J-02-51
assurances – article 306 DU code cima – nomination d'un directeur général par intérim – soumission à l'approbation ministérielle (non).
SOCIETES COMMERCIALES – abus de biens sociaux – article 333-10 DU code cima – prêt accordé par la société à son directeur général – violation de l'article
450 AUSCGIE – délit constitué.
SOCIETES COMMERCIALES – abus de biens sociaux – article 333-10 DU code cima – paiement d'honoraires et de frais de justice pour des procès ne concernant pas la société – frais d'action sociale (non) – application de l'article
171 AUSCGIE (non) – délit constitué.
1.- Si l'article 326 du Code CIMA dispose que toute entreprise d'assurance est tenue de soumettre à l'approbation du ministre chargé des assurances, après avis conforme de la Commission, préalablement à sa réalisation, tout changement de titulaire des fonctions de Président ou de Directeur général, cette formalité n'est pas applicable à la nomination d'un Directeur général par intérim.
2.- Le fait pour le Directeur général d'une société d'assurance de bénéficier d'un prêt personnel accordé par ladite société est une violation flagrante de l'article
450 AUSCGIE et constitutif du délit d'abus de biens sociaux prévu et réprimé par l'article 330-10 du Code CIMA.
3.- Le fait pour le Directeur général d'une société d'assurance de régler indûment à des avocats, sur les deniers de ladite société, leurs frais et honoraires pour défendre les intérêts d'actionnaires qui ont demandé leurs services et non les intérêts de cette société, sans que de telles actions en justice puissent être qualifiées d'actions sociales au sens des articles 165 et suivants AUSCGIE, ne relève pas de l'article 171 de l'Acte uniforme et constitue le délit d'abus de biens sociaux prévu et réprimé par l'article 330-10 du Code CIMA
Article 306 CODE CIMA
Article 333-10 CODE CIMA
(Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, formation correctionnelle, jugement n° 860 du 10 janvier 2000, MP et UAB c/ Yaméogo Jean Vivien Alfred).
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU
(BURKINA FASO)
AUDIENCE DU 10 JANVIER 2000
Le Ministère Public c/ YAMEOGO Jean Vivien Alfred
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
Ouï le Procureur en son interrogatoire;
Ouï la Partie Civile en sa déclaration et en ses réclamations;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions;
Ouï le Prévenu et son Conseil en leurs moyens de défense;
JUGEMENT
FAITS – PRETENTIONS – MOYENS DES PARTIES
Par exploit d'huissier de justice en date du 10/09/1999, l'U.A.B., poursuite et diligence de son Directeur Général par intérim, Monsieur SORGHO Soumaïla, élisant domicile en l'Etude de Maître LOMPO O. Frédéric, Avocat à la Cour, a assigné Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred, précédemment Directeur Général de l'U.A.B., par la voie de la citation directe en qualité de prévenu pour délit d'abus de biens sociaux, devant le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou siégeant en matière correctionnelle.
Attendu qu'il est fait grief à Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred d'avoir fait débloquer une somme de 19.200.000 FCFA par chèque B.O.A. IARDT n° 0012711 du 22/02/99 pour un prétendu règlement de prêt personnel sans autorisation du Conseil d'Administration; et d'avoir fait débloquer des sommes d'argent au moyen de plusieurs chèques sur les comptes de l'U.A.B. pour régler les honoraires d'Avocats et Huissier de justice engagés par lui pour défendre soit ses intérêts dans les différents procès qui l'opposaient à d'autres actionnaires de l'U.A.B., soit ceux de certains actionnaires contre d'autres actionnaires de l'U.A.B.;
Qu'il s'agit des :
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614064 du 25/03/99 d'un montant de 4.000.000 FCFA
– chèque BICIA-B n° 433351 du 12/04/99 de 3.500.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614286 du 04/05/99 de 386.988 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 4333513 du 12/04/99 de 1.475.000 FCFA
– chèques BICIA-B sinistre n° 1224123 et 1224124 du 17/05/99 de 826.000 FCFA et 1.770.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 1224125 du 17/05/99 d'un montant de 1.534.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 1224031 de 295.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 433351 du 12/04/99 de 3.500.000 FCFA
– chèques BICIA-B sinistre n° 12614114 du 16/08/99 et n° A 2614109 d'un montant de 649.000 FCFA chacun
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614112 de 3.599.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614113 de 944.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614111 de 3.894.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2641110 de 1.829.000 FCFA
– chèque BICIA-B sinistre n° 2614108 de 79.083 FCFA;
Que toutes les sommes versées, réglées aux Conseils, n'étaient nullement dues par l'U.A.B.; que les Conseils qui ont bénéficié de ces paiements n'ont jamais été Conseils de l'U.A.B.; que la somme de 19.200.000 FCFA débloquée le 22/02/99 sans l'autorisation du Conseil d'Administration ne sont ni plus ni moins que des abus de biens sociaux prévus et punis par l'article 333-10 du code CIMA.
