J-02-54
saisie conservatoire – conversion en saisie vente – violation de l'article 70 auPSRve (non) – nullité du procès-verbal de recollement (non).
saisie conservatoire – conversion en saisie vente – vente amiable des biens saisis – violation de l'article
111 AUPSRVE (non) – nullité de la conversion (non).
1.- C'est en vain que le débiteur saisi conteste la validité d'un procès-verbal de recollement d'objets saisis en invoquant la violation de l'article 70 AUPSRVE, ce texte n'étant assorti d'aucune nullité comme sanction.
2.- La sanction de nullité prévue par l'article
111 AUPSRVE ne s'applique qu'au procès-verbal de saisie vente et non au procès-verbal de recollement;
(Cour d'Appel de Ouagadougou, ordonnance de référé n°29/00 du 18 mai 2000, Kondé Salif c/ Pascale Berta).
BURKINA FASO
Cour d'appel de OUAGADOUGOU
CABINET DU PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE N° 29/00
Nous, Marc ZONGO, Conseiller à la Cour d'Appel de Ouagadougou;
Assisté de Maître TRAORE Karidiatou, Greffier en Chef près la Cour d'Appel de Ouagadougou;
Etant en notre Cabinet,
Dans l'affaire :
KONDE Salif, ayant pour Conseil Maître Moussa SOGODOGO, Avocat à la Cour;
c/
Pascale BERTA, représentée par Maître Antoinette OUEDRAOGO, Avocat à la Cour;
Vu l'ordonnance n° 167/CAB/PR du 21 mars 2000;
Vu l'acte d'appel en date du 5 avril 2000;
Pour faire suite à un arrêt de la Cour d'Appel de Ouagadougou en date du 16 avril 1999 qui condamnait KONDE Salif à payer à Pascale BERTA la somme de 2.515.000 F et convertissait une saisie conservatoire pratiquée par le créancier en saisie exécution, un procès-verbal de recollement était servi à KONDE Salif le 9 février 2000.
Ce dernier saisissait alors le Juge des référés pour voir constater la nullité du procès-verbal de recollement du 9 février 2000 pour violation de l'article 70 de l'Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution.
Le 21 mars 2000, le Juge des référés déboutait KONDE Salif de sa demande comme étant mal fondée, car il est de principe qu'il "n'existe pas de nullité sans texte ».
Contre cette décision, KONDE Salif relevait appel en soutenant, d'une part, que la jurisprudence admettait le principe de la nullité sans texte et, d'autre part, qu'il y aurait eu violation de la loi, notamment des articles 70 et 111 de l'Acte uniforme suscité et qu'enfin, il aurait subi un préjudice dû au comportement arbitraire de Pascale BERTA.
Maître Antoinette OUEDRAOGO, Conseil de l'intimée, conclut à la confirmation pure et simple de l'ordonnance attaquée.
Attendu que dans le cas d'espèce, il ressort des débats et des pièces versées au dossier qu'aucun texte de loi ne prévoit de nullité pour violation des dispositions de l'article 70 de l'Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Que les dispositions de l'article 111 du même Acte dont se prévaut KONDE Salif sont relatives au procès-verbal de la saisie vente ou saisie exécution et non au procès-verbal de recollement qui vient se greffer à la procédure déjà en cours;
Qu'en outre, s'agissant du principe de "nullité sans texte" qui serait admis par la jurisprudence et qui est évoqué par l'appelant, il n'en est rien d'autre en réalité que des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte;
Que de fait, ces cas de nullité pour vice de forme sont prévus par les articles 141 et suivants du code de procédure civile;
Que s'agissant enfin du préjudice qu'aurait subi KONDE Salif du fait de l'irrégularité de la procédure ne semble pas non plus prouvé;
Qu'en effet, un commandement de payer a été servi depuis le 8 décembre 1998 et le procès-verbal de recollement n'est intervenu que le 9 février 2000;
Que celui-ci disposait d'un temps assez raisonnable pour organiser la vente à l'amiable des biens saisis, de concert avec son Conseil, s'il était véritablement animé de l'intention réelle de régler sa dette;
Qu'il résulte de tout ce qui précède, que le premier Juge a fait une bonne appréciation des faits de la cause et sa décision mérite d'être confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, en matière de référé;
EN LA FORME :
Déclarons l'appel de KONDE Salif recevable;
AU FOND :
Confirmons l'ordonnance n° 167/CAB/PR, rendue le 21 mars 2000 en toutes ses dispositions.
