J-02-26
SAISIE-ATTRBUTION – LITIGE ENTRE LE TIERS SAISI ET LE SAISISSANT- APPLICATION DES ARTICLES 169 A
172 AUPSRVE (NON) – APPLICATION DES ARTICLES 49, 154 ET
168 AUPSRVE (OUI).
DECISION STATUANT SUR LA CONDAMANATION DU TIERS SAISI A PAYER LES SOMMES DUES AU SAISISSANT – APPEL DE CETTE DECISION -INCOMPETENCE DE LA COUR D'APPEL – APPLICATION DE L'ARTICLE 228 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE IVOIRIEN (NON).
ORDONNANCE DE REFERE CONDAMNANT LE TIERS SAISI A PAYER LES SOMMES SAISIES – APPEL CONTRE CETTE ORDONNANCE – DECISION D'INCOMPETENCE DE LA COUR D'APPEL – POURVOI EN CASSATION – POURVOI IRRECEVABLE.
Les articles 169 à
179 AUPSRVE ne sont applicables qu'aux litiges entre le saisi et le saisissant. En conséquence, ils ne s'appliquent pas aux litiges entre le saisissant et le tiers saisi survenu en application de l'article
168 AUPSRVE qui sont soumis aux articles 49 et
154 AUPSRVE.
Ces litiges étant prévus et réglementés par l'Acte uniforme sur les voies d'exécution ne sont pas régis par l'article 228 du code ivoirien de procédure civile.
Doit être rejeté le pourvoi fondé sur la violation des articles 169 à 172 AUVE contre la Cour d'appel d'Abidjan qui s'est reconnue incompétente pour connaître de l'appel interjeté contre l'ordonnance de référé condamnant le tiers saisi à payer au saisissant les sommes saisies dont le tiers saisi s'était reconnu débiteur.
Article 169 A
179 AUPSRVE
(CCJA, arrêt n° 4/2002 du 10 janvier 2002, BOA c/ BHCI, Recueil de jurisprudence, n° spécial, janvier 2003, p. 19. – Le Juris Ohada, n° 2/2002, avril-juin 2002, p. 18. – Penant n° 843, p. 236).
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE
Audience Publique du jeudi 10 Janvier 2002
Renvoi n° 010/2001/PC du 24/07/2001 .
Affaire : BANQUE OF AFRICA dite BOA
(Conseil : Maître Agnès OUANGUI)
Contre
BANQUE DE L'HABITAT DE COTE D'IVOIRE dite BHCI
(Conseil : Maître KONE Mamadou & KOUASSI N'guessan Paul)
ARRÊT N° 004/2002 du 10 janvier 2002
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A.) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 10 janvier 2002 où étaient présents :
Messieurs
Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OIIVEIRA, Second Vice-président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge-rapporteur
et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier;
Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l'affaire BANQUE OF AFRICA COTE D'IVOIRE dite BOA contre BANQUE DE L 'HABITAT DE COTE D'IVOIRE dite BHCI par arrêt n°236/01 en date du 12 avril 2001 de la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile de COTE D'IVOIRE, saisie d'un pourvoi formé le 05 décembre 2000 par Maître Agnès, OUANGUI, avocat à la Cour d'Appel d'Abidjan, y demeurant 24, Bd CLOZEL, immeuble SIPIM, 5éme étage, O1 BP 1306 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la BANQUE OF AFRICA COTE D'IVOIRE dite BOA, enregistré sous le n° 2000-489-CIV du 08 décembre 2000, en cassation de l'Arrêt n°898 rendu le 25 juillet 2000 par la Cour d'Appel d'Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la Banque Of Africa en son appel relevé de L'Ordonnance du l l avril 2000;
AU FOND
Déclare la Cour d'Appel incompétente
Condamne la Banque Of Africa aux dépens »
La requérante a invoqué, à l'appui de son pourvoi initié devant la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE le moyen unique tel qu'il figure à l'acte de pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître devant la Cour Suprême annexé au présent Arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Mainassara MAÏDAGI;
Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune dé Justice et d'Arbitrage de l'OHADA notamment en son article 51;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure qu'à la requête de la BANQUE DE l'HABITAT DE COTE D'IVOIRE dite BHCI et par exploit d'huissier en date du 02 août 1999, saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la BANQUE OF AFRICA COTE D'IVOIRE dite BOA sur des sommes d'argent que cette dernière détiendrait pour le compte de la Société GEOBETON en exécution d'une ordonnance condamnant celle-ci à payer à la BHCI la somme de 94 919 969 F CFA outre les intérêts de droit et les frais; qu'à la suite de la signification de l'acte de saisie, la BOA a déclaré que GEOBETON est titulaire de deux comptes dans ses livres : un compte courant débiteur de 302 085 F CFA et un compte à terme créditeur de 20 000 000 F CFA; que plus tard, la BHCI a signifié le 28 septembre 1999 un certificat de non contestation à la BOA, laquelle ne lui a payé que la somme de 2 697 915 F CFA sur, les 20 000 000 F CFA qu'elle escomptait; que sommée par exploit d'huissier en date du 20 décembre 1999 d'avoir à payer la différence, soit la somme de 17 302 085 F CFA, la BOA a déclaré que les 2 697 915 F CFA déjà versés représentent le solde du compte de la société GEOBETON « après avoir passé les écritures des opérations en cours au jour de la saisie »; que c'est pourquoi la BHCI a intenté, devant le juge des référés, une action contre la BOA aux fins de voir condamner cette dernière à lui payer la somme de 17 302 085 F CFA sous astreinte de 1 000 000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir; que par Ordonnance n° 1324 du 1.1 avril 2000, le juge des référés a condamné la BOA à payée à la BHCI la somme de 17 303 000 F CFA sous astreinte de 100 000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance; que suite à l'appel interjeté par la BOA confie l'Ordonnance sus-indiquée devant la Cour d'appel d'Abidjan, cette dernière s'est déclarée incompétente;