Comparaissant à l'audience et assisté de Maître SAWADOGO Mamadou son Conseil, Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred a soulevé l'irrecevabilité de l'action de l'U.A.B. pour défaut de qualité de Monsieur SORGHO Soumaïla, Directeur Général par intérim de l'U.A.B., sur la base de l'article 306 du code CIMA; au fond, il a plaidé non coupable en soutenant que la somme de 19.200.000 FCFA dont il a bénéficié à titre de prêt lui a été consentie au cours d'un Conseil d'Administration; que tout le personnel a bénéficié de prêt; qu'il est en train de rembourser son prêt;
Quant aux différentes sommes débloquées au profit des Conseils dans les différents procès opposant les actionnaires de la société, il soutient qu'en tant que Directeur Général de l'U.A.B., les statuts de la société l'autorisaient, conformément à l'article 171 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et GIE qui dispose que : « Les frais et honoraires occasionnés par l'action sociale, lorsqu'elle est intentée par un ou plusieurs associés, sont avancés par la société; qu'il a donc agi dans le cadre de l'action sociale »;
Qu'il n'y a donc pas abus de biens sociaux;
Reconventionnellement, il demande que SORGHO Soumaïla et l'U.A.B. soient condamnés à lui payer la somme de 30.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et professionnel que lui cause un tel procès;
Attendu que Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred a comparu à l'audience; qu'il y a lieu de rendre un jugement contradictoire à son encontre.
DISCUSSION
A - SUR L'ACTION PENALE
1) Sur LA FORME :
Attendu que Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred a soulevé l'irrecevabilité de la citation au motif que Monsieur SORGHO Soumaïla, Directeur Général de l'U.A.B. par intérim n'avait pas la qualité pour agir au nom de l'U.A.B., conformément à l'article 306 du code CIMA qui dispose que : « toute entreprise agréée en application de l'article 326, est tenue de soumettre à l'approbation du Ministre en charge du secteur des assurances dans l'Etat membre après avis conforme de la Commission préalablement à sa réalisation, tout changement de titulaire concernant les fonctions de Président ou de Directeur Général… »;
Attendu que Monsieur SORGHO Soumaïla a été nommé Directeur Général par intérim de l'U.A.B. à la suite des indélicatesses découvertes suite à la gestion de Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred; et contre lequel des poursuites ont été engagées; qu'il ne s'agit que des mesures d'urgence provisoires en attendant la nomination d'un Directeur Général titulaire;
Qu'il s'ensuit que ce moyen n'est pas fondé et qu'il échet en conséquence de déclarer la citation recevable.
2) Sur le fond :
Attendu que l'article 333-10 du code CIMA 2e et 3e dispose que : « seront punis d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 360.000 à 7.200.000 FCFA ou de l'une de ces deux peines seulement, le Président, les administrateurs, les gérants ou les directeurs généraux des entreprises non commerciales mentionnées à l'article 300, qui :
2e : de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de l'entreprise, un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement;
3e : de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient ou des voix dont ils disposaient en cette qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts de l'entreprise, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement »;
Attendu qu'il est reproché à Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred d'avoir, dans un premier temps, indûment bénéficié d'un prêt de 19.200.000 FCFA;
Attendu que l'article 450 alinéa 1er de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique dispose que : « A peine de nullité de la convention, il est interdit aux administrateurs, aux directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu'à leur conjoint, ascendants ou descendants et aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers »;
Que le prêt octroyé à Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred est une violation flagrante de l'article 450 ci-dessus cité; qu'il échet de dire que Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred commet un abus de biens sociaux portant sur la somme de 19.200.000 FCFA;
Attendu qu'il est également reproché à Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred d'avoir indûment réglé sur les deniers de l'U.A.B., des sommes d'argent à des Avocats qui ont soigné les intérêts de YAMEOGO Jean Vivien Alfred et de certains actionnaires;
Attendu que les Avocats dont il est question ont défendu les intérêts des actionnaires qui ont demandé leurs services et non les intérêts de l'U.A.B.;
Qu'il est curieux que deux groupes d'actionnaires d'une société qui s'affrontent dans un même procès que l'on soutienne qu'il s'agit d'une action sociale car, en tout état de cause, les différends opposant des groupes d'administrateurs ou d'actionnaires quant à leurs intérêts particuliers ne peuvent ouvrir droit à l'exercice de l'action sociale;
Qu'en effet, les différents procès intentés ont été faits, soit par un actionnaire, soit par un groupe d'actionnaires contre un autre groupe d'actionnaires, mais jamais pour le compte de l'U.A.B. et au nom de l'U.A.B.;
Que les actions ne peuvent être qualifiées d'action sociale et donner droit à l'application de l'article 171;
Que chaque actionnaire ou groupe d'actionnaires qui a initié des actions dans ce cadre se doit de répondre personnellement de tous les frais occasionnés;
Que Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred en faisant payer de tels frais sur les fonds de l'U.A.B. tombe sous le coup du délit d'abus de biens sociaux, prévu par les dispositions de l'article 333-10 du code CIMA.
