J-02-52
groupement d'intérêt économique – non fonctionnement depuis sa creation – juste motif de dissolution.
liquidateur – non designation par les statuts ou l'assemblée générale – designation judiciaire.
apports – remboursement – mission du liquidateur.
Le non-fonctionnement d'un groupement économique depuis sa création (durant onze années) constitue un motif légitime de dissolution au regard de l'article 28 des statuts de ce groupement.
A défaut d'un liquidateur prévu par les statuts ou désigné par l'assemblée des membres du groupement, un liquidateur est désigné par la juridiction compétente.
Le remboursement des apports relève de la compétence du liquidateur
(Tribunal de grande instance de Ouagadougou, jugement n° 44 du 26 janvier 2000, Zare Souleymane dit Zato c/ GIE GIPCA).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU
(BURKINA FASO)
AUDIENCE CIVILE ET COMMERCIALE DU 26 JANVIER 2000
AFFAIRE : ZARE Souleymane dit Zato c/ GIE GIPCA
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
Ouï à l'audience du 07/10/1998, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la mise en état; l'affaire a été appelée à nouveau à l'audience du 24/11/1999 pour être mise en délibéré au 26/01/2000;
Ouï les parties en leurs explications, fins, moyens et conclusions;
Attendu que par exploit d'huissier en date du 07 septembre 1998, ZARE Souleymane, membre du GIE GIPCA, a fait donner assignation audit groupement ayant pour Conseil Maître LOMPO O. Frédéric, à comparaître devant le Tribunal de céans pour :
– entendre prononcer sa dissolution;
– s'entendre condamner à lui rembourser son apport évalué à 525.000 FCFA et à lui payer 150.000 FCFA de dommages et intérêts;
– voir ordonner l'exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours;
– s'entendre condamner aux dépens;
Qu'au soutien de son action, ZARE Souleymane fait valoir que le GIE GIPCA dont il est membre n'a pas fonctionné depuis sa création; qu'au regard de l'article 28 des statuts dudit groupe, il y a lieu de prononcer sa dissolution;
Attendu que l'article susvisé des statuts du GIE GIPCA énonce en son point 4 que le groupement peut être dissout par décision judiciaire pour de justes motifs;
Qu'il est constant que l'inaction du groupement pendant onze années constitue un motif grave voire un juste motif de dissolution;
Que le GIE GIPCA, par l'entremise de son Conseil, le reconnaît d'ailleurs;
Qu'il convient d'en prononcer la dissolution;
Attendu que la dissolution du groupement d'intérêt économique, tout comme la dissolution de société entraîne sa mise en liquidation;
Qu'au regard de l'article 885 de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE, à défaut d'un liquidateur prévu au contrat ou désigné par l'assemblée des membres du groupement, un liquidateur est désigné par la juridiction compétente;
Qu'il y a lieu de désigner Maître LOMPO O. Frédéric, Avocat à la Cour, liquidateur du GIE GIPCA;
Attendu qu'étant chargé de la liquidation, la question du remboursement des apports relève de la compétence du liquidateur;
Que c'est à tort que le requérant demande le remboursement de ses apports au Tribunal; qu'il y a lieu de l'en débouter;
Attendu, par ailleurs, que le requérant sollicite l'allocation de dommages et intérêts sans indiquer la faute ni l'auteur de la faute; que la demande est injustifiée et mérite d'être rejetée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
– prononce la dissolution du GIE GIPCA;
– nomme Maître LOMPO O. Frédéric, liquidateur;
– déboute ZARE Souleymane de ses demandes.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier en chef.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- Il est rare de rencontrer des groupements dormants, du moins en jurisprudence. En voici un. L'inactivité d'un groupement est-elle un juste motif de dissolution ? La réponse du tribunal est affirmative et il faut l'approuver. A partir du moment où un GIE ne fonctionne pas, et cela depuis sa création, il ne sert à rien d'en maintenir l'existence juridique si l’un de ses membres désire en sortir et tout membre de ce groupement peut en demander la dissolution pour ne pas en rester prisonnier. On peut simplement s'étonner qu'au lieu de viser l'article 28 des statuts (et non du statut), le tribunal ne se soit pas contenter de viser le seul article
883 AUSCGIE. On peut également regretter que les autres membres du GIE n’aient pas été entendus; peut-être auraient-ils souhaité maintenir le GIE sans le demandeur.
2.- Aucune disposition statutaire n'organisant la désignation d'un liquidateur et aucune décision de l'assemblée générale n'ayant été prise à ce sujet (et pour cause !), le tribunal désigne lui-même un liquidateur. Certes, l'article
885 AUSCGIE prévoit un tel mode de désignation, à défaut de disposition statutaire à cet effet, mais uniquement si l'assemblée générale n'a pu procéder à cette nomination. Ne fallait-il pas s'assurer, préalablement, de cette impossibilité ?
3.- Le membre du GIE, demandeur de la dissolution judiciaire, peut-il obtenir du tribunal saisi de cette demande, le remboursement de son apport ? Le tribunal répond, fort justement, par la négative. Le remboursement d'un apport en numéraires ne peut se faire qu'après la réalisation de l'actif et l'apurement du passif, toutes ces opérations étant à la charge du liquidateur qui, en fin de compte, remboursera à chaque membre son apport, totalement ou partiellement, selon le résultat de ces opérations. Ce n'est qu'en cas de refus du liquidateur de faire ce remboursement que la justice pourra être saisie.