J-02-48
societe commerciale – dissolution amiable – suspension deSn poursuites individuelles (non)
saisie attribution – contestations – competence du juge des referes (oui)
1. Une société dont la dissolution a été décidée par les actionnaires, en application de l'article 664 AUSCGIE doit être mise en liquidation; celle-ci ne doit pas être confondue avec la procédure de liquidation des biens prévue par l’Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif.
La dissolution d'une société devant être publiée au registre du commerce pour produire ses effets à l'égard des tiers, ne peut être opposée à ces derniers si cette formalité n'a pas été accomplie comme le prévoit l'article
201 AUSCGIE.
C'est donc à tort qu’une société dissoute invoque l'article 72 AUPC pour obtenir la suspension des poursuites individuelles menées contre elle par ses créanciers.
2. La saisine du juge en vue d'empêcher l'exécution d'un titre exécutoire en raison de la mise en liquidation amiable de la société débitrice porte sur une difficulté d'exécution qui, selon l'article 433 du Code de procédure civile, relève de la compétence du juge des référés
(Cour d’appel de Ouagadougou, arrêt n° 40 du 14 septembre 1999, SONAPHARM c/ SOPAL).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ouagadougou
CABINET DU PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE
Nous, Priscille ZONGO vice présidente près le tribunal de grande instance de Ouagadougou;
Etant en notre cabinet;
Vu la requête en date du 30/08/99 de la SONAPHARM;
Vu l'ordonnance n° 403/99 du 29/08/99;
Attendu qu'en vertu de l'ordonnance susvisée la SONAPHARM (Société Nationale de Pharmacie) dont domicile est élu en l'étude de Me TOE Franceline, Avocat à la Cour, a fait donner une assignation à la Société de production d'alcool (SOPAL) représentée par maîtres ZONGO et BARRY également Avocats à la Cour, à comparaître devant le juge des référés pour voir ordonner la mainlevée des saisies pratiquées à son préjudice;
Au soutien de sa cause, la requérante, par le ministère de son conseil, expose qu'en date du 23 Juillet 1999, elle a été mise en liquidation anticipée par une délibération des actionnaires et ce, conformément aux dispositions de l'article 664 de l'Acte uniforme sur les Sociétés commerciales de l'OHADA;
Qu'au regard de sa nouvelle situation et en application de l'article 72 de l'Acte uniforme sur le redressement et liquidation judiciaire, aucune poursuite individuelle ne doit être dirigée contre elle; que c'est à tort que la SOPAL a fait pratiquer des saisies en son encontre; aussi, il convient d'ordonner la mainlevée desdites saisies;
En réplique, la SOPAL, représentée par ses conseils, fait valoir que le juge des référés est incompétent pour connaître des contestations faites sur les saisies en cause; subsidiairement, elle conclut au débouté de la requérante au motif, d'une part, que la dissolution n'a pas été publiée au registre du commerce et du crédit immobilier et ne lui est pas, par conséquent, opposable; d'autre part, que la dissolution de la SONAPHARM étant amiable, les poursuites ne sont suspendues que s'il y a eu concordat amiable;
MOTIVATION
Sur la compétence du juge des référés :
Attendu que le défendeur soutient qu'aux termes des articles 169 et 170 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d'exécution, les contestations portant sur les saisies attributions doivent être portées devant le juge du fond; que le juge des référés doit se déclarer en l'espèce incompétent;
Attendu, cependant, que la saisine du juge des référés dans la présente cause vise à empêcher l'exécution d'un titre exécutoire en raison de la mise en liquidation du débiteur; que le litige, par conséquent, porte sur une difficulté d'exécution; que l'article 433 de la loi n° 022/99/AN portant code de procédure civile dispose que le président du tribunal de grande instance connaît en la forme des référés de toute difficulté ayant trait à l'exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires; qu'en application de ce texte il convient de se déclarer compétent;
SUR LA MAINLEVEE DES SAISIES
Attendu qu'il résulte des faits de la cause que la SONAPHARM a fait l'objet d'une dissolution anticipée décidée amiablement par les actionnaires en application de l'article 664 de l'Acte uniforme sur les Sociétés commerciales et le G.I.E.;
Que s'il n'est pas contesté que la dissolution anticipée d'une société commerciale entraîne de plein droit sa mise en liquidation, il convient cependant de relever que les règles applicables à cette liquidation ne sont pas à confondre avec les règles sur la liquidation des biens prévue dans l'Acte uniforme sur le redressement et liquidation judiciaires (sic);
Qu'à cet effet, il y a lieu de se référer aux notes introductives sur la dissolution et la liquidation de la société commerciale et aux termes de l'article 203 et suivants;
Que, par conséquent, c'est à tort que la requérante en situation de liquidation amiable, invoque les dispositions de l'article 72 de l'Acte uniforme sur le redressement et la liquidation judiciaires (sic) pour obtenir la suspension des poursuites individuelles;
Attendu qu'en tout état de cause, la dissolution de la SONAPHARM n'était pas opposable au défendeur au moment où il pratiquait les saisies;
Que l'article 201 de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales énonce que la dissolution de la société n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de sa publication au registre du commerce et du crédit mobilier;
Que la requérante reconnaît que cette formalité n'était pas observée à la date de la saisie;
Qu'au regard de tout ce qui précède, il échet de la débouter de sa demande comme étant mal fondée et la condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant en matière de référé contradictoirement et en premier ressort;
– Nous déclarons compétent;
– Déboutons SONAPHARM de sa demande comme étant mal fondée;
– La condamnons aux dépens.
