J-02-44
voies d'execution – saisie conservatoire – creance fondee en son principe (oui) – menace sur le recouvrement de la creance (non).
Bien qu'il résulte des éléments de la cause que le débiteur reconnaît devoir une certaine somme à son créancier sous réserve de comptes à faire entre les parties, il n'est pas établi que la créance soit exposée à un risque imminent d'insolvabilité ayant pour conséquence l'impossibilité totale de son recouvrement. Dès lors, la requête de saisie conservatoire n'est pas justifiée.
Article 54 AUPSRVE
(Cour d’appel de Port-Gentil, arrêt du 28 avril 1999, Penant 1999, p.114).
COUR D'APPEL DE PORT-GENTIL
28 avril 1999
La Cour,
Statuant sur l'appel à jour fixe régulièrement interjeté par la société EFG d'une ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal de Mouila, qui a rejeté sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à la requête de la société CAGRINO;
Les faits et la procédure antérieure sont les suivants :
Par ordonnance sur requête du 2 octobre 1998 la société CAGRINO a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire sur un certain nombre d'engins appartenant à la société EFG pour garantir une créance évaluée en principal, intérêts et frais à 254.000.000 francs;
Cette saisie a été dénoncée et suivie de la délivrance d'une assignation en validité devant le tribunal de Mouila.
Par jugement du 2 avril 1999, ce même tribunal statuant sur une exception de procédure soulevée par la société EFG rejetait la demande de nullité de l'ordonnance présidentielle autorisant la saisie conservatoire;
Cette même décision autorisait la société CAGRINO à réitérer la procédure de saisie conservatoire dans les termes de l'ordonnance du 2 octobre 1998.
Le 6 avril 1999 l'agent d'exécution du tribunal de Mouila exécutait ce jugement en pratiquant une saisie conservatoire au préjudice de la société EFG.
Cette dernière saisissait alors le juge des référés aux fins de voir ordonner la mainlevée de ladite saisie;
Par ordonnance du 12 avril, le juge saisi déboutait la société EFG de sa demande.
Appelante de cette décision, la société EFG prétend :
– que c'est en violation des conditions applicables à la saisie conservatoire, caractère certain de la créance et péril dans le recouvrement, que la société CAGRINO a fait procéder à la saisie conservatoire;
– qu'il n'y a pas de difficulté de recouvrement mais qu'en réalité elle a invité à plusieurs reprises la société CAGRINO à faire les comptes;
Elle conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance entreprise. La société CAGRINO de son côté rétorque :
– que sa créance est constituée par des arriérés de redevances dues au titre d'une convention de fermage conclue avec la société EFG.;
– que le recouvrement de celle-ci est en péril;
– que la société EFG ne subit aucun préjudice lié à cette saisie.
SUR CE
1) sur le moyen tiré du caractère certain de la créance
Considérant que les voies d'exécution sont désormais régies au Gabon par l'Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Considérant que l'article 54 de cet acte prévoit que toute personne disposant d'une créance fondée en son principe peut être autorisée à saisir conservatoirement;
Considérant qu'il résulte des éléments de la cause, notamment de ses propres écritures, que la société EFG reconnaît, sous réserve des comptes à faire entre les parties, devoir à la société CAGRINO une certaine somme d'argent;
Considérant que cet aveu est suffisant pour dire que la partie poursuivante justifie d'une créance paraissant fondée en son principe comme l'exige la loi;
que ce moyen sera donc écarté;
2) sur le moyen tiré du péril dans le recouvrement de la créance
Considérant que si l'article 54 précité dispose que pour être valable la saisie conservatoire doit se référer à une créance fondée en son principe, il prévoit cependant que la partie poursuivante puisse justifier des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement;
Considérant que le péril, selon la jurisprudence, ne peut résulter que d'un risque imminent d'insolvabilité de l'adversaire ayant pour conséquence l'impossibilité totale de recouvrement de la créance litigieuse;
Considérant qu'à l'appui de sa requête, la société CAGRINO se borne à affirmer qu'elle est créancière de la société EFG sans apporter la preuve aux débats du péril ou de la menace pesant sur le recouvrement de sa créance;
Que dès lors, le premier juge a fait une interprétation erronée des prescriptions applicables en la cause;
qu'il y a lieu par voie de conséquence de donner mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
Vu les dispositions de l'article 54 de l'Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Infirme l'ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau :
Constate que la société CAGRINO n'apporte pas la preuve aux débats du péril ou de la menace pesant sur le recouvrement de sa créance;
Donne par conséquent mainlevée de la saisie pratiquée le 6 avril 1999.
Dit que le présent arrêt sera exécutoire immédiatement même sur minute avant signification.
Condamne la société CAGRINO aux dépens liquidés à la somme de 32.500 F.
Président : M. TATY
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur, Consultant
L’article 54 AUVE permet la saisie conservatoire des biens meubles du débiteur si le créancier justifie d’une créance et de circonstances de nature à mesurer le recouvrement de cette créance.
Cette menace consiste en une insolvabilité qui s’organise ou qui est advenue ou en voie de se réalise de façon imminente ou certaine et que révèlent des faits précis (pluralité de saisies antérieures, de protêts…). Quelles que soient la forme ou la gravité de cette menace, il appartient au juge d’en apprécier l’existence et le sérieux à condition, toutefois que le requérant de la saisie conservatoire la prouve. C’est ce que rappelle la Cour d’appel de Libreville.