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu que le pourvoi fait grief à l'Arrêt attaqué d'avoir violé, d'une part, les dispositions des articles 336 et 172 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et, d'autre part, les dispositions de l'article 228 nouveau du code de procédure civile ivoirien en ce que la Cour d'Appel-affirme que « le litige qui oppose la Banque BHCI à la BOA est consécutif au refus de la BOA de payer à la BHCI la totalité de la somme de 20 000 000 F CFA que la BOA a déclaré détenir pour le compte de la Société GEOBETON lors de la signification d'une saisie attribution pratiquée entre ses mains le 02 août 1999; ce litige est donc une difficulté d'exécution étant donné qu'il est né au cours d'une procédure d'exécution; en outre l'assignation initiée par la BHCI pour voir contraindre la BOA en date du 03 janvier 2000 est sans équivoque et la requête pour être autorisée à assigner a été adressée au Président du Tribunal qui constitue en cette matière une juridiction; ainsi l'appel d'une telle décision rendue par 1e Président du Tribunal ne peut être porté devant la Cour d'Appel de ce siège qui est incompétente pour connaître en dernier ressort d'une difficulté d'exécution; en conséquence, la Cour décline sa compétence »; alors que selon la requérante, l'Ordonnance n°1324 du 11 avril 2000 qui était déférée à la censure de la Cour d'Appel a été rendue suite à une contestation née dans le cadre d'une saisie-attribution de créances et que la BHCI a choisi de procéder au recouvrement de sa créance en vertu des dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que c'est un principe général de droit constitutionnel que les traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois internes, lequel principe est traduit dans l'article 336 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; que, dès lors, et toujours selon la requérante, il appartient à la Cour saisie d'apprécier sa compétence par rapport aux dispositions de l'Acte Uniforme sus-indiqué sauf matières non prévues par celui-ci et non en vertu des dispositions du droit interne; qu'il résulte de l'article 169 de l'Acte Uniforme sus-indiqué que toutes les contestations sont portées devant la juridiction compétente du domicile du débiteur et l'article 172 du même Acte Uniforme précise que la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d'appel; que l'Acte Uniforme susvisé n'organisant pas la procédure en appel contre l'ordonnance de référé rendue sur la contestation, seul le droit commun en cette matière en COTE D'IVOIRE peut trouver application à savoir l'article 228 nouveau dit Code de Procédure Civile qui dispose que : « les ordonnances de référé ne sont pas susceptibles d'opposition. L'appel est porté devant la Cour d'Appel dans les formes de droit commun »; que par conséquent les dispositions de l'article 221 nouveau du Code de Procédure civile notamment en ses alinéas 2 et suivants étaient donc en l'espace inapplicables;
Mais attendu que les articles 169 à 172 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution traitent des contestations entre le saisi et le saisissant; le tiers-saisi étant à cette occasion appelé à l'instance de contestation, alors qu'en l'espèce c'est le saisissant (BHCI) qui a initié une action tendant à voir contraindre le tiers-saisi (BOA) à lui payer la cause de la saisie pour refus de paiement de la somme déclarée; que cette dernière action est régie notamment par les articles 49, 154 et 168 du même Acte Uniforme lesquels édictent en substance que, d'une part, l'acte de saisie rend le tiers-saisi personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation et en cas de refus de paiement par lui des sommes qu'il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre lui et que, d'autre, part, la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui, la décision ainsi rendue étant susceptible d'appel dans un délai de quinze jours à compter de sou prononcé; que par conséquent, c'est sans pertinence que la BOA invoque l'article 172 de l'Acte Uniforme susvisé, de même que l'article 228 nouveau du Code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative qui organiserait, suite au silence dudit Acte Uniforme sur ce point, la procédure d'appel contre l'ordonnance de référé rendue sur la contestation, ces textes qui ne sont pas applicables en l'espèce, n'ont nullement été violés par la Cour d'appel; qu'il s'ensuit que le pourvoi doit être rejeté;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi;
Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et en que dessus et ont signé :
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
A notre connaissance, cet arrêt de la CCJA est le troisième qui soit rendu à la suite d'un renvoi, devant elle, d'un pourvoi formé devant une juridiction nationale de cassation (en l'espèce, celle de la Côte d'Ivoire). La procédure qui a précédé ce renvoi est assez complexe pour mériter d'être rapportée.