Mettons les dépens à la charge de KONDE Salif.
Donnée en notre Cabinet le 18 mai 2000.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
1.- C'est en vain que le débiteur saisi invoquait la nullité du procès-verbal de recollement pour violation de l'article 70 AUVE, ce texte ne comportant absolument pas, expressément ou implicitement, une telle sanction. Dès lors, il était inutile pour le débiteur, de défendre le prétendu principe selon lequel il y aurait des nullités sans texte.
Pourtant, la Cour entre dans son jeu en déclarant que si un tel principe existe, il ne pourrait s'appliquer qu'aux irrégularités de fond affectant la validité de l'acte et qu'en outre, les cas de nullité pour vice de forme sont prévus par les articles 141 et suivants du code (burkinabé) de procédure civile. On ne peut accueillir cette argumentation qu'avec les plus expresses réserves. En effet, qu'il s'agisse de vices de forme ou de fond affectant les actes visés par le droit uniforme, seul l'Acte uniforme sur les voies d'exécution l'emporte s'il est en conflit avec le droit national. L'article 336 AUVE et l'avis de la CCJA n°1/99/JN du 7 juillet 1999 sont explicites sur ce point.
Pour en revenir au texte de l'Acte uniforme, il faut relever que dans l'article 70, alinéa 2, il est prévu qu'il doit être donné connaissance au débiteur saisi, de sa faculté de vendre les biens saisis à l'amiable, mais cette formalité n'est assortie d'aucune sanction. Cela paraît curieux, car l'article 111 qui exige la même formalité en prévoit la sanction : la nullité, ce qui nous amène à discuter de ce texte.
2.- Le débiteur invoquait, en outre, la violation de l'article 111 AUVE pour, si on en juge par la motivation de l'arrêt, non respect de la mention selon laquelle il disposait d'un délai d'un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis. La Cour d'Appel rejette ce second moyen en déclarant :
– qu'une telle formalité ne concerne que le procès-verbal de saisie vente et non le procès-verbal de recollement, seul acte dont le débiteur demandait l'annulation;
– que le débiteur disposait de deux mois (délai séparant le commandement du procès-verbal de recollement) qu'il aurait pu mettre largement à profit pour organiser la vente amiable des biens saisis, s'il était vraiment animé de l'intention de régler sa dette.
A vrai dire, l'article 111 AUVE figure parmi les dispositions communes à toutes les opérations de saisie (conservatoire ou vente), donc à tous les procès-verbaux de saisie. Certes, le procès-verbal de recollement n'est pas à proprement parler un procès-verbal de saisie, mais un acte préparatoire à la saisie vente. En aucune façon il ne peut être soumis à l'article 111 AUVE, qui ne concerne que les actes de saisie proprement dits.
Le second motif de la Cour mérite plus d'attention : il implique que, même en l'absence de respect de la formalité de l'article 111 AUVE, le débiteur peut user de sa faculté de vendre les meubles saisis à l'amiable, en se conformant aux dispositions des articles 115 à 119 AUVE. Un tel raisonnement doit être approuvé, à condition, toutefois, que le débiteur ait connaissance de cette faculté. Nous pensons que, du fait qu'il était assisté par un Conseil, il ne pouvait ignorer cette possibilité. Mais qu'en sera-t-il dans le cas où un débiteur sera sans assistance ? C'est pourquoi nous pensons qu'il convient de prononcer la nullité de l'acte de saisie pour non-respect de l'article 111 AUVE, quelles que soient les circonstances de l'espèce.
Signalons, tout de même, que la Cour n'avait nulle raison d'entrer dans l'analyse de l'article 111 AUVE puisque, de son propre aveu, ce texte ne s'appliquait pas à cette affaire.