B. – SUR L'ACTION CIVILE
Attendu que l'U.A.B. se constitue partie civile et réclame le remboursement des 19.200.000 FCFA perçus par YAMEOGO Jean Vivien Alfred et des 28.498.071 FCFA sortis des fonds de l'U.A.B.; elle réclame, en outre, la somme de 5.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts;
Attendu qu'au regard des pièces du dossier que le délit d'abus de biens sociaux est établi; que le préjudice subi par l'U.A.B. est certain et réel; qu'il y a lieu de faire droit à la constitution de partie civile de l'U.A.B., la déclarer fondée et en conséquence condamner YAMEOGO Jean Vivien Alfred à payer à l'U.A.B. la somme de 47.698.071 FCFA, représentant le montant des sommes sorties des comptes de l'U.A.B. outre celle de 500.000 FCFA à titre de dommages et intérêts.
C. – SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE MONSIEUR YAMEOGO JEAN VIVIEN ALFRED
Attendu que Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred plaide non coupable et reconventionnellement réclame la somme de 30.000.000 F pour être traduit à tort devant le Tribunal Correctionnel;
Attendu que ce moyen ne saurait prospérer, les pièces du dossier ayant permis d'asseoir sa culpabilité; qu'en conséquence, il échet de débouter Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred de sa demande reconventionnelle.
D. – SUR L'EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que l'U.A.B. traverse une période de crise; que le recouvrement rapide des sommes sorties au mépris des textes s'avère nécessaire et qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort :
EN LA FORME :
Sur l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de qualité de Monsieur SORGHO Soumaïla à agir en tant que Directeur Général par intérim de l'U.A.B.;
Le Tribunal déclare l'exception non fondée; en conséquence, déclare la citation recevable.
AU FOND :
Le Tribunal retient YAMEOGO Jean Vivien Alfred dans les liens de la prévention; le déclare coupable du délit d'abus de biens sociaux; en répression, le condamne à 360.000 FCFA d'amende ferme;
Sur l'action civile :
– Le Tribunal reçoit la constitution de partie civile de l'U.A.B.;
– En conséquence, condamne Monsieur YAMEOGO Jean Vivien Alfred à payer à l'U.A.B. la somme de 47.698.071 FCFA en principal, outre celle de 500.000 FCFA à titre de dommages et intérêts;
– Déboute l'U.A.B. du surplus de sa demande;
– Déboute YAMEOGO Jean Vivien Alfred de sa demande reconventionnelle;
– Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours;
– Condamne YAMEOGO Jean Vivien Alfred aux dépens ».
Le condamne en outre aux dépens liquidés à la somme de cent dix-sept (117) francs (!);
Et ce non compris les frais postérieurs au présent jugement;
Fixe, quant à l'amende et au paiement des frais envers l'Etat, la durée de la contrainte par corps au minimum;
Le tout par application des textes susvisés et des articles 52 du Code Pénal, 473 du Code de procédure pénale, 699 à 718 du Code de procédure pénale, dont lecture a été faite par M. le Président;
Madame le Président a donné au prévenu, le susnommé, l'avertissement prévu par l'article 697 du code de procédure pénale….