Donnée en notre cabinet le 14 septembre 1999
La Vice-Présidente
Priscille ZONGO
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- C'est à juste titre que le juge des référés déclare qu'il ne faut pas confondre la procédure de liquidation qui suit la dissolution d'une société (qui relève de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE) et celle qui s’ouvre par un jugement déclaratif de cessation des paiements (qui est réglée par l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif). Il en résulte que l'article 72 AUPC relatif à la suspension des poursuites individuelles menées par les créanciers contre la société dissoute n'est pas applicable en l'espèce (article
203 AUSCGIE).
De même est inopérant l’argument du créancier poursuivant (que l’ordonnance ne relève même pas) selon lequel les poursuites auraient pu être suspendue si la société débitrice avait bénéficié d’un concordat amiable. Un tel concordat n’aurait pu avoir d’effet contre le poursuivant que si celui-ci y avait consenti en accordant des délais de paiement pare exemple.
La société dissoute ne peut donc échapper à une procédure de saisie attribution, surtout si sa dissolution n'a pas été publiée au registre du commerce, ajoute le juge des référés. Qu'en eût-il été si cette formalité avait été accomplie ? L'article 201, alinéa 1er dispose que la dissolution ne produit effet à l'égard des tiers qu'à compter de sa publication au R.C. Mais cela ne signifie pas pour autant, comme le laisse entrevoir la motivation de l’ordonnance, que le créancier saisissant aurait été arrêté dans ses poursuites, car aucune règle du droit des sociétés comparable à l'article 72 AUPC n'existe dansl’AUSCGIE. Cela aurait simplement signifié qu'à partir de la publication de la dissolution, les créanciers ne peuvent plus ignorer l'existence de cette situation et doivent en tirer toutes les conséquences telles que, notamment : seul le liquidateur représente légalement la société; les actes du liquidateur ne peuvent être orientés que vers la liquidation…
2.- Pour résister à la saisie attribution pratiquée à son encontre, la société saisie avait saisi le juge des référés dont le créancier contestait la compétence en invoquant les articles 169 et 170 de l'AUVE qui, selon lui, attribuaient compétence, en cette matière précise, au juge du fond.. Sans se prononcer sur le sens de ces deux articles, le juge a décidé qu'il s'agissait là d'une difficulté d'exécution relevant de l'article 433 du code burkinabé de procédure civile reconnaissant au juge des référés, compétence pour en connaître.
A vrai dire, les articles 169 et 170 AUVE ont trait aux contestations relatives à la saisie attribution, sans autre précision. L'article 169 ne fait que déterminer la compétence territoriale de la juridiction à saisir et, de ce fait, n'intéresse pas notre discussion. Quant à l'article 170, il détermine le mode et le délai de saisine de la juridiction compétente, sans se prononcer sur ce qu'il faut entendre par l'expression juridiction compétente. En fait, la recherche de la juridiction compétente doit se faire à partir des articles 48 et 49, logés dans les dispositions générales communes à toutes les saisies. Plus particulièrement, l'article 49 indique que "la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat désigné par lui", c'est-à-dire le juge des référés. Il n'était donc nul besoin d'invoquer l'article 433 du code burkinabé de procédure civile, sauf à considérer que l'article 170 AUVE est une invitation à faire référence au texte national définissant la juridiction compétente statuant en matière d'urgence. L’article 433 du code burkinabé de procédure civile ne serait donc qu’une application de l’article 170 AUVE.
1 Sur une telle regrettable erreur, voir Ohadata J-02-47. Faisons observer que c’est improprement que le juge des référés parle de redressement et de liquidation judiciaires au lieu de redressement judiciaire et de liquidation des biens.