tous les chèques émis sur le compte de son entreprise;
Cependant, poursuit-il, les agissements de Monsieur MINGNI, co-signataire des chèques, ont perturbé sa gestion, puisque celui-ci s’absentait sans prévenir, de sorte qu’il a été contraint plus d’une fois de suspendre ses activités;
Il ajoute que cette situation l’a même conduit à arrêter son activité et l’a mis dans l’impossibilité de rembourser sa dette;
Il en conclut que c’est à tort que le premier juge n’a pas fait droit à sa demande reconventionnelle portant sur la somme de 50.000.000 F en réparation du préjudice qu’il a subi du fait du FISDES;
Il précise que le jugement déféré à violé l’article 8 de l’Acte uniforme du traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, qui dispose que l’opposition a pour objet de saisir non seulement de la demande initiale du créancier, mais de l’ensemble du litige;
Il sollicite, en conséquence, l’infirmation de ce jugement, la condamnation du FISDES à lui payer 50 millions de francs, puis une compensation à hauteur des sommes dues par lui;
Le FISDES intimé, soutient pour sa part que M. TOHE BA Michel a violé l’article 11 de l’Acte uniforme portant sur le recouvrement simplifié de créances et des voies d’exécution (NDLRS :AUVE);
Il explique, à cet effet, que l’acte d’opposition a été signifié au Greffe du Tribunal le 28 février, alors que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer avait été faite depuis le 9 février;
Il conclut que le délai légal des 15 jours ayant été dépassé, M. TOHE était, par conséquent, déchu de son droit de faire opposition;
Se portant appelant incident, le FISDES sollicite qu’il soit déclaré que TOHE BA Michel est déchu de son droit d’opposition;
Poursuivant, le FISDES fait valoir que TOHE BA, qui avait obtenu l’assistance judiciaire par décision n° 42 du 28 juillet 1998, dans le cadre d’une première procédure s’étant terminée par un arrêt de la Cour d’Appel du 11 janvier 2000, a encore utilisé cette même décision pour la présente procédure;
Il estime que M. TOHE aurait dû solliciter une nouvelle décision d’assistance judiciaire;
Il en conclut que M. TOHE a violé l’article 43 du Code de Procédure Civile, pour n’avoir pas acquitté les frais d’enrôlement de son opposition;
Subsidiairement au fond, il fait observer que M. TOHE ne conteste pas lui devoir;
Il ajoute cependant que l’appelant fait preuve de mauvaise foi et abuse de son droit d’agir en justice, que celui-ci l’a assigné devant la 7e chambre du Tribunal pour réclamer des dommages-intérêts : il sollicite en réparation 30 millions de francs de dommages-intérêts;
S’agissant de l’exception d’irrecevabilité de sa requête soulevée par TOHE BA, le FISDES répond en affirmant qu’il a indiqué suffisamment sa forme juridique, qui est « institution de financement par accord »;
En réplique, TOHE BA Michel indique que c’est en vain que le FISDES soutient qu’il est déchu de son opposition, la signification au Greffe n’étant selon lui qu’une formalité ne prêtant pas à conséquence.
DES MOTIFS
Sur la recevabilité des appels principal et incident.
L’appel relevé par TOHE BA Michel a respecté les forme et délai prescrits par la loi;
Il est recevable; l’appel incident du FISDES l’est également en conséquence.
Sur la déchéance
Il résulte clairement de l’article 11 de l’Acte uniforme portant sur le recouvrement simplifié et voies d’exécution, que l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition, de signifier son recours à toutes les parties et au Greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer;
S’il apparaît, à l’examen de ces dispositions, que l’opposant est tenu de signifier son opposition au Greffe, rien n'indique en revanche que cette obligation est enfermée dans un délai de 15 jours.
Il en résulte que seul le défaut de signification au Greffe est susceptible d’être sanctionné par la déchéance.
Sur la non-consignation au Greffe
Il n’est pas sérieusement contestable que l’arrêt n° 36 du 11 janvier 2000 n’a pas rendu une décision définitive;
Dès lors, c’est à bon droit que TOHE BA Michel peut se prévaloir de la décision n° 42 du 28 juillet 1998 d’admission au bénéfice de l’assistance judiciaire; l’exception soulevée sera ainsi rejetée.
Sur le bien-fondé de l’appel principal.
Monsieur TOHE BA Michel conteste le montant de la créance, mais n’en conteste pas sérieusement le principe;
Par demande reconventionnelle, il a sollicité la condamnation du FISDES à lui payer la somme de 50 millions de F, en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par les agissements de celui-ci;
Bien que l’article 8 de l’acte uniforme relatif au recouvrement de créances et voies d’exécution autorise l’examen de l’ensemble du litige, M. TOHE BA Michel n’apporte cependant pas la preuve, non seulement des actes reprochés, mais également le lien de causalité entre ceux-ci et la déconfiture de son entreprise;
Il y a lieu, en conséquence, de le débouter de sa demande de condamnation du FISDES et partant, de sa demande de compensation; il convient en revanche de confirmer le jugement attaqué.
Sur l’appel incident du FISDES.
Sur l’appel incident, le FISDES sollicite la condamnation de TOHE BA Michel à lui payer la somme de 80 millions de Francs à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive;
Cependant, à l’examen de la procédure, il n’apparaît pas que TOHE BA Michel ait abusé de son droit d’agir ou de se défendre en justice;
Il y a lieu de débouter le FISDES de cette demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit TOHE BA Michel et le Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Economique et Social dit FISDES, en leurs appels principal et incident.
AU FOND
– Les y dit mal fondés;
– Les en déboute;
– Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris;
– Déboute le FISDES de sa demande de dommage-intérêts;
– Condamne TOHE BA Michel aux dépens.
1 NDLRS. Il s’agit de l’AUVE et non du Traité.