J-02-68
voies d'exécution – injonction de payer – signification de l'ordonnance d'injonction de payer – absence de certaines mentions dans la signification – nullité (non) – violation de l'article 8 auPSRve (non).
saisie attribution – action en contestation – contestation fondée sur la nullité de la signification de l'injonction de payer – rejet.
C'est à bon droit qu'une Cour d'appel saisie d'une contestation de saisie attribution, rejette le moyen tiré de la nullité de la signification d'une ordonnance d'injonction de payer sur laquelle la saisie attribution était fondée.
(CCJA, arrêt n° 15/2002 du 18 avril 2002, SAFA c/ Souleymane Ali, Le Juris OHDADA, n° 3/2002, juillet-septembre 2002, p. 25, note.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 29).
(OHADA)
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage
(C.C.J.A.)
Audience Publique du 18 avril 2002
Pourvoi n° 019/2001/PC du 9 octobre 2001
Affaire : Compagnie d'Assurances Solidarité Africaine d'Assurances dite SAFA
Conseil : la SCPA ADJE-ASSI-METAN, Avocats à la Cour
Contre
Souleymane Ali
Conseil : Maître FANNY Mory, Avocat à la Cour.
ARRET N° 015/2002 du 18 avril 2002
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A.) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 18 avril 2002 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-Président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge-rapporteur
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le pourvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'Harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l'affaire Compagnie d'Assurances Solidarité Africaine d'Assurances dite SAFA contre Souleymane Ali par Arrêt n° 227 du 8 juin 2000 de la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE, Chambre judiciaire, Formation civile, saisie d'un pourvoi initié le 8 juin 2000 formé par la SCPA ADJE-ASSI-METAN, Avocats à la Cour, demeurant 59, rue des Sambas Résidence "Le Trèfle", 01 B.P. 6568 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie d'Assurances Solidarité Africaine d'Assurances, dite SAFA, enregistré sous le n° 2000-227 civ du 8 juin 2000, contre l'Arrêt n° 479 rendu le 11 avril 2000 par la Cour d'Appel d'Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
– Reçoit la SAFA en son appel relevé du jugement n° 6 rendu le 18 janvier 2000 par le Tribunal de première instance d'Abidjan;
– L'y dit mal fondé, l'en déboute;
– Confirme le jugement querellé;
– Condamne l'appelant aux dépens. »
La requérante a invoqué à l'appui de son pourvoi initié devant la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE, le moyen unique tel qu'il figure à l'acte de pourvoi en cassation comportant assignation à comparaître devant la Cour Suprême annexé au présent Arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE;
Vu les dispositions des articles 14, 15 et 16 du Traité susvisé;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier de la procédure que pour recouvrer des sommes allouées en réparation d'un dommage corporel subi à la suite d'un accident de la circulation, Souleymane Ali a obtenu à l'encontre de la SAFA l'ordonnance d'injonction de payer la somme de 17.647.227 francs CFA, rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan le 31 mars 1999 sous le numéro 1806/99; que cette ordonnance ayant été signifiée à la SAFA le 7 avril 1999, Souleymane Ali faisait pratiquer saisie-attribution le 4 mai 1999 sur les comptes bancaires de la défenderesse à qui ladite saisie était dénoncée le 5 mai 1999; que le 16 juin 1999, celle-ci initiait une action en contestation de la saisie opérée; que, par jugement n° 16 Civ 5 du 18 janvier 2000, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan déclarait l'action en contestation de saisie irrecevable pour cause de forclusion; que sur appel de la défenderesse, la Cour d'appel d'Abidjan confirmait le jugement cité ci-dessus par arrêt n° 479 du 11 avril 2000 qui fait l'objet du présent pourvoi;
Sur le moyen unique
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé l'article 8 de l'Acte uniforme relatif à l'organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, en ce que la Cour d'appel n'a pas constaté la nullité absolue de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer qui ne contenait pas certaines mentions et ne donnait pas certaines indications prescrites à peine de nullité, alors que, compte tenu de cette nullité de la signification, le délai pour faire opposition est censé n'avoir jamais couru, de sorte qu'il était toujours possible de former ledit recours et qu'il s'infère de ce qui précède que l'opposition faite par le requérant le 27 août 1999 est valable comme intervenue dans les délais;
Mais attendu que l'article 8 de l'Acte uniforme susvisé s'applique à la signification de la décision portant injonction de payer alors que la Cour d'appel était saisie d'un recours dirigé contre un jugement ayant statué sur une action en contestation d'une saisie attribution; que c'est donc avec juste raison, qu'ayant constaté « que les arguments développés par l'appelant concernent une toute autre procédure, à savoir l'opposition à injonction de payer », elle a estimé que l'appel de la SAFA était mal motivé et que le jugement querellé devait être confirmé; qu'il s'ensuit que, la Cour d'appel n'ayant en rien violé l'article 8 de l'Acte uniforme susvisé, le pourvoi doit être rejeté;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
– Rejette le pourvoi formé par la SAFA;
– Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Greffier en chef Le Président
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
La victime d'un accident de la circulation ayant subi des dommages corporels avait obtenu, contre l'assureur de l'auteur de ces dommages, une ordonnance d'injonction de payer la somme de 17.647.227 francs CFA.
