J-02-49
saisie conservatoire sur des remunerations – article 175 AUPSRVE – violation – nullite.
La saisie conservatoire pratiquée sur "les droits légaux" (sic) d'indemnité de départ à la retraite est faite en violation de l'article 175 AUVE en vertu duquel « les rémunérations ne peuvent faire l'objet de saisie conservatoire ».
La contestation sur la nature de la créance saisie n'étant pas sérieuse et s'agissant d'une créance de "caractère urgent" (sic), le juge des référés est compétent pour ordonner la mainlevée de la saisie
Article 175 AUPSRVE
(Tribunal de grande instance de Bobo Dioulasso, ord. référé n° 49/99 du 30 juillet 1999, Traoré M. Martin c/ CNEA).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE bobo-dioulasso
ORDONNANCE DE REFERE n° 49/99 du 30/7/1999
L'an mil neuf cent quatre-vingt dix-neuf et le trente juillet
Nous, Harouna BANCE, Juge au siège du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, tenant par délégation une audience des référés dans notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, assisté de Maître Oumarou GUITTI, Greffier, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
Vu l'assignation en référé servie par exploit de Maître Mariam KONE, Huissier de Justice à Bobo-Dioulasso le 12 juillet 1999 à la requête de TRAORE M. Martin, ex-agent du CNEA en retraite à Bobo-Dioulasso, lequel a pour Conseil Maître Boubakar NACRO, Avocat à la Cour à Bobo-Dioulasso, au Centre National d'Equipements Agricoles (CNEA) dont le siège est à Ouagadougou (ayant pour Conseil le SCPA, Conseil et Défense, Société d'Avocats 01 BP 6042 Ouagadougou) à l'effet de comparaître devant nous pour voir rétracter une ordonnance de saisie conservatoire et enfin ordonner mainlevée de la saisie pratiquée;
Le sieur TRAORE M.Martin explique que suivant procès-verbal en date du 17 juin 1999, le Centre National d'Equipements Agricoles (CNEA) a fait pratiquer saisie conservatoire sur le montant de ses droits légaux entre ses propres mains en vertu d'une ordonnance présidentielle n° 182 en date du 26 Avril 1999;
Que cependant, ladite saisie ne saurait produire d'effet suivant l'article 175 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qui précise que « les rémunérations ne peuvent faire l'objet de saisie conservatoire »;
Le CNEA, par son Conseil conclut à l'incompétence du juge des référés au motif qu'en l'espèce, il n'y a pas urgence et que le juge du fond a été saisi du litige de sorte que la décision du juge de référé préjudicierait au fond du litige;
SUR CE,
Attendu qu'au sens de l'article 25 de la loi n° 10/93/ADP du 17 Mai 1993 portant Organisation Judiciaire au Burkina Faso, le Président du Tribunal de Grande Instance peut prescrire dans tous les cas d'urgence, des mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse;
Attendu qu'en l'espèce, le CNEA a, suivant l'ordonnance présidentielle n° 182/99 du 26 Avril 1999 fait pratiquer saisie conservatoire sur les droits légaux d'indemnité de départ à la retraite du sieur TRAORE M. Martin au mépris de l'article 175 de l'Acte Uniforme ci-dessus indiqué;
Attendu que les droits saisis ont un caractère urgent et que la contestation sur leur nature n'est pas sérieuse; qu'il suit que le Juge des référés est donc compétent pour ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée;
Mais attendu que l'ordonnance présidentielle n° 182/99 du 26Avril 1999 n'est pas en cause du fait qu'elle n'indique pas les éléments sur lesquels la saisie conservatoire doit être pratiquée;
Qu'il est donc toujours loisible à la CNEA de procéder autrement pour avoir sûreté et garantie de sa créance;
Qu'il échet en conséquence de débouter TRAORE M. Martin de ce chef de demande en ce qu'il touche au fond du litige;
PAR CES MOTIFS
Statuant en matière de référé, contradictoirement et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront;
Mais dès à présent, vu l'urgence,
Nous déclarons compétent;
Ordonnons la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 17 Juin 1999;
Déboutons TRAORE M. Martin de sa demande en rétractation de l'ordonnance de saisie conservatoire n° 182/99 du 26 Avril 1999;
Mettons les dépens à la charge du Centre National d'Equipements Agricoles.
Donnée en notre cabinet
LE PRESIDENT
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
En vertu d'une ordonnance autorisant la saisie conservatoire accordée au créancier saisissant, ce dernier avait pratiqué saisie sur les droits à indemnité de départ à la retraite de son débiteur.
Se prévalant de l'article 175 AUVE, le débiteur avait saisi le juge des référés pour demander mainlevée de cette saisie conservatoire, tandis que son créancier concluait à l'incompétence du juge des référés, au motif qu'il n'y avait pas urgence et que le juge du fond avait été saisi du litige.
Pour retenir sa compétence, le juge des référés avançait que " les droits saisis (avaient) un caractère urgent et que la contestation sur leur nature (n'était) pas sérieuse ». A vrai dire, trois moyens devaient prévaloir pour emporter la décision du juge des référés sur sa compétence et la mainlevée :
– l'article 49 AUVE qui désigne le juge des référés pour connaître des difficultés d'exécution et de saisie conservatoire (voir nos observations in Ohadata J-02-48);
– l'article 175, conforté par l'article 173 AUVE selon lequel un créancier ne peut procéder à la saisie de rémunérations dues à son débiteur que s'il est muni d'un titre exécutoire, ce qui n’était pas le cas en l’espèce;
– le caractère alimentaire (et non "urgent" comme le dit la décision encore que c’est le caractère alimentaire qui, ici fait l’urgence) de l'indemnité de départ à la retraite, tous les codes du travail s'accordant pour reconnaître à tous les accessoires de salaires, primes et indemnités, la nature de salaires.
La décision de mainlevée est donc justifiée.
Le débiteur demandait également la mainlevée de l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire. Le juge des référés, constatant que cette ordonnance n'indiquait pas les biens pouvant être saisis, pouvait servir à appréhender d'autres biens et n'a pas suivi le demandeur. Cette constatation nous étonne dans la mesure où toute ordonnance autorisant une saisie conservatoire de biens corporels ou incorporels doit, à peine de nullité, préciser la nature des biens sur lesquels la saisie doit porter (article 59). Si tel n'était pas le cas, en l'espèce, le juge des référés aurait pu et dû en prononcer la nullité.