J-02-198
sociétés commerciales – expertise de gestion – nécessité pour le demandeur de représenter au moins un cinquième du capital social – absence d’urgence – incompétence du juge des référés – article
159 AUSCGIE – article 257 du code Sénégalais de procédure civile.
Si l’article
159 AUSCGIE permet de solliciter une expertise de gestion, le ou les demandeurs doivent détenir au moins le cinquième du capital social. L’article
159 AUSCGIE ne prévoyant pas expressément la compétence du juge des référés pour décider une telle mesure, celui-ci ne peut être saisi qu’en cas d’urgence, selon l’article 257 du code (Sénégalais) de procédure civile.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, ordonnance de référé n° 901 du 9 août 1999, Hassane Yacine c/ Société Nattes Industries, Ibrahima Yazback et autres).
Tribunal régional hors classe de Dakar
Ordonnance de référé du 09 août 1999
SUR QUOI, NOUS JUGE DES REFERES,
Vu la demande de désignation d’expert présentée par Hassan YACINE à l’encontre des défendeurs;
Après avoir entendu les parties en leurs conclusions respectives;
Attendu que suivant l’exploit en date du 14 avril 1999 de Me Mamadou Mansour KAMARA, huissier de justice à Dakar, Hassan YACINE a assigné la Société Nattes Industries, Ibrahim YAZBACK, Mme SALMA, Mohamed YAZBACK, Karim YAZBACK, Soledad YAZBACK et Nadia YAZBACK par-devant le juge des référés pour entendre désigner un expert comptable et financier avec pour mission de faire un audit de la Sté Nattes Industries, de déterminer la valeur actuelle des actions et le montant réel des bénéfices dégagés depuis la création de la société.
SUR LA COMPETENCE
Attendu que les défendeurs ont conclu à l’incompétence du juge des référés au motif que la présente procédure n’a aucun caractère d’urgence ni de péril; que pour eux, la date de l’assignation et celle des conclusions du sieur YACINE ainsi que les différents renvois permettent de s’apercevoir que l’urgence et le péril invoqué n’existent pas;
Attendu que Hassan YACINE s’est limité a invoquer l’urgence et le péril dans l’acte d’assignation, mais n’a pas conclu sur ce point;
Attendu qu’il est constant que l’urgence est une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine du juge;
Attendu que la mésentente ou l’existence d’un différend également invoqué par Hassan YACINE n’a pas d’influence sur la bonne marche de la Société Nattes Industries, compte tenu de la répartition des actions et de la non-implication de ce dernier dans la gestion de ladite société;
Attendu qu’en dehors de l’urgence (article 257 du Code de Procédure Civile) et de l’article 159 de l’Acte Uniforme portant sur le droit des sociétés commerciales, qui exige que l’associé qui sollicite l’expertise de gestion représente au moins le cinquième du capital social, il n’y a pas un texte particulier qui donne compétence au juge des référés pour statuer sur les mesures sollicitées par Hassan YACINE;
Attendu qu’il s’y ajoute qu’il résulte des éléments de la procédure que la valeur de l’action de la Société Nattes Industries a été évaluée aussi bien par l’expert de cette société que par un expert commis par Hassan YACINE et que Hassan YACINE était informé des résultats de la Société Nattes Industries;
Attendu qu’en considération de ce qui précède, il y a lieu de se déclarer incompétent pour défaut d’urgence.
PAR CES MOTIFS
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais, dès à présent, par provision et vu l’urgence tous droits et moyens des parties réservés au fond;
Vu le défaut d’urgence en l’espèce;
Nous déclarons incompétent;
Mettons les dépens à la charge de Hassan YACINE.
Et signons avec le Greffier./.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Un associé saisit le juge des référés pour la désignation d’un expert comptable et financier, avec pour mission de faire un audit de la société et déterminer la valeur actuelle des actions et le montant réel des bénéfices dégagés depuis la création de la société. Bien que l’expression n’ait pas été employée par le demandeur, le juge des référés en a déduit qu’il s’agissait d’une demande d’expertise de gestion.
Selon la doctrine et les praticiens, « si les associés d’une société commerciale, quelle que soit sa forme, s’estiment insuffisamment éclairés sur la situation de la société, en dépit des rapports de gestion, des comptes sociaux et, le cas échéant, des rapports des commissaires aux comptes ou des questions qu’ils peuvent poser en vertu des articles 157 et 158 (procédures d’alerte), ils peuvent demander une « expertise de gestion » (Droit des sociétés commerciales et du G.I.E., Commentaires, EDICEF / Editions FFA) qui doit concerner certaines opérations de gestion. (Mémento du droit des sociétés commerciales et du GIE, Price Waterhouse, Coopers, 1998).
Mais la question de savoir si l’expertise devait porter sur l’ensemble de la vie sociale ou certaines opérations de gestion bien déterminées n’a pas été abordée. En effet, le juge des référés, examinant l’article
159 AUSCGIE, n’y a pas découvert une référence à sa compétence exclusive ou possible sans conditions. Il s’est donc reporté à l’article 257 du code Sénégalais de procédure civile qui exige l’urgence ou le péril, et ne l’ayant pas trouvé(e) dans les faits de l’espèce, il s’est déclaré incompétent. Ceci étant, rien n’empêche le demandeur de saisir le juge du fond pour les mêmes fins.
Une autre question n’a pas été abordée, celle de savoir si le demandeur de l’expertise détenait 20 % du capital social au moins. On peut supposer que oui, sinon ses adversaires n’auraient pas manqué faire valoir cet argument pour couper court à la procédure.