Bien que l'arrêt de la CCJA ne le précise pas, on peut raisonnablement supposer que cette somme a été le résultat d'une conciliation entre la victime et l'assuré (articles * et suivants du Code CIMA); en effet, s'il n'y avait pas eu conciliation, le litige aurait été réglé par une décision de justice au fond (article *du Code CIMA) excluant le recours à l'injonction de payer; c'est l'occasion d'exprimer le regret que ce procès verbal de conciliation ne soit pas revêtu de la force et de la formule exécutoire, ce qui a obligé la victime à recourir à justice. L'ordonnance rendue en sa faveur fut signifiée à l'assureur mais, prétendait ce dernier, requérant au pourvoi, sans respecter les mentions précitées par l'article 8 AUVE et sans que des données disponibles dans cet arrêt, on puisse savoir quelles mentions avaient été omises ou irrégulièrement inscrites.
Quoi qu'il en soit, muni d'une ordonnance d'injonction, sans doute revêtue de la formule exécutoire , la victime avait fait pratiquer une saisie attribution sur les comptes bancaires de l'assureur qui contesta la saisie opérée en invoquant la nullité de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer comme dit plus haut.
La Cour d'appel d'Abidjan confirmant la décision du premier juge, rejeta ce moyen en invoquant le fait qu'elle avait été saisie d'une contestation de saisie attribution et non de signification d'ordonnance d'injonction de payer.
Le requérant forma un pourvoi contre cet arrêt pour violation de l'article 8 AUVE que la CCJA rejeta en validant le raisonnement et la décision de la Cour d'appel.
Il est vrai que le requérant au pourvoi eût été plus avisé s'il avait fondé son grief contre l'article 153 AUVE au lieu de l'article 8 du même Acte uniforme, encore que les deux textes soient liés. En effet, l'article 153 n'admet la saisie attribution que si elle est fondée sur un titre exécutoire; l'injonction de payer avait-elle cette qualification ? A le supposer, on doit donc conclure que le juge qui permet l'apposition de la formule exécutoire a bien vérifié si les conditions de l'article 8 AUVE avaient été respectées, faute de quoi, cette erreur grossière expose l'Etat à une responsabilité du fait de la faute de service de ses fonctionnaires, fussent-ils magistrats, et les huissiers ayant instrumenté une signification irrégulière, à une responsabilité professionnelle. On peut également se demander si l'exception de nullité du titre exécutoire ne peut être soulevée pour soutenir une contestation de saisie attribution reposant sur un tel titre entaché de nullité; nous pensons que oui.
De cette décision, nous retenons que :
– les débiteurs faisant l'objet d'ordonnances d'injonction de payer doivent se montrer vigilants et diligents dans l'exercice des voies de recours contre de telles décisions;
– les huissiers doivent respecter les formes imposées par la loi pour la régularité des actes qu'ils instrumentent, sous peine de voir leur responsabilité civile engagée;
– les magistrats chargés de l'apposition de la formule exécutoire doivent vérifier si la régularité formelle des titres qui leur sont soumis est respectée, sous peine d'engager la responsabilité de l'Etat par leur faute de service.
1 Article 8 AUVE :
"A peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d'avoir : soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé;
soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.
Sous la même sanction, la signification :
indique le délai dans lequel l'opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite;
avertit le débiteur qu'il peut prendre connaissance, au greffe de la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d'injonction de payer, des documents produits par le créancier et, qu'à défaut d'opposition dans le déali indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes les voies de droit à payer les sommes réclamées."
2 La saisie attribution n'est possible que si le saisissant est titulaire d'un titre exécutoire (article 153 AUVE).