J-02-53
SAISIE GAGERIE – SAISIE CONSERVATOIRE – saisie vente.
Une saisie gagerie pratiquée sur les meubles meublants d'un locataire par le bailleur équivaut à une saisie conservatoire prévue par l'article 54 AUPSRVE. Elle peut donc être transformée en saisie vente.
(Tribunal de grande instance de Ouagadougou, jugement n° 266 du 12 avril 2000, Lompo née Ouedraogo Talata c/ Deloche Danielle).
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU
(BURKINA FASO)
AUDIENCE DU 12 AVRIL 2000
AFFAIRE : LOMPO née OUEDRAOGO Talata c/ Danielle DELOCHE
LE TRIBUNAL
FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS DES PARTIES
En vertu d'une ordonnance présidentielle n° 222/99 rendue le 06 avril 1999, au bas d'une requête présentée le même jour, Madame OUEDRAOGO Talata épouse LOMPO pour laquelle domicile est élu en l'étude de Maître Franceline TOE-BOUDA, Avocat à la Cour, a fait pratiquer saisie gagerie suivant procès-verbal du 25 mai 1999 sur les biens meubles et les effets mobiliers appartenant à Madame Danielle DELOCHE, pour sûreté et obtenir paiement de la somme de 6.750.000 francs représentant le montant d'arriérés de loyer de janvier à décembre 1997, janvier à décembre 1998 et janvier à mars 1999 et par exploit de Maître Aly DAO en date du 04 juin 1999, l'a assignée en validité devant le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou pour voir :
– valider la saisie gagerie pratiquée sur les biens meubles appartenant à Madame Danielle DELOCHE;
– ordonner la conversion de ladite saisie en saisie vente ou saisie exécution avec toutes les conséquences de droit et condamner la défenderesse aux dépens;
A l'appui de ses prétentions, Madame OUEDRAOGO Talata épouse LOMPO soutient qu'elle a donné à bail à Madame DELOCHE Danielle, une villa sise au secteur 28 moyennant un loyer mensuel de 250.000 francs;
Que celle-ci lui serait redevable d'arriérés de loyer de janvier 1997 à mars 1999, soit une somme de 6.750.000 francs;
Que craignant que cette dernière n'organise son insolvabilité ou ne se soustraie aux poursuites, elle aurait fait pratiquer la saisie dont elle poursuit la validation;
Madame DELOCHE Danielle, quoique assignée à sa personne, n'a ni conclu ni produit de moyens de défense;
L'affaire appelée à l'audience du 16/06/1999 a été renvoyée successivement au 11/08/1999, au 25/08/1999, au 27/10/1999; à ladite audience, le dossier était mis en délibéré pour le 1er décembre 1999, prorogé au 15 décembre 1999 puis au 04 et au 12 avril 2000. Advenue cette date, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
DISCUSSION
EN LA FORME :
Attendu que Madame OUEDRAOGO Talata épouse LOMPO a régulièrement saisi le Tribunal à l'effet de voir valider la saisie gagerie pratiquée le 25 mai 1999;
Attendu qu'elle a capacité, qualité et intérêt à agir en la cause;
Attendu en conséquence que son action mérite d'être déclarée recevable;
AU FOND :
Sur la créance :
Attendu que la créance de Madame OUEDRAOGO Talata épouse LOMPO apparaît certaine, liquide et exigible;
Attendu en effet que la saisie gagerie a été pratiquée en vue d'obtenir sûreté et paiement de la somme de 6.750.000 francs due au titre d'impayés de loyers;
Que la débitrice assignée à sa personne n'a pas contesté la créance, pas plus qu'elle n'a réagi suite à la saisie;
Attendu que le bail a été conclu verbalement;
Que dès lors, le bailleur est bien fondé à réclamer paiement des loyers en souffrance;
Qu'il convient de faire droit à sa demande et de condamner Madame Danielle DELOCHE à lui payer la somme de 6.750.000 francs en principal outre intérêts et frais;
Sur la validité :
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte uniforme de l'OHADA du 10/04/1998 : " toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile du défendeur ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstance de nature à en menacer le recouvrement »;
Attendu en l'espèce que la saisie a été régulièrement pratiquée suivant procès-verbal du 25 Mai 1999, après une autorisation donnée à cet effet par le Président du Tribunal;
Que l'assignation en validité a été servie dans les délais requis et que le procès-verbal de saisie ne souffre d'aucune irrégularité de forme ou de fond;
Attendu qu'il convient de la déclarer bonne et valable et la convertir en saisie vente avec toutes les conséquences de droit;
Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens;
Qu'en l'espèce il convient de mettre des dépens à la charge de Madame DELOCHE Danielle.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
EN LA FORME :
Déclare Madame LOMPO née OUEDRAOGO Talata recevable en son action;
AU FOND :
Déclare bonne et valable la saisie gagerie pratiquée le 25 mai 1999 et la convertit en saisie vente;
Autorise en conséquence la vente aux enchères publiques des biens et effets saisis après accomplissement des formalités prescrites par la loi;
Dit que le produit de la vente sera reversé entre les mains de Madame LOMPO née OUEDRAOGO Talata en déduction ou jusqu'à concurrence du montant de sa créance en principal, intérêt et frais;
Condamne Madame Danielle DELOCHE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé, le Président et le Greffier en chef.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Bien que ne faisant plus partie des saisies organisées par le nouveau droit uniforme des voies d'exécution, la saisie gagerie peut être assimilée à la saisie conservatoire des meubles prévue par l'article 54 AUVE. Il est heureux que personne (ni les parties, ni le Tribunal) n'ait songé à évoquer la nullité d'une telle procédure. Eût-elle été invoquée, une telle demande n'aurait pu prospérer (nous l'espérons), puisqu'une telle saisie remplit toutes les conditions de forme et de fond de la saisie conservatoire de l'article 54 AUVE. Espérons seulement que les plaideurs s'empresseront d'effacer l'expression "saisie gagerie" des formulaires de procédure en les adressant au juge.