A la suite d'une condamnation de son débiteur (GEOBETON) à lui payer la somme de 99 919 969 F, la BHCI (saisissant) a pratiqué une saisie attribution entre les mains de la BOA (tiers saisi) auprès de laquelle le débiteur saisi avait deux comptes bancaires : un compte courant débiteur de 302 085 F et un compte à terme de 20 000 000 F. Le tiers saisi ne lui ayant payé que la somme de 2 697 915 F, le saisissant s'adressa au juge des référés et obtint de lui une ordonnance condamnant la BOA à lui payer la somme de 17 303 000 F sous astreinte de 100 000 F par jour de retard apporté à l'exécution de cette condamnation. Celle-ci interjeta appel de cette ordonnance devant la Cour d'appel d'Abidjan qui se déclara incompétente. La BOA forma contre cet arrêt un pourvoi en cassation devant la Cour suprême ivoirienne qui, estimant qu'il s'agissait de l'application d'un Acte uniforme de l'OHADA, renvoya l'affaire à la Cour commune de justice et d'arbitrage qui dut statuer sur les mérites de ce recours.
Au soutien de son pourvoi, la BOA faisait valoir que la Cour d'appel avait violé :
– d'une part, les articles 169 et 172 de l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d'exécution (AUVE);
– et, d'autre part, l'article 228 du code de procédure civile ivoirien.
Selon le requérant, la Cour d'appel aurait violé ces textes en considérant, dans sa motivation, que le litige opposant la BOA et la BHCI était consécutif au refus de la BOA de payer la totalité de la somme de 20 000 000 F qu'elle avait reconnu détenir pour le compte de GEOBETON lors de la signification qui lui avait été faite de la saisie attribution, que ce litige était donc une difficulté d'exécution et que, dès lors, la Cour d'appel était incompétente pour en connaître en dernier ressort. De son côté, le requérant soutenait que l'Acte uniforme n'organisant pas l'appel contre les ordonnances de référé, il fallait revenir à l'article 228 du code de procédure civile selon lequel de telles ordonnances sont susceptibles d'appel porté devant la Cour d'appel dans les formes de droit commun.
C'est à bon droit que la CCJA considère que l'article 228 du code de procédure civile ivoirien n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, celle-ci étant régie totalement par l'Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d'exécution.
La CCJA fait remarquer, par ailleurs, que les articles 169 et 172 AUVE réglementent les contestations entre le saisi et le saisissant et non celles entre le tiers saisi et le saisissant comme c'est le cas en l'espèce, lesquelles, selon elle, sont régies par les articles 49, 154 et 168 AUVE. L'argumentation de la CCJA ne nous semble pas convaincante. Nous pensons, en effet, que si les articles 154 et 168 ont vocation ont vocation à s'appliquer à l'espèce, cela est moins certain pour l'article 49.
L'article 154, alinéa 3 (le seul qui concerne notre débat, les deux autres n'ayant pas eu d'application à cette affaire) dispose que l'acte de saisie rend le tiers saisi personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation et cela ne fait aucune difficulté d'application ou d'interprétation (sauf à s'interroger si, en l'espèce, l'article 161 AUVE avait vocation à s'appliquer; mais la BOA ne l'ayant pas invoqué, nous ne le retenons pas). Mais c'est là une règle de fond et non de procédure.
Quant à l'article 168 AUVE, nous convenons également de son application à l'espèce puisque il reconnaît qu'en cas de refus de paiement par le tiers saisi des sommes dont il est ou s'est reconnu débiteur, la contestation est portée devant la juridiction compétente qui peut délivrer un titre exécutoire contre lui, étant considéré qu'il faut savoir ce qu'on entend par juridiction compétente.
Nous observerons, enfin, que l'article 49 AUVE, qui figure dans le Titre I (Dispositions générales) du Livre II relatif aux voies d'exécution a trois objets :
– il désigne, d'une façon générale, le juge des référés (dans une périphrase : "le président de la juridiction statuant en matière d'urgence…") comme compétent pour statuer sur tout litige ou demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire;
– il dispose que la décision de ce juge est susceptible d'appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé;
– il décide que le délai d'appel n'a pas, en principe, d'effet suspensif.