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- La nomination d'un directeur général par intérim d'une société d'assurances doit-elle être soumise à l'avis de la Commission Régionale des Assurances et à l'approbation du ministre chargé des assurances ? Non, répond le tribunal, car il s'agit d'une mesure provisoire d'urgence, en attendant la nomination d'un directeur général titulaire. Cette motivation laconique doit-elle approuvée ? La réponse est négative, si on s'en tient à la lettre, voire à l'esprit de l'article 306 dont le but est de permettre la vérification de la réunion des conditions de nomination du personnel dirigeant des assurances. La nomination d'un directeur général intérimaire ne devrait pas échapper à cette règle. Il faut reconnaître, toutefois, que deux arguments militent en faveur de la décision du tribunal :
– l'article 306 ne vise que la nomination du titulaire des fonctions de président et de directeur général; or, un intérimaire n'est pas un titulaire;
– d'autre part, la Commission et le ministre disposent d'un délai de trois mois pour se prononcer, ce qui est trop long pour des situations commandées par l'urgence.
Il serait opportun que l'article 306 du Code CIMA soit modifié pour tenir compte de telles situations.
2.- Le fait, pour le directeur général, de bénéficier d'un prêt accordé par la société qu'il dirigeait est-il constitutif d'abus de biens sociaux visé par l'article 333-10 du Code CIMA ? Pour retenir la culpabilité du directeur général, le tribunal estime qu'il y a violation de l'article
450 AUSCGIE et en déduit que le délit puni par l'article 333-10 du Code CIMA est constitué.
Il est exact que l'article
450 AUSCGIE est clair et ferme. Il interdit, sous peine de nullité de la convention, aux directeurs généraux, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société. La sanction de la violation d'une telle interdiction est civile : la nullité de la convention. Mais cette violation est-elle passible de sanctions pénales, notamment de celles de l'abus de biens sociaux ? Le tribunal retient ce délit en se contentant de dire " qu'il échet de dire que Monsieur Y. V.J.A commet un abus de biens sociaux… " sans dire en quoi les éléments constitutifs de ce délit sont réalisés et réunis en l'espèce. La motivation sur ce point est succincte pour ne pas dire indigente.
Or, l'abus de biens sociaux consiste à faire des biens ou du crédit d'une société, de mauvaise foi, un usage que l'auteur savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement. Il faut donc relever, non seulement le profit personnel de l'intéressé, mais aussi sa mauvaise foi et l'usage contraire à l'intérêt de la société, ce que ne fait pas le tribunal. Faut-il alors considérer que la seule violation de l'article
450 AUSCGIE suffit à constituer le dirigeant de mauvaise foi et à reconnaître qu'il a agi contre les intérêts de la société ? Sur la mauvaise foi, il n'y a pas de doute, mais sur la connaissance d'un usage contraire aux intérêts de la société, cela reste à démontrer.
Quoi qu'il en soit, sur le plan pénal, on se trouve confronté à un délit d'abus de biens sociaux traité sur trois plans :
– sur le plan du Code CIMA par l'article 333.10;
– sur le plan de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales, par l'article
891 AUSCGIE;
– sur le plan national, par le Code pénal de chaque Etat partie.
On risque alors d'avoir, sur le plan de l'incrimination comme sur celui de la sanction, des contrariétés de textes.
3.- Enfin, il était reproché au directeur général, d'avoir indûment réglé, sur les deniers de la société qu'il dirigeait, des sommes d'argent à des avocats qui avaient défendu les intérêts du prévenu et ceux de certains actionnaires. Pour résister à cette action, le prévenu invoquait l'article
171 AUSCGIE selon lequel " les frais et honoraires occasionnés par l'action sociale, lorsqu'elle est intentée par un ou plusieurs associés, sont avancés par la société ». Rappelons que l'action sociale est l'action en réparation du dommage subi du fait de la faute commise par le ou les dirigeants sociaux dans l'exercice de leurs fonctions (article 166 AUSCGIE). Or, relève le tribunal, les différents procès ont été faits soit par un actionnaire, soit par un groupe d'actionnaires contre un autre groupe d'actionnaires, pour la défense de leurs intérêts particuliers, mais jamais pour le compte ou au nom de la société; de ce fait, ils ne peuvent être qualifiés d'actions sociales.
Bien que le principe de ce raisonnement soit pertinent, le tribunal n'indique pas en quoi il s'agissait, par ce procès, de défendre les intérêts individuels des actionnaires et non l'intérêt social, ce qui ne permet pas de vérifier si sa motivation est exacte.