C'est bien cet article 49 AUVE qui fait difficulté dans cette affaire dans la mesure où il diffère, par sa rédaction, des articles 168 à 172 AUVE que la BOA avançait pour soutenir son recours en cassation. Ces trois articles traitent, en effet différemment : la compétence pour connaître des contestations relatives aux voies d'exécution et l'appel contre les décisions rendues en cette matière.
Nous pensons que les articles 169 à 172 AUVE ne traitent pas des seules contestations entre le saisi et le saisissant comme l'affirme la CCJA; elles concernent aussi le tiers saisi, non seulement parce que ces textes ne font pas une telle distinction (là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer), mais encore parce que les articles 169 (in fine), 170, alinéa 2, 171, alinéa 2 visent expressément le tiers saisi comme pouvant être le critère de détermination de la compétence territoriale (article 169), attrait devant la juridiction (article 170) ou débiteur de la somme saisie envers le saisi. Dès lors, on peut considérer que ces articles s'appliquent également aux litiges survenant entre le tiers saisi et le saisissant ou le saisi qui, de ce fait se trouvent soumis ainsi aux règles particulières de ces articles sur la compétence et les conditions d'exercice de l'appel.
On peut également tirer argument de ce que le litige pouvant concerner le tiers saisi en tant que débiteur direct des sommes saisies concerne le fond s'il ne se reconnaît pas débiteur des sommes saisies envers le saisi. Dans ce cas, l'article 49 n'a pas vocation à s'appliquer puisque ce texte ne vise que les mesures d'exécution forcée ou la saisie conservatoire, ce que n'est pas une procédure tendant à faire reconnaître le tiers saisi débiteur des sommes saisies envers le saisi par application du rapport fondamental liant ces deux personnes, c'est à dire par application de l'article 168.
D'autre part, alors que l'article 49 désigne expressément le juge des référés par une formule générique appropriée ("le président de la juridiction statuant en matière d'urgence"), l'article 168 emploie la formule "la juridiction compétente ». Cette dernière formule n'est pas un renvoi implicite ou explicite à celle de l'article 49 mais désigne, selon ce qui était convenu par les commissions nationales pour éviter de recourir à une appellation spécifique (susceptible de changer d'un Etat à un autre), la juridiction de droit commun normalement compétente pour trancher les litiges au fond.
Dès lors, on voit que ce n'est pas le juge des référés mais le tribunal de grande instance qui aurait dû trancher le litige évoqué par l'article 168.
Quoi qu'il en soit, c'est de l'appel qu'il était question dans cette affaire et la Cour d'appel d'Abidjan s'était reconnue incompétente sans qu'on sache pourquoi. Or, il ne fait pas de doute que cette juridiction était compétente que l'on prenne en considération l'article 49, alinéa 2 (en tant que juridiction d'appel de référé) ou l'article 172 (en tant que juridiction d'appel du fond). C'est pourquoi nous pensons qu'en se reconnaissant incompétente, la Cour d'appel a privé le requérant de son droit d'accès au double degré de juridiction.
Quant au délai d'appel, seul son point de départ diffère d'un article à l'autre : à compter du prononcé de la décision dans l'article 49, alinéa 2; à compter de la notification de la décision dans l'article 172. Nous ne disposons d'aucun élément de fait pour vérifier dans quelles conditions l'appel de la BOA avait été formé. Quoi qu'il en soit, s'il y avait eu méconnaissance de ces textes, la Cour d'appel aurait dû déclarer l'appel irrecevable et non se déclarer incompétente. Cela change tout car si la CCJA s'était prononcée sur la compétence de la Cour, peut-être l'affaire aurait été évoquée sur le fond parla juridiction communautaire.
Qu'il nous soit permis de faire une dernière observation. Cette affaire met en lumière les failles de la technique de formulation des règles de compétence judiciaire contenues dans les Actes uniformes. Pour éviter l'utilisation de termes spécifiques (pour les raisons précitées), on a eu recours à des expressions génériques ou des périphrases qui engendrent et entretiennent le doute ou la confusion. Il y a deux remèdes possibles pour éviter ce redoutable inconvénient qui risque de se répéter à l'infini : soit que sur avis demandé à la CCJA sur l'ensemble de ces expressions utilisées dans l'ensemble de ces Actes, elle se prononce sur leur signification exacte; soit que, dans chacun des Actes uniformes, une disposition liminaire ou finale (à introduire par adjonction pour les Actes passés comme pour ceux à venir) cette signification soit donnée expressément.
En attendant, à la demande du ministère ivoirien de la justice, ce travail de concordance a été accompli par une équipe d'experts dont on pourrait s'inspirer si la CCJA et les juridictions nationales en sont d'accord.